II. AUDITION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR L'INVESTISSEMENT ET DES REPRÉSENTANTS DU MINISTÈRE DE LA CULTURE

Réunie le mercredi 20 mars 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'audition de M. Bruno BONNELL, secrétaire général pour l'investissement, Mme Florence PHILBERT, directrice générale des médias et des industries culturelles, et Mme Sophie ZELLER, cheffe de service, adjointe au directeur général de la création artistique, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives : des moyens considérables, une logique de guichet, un contrôle insatisfaisant 2017-2023.

M. Claude Raynal, président. - Le Premier président de la Cour des comptes vient de nous présenter les principales conclusions de l'enquête réalisée à la demande de notre commission, en application du deuxième alinéa de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), sur les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Cour est assez sévère.

Il est donc particulièrement intéressant d'entendre dans un second temps ce qu'auront à dire nos invités pour cette table ronde, à savoir M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement, que nous avons reçu il y a peu de temps, Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, ainsi que Mme Sophie Zeller, adjointe au directeur général de la création artistique.

Les rapporteurs spéciaux vont s'exprimer brièvement dans un premier temps. Je donnerai ensuite la parole aux intervenants, puis à nos collègues pour un temps d'échange.

Je rappelle enfin que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Comme le président Raynal vient de le rappeler, nous avons demandé à la Cour des comptes, au titre du deuxième alinéa de l'article 58 de la Lolf, la réalisation d'une enquête relative aux crédits dits exceptionnels. En effet, la Cour a montré dans son enquête le caractère exceptionnel non pas tant de ces crédits que de leur exécution. Les programmes d'investissements d'avenir (PIA) sont généralement présentés comme des outils souples et agiles, ce qui justifie leur gestion dérogatoire, notamment le faible contrôle que le Parlement exerce sur ces financements.

Mais, nous l'avons déjà dit devant cette commission, il existe plusieurs cas où les moyens mobilisés dans le cadre des PIA ou du programme France 2030 ont pu davantage combler des besoins de financement sur des projets déjà identifiés que favoriser des dispositifs réellement innovants. L'exemple typique à cet égard est celui du financement des travaux de Villers-Cotterêts et du Grand Palais par des crédits du PIA 3. Pourquoi avoir fait le choix de rattacher ces montants au PIA et non pas tout simplement à la mission « Culture » ?

Je voudrais m'attarder sur un autre aspect. Dans le cadre du plan de relance, alors même que le ministère a pu avoir connaissance de crédits alloués à des acteurs ne remplissant pas les conditions d'attribution, il n'existe pas de mécanisme de récupération des indus. La Cour relève deux cas seulement où le Centre national du livre (CNL) et le Centre national du cinéma (CNC) ont émis des titres de recouvrement auprès de bénéficiaires d'aides du plan de relance.

La Cour indique que « le faible empressement tant du ministère que des opérateurs à recouvrer les crédits non consommés du Plan de relance ou dont l'usage ne remplit pas les conditions initialement fixées est une source d'étonnement ». Nous partageons cet étonnement, je dois bien l'avouer.

Ma question s'adresse donc aux représentants du ministère de la culture : pouvez-vous nous préciser si le ministère dispose d'une évaluation des sommes qui auraient dû être restituées ? Pourquoi ne pas avoir davantage cherché à les récupérer ?

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Le Premier président de la Cour des comptes vient de nous dresser un tableau assez sombre de la gestion des PIA, du plan de relance et de France 2030. Vous avez eu cette enquête et vos services ont vraisemblablement participé à sa phase contradictoire. Je ne vais donc pas m'appesantir.

Je voudrais revenir sur une expression utilisée régulièrement par la Cour et qui me semble au coeur de la réflexion que nous devons avoir, celle de « pilotage par la dépense ».

Je vais ainsi donner l'exemple de deux appels à projets gérés respectivement par la Caisse des dépôts et consignations et par Bpifrance. La Cour souligne que les investissements n'ont parfois qu'un lien distant, pour ne pas dire inexistant dans certains cas, avec le secteur culturel.

Sur le premier appel à projets, plus d'un tiers des entreprises ayant bénéficié de financements ont d'ores et déjà fait faillite, moins de cinq ans plus tard. Sur le second, parmi les prises de participation, l'une concernait une entreprise dans le Delaware et une autre a perdu depuis lors la quasi-totalité de sa valeur. En outre, Bpifrance a également investi dans un fonds spécialisé, entre autres choses, dans les aliments pour chiens et chats, le foie gras de synthèse et la fabrication robotisée de pizzas. Nous sommes loin du monde de la culture...

Comment des opérateurs pourtant expérimentés peuvent-ils afficher un bilan aussi catastrophique ? C'est tout simplement parce que les financements alloués l'ont été sans analyse préalable des besoins. L'enjeu pour les opérateurs est de pouvoir afficher des investissements importants, dont le déblocage s'inscrit bien souvent dans le cadre de grandes annonces présidentielles. Peu importe si l'intendance ne suit pas, c'est-à-dire si le besoin n'existe pas...

Prenons l'exemple de « La Grande fabrique de l'image », qui finance la création de grands studios de cinéma. La Cour des comptes indique au sujet de ce dispositif, doté d'un budget de 350 millions d'euros dans le cadre du plan France 2030, que « le cinéma, l'audiovisuel, l'image animée ou le numérique sont clairement privilégiés » par rapport aux autres industries culturelles. Pourriez-vous nous le confirmer ? Comment rééquilibrer les efforts demandés entre les différentes filières culturelles ? Sur la base de quels critères les financements accordés à la filière cinématographique, qui ne manque pourtant pas de subsides publics, c'est le moins que l'on puisse dire, ont-ils été fixés ?

La Cour nous indique également que la conception de l'appel à projets « La Grande fabrique de l'image » reposait notamment sur une analyse des besoins confiée par le Centre national du cinéma et de l'image animée au cabinet McKinsey. Pensez-vous aujourd'hui que le dimensionnement du projet est pertinent au regard du nombre de tournages réalisés en France ?

Étant intéressé par la plupart des dispositifs cités par la Cour des comptes en ma qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je pourrais continuer longtemps, mais je préfère céder la parole et laisser la discussion suivre son cours.

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Une chose est sûre : certains des constats que dresse la Cour des comptes doivent nous permettre d'améliorer le pilotage des programmes 'd'investissements d'avenir.

Cela étant, je note que la Cour met en avant les « effets positifs indéniables » qu'ont pu avoir certains dispositifs mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance. Les financements accordés aux filières culturelles, pour la plupart en grande difficulté du fait de la crise sanitaire, ont permis à de nombreux acteurs de survivre. Concernant le spectacle vivant, Vincent Éblé et moi-même avons entendu les professionnels de nombreux théâtres et opéras tout au long des travaux que nous avons menés : nos auditions ont permis de mettre en lumière la nécessité de ces crédits pour soutenir ces projets.

Je tiens à revenir sur la question de la sous-consommation persistante de crédits alloués à un certain nombre de dispositifs des PIA 1 et 3. En réalité, les crédits réellement consommés représentent moins d'un quart des crédits issus du PIA 1, activés depuis 2017. Ces données tendent donc à relativiser le chiffre de 3 milliards d'euros de crédits exceptionnels. Pourriez-vous toutefois, monsieur Bonnell, nous donner les raisons de cette sous-consommation ?

Au-delà des principaux motifs pour lesquels la majorité des crédits sont accordés dans le cadre du plan de relance - urgence, attribution de subventions, etc. -, il faut noter la création du programme « Mondes nouveaux », doté de 30 millions d'euros, et destiné aux jeunes créateurs. Si la Cour des comptes souligne l'intérêt de ce programme de commandes artistiques, elle indique aussi que l'opération « a souffert d'un défaut de visibilité et de médiation », notamment parce qu'elle a été menée sans l'expertise des réseaux traditionnels de soutien à la création culturelle que sont les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les fonds régionaux d'art contemporain (Frac).

Madame Zeller, quel bilan dressez-vous du dispositif « Mondes nouveaux » et que répondez-vous aux critiques de la Cour ? Qu'en est-il du deuxième volet du programme, qui devrait débuter prochainement ?

M. Michel Canévet. - Je vous poserai deux questions, monsieur le secrétaire général pour 'l'investissement.

Dans son rapport, la Cour des comptes indique que « le plan "France 2030" se caractérise par une grande lourdeur des processus décisionnels et par un éparpillement de l'information, qui rendent complexe un suivi rigoureux. » Ce constat s'applique-t-il exclusivement aux industries culturelles et créatives ou cela vaut-il également pour l'ensemble des politiques pilotées par le secrétariat général pour 'l'investissement ?

Ma seconde question porte sur la recommandation n° 6 de la Cour, qui considère qu'il convient de « prévoir une procédure explicite de restitution ou de réallocation des crédits exceptionnels non utilisés ». Qu'en est-il dans les faits, puisqu'il semblerait, selon nos rapporteurs spéciaux, qu'il existe une sous-consommation notable des crédits ? Des dispositions particulières ont-elles été prises pour récupérer et réaffecter ces crédits à d'autres programmes, ou sont-ils tout bonnement supprimés ?

M. Marc Laménie. - Permettez-moi tout d'abord de saluer le travail de la Cour et de nos trois rapporteurs spéciaux.

Les dispositifs dont il est question aujourd'hui sont extrêmement complexes, 'au point que l'on a parfois du mal à s'y retrouver.

Rappelons-nous que les différents plans de relance ont été engagés à compter de 2020 ; à cet égard, il faut reconnaître que la vie culturelle et associative, au sens large, a été durement frappée par la crise.

La semaine dernière, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole - une large part des bénévoles travaillent dans le secteur culturel - et à simplifier la vie associative. Alors que, pour tenter d'obtenir quelques subsides ou subventions, les petites associations ont bien du mal à constituer leurs dossiers de financement, on observe, en comparaison, que plusieurs millions, voire plusieurs milliards d'euros sont injectés dans les secteurs de la culture et des industries créatives.

Ce tableau s'obscurcit davantage encore quand on s'aperçoit qu'il existe une sous-consommation des crédits des PIA. Il est en outre très difficile de s'y retrouver dans le maquis des divers opérateurs et interlocuteurs : Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, n'en jetons plus !

Voici mes questions : quelle place occupent les Drac, ces représentants du ministère de la culture dans les territoires, au service des élus, des habitants et des associations, dans le panorama général ? Que faire pour améliorer la lisibilité et simplifier les financements consacrés au secteur culturel ?

Mme Christine Lavarde. - Nous venons d'entendre une analyse que je qualifierais de très à charge de la Cour des comptes sur la gestion de la politique culturelle décentralisée.

Qui est le vrai pilote des programmes d'investissements d'avenir sur le volet culturel ? Est-ce le ministère de la culture ou le SGPI ? Il serait intéressant d'avoir une réponse à cette question, car la Cour s'est montrée très critique et a mis en exergue un défaut de gouvernance stratégique.

J'attire votre attention sur un exemple précis, celui des 150 millions d'euros consacrés à l'appel à projets « Culture immersive et métavers » dans le cadre du plan France 2030.

Estimez-vous qu'il existe un véritable lien entre les industries culturelles et le métavers ? Pour avoir étudié quelque peu la question, il me semble pourtant que le métavers relève davantage de la sphère numérique.

Alors que le Gouvernement doit être attentif au moindre euro dépensé, considérez-vous que le métavers soit un poste de dépenses prioritaire pour l'État, d'autant plus que le secteur privé a déjà beaucoup investi dans ce domaine ?

Estimez-vous qu'un budget de 150 millions d'euros soit proportionné aux capacités du marché ? Autrement dit, existe-t-il un nombre suffisant de start-up en mesure de se porter candidates à cet appel à projets ?

Enfin, quels sont les objectifs que la sphère publique cherche à atteindre au travers de cet appel à projets ?

M. Thierry Cozic. - Comme vient de l'indiquer notre collègue, la Cour des comptes dresse un bilan sans appel de la stratégie conduite par l'État au travers des crédits exceptionnels alloués à la culture et aux industries créatives.

Cela fait plusieurs années que la Cour des comptes nous alerte à ce sujet. Est-il prévu de puiser dans les recommandations du rapport pour avancer et repenser les aspects budgétaires de notre politique culturelle ?

M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l'investissement. - Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, je précise, à titre liminaire, que j'aurais préféré que la première chambre de la Cour des comptes soit associée à ce rapport réalisé par la troisième chambre, compte tenu de l'aspect interministériel du plan France 2030.

Pour rappel, je n'exerce la fonction de secrétaire général pour 'l'investissement que depuis deux ans et demi. Par conséquent, je peux vous donner quelques indications sur les crédits consommés au titre des PIA 1 et 3, mais je ne pourrai en aucun cas entrer dans le détail. Si vous l'acceptez, certaines de mes réponses pourront vous être transmises ultérieurement par écrit.

Ma première remarque concerne l'intitulé même du rapport de la Cour : les crédits qui font l'objet de cette étude ne sont en rien « exceptionnels ». Il s'agit de crédits d'investissement, qui ont été votés par le Parlement dans le cadre du plan France 2030 et, plus particulièrement, dans le cadre d'un volet consacré aux industries culturelles et créatives.

Ma deuxième remarque concerne le plan de relance : je n'étais pas chargé du pilotage de ce plan, qui était, à ma connaissance, géré à l'époque directement par Bercy.

N'ayons pas la mémoire courte : il semblerait qu'un voile trop pudique ait recouvert le problème posé par l'état catastrophique du secteur de la culture durant la crise de la covid-19. Souvenons-nous qu'à ce moment-là certains professionnels du spectacle n'avaient plus les moyens de se nourrir et d'exercer leur métier. Il y avait urgence !

Je reconnais bien volontiers que, dans cette période, il est possible que l'on ait commis des bêtises et que vous constatiez tout un tas de manquements - ayant moi-même été chef d'entreprise durant quarante ans, je sais mieux que quiconque que chacun, en situation d'urgence, peut faire des erreurs. Ce qui compte, selon moi, c'est le bénéfice que le secteur culturel a tiré de ces investissements. Ne devait-on rien faire au motif que tout euro dépensé devait faire l'objet d'un contrôle sourcilleux ? Je ne le pense pas ; à cette époque, nous avons aidé des centaines de milliers de personnes dans le besoin.

Fermons la parenthèse et revenons-en à France 2030. Je partage l'analyse que Mme Lavarde et M. Cozic ont faite du rapport de la Cour : c'est un rapport à charge. J'ajoute - c'est ma troisième remarque préalable - qu'il est de surcroît inexact.

Ainsi, je déplore que le travail colossal que nous avons réalisé, avec soin - je le précise -, soit jugé imprécis et vague, et qu'il soulève des questions. Je peux pourtant vous certifier que, depuis le premier jour, je travaille main dans la main avec le ministère de la culture sur ces questions. Ce dernier a été associé à toutes les initiatives qui ont été prises. Il préside d'ailleurs le comité de pilotage opérationnel qui alloue les budgets dans le secteur de la culture. Aussi, il est pour le moins erroné d'affirmer que le ministère n'est pas impliqué dans les décisions d'investir dans tel ou tel secteur de la culture et des industries créatives.

Vous me demandez ce que les industries culturelles et créatives (ICC) viennent faire au sein d'un programme d'investissements d'avenir. Je conçois parfaitement que vous vous posiez cette question : doit-on allouer des moyens technologiques innovants aux professionnels du secteur de la culture pour développer l'expression artistique ? Pour ma part, je considère que l'artiste précède l'innovateur, qu'il voit plus loin. Il est donc tout à fait normal que l'on soutienne les artistes en investissant dans le numérique, le métavers et l'intelligence artificielle : ces technologies ou secteurs innovants permettront de faire émerger de nouvelles formes d'expression culturelle fondamentales, qui contribueront demain au rayonnement de notre pays.

Dans cette logique, il importe de créer et, donc, de financer des infrastructures. Quand je parle d'infrastructures, je ne vise évidemment pas les routes et les bâtiments, qui n'apportent rien en termes d'innovation, mais plutôt, pour citer cet exemple, les studios de cinéma que nous finançons à Martigues grâce à « La Grande fabrique de l'image ». Ces studios très modernes contribuent à financer à moindre coût des séries et des films français. Nous cherchons ainsi à éviter que notre industrie ne soit frappée par la même crise que celle dont le cinéma italien et Cinecittà ont souffert autrefois.

Nous accordons des moyens importants aux professionnels du cinéma - je l'admets - en vue de créer un véritable effet de levier : sachez que, aujourd'hui, s'ajoutent aux 125 millions d'euros du dispositif « La Grande fabrique de 'l'image » plus de 1,1 milliard d'euros de financements privés. Pour 1 euro d'argent public investi, 8 euros d'argent privé sont dépensés : il me semble qu'il est sain pour l'État de poursuivre dans cette voie. Ainsi, nous « dérisquons » les investissements, nous encourageons l'innovation, au profit des territoires.

J'en profite pour souligner que plus de 50 % des crédits du plan France 2030 sont investis, à date, hors Île-de-France, alors que la région francilienne concentre plus de la moitié des sociétés travaillant dans les industries culturelles et créatives.

Si je vous semble sur la défensive, c'est parce que je ne voudrais pas que vous croyiez que nous sommes responsables d'une gabegie d'argent public. Contrairement à ce qu'affirme la Cour, notre stratégie est publique : vous en trouverez le détail sur les différents sites gouvernementaux.

Un document, dit « jaune budgétaire », que vous connaissez tous, est communiqué au Parlement. La page 70 est consacrée dans le détail à la culture. Il existe donc bel et bien un reporting. Un reporting permanent est en outre effectué auprès du Comité de surveillance des investissements d'avenir (CSIA), notamment composé de huit parlementaires : quatre sénateurs et quatre députés. Si je suis prêt à reconnaître des erreurs ou des ratés, je ne peux laisser dire qu'aucun suivi précis n'est assuré et que tout cela n'est pas sous contrôle.

Est-ce le bon moment pour investir dans le métavers ? Je rappelle que l'intelligence artificielle générative est apparue il y a un an et demi. Or nous voyons bien quelle révolution cette technologie représente, tant dans l'écriture que dans la musique, l'image animée et la création d'images fixes. Je ne pilote pas le progrès, mais un décrochage par rapport à ces technologies nous exposerait à des risques.

Ce sont non pas 150 millions d'euros qui ont été mobilisés sur le métavers, mais une première tranche de 50 millions d'euros. L'enjeu est de voir si nous disposons de la ressource nécessaire sur le territoire pour poursuivre l'investissement. À défaut, nous réallouerons les budgets comme la Cour des comptes le recommande et comme nous l'avons déjà fait par le passé, en retravaillant avec le ministère de la culture.

L'intelligence artificielle ne figure pas dans notre plan sur les ICC, car il s'agit d'une nouveauté, mais nous devrons en parler.

Le plan France 2030 a commencé sous mon autorité en octobre 2021. Fixer un délai de dix-huit mois pour les projets que nous finançons me paraissait légitime pour assurer un bon suivi des dossiers, en accord avec nos opérateurs. Cette mission de suivi a deux objectifs : veiller à ce que les engagements pris par les bénéficiaires du plan - en matière de financements complémentaires et d'avancement des projets - soient tenus et voir si la dynamique est restée la même ou si les projets ont évolué conformément au plan. Pour rappel, le plan France 2030 est tourné vers la décarbonation du quotidien et le respect de nos valeurs sociétales.

Pour répondre à la question sur les entreprises sociales et solidaires, nous aidons de très nombreuses associations, y compris en matière d'ingénierie, par l'intermédiaire du plan France 2030 régionalisé auquel elles ont droit, placé sous l'autorité des territoires, préfectures et présidences de région. En revanche, nous ne proposons pas de crédits de fonctionnement. Les associations ne peuvent donc pas se tourner vers nous pour financer un recrutement. En revanche, une association souhaitant monter un projet de spectacle vivant innovant peut candidater à l'un de nos appels à projets.

Ce suivi s'effectue dans un dialogue permanent avec nos opérateurs. Nous pouvons aller jusqu'à décider de l'arrêt du soutien financier au bénéficiaire. Cette décision a été prise dans d'autres domaines que la culture, mais il n'y a aucune raison pour que les ICC ne soient pas traitées comme les autres.

La Corée du Sud intègre les ICC comme un élément fondamental de son rayonnement international pour vendre d'autres technologies. Penser un plan qui se limiterait à la technologie et à la technicité sans intégrer la dimension culturelle unique de notre pays serait une erreur grave. Nous devons exprimer notre différence et notre éthique. Associer les ICC à nos réflexions sur le numérique, sur la réindustrialisation et sur nos processus, est indispensable.

Le rapport de la Cour des comptes soulève également la question des délais. Or nous les avons réduits à six à huit mois. Lorsque l'on donne de l'argent public en visant une expertise garantie par des jurés indépendants, une telle durée n'est pas ridicule. Elle est plutôt sage. C'est un équilibre, que l'on retrouve ailleurs dans France 2030. Le délai était double avant mon arrivée.

Une autre remarque du rapport porte sur les continuums de financement. La totalité de l'arsenal d'interventions dont nous disposons dans le cadre de France 2030 - subventions, avances remboursables, fonds propres, prêts - doit être mobilisée intelligemment dans chaque dossier. Le bateau est donc clairement piloté. Le ministère, en liaison interministérielle avec nous, est chargé des stratégies ; nous sommes chargés de l'exécution, notamment financière.

La situation est donc sous contrôle. Je refuse de lire le contraire. Ce système fait partie de l'interministérialité. Il fonctionne sous l'autorité du Premier ministre, qui signe les engagements supérieurs à 15 millions d'euros, tout en étant piloté par un comité de pilotage ministériel opérationnel (CPMO) présidé par le ministère de la culture, mais incluant également le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. En effet, les ICC oeuvrent au rayonnement de la France. Ce sont les industries qui présentent la plus forte croissante. Elles représentent autant dans le PIB français que l'industrie agroalimentaire. Il faut les regarder sous l'angle industriel, non sous le seul angle uniquement « culture ».

Le plan France 2030 a été voté par le Parlement pour une durée longue. Pour rappel, le rapport « Investir pour l'avenir » de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, à l'origine des programmes d'investissements d'avenir, parlait de la « tyrannie du court terme ». Nous avons réussi à nous en affranchir. Ne revenons pas à cette tyrannie, même pour des raisons parfaitement légitimes. Des réformes sont certes à mener et des précautions doivent être prises pour nos dépenses, mais je continuerai jusqu'au bout à défendre l'investissement d'avenir dans la culture française tel qu'il a été conçu dans le plan France 2030.

Concernant la musique, plusieurs dossiers sont en présentation, notamment dans le domaine immersif.

Enfin, je suis prêt à soutenir des projets d'innovation dans les secteurs du livre ou de la presse, mais aucun n'a été présenté depuis le lancement de France 2030.

Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles. - La stratégie déployée en faveur des industries culturelles et créatives se trouve au croisement entre la politique culturelle et la politique industrielle, entre financements publics et financements privés. Cette stratégie a été pensée en quatre étapes.

À partir des années 2016-2017, un constat a été dressé en lien avec la Commission européenne, dans le cadre de la préparation du programme Europe créative 2021-2027, qui soulignait une difficulté d'accès aux financements des acteurs culturels.

Rappelons au préalable qu'il n'est pas question ici d'industrie classique, mais d'économie de prototype. On ne fabrique pas des produits à la chaîne, on crée une oeuvre, un actif immatériel dont la gestion est plus complexe que celle d'une industrie classique. Cela se traduit par des bilans et des comptes de résultats difficilement lisibles pour les financeurs privés. Les réseaux bancaires et fonds d'investissement traditionnels sont moins accessibles aux industries culturelles qu'aux autres industries pour cette raison. La contribution des crédits bancaires au secteur culturel est moindre que pour l'ensemble de l'économie. On constate donc une faible structuration capitalistique des industries culturelles, en particulier une faiblesse de leurs fonds propres qui les empêche de se développer comme des entreprises classiques.

En 2017, la France a conçu une stratégie en faveur des industries culturelles avec le Secrétariat général pour l'investissement, la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance et l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic), dans une logique de continuum de financement. L'enjeu était de voir comment la puissance publique pouvait, en sus des subventions, faire levier sur des fonds propres privés et faire en sorte que ces entreprises obtiennent des prêts. C'est tout l'enjeu des PIA et de France 2030.

En mai 2019, plusieurs fonds ont été créés, notamment le fonds Tech & Touch de Bpifrance ou le fonds de prêts à l'innovation (Fpinnov) de l'Ifcic. D'autres fonds ont été créés par la Caisse des dépôts et consignations pour accompagner ces acteurs privés.

Les états généraux des industries culturelles et créatives ont été lancés ensuite en 2019 dans le but de structurer une politique de filière. L'enjeu était de construire un diagnostic partagé sur les besoins, pour dépasser les silos que sont le livre, la musique, le spectacle vivant, la presse, le patrimoine, etc., et dégager des enjeux prioritaires communs. Quelque 700 personnes ont été consultées individuellement, au cours d'ateliers collectifs, ou en consultation publique. Cette démarche a été lancée à Saint-Ouen en novembre 2019 par le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de la culture, preuve de la dimension interministérielle du sujet et de la volonté de faire rayonner ces entreprises sur le plan international.

Plusieurs axes d'intervention ont été mis en évidence au cours de ces travaux, autour des besoins de structuration financière des entreprises, de leurs besoins de formation, de professionnalisation, d'accompagnement des stratégies écologiques et numériques, de leur développement à l'export et de leur développement dans les territoires.

Notre logique demeure inchangée : ne pas se substituer aux investisseurs privés, accompagner les entreprises les plus innovantes, essayer, dans une logique partenariale public-privé, d'accompagner les entreprises pour provoquer des effets de levier, et positionner l'État là où les risques sont les plus grands et où la rentabilité n'est pas encore établie. Cette politique est très risquée, mais c'est le rôle de la puissance publique que de prendre ces risques qui expliquent les taux de sinistralité bien supérieurs à ce que l'on pourrait trouver dans une banque privée, par exemple.

La réflexion s'est poursuivie par la construction d'un PIA 4, qui s'efforçait de retracer les grandes orientations issues des états généraux. Puis est survenue, en 2020, la crise sanitaire. Les bouleversements qui se sont opérés alors et les modifications des usages ont confirmé nos constats précédents. Le plan de relance comportait un chapitre relatif aux investissements d'avenir, doté de 400 millions d'euros pour les ICC.

La stratégie est claire. Les objectifs restent les mêmes : continuum de financement, effets levier, logique d'investisseurs avisés et travail d'investisseurs publics. Le ministère de la culture a besoin de ses partenaires investisseurs pour agir, car il n'est pas outillé pour ce faire.

Nous accompagnons les entreprises privées et parfois des opérateurs publics, dans des logiques d'investissement de moyen terme. Nous raisonnons sur la base de la pluriannualité budgétaire, pour des projets s'étalant sur deux à cinq ans. Mobiliser ainsi des crédits sur des programmes ad hoc n'est pas propre aux ICC. Cette démarche est interministérielle et répond à un besoin de différenciation entre une logique de long terme et d'investissement et la logique d'annualité budgétaire qui s'applique sur chaque politique publique.

Enfin, le plan France 2030 a été lancé en octobre 2021, marque d'une accélération du soutien aux ICC par la mobilisation de 600 millions d'euros de nouveaux crédits. Pour lancer ce nouveau bloc culturel dans France 2030, nous avons affiné nos besoins, dans un dialogue constant avec Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations ainsi qu'avec l'ensemble des secteurs professionnels et la Commission européenne, pour comparer nos pratiques avec celles des autres pays européens.

Le lancement du volet culturel du plan France 2030 s'appuyait sur une étude du CNC sur les capacités de production française en studio et en formation et sur le volet immersif. Notre réflexion a été complétée par le lancement d'un rapport sur le développement des métavers commandé par le Gouvernement, contenant une réflexion sur les applications des métavers dans le secteur culturel : musique, spectacle vivant, cinéma.

Les grandes lignes de notre stratégie en faveur des ICC ont toujours été claires et n'ont cessé de s'affiner. Au fil des réunions que nous avons avec les directions régionales des affaires culturelles et les autres administrations centrales du ministère, cette stratégie évolue et s'adapte aux transformations des acteurs internationaux du numérique, de l'intelligence artificielle, etc. Nous avons besoin de nous positionner pour faire rayonner nos industries culturelles dans un contexte de concurrence accrue.

Dans ce cadre, le rôle du ministère de la culture est de penser la stratégie, de rédiger des appels à projets, en lien avec les équipes de Bruno Bonnell, et d'organiser le dialogue et la concertation pour piloter cette stratégie. Toutefois, ce ne sont pas les cinq personnes de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) qui étudient ensuite les dossiers. Ce sont les banques publiques qui sont chargées d'en examiner la robustesse, le ministère de la culture n'étant pas outillé pour mener ce travail.

Nous avons reçu plus de 1 300 candidatures pour la stratégie ICC. Pas moins de 500 projets lauréats sont recensés à ce stade, dans les treize régions françaises et dans quatre territoires ultramarins. Quelque 50 % des lauréats sont situés hors Île-de-France, alors même que les industries culturelles ont tendance à s'y concentrer. Les taux de subvention moyens sont de 850 000 euros, et en croissance. Aucun saupoudrage ne s'opère, contrairement à la critique récurrente de la Cour des comptes. Par ces investissements interministériels, l'enjeu est bien de structurer la profession. Cela vient compléter les politiques subventionnelles. Il s'agit de deux logiques différentes qui s'entremêlent : la politique culturelle traditionnelle du ministère et la politique d'investissement dans des industries.

M. Claude Raynal, président. - Quelle est votre réaction face à la recommandation suivante de la Cour des comptes : « Accorder dès à présent un rôle central au ministère de la culture dans les processus décisionnels d'affectation des crédits de France 2030 » ?

Mme Florence Philbert. - Comme nous avons essayé de vous l'expliquer à deux voix, cette politique ne peut pas être centrée sur le ministère de la culture, elle est partenariale. La recommandation que vous citez me semble donc en décalage par rapport à nos pratiques actuelles.

Mme Sophie Zeller, cheffe de service adjointe au directeur général de la création artistique. - Le dispositif « Mondes nouveaux », doté de 30 millions d'euros, avait vocation à répondre à la situation difficile dans laquelle se trouvaient les artistes pendant la crise sanitaire. Le dispositif a été particulièrement adapté aux plasticiens, qui ne pouvaient - n'étant pas salariés - bénéficier des autres dispositifs mis en place, comme l'année blanche instaurée pour les intermittents du spectacle. Ce dispositif se distinguait des pratiques habituelles des commandes publiques par la très grande liberté laissée à l'artiste, à qui aucune oeuvre spécifique n'était commandée, et par le fait qu'il demeurait propriétaire de son oeuvre.

La Cour des comptes pointe dans son rapport le très grand élan créateur que cela a suscité : 3 200 projets ont été déposés et 264 projets soutenus, portés par 430 artistes. La rémunération versée aux artistes s'élève à un peu moins de 6 millions d'euros, somme à laquelle il faudra ajouter toutes les retombées futures en matière de vente ou de présentation de ces oeuvres ou de droits d'auteur découlant de publications ou de réalisations.

Comme l'a relevé la Cour des comptes, le dispositif manque, il est vrai, de visibilité. Ces 264 projets n'ayant pas été réalisés en même temps, tous n'ont pas été livrés au même moment. Si la presse quotidienne régionale a beaucoup relayé l'installation des oeuvres, que nous avions pensée en lien avec le Centre des monuments nationaux et le Conservatoire du littoral pour qu'elles soient vues par un large public, la répartition « pointilliste » des projets sur l'ensemble du territoire a complexifié les opérations de communication associées. En avril 2023, une présentation de l'ensemble des projets a été organisée à l'École nationale des Beaux-Arts pour tenter de redonner de la visibilité à ce programme.

Nous établissons le bilan du dispositif. Nous avons l'intention de lancer un nouvel appel à projets, mais cela ne se fera pas avant la fin de l'année 2024. Nous voulons aussi nouer un lien plus étroit entre les fonds régionaux d'art contemporain et l'ensemble de l'écosystème existant sur le territoire. N'étant plus dans une phase d'urgence, nous avons plus de temps pour nouer des partenariats plus horizontaux avec les structures culturelles des territoires. C'est ce que nous nous attachons à faire en vue de ce prochain appel à projets.

M. Claude Raynal, président. - Plusieurs sujets n'ont pas été traités, notamment la politique patrimoniale'. Nous souhaiterions malgré tout obtenir une réponse écrite sur ces points.

M. Bruno Bonnell. - Bien sûr.

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Quelles sont les raisons de la sous-consommation de certains crédits ?

M. Bruno Bonnell. - Ces raisons sont multiples. Comme je l'ai indiqué, ces appels à projets sont un appel au peuple. L'enjeu est de voir s'il y a de l'appétence pour le domaine ciblé et si des projets susceptibles de répondre à nos critères d'excellence seront présentés. Par ailleurs, les projets étant pluriannuels, une partie de cette sous-consommation tient peut-être à un décalage dans le temps. Je ferai une réponse écrite à ce sujet.

En outre, le rapport de la Cour des comptes ne souligne pas un élément fondamental de la stratégie relative aux ICC, qui repose sur une autre ligne de crédits, « Compétences et métiers d'avenir ». Il existe des formations aux ICC, notamment les campus des métiers et des qualifications (CMQ) de Versailles, sur les métiers traditionnels. Nous soutenons l'école des Gobelins pour renforcer son attractivité et son développement. Il est important de pouvoir mobiliser des crédits dans un cadre interministériel pour les protéger, conformément à l'esprit du rapport Rocard-Juppé, de la tyrannie du court terme.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Nous avons montré à M. le ministre de l'économie et des finances, pendant toute la durée de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, combien la situation financière de notre pays était dégradée. Vous êtes assez critique à l'égard de la Cour des comptes...

M. Bruno Bonnell. - Je ne me le permettrais pas !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Les gouvernements n'écoutent pas la Cour des comptes, et ce depuis bien longtemps.

M. Bruno Bonnell. - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Mais vous permettrez aux sénateurs membres de la commission des finances du Sénat d'avoir pour elle non seulement du respect, mais de l'écoute. Ce que vous essayez de défendre est assez difficile à faire entendre au vu de l'état des finances de la Nation. Par ailleurs, n'oublions pas que l'essentiel de la culture est financé par les territoires. Au' moment où l'État doit se concentrer sur ses pouvoirs régaliens et leur donner des moyens financiers, il est difficile de dire qu'il faut financer le métavers.

Le président de la commission l'a dit voilà quelques instants : nous comprenons la stratégie du risque. Le milieu artistique et culturel est risqué. Or, si les banquiers sont habituellement frileux, Bpifrance ne l'est visiblement pas. Ainsi, le taux de sinistralité de 35 % est nettement supérieur aux autres appels à projets lancés par les mêmes opérateurs et nous observons que la valorisation de la start-up spécialisée dans les podcasts dans laquelle Bpifrance a investi est passée de 1,6 million d'euros à 179 000 euros !

Vous dites qu'il y a un contrôle. En ce qui me concerne, je n'en vois pas. Il n'est pas exercé au niveau où il devrait l'être. La multiplication des comités compromet la bonne lecture de l'ensemble. Le CSIA ne se réunit plus depuis janvier 2024 et le Premier ministre n'a même pas encore nommé les personnalités qualifiées qui y siègent. Il y a assurément une volonté de bien faire, mais le résultat ne trompe personne.

Monsieur Bonnell, personne ne conteste qu'au moment du covid-19 le monde de la culture a été légitimement bien traité, car des signaux d'alerte ont été remontés rapidement. Mais nous sommes passés à autre chose. Comment expliquer l'investissement de Bpifrance dans un fonds spécialisé notamment dans le foie gras de synthèse ? C'est inexplicable ! Nous comprenons votre fougue, mais ce que note la Cour des comptes est inexplicable et inexcusable dans le contexte que connaît aujourd'hui notre pays. Enfin, vous avez dit que l'artiste allait plus loin que l'innovateur. Il faudrait peut-être plus d'artistes à Bercy...

M. Bruno Bonnell. - J'ai le plus grand respect pour la Cour des comptes. Je ne balaie pas son rapport d'un revers de la main. En revanche, s'il contient des éléments inexacts, je les corrige. En tant que directeur d'administration centrale, je suis tenu par ailleurs à un devoir de réserve qui m'empêche de répondre sur un terrain plus politique que mon cadre de travail.

C'est précisément parce que nous sommes dans le contexte que nous savons qu'il faut faire des investissements d'avenir. Les investissements d'avenir ont perduré depuis le lancement des PIA, car la Nation française a eu conscience de l'importance qu'il y avait à aller plus loin et à se projeter.

M. Claude Raynal, président. - L'avenir des investissements d'avenir n'est pas en question.

M. Bruno Bonnell. - Pour autant, est-ce le moment de freiner leur déploiement ?

M. Claude Raynal, président. - Je ne le crois pas.

M. Bruno Bonnell. - J'ai essayé de vous apporter des réponses sur la question du contrôle. Nous allons nous améliorer. Cependant, la situation n'est pas aussi catastrophique que celle qui est décrite dans cette enquête.

M. Claude Raynal, président. - Cette audition avait précisément pour objet de vous permettre de répondre à ce rapport.

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