TROISIÈME PARTIE
UN REBOND POSSIBLE ET SOUHAITABLE

I. UNE PRISE DE CONSCIENCE TARDIVE ET INSUFFISANTE DE LA PART DE L'ÉTAT : CHRONIQUE D'« UNE ANNÉE PERDUE »

A. UNE VIGILANCE ADMINISTRATIVE MORCELÉE, INSUFFISANTE ET INÉGALE SELON LES MINISTÈRES CONCERNÉS

1. Une première mise en alerte à la suite de l'annonce du plan de scission de l'entreprise

Il ressort des auditions menées par les rapporteurs que l'annonce du plan de scission de l'entreprise du 14 juin 2022 a mis les services de l'État « en alerte », en particulier au sein du ministère des Armées. En effet, au regard de l'importance des activités d'Atos pour la défense nationale et dans la mesure où ce projet de scission a constitué un « appel d'air » pour de futures cessions d'actifs, les services compétents du ministère des Armées semblent s'être rapidement mis en ordre de marche afin d'élaborer plusieurs hypothèses d'évolution du groupe Atos, d'effectuer des exercices de prospective et de réaliser un travail approfondi de veille de l'évolution de la situation avec pour objectif de préserver les intérêts de la défense nationale.

A contrario de la réactivité des services du ministère des Armées, les auditions menées par les rapporteurs ont mis en évidence une mobilisation des services compétents du ministère de l'Économie et des Finances ait été plus tardive et moins réactive, malgré une mission de protection des actifs stratégiques de l'économie face aux menaces étrangères, des compétences en matière de sécurité économique et des outils de veille stratégique à sa disposition.

De façon plus générale, les rapporteurs regrettent le manque de concertation, de coordination et de culture d'intelligence économique au sein de l'appareil d'État ainsi que la persistance de blocages institutionnels, organisationnels et culturels, notamment en matière de cloisonnement de l'information et de verticalité.

2. Une mobilisation plus appuyée lorsque des cessions d'actifs ont été plus sérieusement envisagées

Il semble que la perspective de la cession de l'entité Tech Foundations à la société EPEI, avec une annonce de l'entrée en négociations exclusives avec Atos le 1er août 202364(*), puis la perspective de la cession de la branche Big Data & Sécurité (BDS) à Airbus avec l'annonce d'une période de due diligence en janvier 202465(*), ont contribué à un regain de mobilisation des services de l'État, en particulier des services compétents du ministère de l'Économie et des Finances.

Ainsi, la direction générale des entreprises (DGE), en étroite collaboration avec la direction générale de l'armement (DGA), a suivi les négociations avec Airbus, qui en tant que société néerlandaise aurait été soumise au contrôle des investissements étrangers en France si une offre engageante de rachat avait été effectivement formulée. En parallèle, la direction générale du Trésor a suivi les négociations avec la société EPEI, également soumise au contrôle des investissements étrangers en France, car s'agissant d'une société luxembourgeoise.

Par ailleurs, à compter de l'annonce de la nomination d'un mandataire ad hoc le 5 février 202466(*) dans le cadre d'une procédure préventive et amiable de règlement des difficultés sollicitée par Atos pour faciliter ses discussions et sa restructuration financière auprès de ses créanciers, le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) a également été mobilisé. Si cette instance est aujourd'hui indispensable à la conduite de la restructuration financière d'Atos, ses représentants ont indiqué « découvrir le dossier » lors de leur première audition devant la mission d'information, ce que les rapporteurs déplorent.

S'il a souvent été rappelé qu'Atos est une société cotée et entièrement privée au sein de laquelle l'État ne détient aucune participation, les rapporteurs regrettent toutefois la mobilisation jugée partielle, morcelée et tardive des services de l'État à l'égard d'une entreprise dont les activités sont primordiales et indispensables pour notre souveraineté, notre compétitivité et notre défense nationale. Il ressort des auditions qu'une très grande majorité des parties prenantes auditionnées auraient souhaité une action proactive, facilitatrice et stabilisatrice de l'État dès 2022.

3. En complément, une action primordiale des collectivités territoriales pour soutenir le développement du site d'Angers de fabrication des supercalculateurs

Les rapporteurs tiennent également à saluer l'engagement des collectivités territoriales au service du maintien et du développement du site d'Angers Atos emploie près de 450 salariés, en grande partie au service de ses activités de calcul à haute performance, mais également pour ses activités d'infogérance. Inauguré en 2019 et présenté comme un « centre d'essai mondial » des supercalculateurs, le site développe désormais des machines capables de calculer en exaflops, c'est-à-dire exécutant un milliard de milliards de calculs à la seconde. D'ici 2027, il est prévu qu'un site de fabrication de supercalculateurs de 25 000 m2 soit installé sur les 50 000 m2 de friche industrielle issue des anciennes usines Bull construites dans les années 1960.

Selon les informations transmises à cette mission d'information, les investissements nécessaires pour moderniser le site industriel et doubler sa capacité de production d'ici 2027 sont de l'ordre de 80 M€, mais les difficultés financières du groupe ne sont pas de nature à faciliter de tels investissements. C'est pourquoi un emprunt de 27,5 M€ a été contracté auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), une partie de cet emprunt ayant été garantie par la région Pays de la Loire, à hauteur de 5 M€, et Angers Loire Métropole, à hauteur de 1,8 M€.

Ces actions indispensables des collectivités territoriales s'inscrivent en complément et en soutien de l'octroi d'une enveloppe de 1,2 M€ issue du Fonds vert, via la mesure « Recyclage de friches urbaines, industrielles ou commerciales », et versée à l'aménageur public Alter, ce financement ayant été complété à hauteur de 1,5 M€ par la région Pays de la Loire.


* 64 Communiqué de presse d'Atos du 1er août 2023.

* 65 Communiqué de presse d'Atos du 3 janvier 2024.

* 66 Communiqué de presse d'Atos du 5 février 2024.

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