N° 704

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif au métier et aux fonctions des collaborateurs de cabinet en collectivités territoriales,

Par MM. Cédric VIAL et Jérôme DURAIN,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean Marie Vanlerenberghe.

SYNTHÈSE

Les collaborateurs de cabinet 
en collectivités territoriales :

Un rôle essentiel, des missions à clarifier

de M. Cédric VIAL, sénateur de la Savoie (rattaché au groupe Les Républicains)

et M. Jérôme DURAIN, sénateur de la Saône-et-Loire (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain)

Le métier des collaborateurs de cabinet, véritables « travailleurs de l'ombre » et « bras droits » des élus, est relativement méconnu. Pourtant, quel que soit l'engagement politique des élus qui les emploient, ils exercent, aujourd'hui, des fonctions décisives dans la bonne marche des collectivités territoriales et des établissements publics intercommunaux. En effet, ils facilitent l'exercice du mandat de l'autorité politique territoriale, dans le respect des fonctions, elles-aussi essentielles, du Directeur général des services.

Pourtant, les missions du collaborateur de cabinet ne sont précisément définies par aucun texte. Or des questions importantes se posent : quel est le champ d'action d'un collaborateur de cabinet ? Comment qualifier les liens qu'il entretient avec l'autorité territoriale ? Quelle est la portée de l'autorité fonctionnelle que le directeur de cabinet exerce, en pratique, sur certains services de la collectivité ? Quel est l'intérêt pour la collectivité d'une telle autorité et quelle articulation avec les fonctions du Directeur général des services ? Enfin, existe-t-il des critères clairs et précis permettant de distinguer les emplois de cabinet des emplois administratifs permanents ?

D'autres interrogations concernent les effectifs des cabinets. En effet, si le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret du 16 décembre 1987, le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité. Ce plafond est-il adapté ? Soulève-t-il des difficultés théoriques et pratiques ?

Adopté le 25 juin 2024, le rapport formule 5 recommandations visant à clarifier et sécuriser le rôle et les missions essentielles des collaborateurs de cabinet.

1. LE MÉTIER DE COLLABORATEURS DE CABINET EN COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN RÔLE ESSENTIEL DONT LES MISSIONS NE SONT DÉFINIES PAR AUCUN TEXTE

A. Un lien très étroit avec l'autorité territoriale

Ø Les collaborateurs de cabinet jouent un rôle méconnu mais essentiel auprès des exécutifs locaux. Ils assistent, accompagnent, conseillent, relaient et représentent l'autorité politique territoriale.

Par ailleurs, ils :

-   participent à l'élaboration de la stratégie de la collectivité ;

-   veillent à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie ;

-   concourent à la promotion de la collectivité et de son action.

B. Une distinction avec les emplois permanents de la collectivité


Un collaborateur de cabinet se distingue par le caractère temporaire de son emploi. Recruté pour accompagner la mandature d'un élu, il voit ses fonctions s'achever en même temps que le mandat de son autorité politique territoriale.

Un collaborateur de cabinet ne peut donc pas être affecté à un emploi permanent.

2. LES CONSÉQUENCES D'UNE REQUALIFICATION D'EMPLOIS ADMINISTRATIFS EN EMPLOIS DE CABINET OU RÉCIPROQUEMENT

A. L'office du juge administratif

Le juge administratif peut annuler une délibération d'une collectivité soumettant certains emplois au statut des emplois du cabinet, s'il s'avère que ces emplois relèvent d'un poste administratif permanent.

B. Les contrôles des chambres régionales et territoriales des comptes (CRC)

ð de nombreux acteurs locaux ressentent, depuis un certain temps, une attention croissante des CRC sur ces questions, certains évoquant même un « changement de doctrine » des CRC, quoique non objectivable.

C. Le risque de qualification pénale de « détournement de fonds publics »

Le code pénal ne prévoit pas d'infraction spécifique sanctionnant le non-respect du nombre maximum d'emplois de cabinet. Le 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris a condamné un élu et un directeur de cabinet pour détournement de fonds publics.

D. Un faisceau d'indices pour distinguer les emplois administratifs des emplois de cabinet

La juridiction répressive a retenu trois critères cumulatifs pour tracer la frontière entre emplois administratifs permanents et emplois de cabinet :

- Qui recrute ces agents ?

- Quelle est la nature (politique ou administrative) des travaux qu'ils exécutent et, en cas de nature hybride, quels sont les temps qu'ils consacrent à ces deux types de travaux ?

- Qui contrôle leur travail et qui les évalue ?

Le rapport rassemble, dans un souci d'intelligibilité et d'accessibilité, les dix caractéristiques principales du métier de collaborateur de cabinet, telles qu'elles ressortent des textes et de la jurisprudence. Étonnamment, ce travail « pédagogique » de recensement n'avait jamais été réalisé.

3. LES 5 RECOMMANDATIONS

RECOMMANDATION n°1 : Consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet

La mission recommande de clarifier dans la loi les missions générales dévolues au collaborateur de cabinet et son lien étroit avec le chef de l'exécutif : le collaborateur de cabinet assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité politique territoriale. Par ailleurs, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité, veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie et concourt à la promotion de la collectivité et de son action.

RECOMMANDATION n°2 : Consacrer la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Ø Les directeurs de cabinet peuvent être amenés à exercer une autorité fonctionnelle sur les services, comme c'est déjà fréquemment le cas pour la communication et le protocole. Le ministère de l'Intérieur a reconnu cette pratique dans une réponse à un sénateur le 24 janvier 2024.

Ø Cette pratique se justifie par la nécessité de garantir une plus grande réactivité et davantage d'efficacité et de fluidité dans la chaîne de décision.

Cette pratique n'est toutefois pas dénuée d'ambiguïté. C'est pourquoi la mission recommande de :

· reconnaître dans la loi que les directeurs de cabinet peuvent exercer une autorité fonctionnelle directe sur certains services, dans le respect de l'autorité hiérarchique du DGS sur les agents. Il ne paraît pas opportun d'exclure, a priori, tel ou tel service de l'exercice de cette autorité fonctionnelle ponctuelle, dans la mesure où elle résulte des choix politiques et des circonstances locales ;

· renvoyer à l'autorité politique territoriale le soin de définir le périmètre et l'objectif de l'autorité fonctionnelle, propre à l'organisation interne de chaque collectivité. Cette consécration législative permettrait de conférer une base légale solide à cette pratique.

RECOMMANDATION n°3 : Repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités

Les membres de l'exécutif des grandes collectivités (régions, départements et communes d'une certaine taille) ainsi que ceux des grandes intercommunalités jouent un rôle politique important. Il paraît donc légitime qu'ils soient accompagnés dans l'exercice de leurs fonctions.

La question se pose notamment pour les vice-présidents de régions, compte tenu de la taille des grandes régions, de l'envergure des délégations que certains vice-présidents reçoivent du président, des montants financiers en cause et de leur niveau de responsabilité. En pratique, certains vice-présidents de région sont épaulés par des chargés de mission issus des services ou par des collaborateurs de groupes d'élu.

Toutefois, aucun texte ne semble permettre expressément de doter les vice-présidents ou adjoints des plus grandes collectivités de collaborateurs de cabinet dédiés, alors que le décret précité de 1987 prévoit, lui, que le président du conseil régional peut mettre à la disposition du président du conseil économique, social et environnemental régional un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet.

La mission recommande donc de clarifier la situation afin de repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités.

RECOMMANDATION n°4 : Remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent

Ø Les plafonds du décret précité de 1987 ne permettent pas l'ouverture d'un poste supplémentaire pour réaliser la mission en lieu et place du collaborateur absent pour cause de congé (maternité, parental, maladie...).

Ø Ainsi, en cas de plafond atteint, la collectivité n'a pas la possibilité de recruter un collaborateur de cabinet supplémentaire pendant la durée d'indisponibilité de l'agent concerné, alors qu'elle peut procéder à un tel remplacement pour un emploi permanent. Pourtant, cette indisponibilité peut durer parfois des années, dans le cas, par exemple, d'un congé maternité suivi d'un congé parental pour plusieurs enfants.

Ainsi, la délégation recommande d'assouplir sur ce point le plafond des collaborateurs de cabinet.

RECOMMANDATION n°5 : Sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés

Dans sa rédaction actuelle, le décret précité de 1987 ne prévoit pas le cas d'un cabinet mutualisé entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette mutualisation peut pourtant, dans certaines circonstances et selon les volontés politiques locales, présenter un intérêt certain et contribuer à l'efficacité de l'action publique locale.

La mission invite ainsi le pouvoir réglementaire à assouplir le décret précité de 1987 en permettant un cumul des deux plafonds d'emplois, étant précisé qu'il appartiendrait naturellement à la commune et à son EPCI de définir, par convention, les règles de fonctionnement ainsi que la répartition des postes de cabinet entre la commune et son EPCI.

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