LES 5 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet

Parlement et Gouvernement

6 mois

Code général de la fonction publique

2

Consacrer dans la loi la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Parlement et Gouvernement

6 mois

Code général de la fonction publique

3

Repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités

Parlement et Gouvernement

12 mois

Code général de la fonction publique et décret du 16 décembre 1987

4

Remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent

Gouvernement (ministère en charge des collectivités territoriales)

6 mois

Code général de la fonction publique et décret du 16 décembre 1987

5

Sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés

Gouvernement (ministère en charge des collectivités territoriales)

6 mois

Décret du 16 décembre 1987

AVANT-PROPOS

Après ses travaux sur les secrétaires de mairie et sur le statut de l'élu local, la délégation aux collectivités territoriales a souhaité porter son attention sur les collaborateurs de cabinet en collectivités territoriales.

Elle ne s'est pas donné pour objectif de traiter les questions statutaires de ces agents (retraite, protection sociale, rémunération, contrat...), ces questions n'étant pas, à ce stade, consensuelles.

Les travaux de la mission flash se sont articulés autour de deux grands axes :

- le premier concerne les enjeux et contours du métier de collaborateur de cabinet en collectivités territoriales. Les missions de ce métier, essentiel quoique relativement méconnu, ne sont précisément définies par aucun texte. Or des questions importantes se posent : quel est le champ d'action d'un collaborateur de cabinet ? Comment qualifier les liens qu'il entretient avec l'autorité territoriale ? Quelle est la portée de l'autorité fonctionnelle que le directeur de cabinet exerce, en pratique, sur certains services de la collectivité ? Quel est l'intérêt pour la collectivité d'une telle autorité et quelle articulation avec les fonctions du Directeur général des services ? Enfin, existe-t-il des critères clairs et précis permettant de distinguer les emplois de cabinet des emplois administratifs ? Cette distinction apparaît en effet essentielle dans la mesure où la requalification d'emplois administratifs en emplois de cabinet est susceptible d'avoir des conséquences pénales et financières, comme l'illustre la décision du tribunal correctionnel de Paris en date du 29 mars 2023, faisant suite à un contrôle d'une chambre régionale des comptes ;

- le second axe de la mission concerne la question des effectifs autorisés. En effet, si le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret du 16 décembre 19871(*), le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité. Ce plafond est-il adapté ? Soulève-t-il des difficultés théoriques et pratiques ?

I. LE MÉTIER DE COLLABORATEURS DE CABINET EN COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN RÔLE ESSENTIEL DONT LES MISSIONS NE SONT DÉFINIES PAR AUCUN TEXTE

1. Un lien très étroit avec l'autorité territoriale

Les collaborateurs de cabinet jouent un rôle méconnu mais essentiel auprès des exécutifs locaux.

En effet, ils assistent, accompagnent, conseillent, relaient et représentent l'autorité territoriale.

Ces agents :

- participent à l'élaboration de la stratégie de la collectivité ;

- veillent à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie ;

- concourent à la promotion de la collectivité et de son action.

Véritables « bras droits » des élus, les collaborateurs de cabinet doivent faire preuve d'une très grande polyvalence tant leurs tâches peuvent être variées : rédaction de notes et de projets de discours, suivi politique de certains secteurs, représentation des élus à des réunions...

Toutefois, les fonctions précises des emplois de cabinet ne sont, à l'heure actuelle, définies par aucun texte. En effet, le législateur a fait le choix, jusqu'à présent, de mentionner uniquement les liens de subordination unissant le collaborateur de cabinet à l'autorité territoriale. Ainsi, le code général de la fonction publique (CGFP)2(*) dispose que :

- « pour former son cabinet, l'autorité territoriale d'une collectivité peut librement recruter3(*) un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions » (art L333-1)4(*) ;

- « les collaborateurs de cabinet ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés laquelle décide des conditions et des modalités d'exécution du service accompli auprès d'elle » (art L333-10).

Suivant cette logique, le pouvoir réglementaire a apporté une double précision :

- c'est la décision par laquelle un collaborateur de cabinet est recruté qui détermine, les fonctions exercées par l'intéressé5(*), (article 5 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987). Recruté intuitu personae par un choix discrétionnaire, le collaborateur voit donc ses missions définies dans son contrat de travail ;

- c'est cette même décision qui détermine le montant de sa rémunération ainsi que les éléments qui servent à la déterminer, étant précisé qu'un collaborateur de cabinet peut percevoir « une rémunération bien supérieure à celle à laquelle qu'aurait pu prétendre un agent titulaire » pour les mêmes fonctions (CE 26 mai 2008 n°288104) ; toutefois, un collaborateur de cabinet est soumis à un plafond précisé par l'article 7 du décret précité de 1987 : le montant de sa rémunération ne peut être supérieur à 90 % du montant maximum de la rémunération instituée par l'assemblée délibérante et servi au fonctionnaire de l'emploi fonctionnel de direction le plus élevé ou du grade administratif le plus élevé de la collectivité ;

- les fonctions de collaborateur de cabinet prennent fin pour rupture du lien de confiance, et au plus tard en même temps que le mandat de l'autorité territoriale qui l'a recruté (article 6 du même décret).

La jurisprudence est allée dans le même sens en mettant en avant la relation étroite entre le collaborateur et l'autorité territoriale ; le Conseil d'Etat a ainsi établi que les fonctions de collaborateurs de cabinet requièrent nécessairement :

- un engagement personnel et déclaré au service des principes et objectifs guidant l'action politique de l'autorité territoriale, auquel le principe de neutralité des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions fait normalement obstacle ;

- une participation directe ou indirecte à l'activité politique de l'élu ;

- un rapport de confiance particulièrement étroit avec ce dernier, relation « d'une nature différente de celle résultant de la subordination hiérarchique de l'agent à l'égard de son supérieur »6(*).

Il ressort de ce qui précède que ni les textes ni la jurisprudence n'ont fixé une liste de travaux qui seraient, par nature, ceux d'un collaborateur de cabinet. En revanche, le droit positif et les juges ont défini ces agents par leur lien et leur proximité avec l'autorité territoriale.

2. Une distinction avec les emplois permanents de la collectivité

Si le choix a été fait de ne pas définir, par la loi ou le règlement, le périmètre des missions du collaborateur, le pouvoir réglementaire a lui, précisé, que la qualité de collaborateur de cabinet est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent au sein de la collectivité territoriale (article 2 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987). Autrement dit, à défaut de préciser ce que fait le collaborateur, les textes disent, en creux, ce qu'il ne fait pas : ainsi, les emplois de collaborateurs de cabinet, précaire et révocables ad nutum, se distinguent des fonctions purement administratives, qui reposent, eux, sur des emplois permanents répondant à des besoins permanents de la collectivité, dans le cadre des missions de service public.

Il résulte de cette distinction qu'il n'est pas possible de cumuler les fonctions de directeur de cabinet et de directeur général des services. Il n'est pas davantage possible d'exercer à la fois les fonctions de directeur de cabinet et de directeur de la communication. En revanche, un cabinet peut naturellement comprendre un conseiller communication mais il est alors comptabilisé dans le plafond des collaborateurs (cf infra).

3. Le plafonnement du nombre d'emplois de cabinet

Si le métier de collaborateur de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, comme indiqué supra, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret précité du 16 décembre 19877(*), le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité, étant précisé que toutes les collectivités peuvent créer au moins un emploi de cabinet, quelle que soit leur importance.

À titre d'exemples :

- pour une commune de 100 000 habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un maire est fixé à quatre personnes ;

- pour un département de 800 000 habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un président de conseil départemental est fixé à huit personnes ;

- pour une région de 3 millions d'habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un président de conseil régional est fixé à dix personnes8(*).

Les agents chargés de fonctions d'exécution ou fonctions support, tels que les assistants, chauffeurs et huissiers ne sont pas, sauf recrutement spécifique, des emplois de cabinet. Ils n'entrent donc pas dans le plafond réglementaire. En effet, la jurisprudence considère qu'ils correspondent à un besoin permanent de la collectivité (CE, 26 mai 2008, n° 288104 et CE, 26 janvier 2011). Les chambres régionales des comptes appliquent cette jurisprudence, ainsi que l'illustre le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) d'Île-de-France en 2017 : « la jurisprudence considère de façon constante qu'à défaut d'éléments concourant à les qualifier comme tels, les agents chargés de fonction de secrétariat ne devaient pas être considérés comme des collaborateurs de cabinet. À ce titre, et à l'exception de l'assistante particulière de la maire, recrutée explicitement sur contrat de l'article 110 et déjà comptabilisée par la chambre à ce titre, les assistants et secrétaires ne doivent pas être considérés comme des collaborateurs de cabinet. »9(*).

À l'inverse, les chargés de mission remplissent des tâches qualifiées d'aide à la décision politique. La CRC d'Île-de-France les considère donc comme des emplois de cabinet devant intégrer le plafond, lorsque le faisceau d'indices, mentionné infra, est concluant10(*).


* 1 Articles 10 à 13-1.

* 2 Ces dispositions, qui figuraient à l'article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, sont désormais codifiées dans le code général de la fonction publique (ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021).

* 3 Toutefois, un arrêt de cour d'appel, rendu en 2019, considère que la mission doit être en lien avec une compétence exercée par la collectivité : « l'autorité politique ne peut, contrairement à ce que soutient la prévenue, librement déterminer la mission du collaborateur sans être tenue par la moindre contrainte. Admettre une telle latitude reviendrait à autoriser l'élu à confier des missions relevant de ses seuls intérêts personnels, voire de sa sphère privée et donc totalement étrangères à l'exercice de son ou ses mandats. En l'occurrence, la protection animale ne relève pas de compétence communautaire » (CA Montpellier, 28 mai 2019, n° 19/00798).

* 4 L'autorité territoriale n'est donc pas tenue de suivre la procédure prévue par le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, procédure qui garantit l'égal accès des candidats aux emplois de la fonction publique.

* 5 Le juge administratif peut annuler les décisions du président d'une collectivité de recruter des collaborateurs de cabinet, au motif que les contrats ou les arrêtés de recrutement de ces agents ne précisent pas les fonctions confiées aux intéressés et méconnaissent ainsi les dispositions relatives au recrutement des collaborateurs de cabinet (cour administrative d'appel de Lyon 29 Juin 2004, n° 98LY01726).

* 6 Voir par exemple cette décision : Conseil d'État, 26 janvier 2011, n° 329237, à propos d'une délibération prise par la Polynésie française.

* 7 Articles 10 à 13-1.

* 8 À noter que ce plafond est exprimé en nombre réel de personnes, quelle que soit la durée hebdomadaire de leur service, et non en équivalent temps plein ( https://www.senat.fr/questions/base/2007/qSEQ070226124.html).

* 9 Page 48 du rapport du 19 octobre 2017 « Ville de Paris ; les agents non-titulaires » https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-11/IDR2017-49.pdf

* 10 Page 50 du rapport précité du 19 octobre 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page