B. POUR RÉPONDRE AUX BESOINS MASSIFS D'INVESTISSEMENTS, LA MISE EN PLACE D'UNE FONCIÈRE PEUT CONSTITUER UNE RÉPONSE PERTINENTE DÈS LORS QUE CERTAINES CONDITIONS SERONT REMPLIES

1. L'immobilier de l'ATE en concurrence avec les autres postes du budget du ministère de l'intérieur, un arbitrage perdu d'avance
a) Des effets d'éviction massifs au sein du budget du ministère de l'intérieur

Le vecteur de « droit commun » des dépenses immobilières de l'ATE étant le programme 354, celui-ci est aujourd'hui intégré dans le budget global du ministère de l'Intérieur, prévu par la loi d'orientation et de programmation du ministère (LOPMI).

Or, les choix politiques du ministère, sous contrainte de la loi de programmation, semblent d'abord aller vers les dépenses de titre 2, dédiées aux personnels des forces de sécurité intérieure et vers les principaux projets immobiliers, dédiés à l'administration centrale.

M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5e sous-direction du budget, a indiqué à la rapporteure spéciale lors de son audition que « le ministère de l'intérieur dispose d'une enveloppe au sein de laquelle il lui revient de faire ses arbitrages. On constate qu'il y a beaucoup de T2, avec un effet d'éviction sur les dépenses hors T2, et notamment sur les dépenses immobilières. De plus, les grands projets immobiliers comme Universeine ou le site unique de la DGSI conduisent à de l'éviction sur le reste des dépenses immobilières du ministère »

En effet, les grands projets immobiliers portés par le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », absorbent une part importante des crédits immobiliers de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Les projets d'investissements d'administration centrale dont Universeine et le site unique du renseignement Intérieur représentent, d'après le rapport annuel de performances (RAP) de la mission pour 2023, 273,6 millions d'euros.

Comme le relèvent l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, l'immobilier « se doit d'être géré au coût le plus juste sans dégrader sa valeur en gérant beaucoup d'arbitrages, notamment entre le court et le moyen terme, entre la dépense immobilière et d'autres dépenses, dont la sensibilité immédiate est plus forte, entre des arguments rationnels et des ressentis qui le sont moins, mais sont une caractéristique du rapport psychologique à l'immobilier. »56(*)

Il est désormais indispensable d'en revenir à une approche beaucoup plus rigoureuse de ces arbitrages et de ne plus mettre en balance les dépenses immobilières avec les autres priorités politiques du ministère.

b) Il est nécessaire de sanctuariser les dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en analysant la programmation budgétaire au prisme de sa soutenabilité

Au plan budgétaire, les crédits nécessaires à l'entretien et à la rénovation thermique des bâtiments doivent être sanctuarisés, en écartant la possibilité laissé au ministère de l'intérieur de prioriser d'autres postes de dépenses dans le cadre du pilotage pluriannuel sous loi de programmation.

L'analyse de la soutenabilité des dépenses faite par la direction du budget sur les budgets proposés par le ministère de l'intérieur, doit être réalisée de façon beaucoup plus poussée. En effet, la soutenabilité des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État doit être garantie, alors que l'engagement est désormais pris au niveau européen de rénover massivement les bâtiments publics.

Comme le rappellent l'inspection générale des finances et conseil général de l'environnement et du développement durable, « la structuration d'une fonction immobilière s'inscrit dans le temps long, elle requiert un portage politique fort, et elle nécessite un accompagnement humain soutenu. » 57(*) Il est donc indispensable que soit engagée dès maintenant la structuration de cette fonction, avec des capacités à mener des diagnostics et à réaliser les opérations de travaux indispensables.

Ainsi, la capacité de priorisation de certaines dépenses doit donc être limitée, et conditionnée au respect des engagements européens de la France en matière environnementale.

Recommandation n° 9 : intégrer à l'analyse de la soutenabilité du budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » la cohérence des financements immobiliers au regard des obligations de rénovation énergétique des bâtiments (direction du budget).

2. La mise en place d'une foncière constitue une réponse adaptée aux enjeux de l'immobilier de l'administration territoriale
a) Le modèle de foncière, inspiré d'autres États européens, permettrait de sanctuariser des budgets et des compétences

D'après l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, « en pratique, la professionnalisation de la fonction immobilière passe par la création d'une entité dédiée qui permet de mutualiser les ressources humaines disponibles et surtout d'enclencher une stratégie de renforcement des compétences. » 58(*) En conséquence, « à la lumière des transformations immobilières qu'elle a examinées, la mission estime nécessaire de constituer une entité opérationnelle dédiée, qui pourrait prendre la forme d'une agence, chargé de la gestion du propriétaire de l'ensemble de l'immobilier de bureaux des ministères entendus au sens large), [...] soit 12 millions de m2. » 59(*)

En effet, la centralisation auprès d'une entité opérationnelle dédiée pourrait contribuer à répondre aux difficultés opérationnelles rencontrées dans les cités administratives et les sites multi-occupants, relevées par le directeur de l'immobilier de l'État dans une présentation en date du 22 novembre 2021, transmise à la rapporteure spéciale :

- les sites multi-occupants souffrent de beaucoup de défaillances de coordination interministérielle, du fait qu'il n'y a pas d'économies d'échelle ;

- les sous-investissements entrainent une dégradation accélérée des immeubles ;

- le pilotage des risques sécuritaires, réglementaires et financiers est très disparate entre les administrations ;

- la gestion de la qualité des conditions de travail et de l'accueil des visiteurs était globalement jugée insuffisantes.

Ainsi, dans plusieurs États européens, la détention des biens occupés par l'État relève d'une foncière publique : tel est le cas notamment en Allemagne, au Pays-Bas, en Belgique, au Danemark ou encore en Autriche. Les modèles de gouvernance et de financement varient entre ces différents États, comme le documente l'étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restituée en avril 2022 à la Commission européenne par le cabinet Ernst and Young.

Les différents modèles de détention des biens occupés par l'État

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, Ersnt and Young pour la Commission européenne, avril 2022

Ainsi, par exemple, aux Pays Bas, le système de location est organisé dans le cadre du système de logement public (rijkshuisvestingsstelsel) et, pour chaque région, le loyer est calculé sur la base d'un prix par m² calculé sur la base de la moyenne du coût du loyer, des installations dans les bâtiments, des prestations de la foncière et de la consommation d'énergie, ainsi que des amortissements et des intérêts. L'occupant peut indiquer à la foncière chaque année le volume d'espace dont il a besoin (pas de contrat à long terme mais un montant fixe de m²).

En Autriche, les loyers sont calculés sur l'ensemble du cycle de vie des projets dits « bigmodern ». L'objectif est de disposer d'un retour sur investissement dans un délai de 10 à 15 ans, avec pour condition préalable que les bâtiments soient exploités de manière efficace sur le plan énergétique.

En France, une telle organisation n'existe pas, les ministères ayant la responsabilité de leur immobilier. Néanmoins, depuis 2021, l'Agence de gestion de l'immobilier de l'État (AGILE) a été mise en place par la direction de l'immobilier de l'État et se développe comme prestataire de services sur trois types d'activités couvrant plusieurs métiers de l'immobilier :

l'exploitation maintenance des sites multi-occupants ;

la maîtrise d'ouvrage et la gestion d'actifs : les services de l'État pouvant faire appel à l'AGILE pour les accompagner en qualité d'assistant à maîtrise d'ouvrage) ou de maître d'ouvrage délégué ;

- la mise en place d'un plan solaire photovoltaïque.

Agile est une société anonyme de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l'État.

Agile, bras armé opérationnel de la direction de l'immobilier de l'État

L'Agence de gestion de l'immobilier de l'État (AGILE) est une société anonyme de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l'État.

Elle est le bras armé opérationnel de la DIE, au service de la politique immobilière de l'État. L'AGILE est composée au 31 mars 2024 de 80 salariés, avec un objectif de 100 salariés fin 2024. L'AGILE vise à développer, gérer et valoriser le parc domanial, en déployant son savoir-faire aujourd'hui reconnu sur l'ensemble des métiers de la chaîne immobilière, notamment en matière de valorisation d'actifs. Sa gouvernance est assurée par un conseil d'administration composé du directeur de la DIE, de membres de plusieurs ministères (Intérieur, Budget) et de corps de contrôle (contrôle général économique et financier).

L'AGILE intervient :

- dans le cadre de la gestion et de l'exploitation-maintenance du parc domanial. Elle propose ses services aux occupants publics, en administration des biens, entretien-maintenance bâtimentaire et services généraux.

L'AGILE prévoit en 2024 la prise en gestion de 30 nouveaux sites, pour un objectif de plus de 200 sites dans les 5 ans ;

- dans le cadre du plan de sobriété de l'État, pour lequel elle a été désignée « Task force opérationnelle de l'immobilier de l'État ».

Avec un objectif de plus de 3 000 sites et plus de 1 000 prestations déjà réalisées, l'AGILE poursuit ses actions dans les territoires pour apporter son expertise et ses recommandations aux gestionnaires de bâtiments ;

- pour l'accompagnement des services de l'État sur le montage et la gestion des projets immobiliers publics (maîtrise d'ouvrage déléguée et assistance à maîtrise d'ouvrage), la gestion des audits bâtimentaires, énergétiques et environnementaux, ou en matière de valorisation du patrimoine ;

- dans le déploiement d'un plan solaire photovoltaïque, pour faire de l'État propriétaire un modèle d'exemplarité, via des installations d'autoconsommation collective sur des bâtiments de l'État ou des centrales photovoltaïques au sol.

Source : rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 202360(*)

b) La foncière, un chantier qui doit être poursuivi avec davantage d'ambitions

Lors de la conférence nationale de l'immobilier public du 26 mars 2024, la direction de l'immobilier de l'État a présenté la méthodologie devant permettre de lancer une structure préfiguratrice de la foncière interministérielle à partir du 2 janvier 2025 dans les régions Normandie et Grand-Est.

Cette foncière serait ainsi chargée des actifs de bureaux de l'administration territoriale de deux ministères, le ministère de l'intérieur (à l'exception des forces de sécurité intérieure) et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

La mise en place d'un projet pilote de foncière

Pour répondre aux difficultés identifiées en matière de gestion immobilière et afin de répondre aux enjeux de transition énergétique des bâtiments, la mise en place d'un projet pilote de foncière a été arbitré au printemps 2024.

À très court terme (2025), le périmètre du pilote porterait sur les bâtiments de bureaux du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors forces de police et de gendarmerie), les sites multi-occupants et les biens devenus inutiles aux services publics dans deux territoires pilotes (Grand-Est et Normandie). Certains biens en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes seront également concernés pour massifier le patrimoine géré par la foncière et démontrer rapidement son efficience sur des opérations attendues de longue date.

À moyen terme, le périmètre concernera tous les bâtiments de bureaux et les locaux d'activité de l'État, occupés par les services de l'État et ses opérateurs, sur tout le territoire (DROM compris).

Le déploiement doit intervenir de manière progressive, les locaux des forces de sécurité intérieure, les tribunaux et les prisons devant faire l'objet d'une analyse postérieure. Par ailleurs, sont exclus de la cible les biens occupés par le ministère des armées, les biens à l'étranger, les universités ou grandes écoles concernées par la dévolution, ainsi que les équipements particuliers (de type infrastructures), les biens culturels (musées et cathédrale), les forêts domaniales, les espaces naturels et les espaces aménagés.

Afin de garantir un déploiement optimal de la foncière, une vision globale et un pilotage stratégique, les baux externes passés par les services de l'État seront centralisés.

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

Ainsi, dans l'organisation de la gouvernance d'ensemble, il est envisagé que la direction de l'immobilier de l'État conserve son rôle de pilotage de la politique immobilière de l'État, la foncière assurant les missions relevant de l'État propriétaire et les administrations occupantes les services généraux.

La foncière bénéficierait du transfert des biens occupés par les administrations, en assurerait la gestion, et bénéficierait en contrepartie de recettes correspondant aux loyers payés par les administrations.

Représentation du fonctionnement de la foncière

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

La rapporteure spéciale considère que la foncière, en limitant le morcellement de la gouvernance et l'éclatement des financements, pourra contribuer de manière très positive à l'amélioration de la gestion de l'immobilier de l'État territorial. Elle recommande par conséquent de maintenir les projets pilotes tels qu'envisagés par le précédent gouvernement.

Recommandation n° 10 : maintenir la mise en place d'une foncière dans deux régions pilotes en 2025 (ministère de l'économie et ministère de l'intérieur).

Dès 2025, les DDI et DR de l'ATE entreraient dans le périmètre de la foncière. Pourraient ainsi être concernés aussi bien les biens domaniaux que les locaux pris à bail et les biens mis à disposition dans le cadre des lois de décentralisation.

Néanmoins, la rapporteure spéciale s'interroge sur les conditions de mise en place de la foncière concernant les biens mis à disposition par les collectivités, selon la forme que prendra la foncière.

En effet, si celle-ci prenait la forme d'une personne morale distincte, bénéficiant d'un transfert de propriété, les biens mis à disposition par les collectivités ne pourraient pas entrer dans cette catégorie et il faudrait pour permettre un transfert à la foncière et la perception de loyers, prévoir la révision des conventions de mise à disposition de ces biens. Par ailleurs, dans un premier temps, seuls les biens relevant du domaine privé pourraient effectivement faire l'objet de l'expérimentation de la foncière - en application du principe d'inaliénabilité du domaine public.

Il conviendra donc d'analyser avec précision les implications de la mise en oeuvre de la foncière, qui pourrait entrainer des travaux importants sur le plan juridique.

En matière de gouvernance de la foncière, la rapporteure spéciale considère qu'il est nécessaire de maintenir une organisation cohérente au niveau territorial. En effet, alors que le Préfet de région représente l'État propriétaire au niveau régional, assisté pour ce faire du responsable régional de la politique immobilière de l'État, il est indispensable que le préfet demeure responsable de la politique immobilière régionale dans le cadre de la foncière.

La rapporteure spéciale considère que l'ensemble des décisions stratégiques doivent continuer à être prises par le Préfet de région, en concertation avec les préfets de départements, qui sont, en application de l'article 19 du décret du 29 avril 200461(*) « responsable de la gestion du patrimoine immobilier et des matériels des services de l'État placés sous son autorité ».

Recommandation n° 11 : confier au Préfet de région la prise de décision sur les orientations stratégiques de la foncière au niveau régional (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Le préfet de région doit pouvoir disposer d'effectifs dédiés, dotés des compétences nécessaires pour répondre aux enjeux de la politique immobilière au niveau régional et accompagner les différents chantiers.

Ainsi, l'échelon régional doit être considéré comme l'échelon de référence pour l'organisation de la foncière. De plus, alors que les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) sont implantés au niveau supra-régional, la rapporteure spéciale considère que ce maillage doit être renforcé pour garantir une présence dans chacune des régions des compétences immobilières.

L'évolution du périmètre de la foncière vers d'autres ministères à moyen terme doit permettre de parvenir à un nombre d'emplois suffisant dans chacune des régions pour réaliser les principales missions de la foncière à cette échelle.

Recommandation n° 12 : faire de l'échelon régional l'échelon de référence pour l'organisation territoriale de la foncière (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Par ailleurs, d'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, « le périmètre fonctionnel est en cours de définition. La distinction devra s'opérer entre ce qui relèvera 1/ de la foncière ou des services occupants et 2/ de la maintenance à la charge du propriétaire ou à celle de l'occupant, tout comme le niveau de maintenance ou d'éventuels services allant au-delà de ce que pourrait proposer une foncière privée. »

Ces dimensions doivent être précisées, afin d'établir plus clairement les responsabilités de chaque échelon. La rapporteure spéciale recommande, à l'occasion des travaux des deux régions pilotes, de mener un travail d'identification la plus précise possible des responsabilités pour les différentes fonctions immobilières, par référence aux catégories existantes. Pour chacune des fonctions immobilières, il est indispensable qu'une instance unique de décision soit désignée.

Les différentes compétences immobilières qui devront être réparties
entre la foncière et les ministères occupants

Gestion d'actifs (Asset Management) :

· optimisation du portefeuille immobilier : analyse et restructuration ;

· conseil en investissement immobilier : services de conseil pour l'acquisition et la cession de biens ;

· gestion des risques : analyse des risques financiers et opérationnels des opérations.

Gestion de la propriété (Property Management)

· gestion locative et charges du propriétaire : administration des baux, maintenance et réparations lourdes ;

· gestion des charges et des services : suivi et optimisation des charges opérationnelles et des services aux occupants.

Gestion des installations (Facility Management)

· gestion technique des bâtiments : entretien des systèmes électriques, de chauffage, de climatisation, etc. ;

· sécurité et conformité : mise en oeuvre de mesures de sécurité et garantie de la conformité réglementaire des installations ;

· services aux occupants : gestion des services de nettoyage, de restauration et autres services aux occupants.

Gestion de bureaux (Office Management)

· aménagement des espaces de travail : conception et optimisation des espaces pour améliorer la productivité et le bien-être des employés ;

· gestion des ressources matérielles : achat et gestion des fournitures et équipements de bureau ;

· support administratif et technique : assistance administrative et support technique pour les opérations quotidiennes du bureau.

Source : commission des finances du Sénat

Il conviendra ainsi, au cours de l'évaluation du projet pilote, de définir très précisément les compétences qui seront confiées à la foncière et les modalités d'intervention des différentes parties prenantes.

En tout état de cause, les conditions de gouvernance de la foncière devront pleinement intégrer ces différentes dimensions et décliner, item par item, les responsabilités et rôles de chacun.

Une mission de l'inspection générale des finances a par ailleurs été mandatée pour faire des propositions relatives au financement de cette foncière. Il convient de relever qu'il existe principalement deux modes de définition des redevances pour les occupants dans les États européens ayant mis en place une foncière : l'un fondé sur une approche des coûts, l'autre sur les prix qui seraient ceux du marché.

Modalités de détermination des loyers de la foncière

Approche fondée sur les coûts

Approche fondée sur les prix du marché

Loyer au m² identique pour tous les utilisateurs au niveau national ou par région

Pas de marge bénéficiaire : le loyer ne fait que compenser les coûts d'exploitation

Principale condition de réussite : un portefeuille composé d'actifs de qualité similaire

Ex. : aux Pays-Bas et en Finlande, un mode de réflexion éloigné du privé mais qui permet plus de flexibilité, induisant encore plus de rationalisation du parc.

Mode de réflexion calqué sur le privé à la manière d'une foncière privé

Loyer dépendant de l'actif occupé (qualité et localisation)

Ex. : en Autriche, le niveau des loyers est déterminé par comparaison avec le marché privé.

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, avril 2022

La rapporteure spéciale considère que les modalités de financement qui seront choisie devront garantir deux éléments majeurs, à savoir d'une part, permettre le bon niveau de financement pour assurer la transition énergétique du parc et, d'autre part, maintenir une incitation forte des ministères à rationaliser leurs emprises.

Alors que la fixation d'un niveau de prix équivalent aux prix de marché pourrait avoir pour conséquence un renchérissement considérable de la fonction immobilière pour les administrations occupantes, la rapporteure spéciale recommande de définir les loyers par référence aux coûts supportés par la foncière.

Néanmoins, il s'agira d'intégrer à ces loyers l'ensemble des coûts actualisés qui devront être supportés par la foncière pour maintenir un niveau d'entretien satisfaisant du parc et surtout assurer la transition énergétique en répondant aux obligations de rénovation énergétique fixées par le droit national et européen.

Recommandation n° 13 : définir le niveau des loyers payés par les occupants en fonction des coûts réels pour la foncière, intégrant le coût de la transition énergétique du parc, afin de répondre aux obligations nationales et européennes (direction du budget, direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Ainsi, la mise en oeuvre de la foncière suppose une amélioration très nette de la connaissance du parc, entamée dans le cadre de la détermination des nouveaux schémas directeur de l'immobilier régional.

Ces travaux doivent se poursuivre, afin que les projections financières de la foncière puissent s'appuyer sur un diagnostic précis des besoins de financement pour répondre aux engagements européens de la France : comme le déplore la Cour des comptes, ces obligations ne font « pas l'objet d'une déclinaison explicite dans un plan national. »62(*)

Différents groupes de travail au niveau national et au niveau des deux régions pilotes concernées ont été constitués pour permettre d'approfondir de six axes principaux :

- responsabilités et mode de fonctionnement ;

- gouvernance ;

- questions juridiques et financières ;

- ressources humaines ;

- conduite du changement et communication ;

- modélisation financière.

Les principaux chantiers identifiés par la direction de l'immobilier de l'État

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

Parmi les principaux chantiers identifiés par la direction de l'immobilier de l'État, la rapporteure spéciale souhaite insister particulièrement sur celui des ressources humaines. En effet, les enseignements de la création des secrétariats généraux communs doivent être tirés, notamment au regard des difficultés identifiées par le rapport de Mme Isabelle Briquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat en juin 202263(*).

Ainsi, comme l'a documenté le rapport précité, les conditions dans lesquelles est intervenue la création des SGCD ont conduit à ce qu'un grand nombre d'agents, qui disposaient des compétences, ont fait le choix de ne pas suivre leur poste : « il en est résulté, dès l'amorçage de la réforme, des pertes de compétences très importantes. »

Aujourd'hui, dans de nombreuses directions, des fonctionnaires disposent d'une connaissance précise des bâtiments et de leur historique. Il peut être à craindre que la création d'une nouvelle structure, dont la forme juridique reste à définir, conduise ce que ces agents fassent le choix de ne pas suivre leur poste. Il en résulterait une perte de connaissance qui pourrait être très préjudiciable pour l'ensemble des acteurs.

La rapporteure spéciale appelle donc à être particulièrement vigilant pour permettre de maintenir au sein de cette nouvelle structure, les différents personnels qui disposent des connaissances indispensables.

Recommandation n° 14 : Veiller à ce que la création de la foncière n'induise pas une perte de compétence en assurant le maintien des agents ayant la connaissance bâtimentaire au sein de cette nouvelle structure (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

La foncière suscite enfin une interrogation majeure : celle du niveau d'information du Parlement. En effet, alors que le directeur de l'immobilier de l'État, auditionné par la rapporteure spéciale, a indiqué que la foncière pourrait prendre la forme d'une société anonyme ou d'un établissement public industriel et commercial, les informations transmises au Parlement pourraient être très limitées. En effet, les projets annuels de performances des missions concernées indiqueraient le niveau des loyers payés par chacun des ministères, mais aucune information ne serait transmise sur la gestion de la foncière elle-même.

Au regard des enjeux financiers posés par la transition énergétique des bâtiments publics dans les années à venir, le Parlement doit impérativement être pleinement associés aux décisions stratégiques de la foncière. La présence de parlementaires à la conférence nationale de l'immobilier public, si elle est utile, ne saurait être suffisante.

Ainsi, la rapporteure spéciale recommande de renforcer l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale dédié à la politique immobilière de l'État, afin d'apporter une information complète aux parlementaires.

Recommandation n° 15 : garantir l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale sur la politique immobilière de l'État en présentant précisément les moyens déployés par la foncière et ses objectifs (direction du budget).


* 56 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 57 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 58 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 59 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 60 Rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 2023, p. 17.

* 61 Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

* 62 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.

* 63 Les secrétariats généraux communs, une réforme au milieu du gué, Rapport d'information n° 740 (2021-2022) de Mme Isabelle BRIQUET, déposé le 29 juin 2022.

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