B. DE BONNES PRATIQUES POURRAIENT ESSAIMER, SOUS RÉSERVE QUE LE BLOC COMMUNAL DISPOSE DES FINANCEMENTS ADÉQUATS

Un réseau de bonnes pratiques, devant être adaptées aux réalités locales, s'est progressivement structuré grâce au foisonnement des initiatives. La diffusion de ces pratiques reste toutefois conditionnée à la pérennité des financements et des ressources en ingénierie des communes, en particulier pour les plus petites d'entre elles.

1. La structuration de réseaux de bonnes pratiques, encore trop peu médiatisés, est en cours
a) La CNSA se donne pour objectif de repérer et de faire essaimer des initiatives territoriales prometteuses

La CNSA a signé, fin 2023, une convention avec l'Union des gérontopôles de France, afin de mettre en oeuvre les axes de son programme, en particulier le repérage et l'essaimage d'initiatives territoriales prometteuses.

Les représentants de la CNSA ont informé vos rapporteurs qu'un guide méthodologique pour la lutte contre l'isolement, à destination des élus locaux (y compris les membres des communes et intercommunalités), était en cours de conception et devrait être prochainement publié.

Par ailleurs, ainsi que le suggérait Jean-Marc Blanc, directeur de l'i2ml, l'accent pourrait être mis sur la prévention, en intensifiant les actions de promotion du vieillissement actif au sein des « ateliers Bienvenue à la retraite »94(*) déployés par la CNAV en lien avec l'État, la CNSA et les collectivités territoriales. Plus globalement, l'intensification des relations entre les collectivités et le réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) serait de nature à consolider les actions de prévention à destination des seniors.

b) Des réseaux de bonnes pratiques sont également animés par l'ANCT et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

L'ANCT propose, via sa projetothèque, un accès à des projets et réalisations de collectivités et d'acteurs locaux qu'elle accompagne ou qu'elle a repérés. Ces projets sont regroupés sous forme de fiches de cas pratiques, de témoignages ou de reportages.

La projetothèque de l'ANCT

La projetothèque de l'ANCT regroupe des exemples, qui concernent notamment des communes membres du programme « Petites villes de demain ». Plusieurs d'entre eux ont trait à l'adaptation des communes au vieillissement de leur population.

On pourra citer, à titre d'illustration, la commune de Montendre95(*)
(Charente-Maritime) qui, pour lutter contre l'isolement des aînés, a développé des structures et des services dédiés à leur inclusion sociale, en partenariat avec l'État via le dispositif France services. Trois associations y interviennent ainsi auprès des seniors : (1) le centre socioculturel de la commune organise des ateliers d'« équilibre » pour prévenir les chutes, ainsi que des sorties collectives pour rompre l'isolement, et apporte une aide - au travers de l'espace France services - à l'accès à Internet et aux services en ligne notamment ; (2) une association propose des soins et de l'aide à domicile chez les personnes âgées ; (3) une association dédiée, « Forme, Détente et Retraite Sportive », organise des activités centrées sur le sport et des sorties adaptées aux seniors.

En outre, les villes membres des réseaux Action coeur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PVD) bénéficient du partenariat noué entre l'ANCT et le RFVAA, qui consiste notamment en la mise à disposition de fiches de partages d'expérience96(*).

Le CEREMA a produit, dans le cadre du programme national « Une voirie pour tous », une documentation abondante97(*) sur les politiques d'aménagement visant à « repenser l'espace public autrement pour plus de bien-être, de sécurité, de confort d'usage, de lien social et d'urbanité ». Ainsi que le soulignait Luc Broussy dans son rapport de mai 2021, les fiches pratiques du CEREMA, de grande qualité, restent trop largement inexplorées faute d'une médiatisation suffisante.

Recommandation n° 10 : Poursuivre la structuration de réseaux de bonnes pratiques, aux fins d'adapter les espaces publics aux besoins des aînés (accessibilité des services publics, mobilités).

Pour déployer ces bonnes pratiques aux vertus préventives, encore faut-il que les communes disposent de moyens suffisants et d'un soutien adéquat.

2. Le fonds d'appui aux territoires innovants seniors, outil au service de l'adaptation du bloc communal, devrait être pérennisé

Les travaux d'audition ont mis en lumière la pertinence du fonds d'appui aux territoires innovants seniors, expérimenté sur la période
2022-2023 pour soutenir les projets des communes et intercommunalités visant à adapter les territoires au vieillissement de la population.

L'animation de ce fonds a été assurée par le réseau « Ville amies des aînés », à partir de financements de la CNSA. Certaines communes membres des réseaux « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » en ont notamment bénéficié, à l'instar de la commune de Trévières (Calvados), qui a établi un diagnostic des besoins à hauteur de 10 000 euros aboutissant - entre autres actions - à la décision d'installer de nouveaux bancs en centre-ville.

Plébiscité par ses bénéficiaires98(*), ce fonds est cependant resté relativement confidentiel, en raison de sa modeste dimension (8 millions d'euros environ pour la période 2022-202399(*)). Au total, quelque 380 projets lauréats, répartis entre 274 collectivités, ont pu être soutenus (dans la limite de 40 000 euros par projet). Les porteurs de projets incluaient des communes, des EPCI, des pays et, dans certains cas, des CCAS ou CIAS.

La mobilisation du fonds d'appui aux territoires innovants seniors100(*)

Sur un total de 8 millions d'euros pour 2022 et 2023, la répartition envisagée des fonds était comme suit :

· Sur le volet ingénierie, environ 0,5 M€ étaient dédiés à « une bourse d'appui aux collectivités » pour « financer la réalisation d'un état des lieux transversal du territoire ou le pilotage d'une démarche participative avec les habitants âgés ».

Des communes, EPCI et pays ont pu solliciter cette bourse autour d'un ou plusieurs des objectifs suivants : structurer la gouvernance en faveur de la politique de l'âge dans le territoire, élaborer un état des lieux transversal du territoire et animer un diagnostic participatif et en réaliser la synthèse.

La bourse a permis à la collectivité de solliciter l'appui de consultants, d'organismes tels que l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays ou les centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE), ou d'autres collectivités.

· Le second volet, doté de 7,5 millions d'euros, a permis de financer quelque 380 projets dans les territoires, « en complémentarité des dispositifs existants (conférences des financeurs, aide à la vie partagée, financements de la Caisse des Dépôts...) ».

Parmi les exemples de démarches : l'élaboration d'une offre culturelle destinée aux petits-enfants et grands-parents, la mise en place de lieux pour enfants dans des habitats collectifs dédiés aux aînés, l'amélioration des conditions d'accueil des aînés dans des événements grand public tels que des festivals, des bibliothèques ou des « repaires cafés » animés par des aînés, « des actions visant à permettre aux aînés de s'impliquer dans la transition écologique » (mobilité douce, recours aux circuits courts...).

Alors que la reconduction du fonds n'est toujours pas confirmée, vos rapporteurs soulignent la pertinence de ce dispositif pour répondre aux besoins concrets exprimés, sur le terrain, par les élus communaux et intercommunaux. À titre d'exemple, dans une contribution spontanée à cette mission, le maire de Bernières sur mer101(*) (Calvados) a regretté que les travaux de voirie, nécessaires pour faciliter la mobilité piétonne, soient trop « peu accompagnés financièrement ». Précisément, ce type de projets devrait pouvoir trouver un débouché, après instruction, dans le fonds d'appui pour les territoires innovants seniors.

Au-delà de la pérennisation de ce fonds, qui répondrait à certaines préoccupations exprimées par les élus locaux pour adapter le quotidien des seniors, un assouplissement des modalités de financement permettrait à un plus grand nombre de communes, notamment de petite taille, d'en bénéficier.

Dans le cadre de l'expérimentation menée entre 2022 et 2023, en effet, les subventions étaient allouées sur la base d'un co-financement de la collectivité ou de ses partenaires (avec un engagement minimal de 20 % pour les collectivités de moins de 20 000 habitants, de 50 % pour les collectivités
de 20 000 à 100 000 habitants et de 70 % pour les collectivités de plus
de 100 000 habitants). De plus, ces financements étant annuels, ils ne permettent pas de prévoir un soutien sur plusieurs années, pourtant indispensable pour l'ingénierie d'animation, dont le rôle est crucial dans les actions d'inclusion des aînés et de lutte contre l'isolement.

Recommandation n° 11 : Pérenniser le fonds d'appui pour les territoires innovants seniors dans le cadre du PLFSS pour 2025.

Il pourrait être envisagé parallèlement :

- d'assouplir l'exigence de cofinancement par la collectivité ou l'EPCI (aujourd'hui comprise entre 20 et 40 %), au bénéfice des communes de petite dimension ;

- de permettre des financements pluriannuels, au soutien, notamment, de l'ingénierie d'animation.

Ce fonds ne pourra naturellement compenser l'absence d'une véritable programmation budgétaire nationale en faveur de l'autonomie, nécessaire pour faire face aux défis du vieillissement de la société. C'est ainsi que l'AMF porte la « demande en urgence d'une politique nationale à destination des personnes âgées par l'adoption d'une loi de programmation et d'orientation, s'appuyant sur des financements dédiés, et non sur les budgets communaux, aujourd'hui contraints. ».


* 94 Le déploiement des « ateliers Bienvenue à la retraite » est prévu dans la convention d'objectifs et de gestion 2023-2027 de la CNAV.

* 95 Le projet est décrit sur le site internet de l'ANCT à l'adresse: https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/lengagement-associatif-au-service-des-seniors-des-petites-villes-de-demain-montendre-1165

* 96 On notera plus globalement que 41 Petites villes de demain sont adhérentes au RFVAA (dont 12 sont engagées dans la démarche de labellisation « Ville amie des aînés »), ainsi que 47 communes du programme « Action coeur de ville » (auxquelles s'ajoutent 2 communes en cours d'adhésion).

* 97 Cette documentation peut être consultée en suivant le lien ci-après : https://www.cerema.fr/fr/actualites/dossier-voirie-pour-tous
On rappellera par ailleurs que la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA) promeut également l'accessibilité de la chaîne du déplacement et coordonne les actions des différents ministères en matière de bâti, de voirie, de transports et d'espace public.

* 98 À l'instar de la commune de Clamart, dans ses réponses écrites au questionnaire des rapporteurs.

* 99 Sur le fondement d'une convention portant sur le fonds d'appui aux territoires innovants, prévu au titre du budget d'intervention de la CNSA « pour soutenir le déploiement de collectivités amies des aînés et de projets territoriaux en faveur du vieillissement actif et en bonne santé ».

* 100 Source : réponses écrites d'Intercommunalités de France au questionnaire des rapporteurs.

* 101 Contribution, sous forme de courriel, à la mission.

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