B. LES MOYENS DES SERVICES DE L'ÉTAT SE TROUVENT CONFRONTÉS À UN SURCROÎT D'ACTIVITÉ EXCEPTIONNEL
1. Fondé sur des indicateurs de performance robustes, le contrôle et le suivi de l'état courant des infrastructures réalisés par les services de l'État sont de bonne qualité
a) Les services de l'État réalisent un suivi technique de qualité de l'état courant du patrimoine autoroutier concédé
En-dehors des procédures spécifiques de fin des concessions, de façon continue, les services de la DGITM sont chargés d'assurer un suivi technique de la qualité des infrastructures autoroutières afin que l'usager bénéficie d'un bon niveau de sécurité. Cette activité consiste en particulier à contrôler les travaux réalisés par les sociétés et à effectuer un suivi de l'état courant des infrastructures autoroutières sur toute la durée de la concession.
Le sous-directeur de la DGITM chargé de ce suivi déclarait ainsi en 2020 devant la commission d'enquête du Sénat que l'essentiel des contrôles effectués habituellement par la DGITM visent à « assurer la commodité et la sécurité des usagers ».
En 2020, la commission d'enquête sénatoriale avait estimé que le suivi technique effectué par les services de l'État était « de bonne qualité », « globalement complet et efficace ». Cette appréciation est confirmée par l'autorité de régulation. En effet, l'ART a indiqué au rapporteur que « la compétence technique du concédant est indéniable. Les équipes de la sous-direction en charge du réseau concédé, appuyées par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et les directions interdépartementales des routes (DIR), disposent d'une expertise sur l'ensemble des métiers de la route : exploitation, maintenance et construction ».
b) Ce suivi s'appuie sur des indicateurs de performance dédiés à chaque type d'infrastructures
Le rapport d'activité 2022 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concessions d'autoroutes et d'ouvrages d'art89(*) précise que l'action de contrôle de la DGITM se structure « par type de biens composant le patrimoine. Des chargés de domaine suivent l'état des bâtiments, des tunnels, des ouvrages d'art, des chaussées et des ouvrages en terre et s'assurent de la prise en compte des mesures environnementales ».
Le suivi de l'état courant des infrastructures du réseau autoroutier concédé est effectué par les services de contrôle de la DGITM sur la base d'indicateurs dits « de performance » qui sont listés à l'article 13 des contrats de concessions historiques. Ces indicateurs portent notamment sur les chaussées et les ouvrages d'art, de façon à qualifier leur état. Des objectifs de résultats, pénalisables s'ils ne sont pas atteints, sont associés à ces indicateurs. L'article 39 des contrats stipule en effet que si les services de l'État constatent un manquement du concessionnaire à ses obligations, après une mise en demeure restée infructueuse, celui-ci est tenu au versement d'une pénalité.
Chaque année, les sociétés d'autoroutes remettent à l'État un rapport d'exécution de la concession. Celui-ci indique les résultats des indicateurs de performance. Le concédant procède à des audits sur pièce ou sur place, souvent réalisés par le Cerema, pour s'assurer de la fiabilité des données produites par les sociétés concessionnaires. D'après le rapport d'activité précité, en 2022, les services de l'État avaient ainsi procédé à six audits sur site d'indicateurs de performance.
L'état de la surface des chaussées est suivi par l'indicateur dit IQRA - surface. L'état de leur structure est quant à lui désormais suivi par l'indicateur ISTRU créé pour répondre aux enjeux de la remise en état des chaussées en fin de concession (voir supra). Le système de cotation des indicateurs IQRA et ISTRU permettant de qualifier l'état des chaussées est le suivant :
- 0 : très mauvais état ;
- 1 : mauvais état ;
- 2 : état moyen ;
- 3 : bon état ;
- 4 : très bon état.
Le suivi de l'indicateur IQRA démontre une amélioration sensible de l'état de la surface des chaussées depuis dix ans. Les chaussées en bon état ou en très bon état représentaient ainsi 93,1 % du réseau en 2022 contre 87,4 % dix ans auparavant.
Évolution de l'état de surface des
chaussées du réseau autoroutier concédé
selon
l'indicateur IQRA - surface (2012-2022)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire du rapporteur
Selon l'évaluation du nouvel indicateur ISTRU, la structure de 74 % des chaussées est en très bon état et 4 % de celles-ci présentent une structure en mauvais ou en très mauvais état.
État structurel des chaussées du
réseau autoroutier concédé
selon l'indicateur ISTRU
(2022)
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport d'activité 2022 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concessions d'autoroutes et d'ouvrages d'art, DGITM, 2023
Dans le rapport d'activité de 2022 précité, la DGITM souligne que des modalités d'échanges formalisées avec les sociétés d'autoroutes permettent de consolider le suivi réalisé au moyen du renseignement des indicateurs par les concessionnaires : « en complément des informations transmises par les sociétés, des réunions d'échanges sur les travaux réalisés et les politiques d'entretien chaussées sont organisées annuellement par concédant. Ces échanges permettent de vérifier la qualité des données transmises et d'assurer une veille sur l'évolution des techniques et l'entretien du réseau (technique, âge des couches de roulement, fréquence d'entretien) ».
L'état des ouvrages d'art est suivi quant à lui par un système de cotation baptisé « image de la qualité des ouvrages d'art » (IQOA).
Les différentes classes des ouvrages d'art selon la cotation IQOA
Classe 1 : ouvrage en bon état apparent, avec possibles défauts sans gravité que l'on peut traiter par l'entretien courant ;
Classe 2 : structure porteuse de l'ouvrage en bon état apparent mais dont les équipements ou les éléments de protection présentent des défauts, ou structure présentant des défauts mineurs qui nécessitent un entretien spécialisé sans caractère d'urgence ;
Classe 2E : ouvrage présentant les défauts de la classe 2, mais qui nécessite un entretien spécialisé urgent pour prévenir le développement rapide de désordres dans la structure ;
Classe 3 : ouvrage dont la structure est altérée, et qui nécessite des travaux de réparation sans caractère d'urgence ;
Classe 3U : ouvrage dont la structure est gravement altérée et qui nécessite des travaux de réparation urgents ;
Classe NE : ouvrage non évalué, principalement en raison de parties d'ouvrages non accessibles lors de la dernière visite d'évaluation IQOA.
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
Le suivi de l'indicateur IQOA indique une légère amélioration de l'état des ouvrages d'art du réseau autoroutier entre 2010 et 2022. En effet, alors qu'en 2010 les ouvrages classés 1 et 2 représentaient 70,5 % du total, cette proportion était montée à 72,7 % en 2022.
Cependant, ce suivi illustre aussi la part notable des ouvrages classés « 2E » dits « évolutifs ». Ils représentent environ un quart du total des ouvrages d'art du réseau autoroutier concédé. C'est pour cela que la façon de les apprécier au regard de la doctrine du « bon état » en fin de concession des biens de retour représente un enjeu si sensible (pouvant avoisiner les deux milliards d'euros) pour les sociétés d'autoroutes comme pour les intérêts patrimoniaux de l'État concédant.
En 2022, en additionnant les infrastructures classées « 2E », « 3 », « 3U » ainsi que celles qui n'ont pu être évaluées (« NE »), 27,3 % des ouvrages d'art étaient susceptibles d'exiger des travaux de remise en état à plus ou moins brève échéance.
Évolution de l'état des ouvrages
d'art du réseau autoroutier concédé
selon le
système de cotation IQOA (2010-2022)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la DGITM au questionnaire du rapporteur
Par ailleurs, il est à noter que depuis 2010, on observe une augmentation très sensible des dépenses annuelles consacrées par les concessionnaires à l'entretien des ouvrages d'art du réseau autoroutier.
Dépenses annuelles consacrées par
les concessionnaires à l'entretien
des ouvrages d'art du
réseau autoroutier concédé (2010-2022)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport d'activité 2022 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concessions d'autoroutes et d'ouvrages d'art, DGITM, 2023
2. L'organisation et les moyens des services de l'État : des effectifs renforcés par d'indispensables appuis extérieurs
a) Des effectifs habituels trop réduits pour absorber un pic d'activité inédit
Au sein de la direction des mobilités routières de la DGITM, c'est la sous-direction des financements innovants et du contrôle des concessions autoroutières dite « FCA » qui a en charge les procédures d'expiration des concessions autoroutières historiques. Cette sous-direction est composée d'un effectif de 42 équivalents temps pleins (ETP), soit 7 de plus qu'en 2020. Ses effectifs sont répartis entre cinq bureaux :
- le bureau des contrats (FCA1) ;
- le bureau de la dévolution (FCA2) ;
- le bureau des services des usagers et de la comodalité (FCA3) ;
- le bureau de la construction et du patrimoine (FCA4) ;
- le bureau de l'expertise juridique (FCA5).
Description par la DGITM des cinq bureaux
composants la sous-direction
des financements innovants et du contrôle
des concessions autoroutières
Le bureau FCA1 veille à la bonne exécution des contrats, en particulier dans leurs dimensions juridique et financière. Il est l'interlocuteur des sociétés concessionnaires, ainsi que des services déconcentrés et des services des collectivités locales des réseaux dont il s'occupe. Il contrôle les tarifs de péage et analyse l'équilibre économique et financier des concessions. FCA1 mène par ailleurs, en lien avec les bureaux FCA3 et FCA4, les négociations relatives à la modification des contrats de concession et à la conclusion de nouveaux contrats de plan. Le bureau contribue également à la production législative et réglementaire relative au secteur autoroutier.
Le bureau FCA2 est responsable de l`intégralité des procédures de mise en concurrence pour les nouveaux contrats de concession et de marchés de partenariat en lien avec les services déconcentrés et notamment les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) concernées. Il s'appuie pour la conduite de ces procédures sur les compétences techniques internes de la sous-direction notamment les bureaux FCA3 et FCA4 pour la contractualisation des indicateurs de performance (dimensionnement et politique d'entretien des objets techniques constitutif du patrimoine autoroutier, aires annexes, péage, exploitation, etc.) et la rédaction de certaines clauses des contrats ou sur le bureau FCA5 pour une assistance juridique. FCA2 s'appuie également pour mener à bien le lancement de nouvelles concessions sur les entités territoriales et les directions techniques du Cerema, ainsi que sur le département de la transition écologique, de la doctrine et de l'expertise technique (DMR / TEDET) et sur une assistance externe financière et juridique.
Les bureaux FCA3 et FCA4 sont chargés du contrôle de l'exécution des contrats de concession sur les aspects techniques. Leurs locaux sont situés à Bron, dans la périphérie lyonnaise.
Le bureau FCA3 intervient sur les domaines relatifs aux services aux usagers et à la comodalité. Le bureau est ainsi particulièrement mobilisé sur le développement des nouvelles mobilités, avec une situation de pivot entre les entités du ministère et interministérielles en charge de l'élaboration de la doctrine (TEDET, Cerema, DSR...) et leur appropriation et leur mise en oeuvre par les sociétés d'autoroutes. Il assure également le suivi des indicateurs de performance rendant compte du niveau de service rendu aux usagers, et mène les actions correctrices le cas échéant nécessaires vis-à-vis des sociétés concessionnaires.
Le bureau FCA4 intervient sur les aspects relatifs à l'aménagement du réseau et au patrimoine. Outre l'instruction des dossiers de conception des sociétés d'autoroute, le bureau assure le suivi sur pièce et sur place des opérations d'aménagement menées par les sociétés concessionnaires. Il pilote également l'ensemble des audits menés sur les enjeux constructifs ou patrimoniaux. Outre le chef de bureau, ces bureaux comprennent des chargés de domaine et des chargés d'opérations. Experts techniques de leur champ d'intervention, les agents se rendent fréquemment sur le terrain pour procéder à des audits et à des contrôles.
Le bureau FCA5 fournit une assistance juridique à l'ensemble des bureaux de la sous-direction. Plus particulièrement, il assure la production de la doctrine ministérielle en matière de partenariats public-privé et est en charge de sa diffusion et de sa promotion à la fois en interne au ministère mais également vis-à-vis de l'extérieur. Il assure le pilotage et le contrôle qualité des prestataires (conseil, cabinet d'avocats) mobilisés par la sous-direction.
Source : réponses de la DGITM au questionnaire du rapporteur
Les effectifs habituels de la sous-direction FCA ne pouvaient pas suffire à répondre au surcroît d'activité considérable résultant des procédures d'expiration des concessions, notamment en matière de contrôles et d'audits techniques des documents produits par les concessionnaires et de la réalisation des travaux prescrits dans les programmes d'entretien et de rénovation. La DGITM a ainsi insisté auprès du rapporteur sur le fait que « la perspective de la fin de ces concessions autoroutières historiques a des impacts sur la mission de contrôle, actuellement réalisée en régie par l'autorité concédante (...) que ce soit en termes d'ampleur des contrôles à réaliser, d'exhaustivité du patrimoine concerné, d'exigence du calendrier et de conflictualité potentielle des relations concédant-concessionnaires »90(*). En parallèle, la direction souligne que l'ensemble des tâches courantes de la sous-direction FCA se poursuivent91(*), le tout aboutissant à une charge de travail décuplée.
Habituellement, seule une vingtaine d'agents de la sous-direction est en charge des contrôles de l'état courant de l'ensemble des infrastructures du réseau autoroutier concédé. Cet effectif paraît en effet dérisoire en comparaison des 9 000 kilomètres et des 11 000 ouvrages d'art qui composent le patrimoine d'un réseau autoroutier concédé dont la valeur est estimée à 194 milliards d'euros. Consciente de cette difficulté, la DGITM a décidé, au cours de cette phase, de s'appuyer davantage sur différents prestataires extérieurs publics comme privés.
b) Dans le cadre des procédures de fin des concessions, la DGITM sollicite fortement la communauté technique publique, et notamment le Cerema
En premier lieu, la DGITM a sollicité de manière accrue la communauté technique publique représentée notamment par le Cerema, le CETU ou bien encore l'université Gustave Eiffel. En parallèle, il est à noter que la DGITM et l'ART ont également mis en place un groupe d'échanges relatifs à la mise en oeuvre du processus de fin des concessions.
L'ART a eu l'occasion de souligner auprès du rapporteur le rôle essentiel joué par cette communauté technique publique dans le cadre des procédures d'expiration des concessions : « la fin des concessions soulève d'abord des problématiques techniques nouvelles, pour lesquelles l'aide de la communauté technique du ministère a été sollicitée. Des groupes de travail composés de représentants techniques de l'administration et du réseau scientifique et technique de l'État aident la sous-direction FCA à poser la doctrine dans les domaines des chaussées et des ouvrages d'art et l'accompagnent dans la mise en oeuvre des processus de fin de concession (fiabilisation de l'inventaire, de l'état des lieux, du programme de travaux, quitus). Le CETU fournit par ailleurs un accompagnement spécifique dans le domaine des tunnels92(*) (en 2024, il doit réaliser des audits sur un échantillon de tunnels des réseaux ESCOTA et SANEF). Pour les autres domaines comme l'environnement et les dispositifs de retenue, des échanges techniques sont organisés à la demande avec les experts du Cerema et avec les gestionnaires de voirie du réseau routier national non concédé ».
Dans ce cadre, la DGITM entend notamment mobiliser le Cerema qui jouit d'une expérience toute particulière en matière d'expertise technique dans le domaine des infrastructures routières. En dehors même des opérations liées à la fin des concessions, cet établissement délivre d'ailleurs de façon habituelle des prestations d'expertise dans ce domaine pour la DGITM, à hauteur d'environ quatre équivalents temp plein (ETP) en moyenne, mais également pour les sociétés d'autoroutes.
Ainsi, le directeur général du Cerema a-t-il pu confirmer au rapporteur que son établissement mobilisait en moyenne dix ETP pour des prestations auprès des sociétés d'autoroutes. Cette activité a représenté entre 1,3 million d'euros et 2,6 millions d'euros par an pour le Cerema entre 2020 et 2023. Comment ne pas s'interroger sur les effets de cette situation ?
Volume d'activité annuel (en montant et en nombre d'interventions) du Cerema pour le compte des sociétés concessionnaires d'autoroutes (2020-2023)
Année |
Montant (en millions d'euros) |
Nombre d'interventions |
2020 |
2,2 |
50 |
2021 |
2,6 |
59 |
2022 |
1,4 |
32 |
2023 |
1,3 |
39 |
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
L'activité habituelle du Cerema dans le domaine du réseau autoroutier concédé
La gestion et le contrôle des contrats de concession sont assurés par la DGITM, sous-direction FCA. Pour ces missions, le Cerema peut intervenir soit à la demande de la DGITM (avis sur dossier, contrôle extérieur), soit à la demande des concessionnaires (mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrages, diagnostics d'infrastructures, contrôles extérieurs d'études). Dans ce second cas, une information préalable de la DGITM est réalisée par le Cerema pour toute demande d'intervention pour le compte d'un concessionnaire, afin de s'assurer d'éviter toute situation d'éventuels conflits d'intérêt.
Par ailleurs, le principe d'une intervention du Cerema sur les avis sur les avants-projets de réparation sont inscrits dans la circulaire n° 87/88 modifiée (circulaire du 19 juillet 2023 relative aux modalités d'établissement et d'instruction des dossiers techniques concernant la construction et l'aménagement des autoroutes concédées modifiant la circulaire n° 87-88 modifiée du 27 octobre 1987).
Le positionnement auprès de la DGITM est un rôle de conseiller, d'audit qualité des prestations réalisées par les sociétés concessionnaires. On peut considérer que ce rôle mobilise 4 ETP.
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
S'agissant de la contribution du Cerema aux opérations de contrôle des travaux réalisés sur les infrastructures, la DGITM a signalé au rapporteur que « ses principaux domaines d'intervention sont l'environnement, notamment le contrôle du respect des exigences environnementales en phase chantier, les ouvrages d'art au travers d'audits thématiques et les audits de sécurité ». La DGITM a ainsi demandé à l'établissement public de dégager tout au long de la période considérée, des capacités d'intervention et des moyens humains spécifiques sur le domaine de la fin des concessions historiques.
À cette fin, une convention lie la DGITM et le Cerema depuis 2022. Elle prévoit plusieurs natures de contributions de la part de l'établissement public représentant une mobilisation moyenne de deux ETP :
- sa participation aux groupes de travail, aussi qualifiés de « groupe miroirs », relatifs aux différents domaines d'infrastructures ;
- sa participation à l'élaboration de la méthodologie du diagnostic de l'état des biens de retour ;
- sa participation aux opérations d'audit de l'état des lieux du patrimoine des concessions réalisé par les sociétés d'autoroutes93(*) ;
- l'accompagnement de l'élaboration et du suivi de la mise en oeuvre des programmes de travaux94(*).
Cette participation du Cerema est pilotée dans le cadre d'un groupe de travail « fin de concession » qui réunit l'établissement public et la DGITM. Ce groupe de travail réalise également des audits de certaines des prestations extérieures réalisées par des bureaux d'études privés pour le compte de la DGITM (voir infra).
La sollicitation du Cerema par la DGITM dans le
cadre des procédures
de fin des concessions
Le calage des prestations pouvant être assurées par le Cerema au regard de son plan de charge et de sa stratégie a fait l'objet de plusieurs échanges spécifiques pour chaque domaine.
Ainsi, il a été prévu qu'au-delà de sa participation aux groupes de travail, le Cerema apporte des compléments d'expertises à la sous-direction FCA.
Dans le domaine des ouvrages d'art, il assure un contrôle échantillonné des actions de surveillance des sociétés concessionnaires d'autoroutes pour mieux calibrer les commandes à passer dans le cadre d'un marché de prestataire extérieur, une définition des prescriptions techniques de ce marché et une actualisation de la mercuriale des prix. Dans le domaine des chaussées, il assure des auscultations à grand rendement et les préconisations déduites.
Source : réponses de la DGITM au questionnaire du rapporteur
La DGITM a par ailleurs signalé au rapporteur que « la collaboration avec le Cerema est appelée à se renforcer encore dans la période à venir, dans la perspective de la préparation de la fin des concessions ». Toutefois, sur ce sujet, le directeur général du Cerema a souhaité alerter le rapporteur. Jusqu'à maintenant, les prestations réalisées pour le compte de la sous-direction FCA de la DGITM ne faisaient pas l'objet de financements dédiés. Elles étaient prises à sa charge par l'établissement et donc comprises dans la subvention pour charges de service public qu'il perçoit annuellement du budget de l'État95(*).
Compte-tenu de la contrainte qui pèse sur ses moyens et de la réforme de son modèle économique96(*) qui repose désormais de plus en plus sur ses ressources propres, le Cerema ne sera plus en mesure d'absorber ce surcroît d'activité sur sa seule subvention pour charges de service public. Cette situation impliquera ainsi que la DGITM dégage des crédits spécifiques destinés à financer cette « sur-mobilisation » temporaire de l'établissement public. Faute de quoi, le Cerema devrait « se désengager en grande partie de son appui d'expert technique historique auprès de la sous-direction FCA »97(*).
Compte-tenu de l'importance de la contribution du Cerema dans le cadre des travaux d'expiration des concessions, une telle perspective fragiliserait grandement la position de l'État concédant vis-à-vis des sociétés d'autoroutes. Elle serait de très mauvais augure pour la préservation des intérêts patrimoniaux de l'État. Une solution de financement est toujours recherchée. Le rapporteur tient à souligner qu'en raison des enjeux en présence, il est impératif que cette problématique financière se dénoue rapidement.
Le financement du surcroît d'activité demandé au Cerema : une problématique à résoudre d'urgence
La gestion des fins de contrats de concession va impliquer un besoin croissant de moyens pour faire face à l'augmentation du nombre de concessionnaires impliqués et à la montée en force du nombre de dossiers de travaux à maîtriser. Un renfort des moyens est à organiser pour permettre à la sous-direction FCA de faire face, par exemple en organisant une sous-traitance, avec bien sûr l'appui du Cerema, qui est aussi à renforcer et à financer.
En effet, le Cerema intervenait par le passé pour la sous-direction FCA sur sa subvention pour charges de service public (SCSP), pour les affaires ayant été programmées d'un commun accord l'année N-1, en fonction néanmoins des capacités à faire et des moyens du Cerema.
Ce mode de financement est à revoir dorénavant : le modèle économique du Cerema et la baisse continue de la SCSP d'année en année accordée pour l'établissement oblige à rechercher et à augmenter ses recettes propres.
Or le volume d'affaires du Cerema pour le compte de la sous-direction FCA va croître avec la fin des concessions : il faudra donc, d'une manière ou d'une autre, que la DGITM trouve un financement spécifique pour faire intervenir le Cerema. Sans quoi, le Cerema devra se désengager en grande partie de son appui d'expert technique historique auprès de la sous-direction FCA.
Cette recherche de financement est en cours et est à poursuivre, pour aboutir à une parfaite adaptation des ressources aux besoins d'intervention du Cerema généré par la fin des concessions.
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
c) Au-delà de la communauté technique publique, la DGITM a recours à des bureaux d'études privés pour expertiser les documents produits par les sociétés d'autoroutes et réaliser des contrôles
Aussi importante soit-elle, la seule participation de la communauté technique publique ne suffirait pas à couvrir l'ensemble des besoins de l'autorité concédante dans le cadre des procédures d'expiration des contrats historiques. C'est pourquoi la DGITM a décidé de recourir à des prestataires extérieurs « pour analyser l'état des lieux et les programmes de travaux, puis réaliser les inspections de fin de concession »98(*). Pour cela, la DGITM mandate des bureaux d'études spécialisés dans le suivi technique des infrastructures routières. La DGITM reconnait notamment que, sans ce renfort, compte-tenu de ses effectifs et des délais contraints, elle ne serait pas en mesure de contrôler de façon suffisamment rigoureuse les documents produits par les sociétés d'autoroutes : « sous le pilotage de l'autorité, le recours à des prestaires extérieurs permet d'assurer un contrôle approfondi de la complétude et l'exactitude de l'état des lieux des différentes concessions et des programmes de travaux nécessaires à l'atteinte des exigences de bon état d'entretien en fin de concession »99(*).
La DGITM considère par ailleurs que le fait que ces mêmes bureaux d'études travaillent régulièrement pour les sociétés d'autoroutes elles-mêmes constitue un atout dans la mesure où ils auraient par ces activités développé une connaissance fine du réseau autoroutier concédé : « le recours à un prestataire extérieur fournissant des prestations à d'autres administrations, mais aussi à des entreprises privées permet également de bénéficier de sa connaissance approfondie du secteur et des pratiques de la profession »100(*).
Si le rapporteur entend cet argument, il voit également et surtout dans cette situation un risque évident de conflit d'intérêt qu'il conviendra de surveiller attentivement compte-tenu des intérêts financiers considérables en jeu pour l'État comme pour les sociétés d'autoroutes.
L'ART a indiqué au rapporteur qu'elle considérait que le recours à des prestataires extérieurs était indispensable afin que l'État concédant dispose des capacités suffisantes pour réaliser les contrôles et audits nécessaires à la préservation de ses intérêts patrimoniaux. Elle estime en effet que « le recours à des prestaires extérieurs permet d'effectuer un contrôle de la complétude et de l'exactitude des états des lieux fournis par les différentes concessions, une analyse approfondie des programmes de travaux prévus pour atteindre les exigences de bon état en fin de concession, et des inspections de fins de concession à grande échelle. Outre le fait que cela démultiplie sa capacité de contrôle, le choix affiché du concédant de se faire accompagner par des prestataires privés envoie aux concessionnaires un signal important : cela souligne son intention de mener les travaux avec rigueur et dans le respect des règles de l'art »101(*).
L'ART ajoute qu'au-delà même d'un appui d'ordre technique, les services de l'État auront aussi nécessairement besoin de renforts en termes de compétences juridiques : « au-delà, un appui juridique solide apparaît également indispensable à la défense des intérêts patrimoniaux de l'État »102(*).
Pour l'ART, les appuis extérieurs que l'État concédant est en mesure de solliciter apparaissent de nature à compenser le handicap qui résulte de la faiblesse de ses effectifs propres : « le concédant pourrait apparaître en position de faiblesse, mais il dispose d'atouts. Au regard de ses effectifs limités, la sous-direction FCA pourrait paraître moins bien armée que les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui ont par ailleurs l'avantage de connaître parfaitement les réseaux qui leur ont été concédés. Néanmoins, la communauté technique du ministère, sur laquelle elle a choisi de s'appuyer, ainsi que son choix de se faire assister par des bureaux d'études techniques, sont de nature non seulement à démultiplier sa force de frappe, mais aussi à asseoir la crédibilité de ses exigences techniques ».
Pour encadrer son recours à des prestataires extérieurs dans le cadre des opérations d'expiration des concessions historiques, la DGITM a ainsi conclu des accords-cadres de marchés d'expertise portant sur la période 2024-2028 pour un montant total de 8 millions d'euros. Sur le seul domaine des ouvrages d'art, les engagements représentent 5 millions d'euros dont 2 millions d'euros auront déjà été engagés en 2024.
* 89 Rapport d'activité 2022 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concessions d'autoroutes et d'ouvrages d'art, DGITM, 2023.
* 90 Réponses écrites de la DGITM au questionnaire du rapporteur.
* 91 En réponse au questionnaire du rapporteur, la DGITM a ainsi précisé qu'en parallèle des tâches exceptionnelles liées à la procédure d'expiration des concessions historiques, « la mise en oeuvre des plans d'investissement autoroutiers se poursuit également jusqu'aux échéances des concessions : instructions des dossiers, contrôles des opérations, mises en service... Les autres activités de la sous-direction restent maintenues : suivi et contrôle des activités d'entretien maintenance, suivi et gestion des contrats, participation à l'évolution de la doctrine nationale, passation de nouveaux contrats de concession... ».
* 92 Le CETU a signé une convention avec la DGITM pour encadrer les conditions de sa contribution.
* 93 Dans ce cadre, le Cerema a indiqué, en réponse au questionnaire du rapporteur, que « concernant les ouvrages d'art, le Cerema apportera ainsi une analyse statistique sur la bonne évaluation de la cotation de l'état des ouvrages d'art. Pour ce qui est des chaussées, le Cerema pourra les ausculter et les comparer aux indicateurs fournis par les SCA.
* 94 Dans ce cadre, le Cerema a souligné, en réponse au questionnaire du rapporteur, que « le Cerema pourra ponctuellement être sollicité par la sous-direction FCA pour l'aider dans le contrôle des travaux sur les sujets les plus complexes.
* 95 Via le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
* 96 De « quasi-régie conjointe » entre l'État et les collectivités territoriales.
* 97 Réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur.
* 98 Réponses écrites de la DGITM au questionnaire du rapporteur.
* 99 Réponses écrites de la DGITM au questionnaire du rapporteur.
* 100 Réponses écrites de la DGITM au questionnaire du rapporteur.
* 101 Réponses écrites de l'ART au questionnaire du rapporteur.
* 102 Réponses écrites de l'ART au questionnaire du rapporteur.