N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la révision de la législation pharmaceutique proposée par la Commission européenne,

Par Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Pascale GRUNY et M. Bernard JOMIER,

Sénatrice et Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault,
Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

L'ESSENTIEL

La commission des affaires européennes du Sénat a demandé à Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Bernard Jomier et Mme Pascale Gruny de présenter leurs observations et leurs recommandations sur le « paquet pharmaceutique »1(*) que la Commission européenne a présenté le 28 avril 2023 et qui comprend notamment une proposition de directive2(*) et une proposition de règlement3(*).

Si plusieurs mesures proposées par la Commission européenne sont conformes aux recommandations présentées par la commission des affaires européennes du Sénat dans son avis politique du 20 octobre 20224(*), les rapporteurs de cette dernière souhaitent néanmoins s'assurer que ces propositions préservent, d'une part, la santé et la sécurité des patients, et d'autre part, un équilibre entre les incitations à l'innovation et les mesures visant à garantir l'accès aux médicaments et leur caractère abordable.

À l'issue de leur travail, les trois rapporteurs de la commission des affaires européennes ont pu présenter des observations et des propositions communes sur de nombreuses mesures du « paquet pharmaceutique ». Toutefois, aucun consensus n'a pu être dégagé sur les mécanismes d'incitation proposés par la Commission et reposant sur une modulation de la durée de la protection des données réglementaires.

I. GARANTIR LA SÉCURITÉ DES PATIENTS ET LA DURABILITÉ DES MÉDICAMENTS DANS LE CADRE DES PROCÉDURES D'ÉVALUATION

A. ASSORTIR L'AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ DE GARANTIES SUFFISANTES POUR LA SÉCURITÉ DES PATIENTS

La Commission propose plusieurs mesures visant à simplifier la réglementation relative à l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Les rapporteurs s'opposent à deux d'entre elles :

- la suppression de l'obligation de présenter un plan de gestion des risques pour les médicaments biosimilaires, du fait que ceux-ci présentent une variabilité importante par rapport à leur médicament de référence ;

- la réduction de la durée de l'évaluation scientifique effectuée par l'EMA de 210 à 180 jours dans la mesure où elle aurait très peu d'incidence sur les délais d'accès aux médicaments mais augmenterait le risque d'une analyse incomplète du dossier.

La Commission propose également de développer des procédures d'évaluation spécifiques. Si les rapporteurs en approuvent le principe, ils souhaitent une sélection transparente des médicaments qui pourront en bénéficier et des critères de sélection plus précis. Ces procédures sont les suivantes :

- le programme en faveur des médicaments prioritaires (PRIME) créé par l'EMA qui doit permettre aux développeurs de médicaments jugés prometteurs de bénéficier d'un soutien scientifique et réglementaire précoce et renforcé qui pourra s'accompagner d'une évaluation accélérée ;

- la méthode de révision continue utilisée durant la pandémie de COVID-19 et qui consiste en l'examen progressif des données nécessaires à l'AMM au fur et à mesure de leur disponibilité alors qu'aujourd'hui, les dossiers de demandes d'AMM ne sont examinés par l'EMA que lorsqu'ils sont complets ;

- l'autorisation temporaire de mise sur le marché d'urgence qui pourra être délivrée en cas d'urgence de santé publique telle que définie par le règlement (UE) 2022/23715(*) qui, pour les rapporteurs, devra s'accompagner de mesures spécifiques pour garantir la sécurité des patients ;

- les bacs à sable réglementaire qui devront permettre aux patients d'accéder à des technologies de santé innovantes dans des conditions de sécurité acceptables. Pour les rapporteurs, le recours à cette procédure devra rester exceptionnel et justifié par l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. Le bac à sable réglementaire ne devra également pas s'apparenter à un essai clinique. Enfin, un suivi particulier des patients, de sorte à garantir leur sécurité, et des mesures de pharmacovigilance renforcées seront à prévoir.

B. DES EXIGENCES RENFORCÉES SUR LE PLAN ENVIRONNEMENTAL QUI NE DOIVENT PAS REMETTRE EN CAUSE L'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

La proposition de directive prévoit des exigences plus claires et plus précises en matière d'évaluation des risques pour l'environnement (ERE), notamment pour ce qui concerne les antimicrobiens.

La Commission propose également que les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 et qui n'ont pas fait l'objet d'une ERE puissent faire l'objet d'une telle évaluation si l'EMA les considère comme potentiellement dangereux. Si les rapporteurs soutiennent une telle mesure, ils appellent toutefois à la vigilance pour éviter que cette mesure n'entraîne de nouvelles pénuries. Un soutien financier devra pouvoir être accordé aux titulaires d'AMM qui seraient contraints de réduire l'impact environnemental des médicaments concernés.

Enfin, la Commission propose que l'AMM puisse être refusée lorsque l'ERE est incomplète ou insuffisamment étayée par le demandeur ou que les risques mentionnés dans l'ERE n'ont pas été suffisamment pris en compte par le demandeur. Les rapporteurs souhaitent que ce refus ne soit pas systématique et que la Commission prenne notamment en compte l'existence ou non d'alternatives thérapeutiques.

II. CONTRIBUER À RENDRE LES MÉDICAMENTS PLUS ABORDABLES DANS LE RESPECT DES COMPÉTENCES DES ÉTATS MEMBRES

Concernant le prix des médicaments, la Commission fait deux propositions que les rapporteurs soutiennent et complètent.

Tout d'abord, la proposition de directive prévoit que le titulaire d'AMM déclare au public tout soutien financier direct reçu de toute autorité publique ou de tout organisme financé par des fonds publics en faveur d'activités ayant trait à la recherche et au développement de médicaments faisant l'objet d'une autorisation nationale ou centralisée de mise sur le marché, quelle que soit l'entité juridique qui a reçu ce soutien. Les rapporteurs sont favorables à cette proposition qu'ils proposent de compléter en incluant également les financements indirects tels que les aides fiscales.

La Commission propose également d'élargir les conditions d'utilisation des produits brevetés6(*) afin de permettre aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires de réaliser des études nécessaires à la détermination du prix des médicaments et des niveaux de remboursement. Ces médicaments arriveraient ainsi plus rapidement sur le marché à l'expiration des protections accordées aux médicaments de référence, permettant une baisse plus rapide des prix. Les rapporteurs souhaitent préciser que l'autorisation accordée par les autorités compétentes pour réaliser ces études doit être considérée comme une décision réglementaire ou administrative qui ne peut être refusée au nom de la protection des droits de propriété intellectuelle.

Par ailleurs, les rapporteurs demandent la création d'un mécanisme de solidarité financé sur le budget de l'Union et qui permettrait de prendre en charge une quote-part à déterminer, sans excéder un certain montant, du prix des médicaments innovants dans certains États membres, choisis au regard de leur produit intérieur brut par habitant.

III. RÉDUIRE LA DURÉE DE LA PROTECTION DES DONNÉES RÉGLEMENTAIRES ET PRÉVOIR SON ALLONGEMENT COMME OUTIL D'INCITATION

La Commission européenne propose de réduire la durée de la protection des données réglementaires qui est de huit ans aujourd'hui à six ans. Cette mesure doit permettre une arrivée plus rapide des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché et donc une réduction plus précoce du coût des médicaments. Toutefois, elle risque de limiter la recherche et développement au sein de l'Union en diminuant le bénéfice financier susceptible d'être retiré de ses résultats, et de renchérir le coût des médicaments durant la période socle de protection, les titulaires d'AMM devant rentabiliser leurs investissements sur une période plus courte.

La Commission propose en parallèle des mesures d'incitation permettant d'augmenter la durée de la protection des données réglementaires jusqu'à onze ans si les titulaires d'AMM répondent à des critères définis par la proposition de directive. Celle-ci propose notamment que les titulaires d'AMM puissent bénéficier de deux années supplémentaires de protection des données réglementaires s'ils commercialisent le médicament en question dans tous les États membres de l'Union. Si cette mesure vise à permettre un accès plus large aux médicaments, sa mise en oeuvre ne relève pas des seuls titulaires d'AMM et dépend du résultat de négociations menées avec les États membres.

Compte tenu de ces éléments, ces deux mesures ne font pas consensus au sein de la commission des affaires européennes. Si Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier les soutiennent, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale y sont opposées. Elles proposent plutôt que la durée de la protection des données réglementaires soit de sept ans et six mois, sans pouvoir excéder huit ans et six mois, quelles que soient les mesures d'incitation mises en oeuvre. Elles souhaitent également créer une obligation pour les titulaires d'AMM de présenter une demande de prix et de remboursement dans tout État membre qui le demande, sous peine de sanctions financières.

La Commission européenne propose d'autres mesures d'incitation permettant aux titulaires d'AMM d'augmenter la durée de la protection des données réglementaires :

- de six mois si le médicament concerné répond à un besoin médical non satisfait ;

- de six mois lorsque des essais cliniques utilisant un comparateur pertinent ont été soumis à l'appui de la demande d'AMM initiale ;

- d'un an si une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire est accordée pour le médicament concerné.

Si Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier soutiennent ces mesures d'incitation, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale proposent plutôt de porter à douze mois la durée supplémentaire de protection des données réglementaires dont peut bénéficier le titulaire d'une AMM pour un médicament qui répond à un besoin médical non satisfait, de supprimer l'incitation proposée lorsque des essais cliniques utilisant un comparateur pertinent ont été soumis à l'appui de la demande d'AMM initiale et de limiter à six mois le prolongement de la durée de protection des données réglementaires lorsqu'une autorisation est accordée pour une indication thérapeutique supplémentaire. Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale proposent également six mois supplémentaires de protection des données réglementaires lorsque la recherche et développement du médicament concerné a été réalisée au sein de l'Union européenne.

Les rapporteurs s'accordent toutefois sur la nécessité de mieux définir la notion de besoins médicaux non satisfaits en prenant en compte l'impact sur la qualité de vie des patients et en consultant les associations de patients, les développeurs de médicaments et les professionnels de la santé. Ils approuvent également la possibilité qu'envisage la Commission d'accorder quatre années de protection des données réglementaires aux titulaires d'AMM qui proposent le repositionnement d'un médicament qui ne bénéficie plus d'aucune protection permettant ainsi de stimuler la recherche et l'innovation dans le domaine des médicaments génériques ou biosimilaires.

IV. LIMITER LA CONSOMMATION D'ANTIMICROBIENS TOUT EN ASSURANT LEUR DISPONIBILITÉ ET LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS

Le développement de la résistance aux antimicrobiens représente un risque majeur pour la santé publique. Cette résistance implique une utilisation restreinte de ces médicaments, ce qui limite l'intérêt commercial des entreprises à en développer de nouveaux ou à commercialiser ceux qui existent. Des mesures d'incitation sont donc nécessaires.

La Commission propose d'identifier des antimicrobiens prioritaires et de renforcer les exigences requises des professionnels de santé en matière d'information des patients sur l'utilisation des antimicrobiens. Les rapporteurs soutiennent ces mesures.

Pour favoriser le développement de nouveaux antimicrobiens, la Commission propose de créer des titres d'exclusivité des données transférables qui permettent au porteur de bénéficier d'une année supplémentaire de protection des données réglementaires pour un médicament autorisé. En raison des incertitudes sur l'efficacité et le coût de ce dispositif, les rapporteurs ne soutiennent pas cette mesure. Ils préfèrent le développement d'un mécanisme d'achat conjoint fondé sur un modèle de revenus garantis qui permettrait aux titulaires d'AMM de recevoir un montant forfaitaire fixe en échange d'un approvisionnement garanti. Ce mécanisme pourrait être complété par un modèle visant à organiser le financement par les États membres volontaires de nouveaux antimicrobiens prioritaires à chaque étape de leur développement.

V. RENFORCER LE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DE MÉDICAMENTS ORPHELINS ET DE MÉDICAMENTS PÉDIATRIQUES

Concernant les critères de désignation des médicaments orphelins, la Commission européenne propose de supprimer le critère relatif au faible niveau de rentabilité financière, au motif qu'il serait très peu utilisé ; les rapporteurs souhaitent, quant à eux, le maintenir car ils considèrent que cela constitue une justification essentielle des avantages accordés aux titulaires d'AMM pour le développement de médicaments orphelins.

Aujourd'hui, la législation européenne prévoit que le titulaire d'une AMM relative à un médicament orphelin bénéficie d'une exclusivité commerciale de dix ans pour ce médicament. La Commission souhaite moduler cette durée selon les efforts de recherche développés par les titulaires d'AMM et l'intérêt du médicament proposé. Pour cela, elle propose d'introduire la notion de besoin médical non satisfait important et de moduler ainsi l'exclusivité commerciale en la fixant à :

- cinq ans lorsque l'autorisation de mise sur le marché a été accordée sur la base d'un usage bien établi de la substance active au sein de l'Union européenne ;

- neuf ans dans le cas général ;

- dix ans pour les médicaments orphelins répondant à un besoin médical non satisfait important.

Les rapporteurs soutiennent cette proposition qui doit permettre de déterminer au plus juste la compensation dont bénéficient les titulaires d'AMM.

Concernant les médicaments pédiatriques, la Commission estime que les mesures proposées pour inciter au développement de médicaments pourront s'appliquer au cas particulier des médicaments pédiatriques, notamment lorsqu'il s'agit de traiter les maladies orphelines ou de répondre à des besoins médicaux non satisfaits. Les rapporteurs en conviennent et n'estiment donc pas nécessaire de proposer des incitations particulières.

En revanche, il est proposé d'élargir les cas où un plan d'investigation pédiatrique devra être présenté tout en permettant que ces plans puissent être évolutifs et complétés au fur et à mesure des développements cliniques. Ainsi la Commission propose que, lorsque la maladie pour laquelle le médicament est développé ne survient que dans les populations adultes, un plan d'investigation pédiatrique devra tout de même être présenté si le mécanisme d'action du médicament en question peut être efficace contre une maladie infantile. Les rapporteurs soutiennent ces propositions.

AVANT PROPOS

Dans sa communication du 25 novembre 2020 intitulée « Stratégie pharmaceutique pour l'Europe »7(*), la Commission européenne déplorait que l'accès aux médicaments, qui est un élément clé du bien-être social, varie considérablement d'un État membre à l'autre. Elle indiquait vouloir favoriser un accès large à des médicaments innovants, durables et abordables pour les patients de l'Union.

La commission des affaires européennes du Sénat a soutenu cet objectif en faisant valoir le rôle essentiel de la recherche et la nécessité de garantir un prix juste et équitable du médicament dans un avis politique qu'elle a adressé à la Commission le 20 octobre 20228(*).

Afin de mettre en oeuvre cette stratégie pharmaceutique, la Commission européenne a présenté plusieurs textes, le 28 avril 2023, formant le « paquet pharmaceutique » :

- la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Réforme de la législation pharmaceutique et mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens, (COM(2023) 190 final),

- la proposition de recommandation du Conseil relative au renforcement des actions de l'Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d'une approche « Une seule santé », (COM(2023) 191 final), adoptée le 13 juin 2023,

- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code de l'Union relatif aux médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/83/CE et la directive 2009/35/CE, (COM(2023) 192 final),

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) nº 141/2000 et le règlement (CE) nº 1901/2006, (COM(2023) 193 final).

Selon la Commission, les dispositions proposées visent à ce que tous les patients, partout dans l'Union, aient un accès rapide et équitable à des médicaments sûrs, efficaces et abordables. L'objectif est également de favoriser un environnement attractif et propice à l'innovation. Enfin, la Commission souhaite développer des médicaments plus durables sur le plan environnemental et lutter contre la résistance aux antimicrobiens.

Pour atteindre ces objectifs, elle propose des dispositions permettant d'orienter la recherche vers les besoins jugés prioritaires, d'accélérer la mise sur le marché de certains médicaments, de faciliter l'entrée des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché, ou encore d'inciter les titulaires d'autorisation de mise sur le marché (AMM) à commercialiser les médicaments dans tous les États membres de l'Union.

La commission des affaires européennes a demandé à Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Bernard Jomier et Mme Pascale Gruny de présenter leurs observations sur ces propositions.

Ces trois sénateurs ont déposé en avril 2024 une proposition de résolution sur l'action de l'Union européenne contre les pénuries de médicaments, devenue résolution du Sénat9(*) le 10 mai 2024. Cette résolution présente notamment l'avis du Sénat sur les mesures du « paquet pharmaceutique » visant à lutter contre ces pénuries.

Si plusieurs mesures proposées par la Commission européenne sont conformes aux recommandations présentées par la commission des affaires européennes du Sénat dans son avis politique du 20 octobre 2022, les rapporteurs de cette dernière souhaitent néanmoins s'assurer que ces propositions préservent, d'une part, la santé et la sécurité des patients, et d'autre part, un équilibre entre les incitations à l'innovation et les mesures visant à garantir l'accès aux médicaments et leur caractère abordable.

À l'issue de leur travail, les trois rapporteurs de la commission des affaires européennes ont pu présenter des observations et des propositions communes sur de nombreuses mesures du « paquet pharmaceutique ». Toutefois, aucun consensus n'a pu être dégagé entre eux sur les mécanismes d'incitation proposés par la Commission et reposant sur une modulation de la durée de la protection des données réglementaires.

I. GARANTIR LA SÉCURITÉ DES PATIENTS ET LA DURABILITÉ DES MÉDICAMENTS DANS LE CADRES DES PROCÉDURES D'ÉVALUATION

A. ASSORTIR L'AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ DE GARANTIES SUFFISANTES POUR LA SÉCURITÉ DES PATIENTS

La Commission propose de modifier la réglementation relative à l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour, d'une part, alléger la charge qui pèse sur les titulaires d'AMM et l'Agence européenne des médicaments (EMA selon l'acronyme anglais pour European Medecines Agency), et d'autre part, introduire de nouvelles procédures d'évaluation plus adaptées à des situations particulières et accélérer les procédures actuelles afin de favoriser l'accès aux médicaments.

1. Supprimer les exigences inutiles sans remettre en cause la sécurité du médicament

La Commission estime qu'un certain nombre d'obligations réglementaires sont désormais inutiles en raison notamment des nouvelles règles de pharmacovigilance qui s'appliquent depuis l'adoption de la directive 2010/84/UE10(*). La suppression de ces obligations devrait, selon la Commission, permettre d'alléger les formalités administratives effectuées par les titulaires d'AMM et les tâches de l'EMA qui pourra alors se consacrer à d'autres missions.

À ce sujet, les rapporteurs rappellent que le Sénat a adopté une résolution européenne sur le financement de l'EMA11(*) appelant à accroître la part de fonds publics dans les recettes de l'Agence afin de garantir le financement de nouvelles activités qui ne profitent pas directement aux demandeurs ou aux titulaires d'AMM.

a) Supprimer l'obligation de présenter un plan de gestion des risques pour les médicaments génériques mais pas pour les médicaments biosimilaires

Le plan de gestion des risques détaille les mesures prévues par le demandeur d'AMM pour faire face aux risques liés à l'utilisation du médicament. Ce plan est aujourd'hui inclus dans toute demande d'AMM. 

La Commission propose que les demandes d'AMM relatives à des médicaments génériques ou biosimilaires ne comportent plus de tels plans, pour autant qu'il n'existe pas de mesures supplémentaires de réduction des risques pour le médicament de référence et que l'AMM du médicament de référence n'ait pas été retirée avant le dépôt desdites demandes. Considérant que ces plans ont déjà été élaborés pour le médicament de référence, la Commission estime donc qu'il n'est pas nécessaire de les présenter à nouveau.

L'EMA partage cette position alors que les associations France Assos Santé et Prescrire y sont opposées, France Assos Santé s'inquiétant particulièrement du cas des médicaments biosimilaires.

Pour les rapporteurs, il est nécessaire de maintenir ces plans de gestion des risques pour les médicaments biosimilaires dans la mesure où ceux-ci peuvent présenter une variabilité par rapport au médicament de référence plus importante que les médicaments génériques.

b) Supprimer l'obligation de renouveler l'AMM au bout de cinq ans

Une fois délivrée, une AMM doit être renouvelée au bout de cinq ans. Ce n'est qu'une fois ce renouvellement effectué qu'elle devient valable pour une durée illimitée, sauf raisons justifiées ayant trait à la pharmacovigilance.

La Commission européenne propose de supprimer cette obligation au motif que le renforcement des mesures de pharmacovigilance rend inutile ce renouvellement.

Pour l'EMA et l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), ce renouvellement présente effectivement peu d'intérêt et sa suppression permettra de dégager du temps pour d'autres activités.

En conséquence, les rapporteurs jugent cette proposition recevable.

c) Des AMM conditionnelles qui seront renouvelées tous les deux ans à partir de la troisième année et non plus tous les ans

Dans le cadre d'une AMM conditionnelle, les obligations spécifiques auxquelles est soumis le titulaire de l'autorisation sont réévaluées tous les ans par l'EMA. La proposition de règlement prévoit que ces obligations spécifiques soient réévaluées annuellement pendant les trois premières années suivant la délivrance de l'autorisation puis tous les deux ans.

Pour l'ANSM, une AMM conditionnelle peut être délivrée afin de répondre à un besoin important dans le cas où toutes les données ne peuvent être fournies simultanément pour des raisons éthiques ou financières, et si le rapport bénéfice-risque du médicament est favorable. C'est le cas par exemple des vaccins contre Ebola.

Selon la DGS (Direction générale de la santé du ministère français), espacer de deux ans la réévaluation des obligations d'un titulaire d'AMM conditionnelle à partir du troisième exercice présente l'avantage de laisser au titulaire de l'AMM le temps nécessaire pour présenter de nouveaux éléments.

Les rapporteurs soutiennent donc cette proposition.

2. Veiller à préserver la qualité de l'évaluation

Pour permettre un accès plus rapide aux médicaments, la Commission propose de revoir les règles de fonctionnement de l'EMA et ses structures.

a) Maintenir la durée actuelle de l'évaluation scientifique effectuée par l'EMA

La Commission propose de réduire la durée de l'évaluation scientifique effectuée par l'EMA à 180 jours au lieu de 210 actuellement.

Il faut noter qu'en pratique, ce délai est aujourd'hui de 400 jours en moyenne, en raison notamment des délais de réponse aux demandes complémentaires de l'EMA.

L'association Prescrire estime que cette mesure n'aura que très peu d'incidence sur les délais d'accès aux médicaments. En revanche, cela va augmenter la pression sur les personnes chargées de l'évaluation et le risque d'une analyse incomplète du dossier.

Selon l'EMA, il est possible de réaliser une évaluation en 180 jours mais tout dépend de la qualité du dossier initial et du temps de réponse des demandeurs aux éventuelles questions complémentaires. En revanche, l'ANSM est réservée sur la possibilité de tenir un tel délai.

À la suite de leurs auditions, les rapporteurs ne souhaitent pas que la durée de l'évaluation des demandes d'AMM par l'EMA soit réduite à 180 jours.

b) Réduire le nombre de comités au sein de l'EMA

La Commission propose de réduire le nombre de comités en charge de l'évaluation des médicaments au sein de l'EMA en intégrant le comité relatif aux médicaments orphelins et le comité relatif aux médicaments pédiatriques au sein du comité des médicaments à usage humain. Ces comités seront remplacés par des groupes de travail. Elle souhaite ainsi renforcer la cohérence des méthodes d'évaluation.

L'EMA estime que la réduction du nombre de comités ne risque pas de diminuer la qualité de l'expertise dès lors qu'il existera toujours des groupes de travail qui viendront en soutien du comité des médicaments à usage humain.

Les rapporteurs ne sont pas opposés à cette mesure qui permettra de développer la cohérence des expertises.

c) Développer la numérisation des procédures

Dans sa communication du 28 avril 2023, la Commission propose de développer la numérisation des procédures, notamment celles relatives aux demandes d'AMM. L'EFPIA (Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques) et Medecines For Europe (Association européenne représentant les fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires) sont particulièrement favorables à cette mesure.

Les rapporteurs y sont également favorables, cette mesure permettant à terme un gain de temps et d'efficacité aussi bien pour l'EMA que pour les demandeurs d'AMM.

3. Créer de nouvelles procédures d'autorisation de mise sur le marché en encadrant leur mise en oeuvre

La Commission souhaite intégrer dans la législation pharmaceutique des dispositions permettant d'accélérer la procédure d'évaluation et de l'adapter à une situation d'urgence sanitaire ou à des technologies particulièrement innovantes.

Si des procédures spécifiques d'AMM peuvent être utiles, les rapporteurs estiment que les conditions de leur mise en oeuvre doivent pleinement garantir la sécurité des patients.

a) Favoriser les médicaments prometteurs

L'EMA a créé, en mars 2016, le Programme en faveur des médicaments prioritaires (PRIME) qui permet aux développeurs de médicaments jugés prometteurs, sur la base de données probantes, de bénéficier d'un soutien scientifique et réglementaire précoce et renforcé. Ce soutien peut s'accompagner d'une évaluation accélérée.

La Commission propose d'institutionnaliser ce programme qui pourra bénéficier aux médicaments répondant à des besoins médicaux non satisfaits. Les médicaments présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique, notamment en ce qui concerne l'innovation thérapeutique, ou les antimicrobiens prioritaires pourront également bénéficier de ce programme. L'EMA, en consultation avec les États membres et la Commission, devra fixer les critères de sélection scientifiques applicables.

Il appartiendra aux demandeurs de solliciter ce soutien et cette demande sera instruite par l'EMA.

L'EMA pourra également offrir un soutien scientifique et réglementaire renforcé aux développeurs d'un médicament destiné à la prévention, au diagnostic ou au traitement d'une maladie résultant de menaces transfrontières graves pour la santé, si l'accès à ces produits est jugé nécessaire pour assurer un niveau élevé de préparation et de réaction de l'Union aux menaces pour la santé.

Les rapporteurs soutiennent la proposition de la Commission sous réserve, d'une part, de définir la notion d'intérêt majeur du point de vue de la santé publique, et d'autre part, d'assurer la transparence des avis scientifiques qui devront être motivés et publiés.

b) Institutionnaliser l'examen progressif des données demandées dans le cadre d'une procédure d'AMM par l'EMA

La Commission entend institutionnaliser la méthode de révision continue utilisée durant la pandémie de COVID-19. Celle-ci consiste en l'examen progressif des données nécessaires à l'AMM au fur et à mesure de leur disponibilité alors qu'aujourd'hui, les dossiers de demandes d'AMM ne sont examinés par l'EMA que lorsqu'ils sont complets.

Cette procédure d'évaluation continue pourra être utilisée pour les médicaments susceptibles de constituer une avancée thérapeutique exceptionnelle pour le diagnostic, la prévention ou le traitement d'une affection mettant la vie en danger, très invalidante ou grave et chronique dans l'Union.

Il revient à l'EMA, après avis du comité des médicaments à usage humain concernant la maturité des données relatives au développement du médicament, de proposer au demandeur un examen progressif des ensembles de données.

Pour Prescrire, ce type de mesure doit être réservé aux situations de crise. En revanche, l'EPF (European Patients Forum) s'est montrée favorable à cette mesure qui doit permettre un accès plus rapide aux médicaments à condition de garantir la sécurité des patients.

La Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne a indiqué aux rapporteurs que ce dispositif nécessite des éclaircissements sur les critères d'éligibilité des médicaments et les conditions de sa mise en oeuvre pour garantir la sécurité des patients. Il est notamment nécessaire de définir plus précisément ce que l'on entend par avancée thérapeutique exceptionnelle.

L'EFPIA et l'EMA ont pour leur part indiqué être favorables à cette mesure.

Pour les rapporteurs, les critères d'éligibilité doivent effectivement être précisés, notamment la notion d'avancée thérapeutique exceptionnelle et cette méthode d'évaluation ne devra pas remettre en cause la qualité de l'évaluation notamment en ce qui concerne la sécurité des patients.

c) Créer une autorisation temporaire de mise sur le marché d'urgence

La proposition de règlement prévoit qu'en cas d'urgence de santé publique telle que définie par le règlement (UE) 2022/237112(*), la Commission peut délivrer une autorisation temporaire de mise sur le marché d'urgence pour des médicaments destinés au traitement, à la prévention ou au diagnostic médical d'une maladie ou d'une affection grave ou mettant la vie en danger, qui est directement liée à l'urgence de santé publique, avant la fourniture de l'ensemble des données non cliniques et cliniques ainsi que des données et des informations environnementales.

Prescrire n'est pas favorable à une telle procédure, estimant qu'il existe déjà des procédures permettant de mettre rapidement sur le marché des médicaments en cas de situation d'urgence, la procédure d'examen progressif venant compléter les dispositions existantes telles que l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle.

L'EPF s'inquiète du retard que peuvent prendre certaines firmes pour fournir les études manquantes une fois qu'elles ont obtenu l'accès au marché.

L'EFPIA et l'EMA sont favorables à un tel mécanisme.

Pour les rapporteurs, il est nécessaire de définir les critères d'éligibilité des médicaments qui pourront bénéficier de cette procédure d'évaluation et de préciser les conditions de sa mise en oeuvre pour garantir la sécurité des patients.

d) Créer des bacs à sable réglementaires pour les technologies innovantes
(1) Une procédure d'évaluation qui doit être adaptée aux technologies innovantes

Ce dispositif vise à permettre l'accès à des technologies de la santé innovantes dans des conditions de sécurité acceptables, malgré l'absence de cadre réglementaire adapté pour leur évaluation.

La proposition de règlement définit le bac à sable réglementaire comme un cadre réglementaire dans lequel il est possible de développer, de valider et de tester dans un environnement contrôlé, selon un plan spécifique établi par l'EMA et pour une durée limitée, des solutions réglementaires innovantes ou adaptées qui facilitent le développement et la mise sur le marché de médicaments innovants.

La Commission pourra mettre en place un tel cadre, sur recommandation de l'EMA, en adoptant un acte d'exécution si les deux conditions suivantes sont réunies. Tout d'abord, il ne devra pas être possible de développer le médicament ou la catégorie de médicament en conformité avec les exigences réglementaires applicables en raison de difficultés scientifiques ou réglementaires découlant des caractéristiques du produit. En outre, ces dernières devront contribuer de manière positive et distinctive à la qualité, à la sécurité ou à l'efficacité du médicament ou de la catégorie de médicament ou contribuer de façon remarquable à l'accès des patients au traitement.

Les décisions établissant un bac à sable réglementaire fixent les conditions détaillées de leur mise en oeuvre, notamment les critères d'admissibilité, la durée du dispositif ainsi que la procédure de demande, de sélection, de participation et de sortie du bac à sable réglementaire.

Ces décisions s'appuieront sur un plan de bac à sable élaboré par l'EMA, à la suite de consultations appropriées, sur la base des données fournies par les développeurs de produits éligibles. Ce plan présente une justification clinique, scientifique et réglementaire de la mise en place d'un tel bac à sable, y compris les exigences réglementaires qui ne peuvent être respectées, ainsi qu'une proposition de mesures de remplacement ou d'atténuation, le cas échéant.

(2) Un dispositif qui ne saurait s'apparenter à un essai clinique

Ce dispositif dont la mise en oeuvre sera supervisée par les États membres est particulièrement controversé.

Prescrire y est opposé au motif qu'il n'est pas acceptable en termes de sécurité et de transparence de laisser la Commission et l'EMA modifier les règles relatives à la mise sur le marché du médicament par le biais d'un acte d'exécution donc sans contrôle des co-législateurs que sont le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen. En outre, France Assos Santé évoque l'absence de valeur thérapeutique ajoutée de la plupart des nouveaux médicaments et la nécessité de bien distinguer la recherche et le soin.

A contrario, l'EPF soutient cette mesure notamment dans les cas où il n'existe pas d'alternative thérapeutique ou seulement des alternatives très sous-optimales. La mise en oeuvre des bacs à sable réglementaires devra faire l'objet d'une surveillance étroite par l'EMA. Il s'agit d'une solution temporaire qui pourrait à terme conduire à l'adoption de règles adaptées au type de produit considéré.

L'EMA estime que ce cadre permettra de faciliter l'accès des patients à des traitements innovants dans la mesure où ceux-ci n'auront plus besoin de répondre à un cadre réglementaire qui ne leur est pas adapté.

Pour l'ANSM, il reste encore beaucoup d'incertitudes autour de cette mesure. Ouverte à une adaptation des procédures dans le cas de besoins importants, l'ANSM estime nécessaire de préciser le périmètre et des critères objectifs d'éligibilité.

Pour la HAS, il s'agit d'une sorte d'usage compassionnel pour des produits spécifiques avec la validation d'un plan de génération de données qui ne sera pas un essai clinique.

Aux yeux des rapporteurs, le recours à cette procédure doit rester exceptionnel et justifié par l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. Les rapporteurs estiment que la mise en oeuvre de ce dispositif exige une transparence et un contrôle renforcés tant sur les critères de sélection que sur les essais effectués au préalable, le bac à sable réglementaire ne devant pas s'apparenter à un essai clinique. Un suivi particulier des patients de sorte à garantir leur sécurité et des mesures de pharmacovigilance renforcées seront à prévoir.

B. METTRE EN oeUVRE LE PRINCIPE « UNE SEULE SANTÉ » SANS RESTREINDRE L'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

Le principe « une seule santé » prôné par la Commission européenne consiste en une approche globale qui reconnaît l'interconnexion entre la santé humaine, la santé animale et l'environnement.

C'est ce principe que la Commission souhaite promouvoir lorsqu'elle propose de rendre les médicaments plus durables sur le plan environnemental. En effet, la présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement engendre des effets nuisibles pour la santé humaine et la santé animale, notamment en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens (RAM).

Les rapporteurs soutiennent cette approche qui ne doit toutefois pas conduire à limiter l'accès aux médicaments.

1. Soutenir une évaluation plus complète des risques pour l'environnement

La proposition de directive prévoit des exigences plus claires et plus précises en matière d'évaluation des risques pour l'environnement (ERE).

L'ERE inclut l'évaluation des risques pour l'environnement et la santé publique liés à la dissémination du médicament dans l'environnement à la suite de son utilisation, ainsi que la détermination des mesures de prévention, de limitation et d'atténuation de ces risques. Cette évaluation doit être fournie dans le cadre d'une demande d'AMM.

L'EMA élaborera des lignes directrices scientifiques afin de préciser les détails techniques concernant les exigences en matière d'ERE applicables aux médicaments à usage humain, le cas échéant, après avoir consulté l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne pour l'environnement (AEE).

Le demandeur devra inclure dans l'ERE des mesures d'atténuation des risques visant à éviter ou, lorsque ce n'est pas possible, à limiter les émissions dans l'air, l'eau et les sols de certains polluants. Le demandeur devra également expliquer en détail pourquoi les mesures d'atténuation proposées sont appropriées et suffisantes pour faire face aux risques constatés pour l'environnement.

Lorsqu'il dispose de nouvelles informations pouvant modifier le contenu de l'ERE, le titulaire de l'AMM sera tenu de communiquer dans les meilleurs délais ces informations aux autorités compétentes concernées et d'actualiser ainsi l'ERE.

Les fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires pourront tenir compte des ERE réalisées pour le médicament de référence.

Pour un médicament ayant un mode d'action antimicrobien, l'ERE devra également inclure une évaluation du risque de sélection de la résistance aux antimicrobiens dans l'environnement induit par la fabrication, l'utilisation et l'élimination de ce médicament.

Enfin, la Commission s'engage à promouvoir les normes environnementales de l'Union.

Les rapporteurs souscrivent à ces propositions et sont favorables à une évaluation plus complète de l'impact des médicaments sur l'environnement.

2. Évaluer les risques pour l'environnement sans limiter l'accès aux médicaments

Les mesures en faveur de médicaments plus durables ne doivent pas remettre en cause l'accès aux médicaments, tant pour les médicaments anciens que pour les médicaments innovants. C'est le cas notamment pour les mesures détaillées ci-dessous.

a) Étendre l'obligation d'établir une ERE à tous les médicaments déjà présents sur le marché et potentiellement nocifs pour l'environnement sans augmenter le risque de pénurie

La Commission propose que les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 et qui n'ont pas fait l'objet d'une ERE puissent faire l'objet d'une telle évaluation si l'EMA les considère comme potentiellement dangereux pour l'environnement.

L'EMA devra établir un programme d'évaluations sur la base de critères scientifiques qu'elle aura définis selon une approche fondée sur les risques, après avoir consulté les autorités compétentes des États membres, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne pour l'environnement (AEE). L'EMA pourra demander aux titulaires d'AMM de fournir des données ou des informations pertinentes pour définir son programme d'évaluation.

Lorsque plusieurs médicaments contiennent la même substance active et sont susceptibles de présenter les mêmes risques pour l'environnement, les autorités compétentes des États membres ou l'EMA encourageront les titulaires d'AMM à mener des études conjointes dans le cadre de l'ERE, afin de réduire au minimum la duplication inutile des données et l'utilisation d'animaux.

Si les rapporteurs soutiennent ces dispositions, ils précisent néanmoins que leur mise en oeuvre ne doit pas avoir pour conséquence de réduire l'offre de médicaments critiques. En effet, cette mesure va concerner les médicaments les plus anciens qui sont les plus sensibles au risque de pénurie. Les rapporteurs recommandent qu'un soutien financier puisse être accordé aux titulaires d'AMM qui devront mettre en place des mesures visant à réduire l'impact des médicaments concernés sur l'environnement.

b) Garantir l'accès aux soins malgré une ERE insuffisante

L'article 47 de la proposition de directive et l'article 15 de la proposition de règlement prévoient que l'AMM est refusée, quelle que soit la procédure d'évaluation utilisée, lorsque l'ERE est incomplète ou insuffisamment étayée par le demandeur ou que les risques mentionnés dans l'ERE n'ont pas été suffisamment pris en compte par le demandeur.

Pour la Représentation permanente et la DGS, le refus d'AMM serait motivé par la présentation d'une ERE incomplète et non par l'impact environnemental en soi. Cette mesure constituerait alors un levier pour obtenir des données de qualité permettant d'évaluer l'impact environnemental des médicaments.

L'EPF est opposée à une telle mesure lorsqu'il n'y a pas d'alternative thérapeutique disponible sur le marché.

Dans son avis politique du 20 octobre 2022, la commission des affaires européennes du Sénat estimait qu'une production de médicaments plus respectueuse de l'environnement ne devrait pas se faire au détriment de l'accès aux soins pour les patients, notamment lorsqu'il s'agit de médicaments répondant à un besoin médical non satisfait, d'antimicrobiens prioritaires, de médicaments présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique ou de médicaments qui peuvent être qualifiés d'avancée thérapeutique exceptionnelle.

Dès lors, les rapporteurs estiment que si une AMM doit pouvoir être refusée lorsque l'ERE ne satisfait pas aux exigences fixées par la législation, cela ne doit pas être systématique. L'EMA et la Commission européenne devront tenir compte de l'existence ou non d'alternatives thérapeutiques ou encore des efforts du demandeur pour présenter une ERE de qualité.

II. CONTRIBUER À RENDRE LES MÉDICAMENTS PLUS ABORDABLES DANS LE RESPECT DES COMPÉTENCES DES ÉTATS MEMBRES

Favoriser l'accès aux médicaments implique de s'assurer de leur caractère abordable. De fait, des prix moins élevés permettent un accès plus large aux médicaments. Dans la poursuite de cet objectif, la Commission européenne se heurte à deux difficultés principales.

Tout d'abord, cela peut apparaître contradictoire avec la nécessité de favoriser la recherche. En effet, inciter au développement de nouveaux médicaments implique de garantir un retour sur investissement aux fabricants de médicaments princeps qui devront bénéficier de diverses protections limitant la concurrence, ce qui va à l'encontre d'une réduction du coût des médicaments.

En outre, aux termes de l'article 168, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les prix et les niveaux de remboursement des médicaments sont négociés et fixés par les États membres, ce qui limite la capacité d'action de l'Union.

Toutefois, la Commission propose différentes mesures visant à renforcer la position des États membres dans les négociations avec les titulaires d'AMM et à permettre l'entrée des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché dès l'expiration des droits accordés aux médicaments de référence.

A. AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L'INFORMATION UTILE POUR LA DÉTERMINATION DU PRIX DES MEDICAMENTS

1. Accroître la transparence sur le financement public du développement des médicaments

La proposition de directive prévoit que le titulaire de l'AMM déclare au public tout soutien financier direct reçu de toute autorité publique, ou de tout organisme financé par des fonds publics, en faveur d'activités ayant trait à la recherche et au développement de médicaments faisant l'objet d'une autorisation nationale ou centralisée de mise sur le marché, quelle que soit l'entité juridique qui a reçu ce soutien.

Chaque État membre prendra les mesures nécessaires pour que les titulaires d'AMM établis sur son territoire respectent ces dispositions. La Commission pourra adopter des actes d'exécution pour définir les principes et le format des informations à communiquer, notamment les conditions de mise en oeuvre d'un contrôle effectué par un auditeur externe indépendant.

Cette mesure doit permettre aux autorités compétentes des États membres de mieux apprécier le financement public reçu par le titulaire de l'AMM pour développer son médicament.

Pour sa part, le Parlement européen propose d'élargir cette obligation de déclaration aux soutiens financiers indirects. Ainsi, le titulaire de l'AMM devrait également déclarer publiquement tout soutien financier indirect reçu d'une autorité publique ou d'un organisme financé par des fonds publics de l'Union ou de ses États membres.

La Commission européenne n'est pas favorable à cette proposition car elle estime qu'il est difficile en pratique de déterminer comment les instruments de financement public indirects, tels que les avantages fiscaux, ont soutenu un produit particulier.

Toutefois, les rapporteurs sont favorables à la position retenue par le Parlement européen qui permettra aux autorités compétentes des États membres en charge de négocier le prix des médicaments de disposer d'informations plus complètes et de conforter ainsi leurs positions dans les négociations.

2. Refuser l'introduction de la publicité comparative à destination des patients

La législation actuelle interdit la publicité comparative à destination des patients. La Commission propose de l'autoriser dans le cas où le résumé des caractéristiques du médicament permet de démontrer et d'étayer les affirmations de la publicité en question.

Les rapporteurs sont opposés à cette proposition dans la mesure où le résumé des caractéristiques du médicament n'inclut pas les conclusions des études réalisées dans le cadre de l'évaluation comparative du médicament afin d'en déterminer le prix et les niveaux de remboursement. Dès lors, l'information dont disposeront les patients ne serait pas complète, ce qui motive la position des rapporteurs.

B. RENFORCER LA COOPÉRATION ET LA SOLIDARITÉ ENTRE LES ÉTATS MEMBRES EN MATIÈRE D'ÉVALUATION ET D'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

1. Soutenir l'échange d'informations et de bonnes pratiques sur les politiques nationales de fixation des prix et de passation de marchés publics

La Commission a transformé en une plateforme de coopération volontaire continue le groupe des autorités nationales compétentes en matière de fixation des prix et du niveau de remboursement et des caisses d'assurance maladie publiques (NCAPR), qui n'était auparavant qu'une enceinte ad hoc.

La commission des affaires européennes s'était déjà déclarée favorable à un renforcement de cette coopération volontaire que les rapporteurs soutiennent.

2. Développer l'évaluation commune des technologies de la santé

Le règlement (UE) 2021/228213(*) prévoit que les États membres réaliseront des évaluations communes des technologies de la santé en vue de permettre à chaque État membre de déterminer le prix et les niveaux de remboursement de certains médicaments.

La HAS (Haute autorité de santé) a indiqué lors de son audition que ce règlement sera pleinement opérationnel en janvier 2025 et qu'il est donc trop tôt pour tirer le bilan de sa mise en oeuvre. Elle constate une forte dynamique de groupe et un haut niveau d'engagement de la part des autorités compétentes des États membres. Toutefois, la HAS a précisé que l'entrée en application du règlement constituera une charge de travail supplémentaire qui monopolisera de nombreuses ressources, peut-être au détriment des évaluations nationales.

Les États membres devraient donc renforcer les capacités des autorités compétentes en matière d'évaluation des technologies de la santé pour leur permettre de mener à bien les activités prévues dans le cadre du règlement (UE) 2021/2282.

3. Créer un fonds de solidarité européen pour soutenir l'accès aux médicaments dans tous les États membres

Dans son avis politique du 20 octobre 2022, la commission des affaires européennes du Sénat plaidait pour la création d'un mécanisme de solidarité qui permettrait un accès plus large à des médicaments innovants couvrant des besoins médicaux non satisfaits.

Il s'agirait de créer un fonds de solidarité financé sur le budget de l'Union et qui permettrait de prendre en charge une quote-part à déterminer, sans excéder un certain montant, du prix de ces médicaments.

Ainsi, lorsque l'autorité compétente d'un État membre négocie avec un laboratoire un prix juste et équitable et que celui-ci reste particulièrement élevé au regard des ressources de cet État membre, appréciées notamment au regard de son produit intérieur brut par habitant, ce fonds de solidarité européen pourrait être activé sous le contrôle de la Commission et des États membres.

Cette proposition ne figure pas dans le paquet pharmaceutique mais il apparaît essentiel pour les rapporteurs de développer un mécanisme de solidarité entre États membres pour soutenir l'accès aux médicaments.

C. FACILITER LA MISE SUR LE MARCHÉ DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES OU BIOSIMILAIRES AFIN D'ACCÉLÉRER LA BAISSE LES PRIX

La mise sur le marché des médicaments génériques ou biosimilaires entraîne une baisse des prix : leur prix facial hors taxe est fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS) à 40% du prix du médicament princeps. Après dix-huit mois, une décote de 7 % est appliquée automatiquement. Le prix du médicament princeps subit, quant à lui, une décote de 20 % au moment où le premier médicament générique arrive sur le marché et une décote de 12,5 %, dix-huit mois après.

Une entrée plus rapide des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché doit donc permettre d'accélérer la baisse des prix, allégeant ainsi la charge qui pèse sur les systèmes de protection sociale des États membres.

« L'exception Bolar »14(*) permet aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires de réaliser des études en vue d'une autorisation de mise sur le marché future, alors que le produit princeps est encore protégé par un brevet ou par un certificat complémentaire de protection (CCP).

La Commission propose d'élargir les conditions d'utilisation des produits brevetés afin de permettre aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires de réaliser des études, nécessaires à la détermination du prix des médicaments et des niveaux de remboursement. Cela doit permettre l'entrée sur le marché des médicaments génériques ou biosimilaires dès le jour où expire la protection conférée par un brevet ou par un CCP au médicament princeps.

Les rapporteurs sont favorables à cette mesure qui ne remet pas en cause les droits conférés par le brevet ou le CCP.

Pour compléter cette mesure, le Parlement européen souhaite préciser que l'autorisation d'utiliser des produits brevetés accordée par les autorités compétentes pour réaliser les études concernées devra être considérée comme une décision réglementaire ou administrative qui ne peut être refusée au nom de la protection des droits de propriété intellectuelle. Les rapporteurs sont également favorables à cette proposition.

III. RÉDUIRE LA DURÉE DE LA PROTECTION DES DONNÉES RÉGLEMENTAIRES ET PRÉVOIR SON ALLONGEMENT COMME OUTIL D'INCITATION

A. RÉDUIRE LA DURÉE DE LA PROTECTION DES DONNÉES RÉGLEMENTAIRES DE HUIT À SIX ANS : UNE PROPOSITION CONTROVERSÉE

1. Des protections conçues pour récompenser l'innovation

La mise sur le marché d'un nouveau médicament est généralement précédée de l'octroi d'un brevet. Celui-ci confère une protection commerciale au médicament pour une période de vingt ans à compter de la date de dépôt du brevet, à condition que celui-ci corresponde à une invention nouvelle. À cette date, le titulaire n'est pas encore en mesure d'exploiter cette invention car il ne dispose pas d'une autorisation de mise sur le marché. Les certificats complémentaires de protection (CCP) visent à compenser la période durant laquelle le brevet n'est pas exploité en raison des procédures réglementaires. Ceux-ci sont délivrés au sein de chaque État membre par les autorités nationales compétentes15(*).

La protection des données réglementaires est une protection accordée aux titulaires d'AMM qui leur garantit que les données fournies pour obtenir leur AMM ne pourront pas être utilisées par d'autres. Il s'agit essentiellement des données relatives aux différentes études et essais cliniques menés pour garantir l'efficacité et la sécurité du médicament, et qui sont fournis à l'autorité compétente en charge de l'évaluation du médicament. Elle est conférée aux titulaires d'AMM à compter de la date de délivrance de cette autorisation. Du fait de cette protection, les producteurs de médicaments génériques ou biosimilaires ne peuvent pas utiliser ces données pour constituer leur propre dossier de demande d'AMM. Cette protection est aujourd'hui accordée pour une période de huit ans.

Enfin, la protection de marché est accordée pour une période de deux ans : durant cette période, un médicament générique ou biosimilaire ne pourra pas être mis sur le marché.

Ces protections visent à assurer la rentabilité des investissements réalisés par les titulaires d'AMM en vue de les inciter à développer de nouveaux médicaments.

2. Une réduction de la protection des données réglementaires qui ne fait pas consensus

La Commission propose de réduire la durée de la protection des données réglementaires de huit à six ans afin de permettre aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires d'utiliser ces données pour présenter leurs propres demandes d'AMM plus tôt. En parallèle, la Commission prévoit que les titulaires d'AMM qui remplissent certains critères pourront bénéficier d'une durée supplémentaire de protection.

Cette mesure aura un impact sur le prix des médicaments qui diminueront à la suite de l'entrée des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché.

La proposition de la Commission a suscité de nombreuses réactions.

Dans le but de favoriser l'accès aux médicaments en permettant une baisse des prix plus rapide, Prescrire et France Assos Santé ont soutenu cette proposition. Medecines for Europe y est également favorable.

Pour sa part, la France est particulièrement réservée sur cette mesure et indique que sa position est alignée sur celles de l'Allemagne, du Danemark et de l'Italie qui soutiennent le statu quo en ce qui concerne la durée de la protection des données réglementaires.

Pour la DGE (Direction générale des entreprises du ministère français de l'économie), cette mesure risque de limiter la recherche et développement en Europe et de compliquer l'accès aux médicaments princeps en renchérissant leurs prix. En effet, pour compenser une durée de protection plus courte qui va réduire leur chiffre d'affaires, les industriels pourraient privilégier les marchés avec les politiques de prix les plus avantageuses et proposer des prix plus élevés aux États de l'Union. Dans ces circonstances, la France, où les prix des médicaments sont moins élevés, risque d'être particulièrement défavorisée par rapport à l'Allemagne ou aux pays du Nord de l'Europe.

L'EPF indique également craindre que, si la proposition de la Commission est adoptée, les entreprises pharmaceutiques se contentent d'une durée de protection de six ans et qu'elles compensent cet écourtement de la protection par une forte augmentation des prix au moment de la mise sur le marché du médicament, ce qui réduirait à nouveau l'accès à ce médicament.

L'EFPIA est vivement opposée à cette mesure car elle remet en cause une condition essentielle de la rentabilité de tout investissement en recherche et développement. Une fois que le médicament n'est plus protégé par un brevet, la protection des données réglementaires permet, pour un tiers des médicaments mis sur le marché, de continuer à bénéficier d'une protection empêchant l'arrivée de médicaments concurrents sur le marché et de garantir ainsi la rentabilité du médicament.

Pour sa part, le Parlement européen a proposé de fixer la durée de la protection des données réglementaires à sept ans et six mois, soit six mois de moins qu'aujourd'hui au lieu des deux ans proposés par la Commission.

Les rapporteurs de la commission des affaires européennes du Sénat ne se sont pas accordés sur la proposition de la Commission. Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier soutiennent la réduction de la durée de la protection des données réglementaires proposée par la Commission européenne. En revanche, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale soutiennent la proposition du Parlement européen, soit une durée de protection réduite à sept ans et six mois. Ils estiment que cette réduction de la durée actuelle de protection permettra de garantir aux entreprises la rentabilité de leurs investissements tout en développant des mécanismes d'incitation. À cet égard, ils souhaitent tout comme le Parlement européen que la durée maximale de la protection des données réglementaires soit plafonnée à huit ans et six mois, alors que la proposition de la Commission européenne pourrait permettre aux titulaires d'AMM de bénéficier d'une durée de protection des données réglementaires pouvant aller jusqu'à onze ans, en cumulant les différentes mesures d'incitation proposées.

B. AUGMENTER DE DEUX ANS LA DURÉE DE LA PROTECTION DES DONNÉES RÉGLEMENTAIRES SI LE MÉDICAMENT EST COMMERCIALISÉ DANS TOUS LES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION

1. Une incitation dont l'objectif ne dépend pas des seuls titulaires d'AMM

La Commission propose de prolonger de deux ans la durée de la protection des données réglementaires lorsque le titulaire de l'AMM démontre que le médicament en question est mis en circulation et fourni sans interruption dans la chaîne d'approvisionnement en quantité suffisante et dans les présentations nécessaires pour couvrir les besoins des patients dans les États membres où l'AMM est valable. Cette condition doit être remplie dans un délai de deux ans à compter de la date d'octroi de l'AMM.

Pour la DGE, la commercialisation d'un nouveau médicament dans l'ensemble des États membres de l'Union sous deux ans semble difficile à mettre en oeuvre et dépend de facteurs exogènes à la volonté de l'industriel, notamment retards ou positions intenables de négociations tarifaires de la part des autorités nationales.

Pour l'EFPIA aussi, la possibilité de bénéficier de deux années supplémentaires de protection est en pratique impossible à réaliser et dépend de facteurs indépendants de la volonté des titulaires d'AMM. L'EFPIA indique également qu'il est difficile pour un État membre de reconnaître qu'il ne souhaite pas qu'un produit soit commercialisé sur son territoire.

L'EPF (European Patients Forum) est en revanche favorable à cette mesure et rappelle la nécessité de trouver le juste équilibre entre l'incitation à la recherche de nouveaux médicaments qui apportent un bénéfice réel aux patients et l'accès à ces médicaments. L'EPF rappelle que les États membres, selon la directive 89/105/CEE16(*), disposent d'un délai de 180 jours pour rendre leurs décisions relatives au prix et au remboursement des médicaments. Or ces délais sont régulièrement dépassés en raison notamment de dossiers incomplets ou nécessitant des précisions.

Cette proposition de rallonger de deux ans la durée de la protection des données réglementaires si le médicament est commercialisé dans tous les États membres de l'Union ne fait pas consensus auprès des rapporteurs. Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier y sont favorables car ils estiment qu'elle incitera fortement les titulaires d'AMM à commercialiser les médicaments dans tous les États membres alors que Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale jugent cette incitation difficile à mettre en oeuvre dès lors que cette commercialisation ne dépend pas de la seule volonté des titulaires d'AMM.

2. La nécessité de renforcer les obligations des titulaires d'AMM pour accélérer la mise sur le marché effective des médicaments dans les États membres qui le souhaitent

Opposé à la proposition de la Commission, le Parlement européen propose qu'à la demande d'un État membre dans lequel l'AMM est valable, son titulaire soumette, de bonne foi et dans les limites de ses responsabilités, une demande de fixation du prix et du niveau de remboursement pour le médicament concerné et, le cas échéant, négocie. Cette demande est introduite au plus tard douze mois après la date à laquelle l'État membre a présenté sa demande. Pour les PME, les établissements à but non lucratif et les entreprises qui, au moment de l'octroi de l'AMM, n'ont pas reçu plus de cinq autorisations centralisées de mise sur le marché, ce délai est porté à vingt-quatre mois. Le Parlement européen prévoit également un régime d'exonération lorsque, pour des médicaments orphelins ou des médicaments liés à des thérapies innovantes, la population cible n'a pas été identifiée.

En cas de non-respect de ces dispositions, les titulaires d'AMM pourront faire l'objet de sanctions financières déterminées par chaque État membre.

L'EFPIA soutiendrait une mesure obligeant les titulaires d'AMM à déposer des demandes de fixation du prix et du niveau de remboursement dans tous les États de l'Union au plus tard deux ans après l'obtention de l'AMM, à condition que les systèmes nationaux le permettent.

Conscients de la nécessité de garantir l'accès aux médicaments dans tous les États membres de l'Union, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale souhaitent qu'à la demande d'un État membre, les titulaires d'AMM soumettent dans un délai de douze mois une demande de fixation du prix et de remboursement pour le médicament concerné, sous peine de sanctions financières. Un délai particulier de vingt-quatre mois pourra être accordé uniquement aux PME et aux organismes à but non lucratif. Aucune dérogation ne pourra être accordée selon la désignation du médicament concerné.

C. ÉLABORER DES MÉCANISMES D'INCITATION VISANT À ORIENTER ET DÉVELOPPER LA RECHERCHE

La Commission a proposé des mesures d'incitation au profit des titulaires d'AMM, qui, s'ils remplissent un certain nombre de critères, pourront bénéficier d'une protection des données réglementaires plus longue. Le Parlement européen a également fait des propositions en ce sens.

Les rapporteurs ont examiné les différents mécanismes d'incitation proposés avec pour objectifs d'encourager et de mieux orienter la recherche qui reste indispensable pour le développement de nouveaux médicaments.

1. Répondre aux besoins médicaux non satisfaits
a) L'introduction de la notion de médicament répondant à un besoin médical non satisfait dans la législation

L'article 83 de la proposition de directive qualifie un médicament répondant à un besoin médical non satisfait.

Un médicament est considéré comme répondant à un besoin médical non satisfait si au moins une de ses indications thérapeutiques concerne une maladie mettant la vie en danger ou gravement invalidante et si les conditions suivantes sont remplies :

- il n'existe pas de médicament autorisé dans l'Union pour cette maladie ou, bien que des médicaments soient autorisés pour cette maladie dans l'Union, la morbidité ou la mortalité reste élevée ;

- l'utilisation du médicament entraîne une réduction significative de la morbidité ou de la mortalité pour la population de patients concernée.

Les médicaments désignés comme médicaments orphelins sont considérés comme répondant à un besoin médical non satisfait.

L'EMA devra adopter des lignes directrices précisant cette qualification, après consultation de la Commission et des autorités compétentes des États membres. Il reviendra au développeur de démontrer auprès de l'EMA que le médicament répond bien à un besoin médical non satisfait.

Pour l'EPF, il est impératif d'aligner cette définition sur les besoins réels des patients en incluant notamment l'impact sur leur qualité de vie mais aussi la disponibilité des traitements actuels.

Pour Prescrire, il est nécessaire qu'il y ait une transparence sur les avis fournis par l'EMA concernant la qualification d'un médicament comme répondant à un besoin médical non satisfait et que ces avis fassent l'objet d'une publication.

L'EFPIA est très critique vis-à-vis des critères de qualification proposés qui, selon elle, ne tiennent pas suffisamment compte des besoins des patients et des évolutions des progrès scientifiques. Ces critères sont orientés du point de vue du payeur plutôt que du patient dans le but de restreindre les dépenses.

La commission des affaires européennes du Sénat, dans son avis politique du 20 octobre 2022, recommandait de définir la notion de besoin médical non satisfait.

Toutefois, les rapporteurs estiment que les critères proposés mériteraient d'être davantage précisés et centrés sur le patient, notamment en ce qui concerne l'impact du traitement sur la qualité de vie des patients. Comme indiqué précédemment pour la mise en oeuvre du programme dit PRIME pour les médicaments prioritaires, la notion d'avancée thérapeutique exceptionnelle devrait être précisée. Enfin, les avis de l'EMA relatifs à la désignation d'un médicament comme répondant à un besoin médical non satisfait devraient être motivés et publiés.

Par ailleurs, lors de l'élaboration des lignes directrices, l'EMA devrait consulter également les associations de patients, les développeurs de médicaments et les professionnels de la santé.

b) Une incitation à développer ces médicaments qui doit être renforcée

La Commission propose que les titulaires de l'AMM relative aux médicaments répondant à un besoin médical non satisfait bénéficient de six mois supplémentaires de protection des données réglementaires, contre douze mois selon la proposition du Parlement européen.

Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale sont alignées sur la proposition du Parlement européen qui est plus attractive pour les développeurs.

2. Encourager la production de données cliniques comparatives

La Commission et le Parlement européen souhaitent encourager la production de données cliniques comparatives afin d'aider les États membres à prendre des décisions en matière de fixation des prix et de niveau de remboursement plus rapides et fondées sur des données probantes. Cela doit permettre d'accélérer et de faciliter la mise à disposition du médicament.

Dans ce but, ils proposent de prolonger de six mois la durée de la protection des données réglementaires pour les médicaments contenant une nouvelle substance active, lorsque les essais cliniques à l'appui de la demande initiale d'AMM utilisent un comparateur pertinent fondé sur des données probantes, conformément à l'avis scientifique fourni par l'EMA.

France Assos Santé est favorable à cette mesure qui doit permettre d'anticiper le travail d'évaluation des États membres et qui servira à fixer le prix et les niveaux de remboursement des médicaments.

La HAS indique, quant à elle, que le comparateur choisi doit être pertinent au regard de la stratégie thérapeutique de référence dans un pays donné. Il est donc primordial que les autorités compétentes des États membres soient consultées par l'EMA lorsqu'elle élaborera les lignes directrices visant à définir un comparateur approprié, cette mesure n'ayant à ses yeux d'intérêt que si le comparateur choisi est conforme aux attentes des autorités nationales compétentes.

Pour Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale, cette incitation n'a d'intérêt que si ces évaluations comparatives correspondent aux standards attendus par les autorités nationales compétentes, ce qui n'est pas certain. En outre, la mise en oeuvre du règlement (UE) 2021/2282 relatif à l'évaluation des technologies de la santé doit permettre d'identifier les technologies les plus prometteuses pour permettre de préparer en amont des évaluations communes, ce qui rend moins pertinente l'incitation proposée. Enfin, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale souhaitent limiter à huit ans et six mois la durée maximale de la protection des données réglementaires. En conséquence, ils n'appuient pas cette proposition.

3. Favoriser et développer la recherche
a) Des incitations proposées pour l'ajout d'une nouvelle indication thérapeutique

La Commission propose des incitations pour le développement de nouvelles indications pour les produits brevetés, d'une part, et pour les produits qui ne sont plus protégés par un brevet, d'autre part.

Tout d'abord, la Commission propose de conserver l'incitation actuelle qui consiste à accorder douze mois supplémentaires de protection des données réglementaires au titulaire de l'AMM qui obtient, au cours de la période de protection des données, une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire pour laquelle il a démontré, données à l'appui, un bénéfice clinique significatif par rapport aux thérapies existantes. Le Parlement européen propose quant à lui de supprimer cette incitation.

S'il est nécessaire de favoriser le développement de nouvelles indications, Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale souhaitent limiter à huit ans et six mois la durée maximale de la protection des données réglementaires. En outre, une nouvelle indication thérapeutique permet déjà aux titulaires d'AMM de générer des revenus supplémentaires. Dès lors, ils proposent de conserver cette incitation mais de limiter à six mois la durée supplémentaire de protection des données réglementaires dont pourrait en ce cas bénéficier le titulaire de l'AMM.

Par ailleurs, l'article 84 de la proposition de directive prévoit qu'une période de protection des données réglementaires de quatre ans est accordée pour un médicament pour lequel a été trouvée une nouvelle indication thérapeutique qui n'avait pas été autorisée auparavant dans l'Union, à condition :

- que des études cliniques ou non cliniques adéquates aient été réalisées en relation avec l'indication thérapeutique, démontrant un bénéfice clinique notable ; et

- qu'il s'agisse d'un médicament générique ou biosimilaire qui n'a pas bénéficié auparavant de la protection des données, ou qu'une période de vingt-cinq ans se soit écoulée depuis l'octroi de l'autorisation initiale de mise sur le marché du médicament concerné.

Cette disposition vise à stimuler l'innovation au sein de l'industrie du médicament générique ou biosimilaire, en développant le repositionnement de médicaments à valeur ajoutée non protégés par un brevet. Parmi les médicaments repositionnés qui ont montré leur efficacité, Medecines for Europe cite le cas de la dexaméthasone qui a permis de réduire d'un tiers le nombre de décès chez les patients hospitalisés atteints de COVID-19 et placés sous assistance respiratoire.

La protection des données réglementaires pour quatre ans ne pourra être accordée qu'une seule fois pour un médicament donné.

Selon une étude17(*) réalisée pour le STOA18(*), une telle mesure permettrait effectivement de stimuler l'innovation sur les produits non brevetables.

Les trois rapporteurs y sont favorables.

b) Une incitation proposée pour développer la recherche dans l'Union

Le Parlement européen propose que la durée de la protection des données réglementaires soit prolongée de six mois lorsque les développements ayant mené à la mise au point du médicament ont été principalement réalisés dans l'Union et au moins en partie en collaboration avec des entités publiques. Il s'agit là d'une mesure qui pourrait permettre le développement de la recherche sur le territoire de l'Union.

Mme Pascale Gruny et la majorité sénatoriale soutiennent cette mesure dont les conditions de mise en oeuvre devront être précisées par la Commission afin de permettre une appréciation transparente des efforts de recherche réalisés dans l'Union. En revanche, ils estiment qu'il n'est pas nécessaire de préciser que cette recherche doit se faire en collaboration avec des entités publiques.

Le tableau ci-dessous synthétise les différentes propositions.

 

Législation actuelle

Proposition de la Commission européenne

Proposition du Parlement européen

Proposition de la commission des affaires européennes du Sénat

Durée socle de la protection des données réglementaires

8 ans

6 ans

7,5 ans

7,5 ans

Mise sur le marché du médicament dans tous les États membres de l'Union dans un délai de 2 ans à compter de la date de l'AMM

-

+ 2 ans

-

-

Médicament qui répond à un besoin médical non satisfait

-

+ 6 mois

+ 12 mois

+ 12 mois

Réalisation d'essais cliniques comparatifs

-

+ 6 mois

+ 6 mois

-

Ajout d'une nouvelle indication thérapeutique pour laquelle le médicament montre un avantage clinique important par rapport aux thérapies existantes

+ 1 an

+ 1 an

-

+ 6 mois

Recherche et développement réalisée dans l'Union

-

-

+ 6 mois

+ 6 mois

IV. LIMITER LA CONSOMMATION D'ANTIMICROBIENS TOUT EN ASSURANT LEUR DISPONIBILITÉ ET LE DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX PRODUITS

L'utilisation importante et parfois injustifiée des antimicrobiens tend à limiter leur efficacité. En effet, les bactéries parviennent à développer une résistance à ces traitements. On estime à plus de 35 000 par an le nombre de personnes qui meurent dans l'Union des suites directes d'infections dues à des bactéries résistant aux antimicrobiens.

La résistance aux antimicrobiens (RAM) implique une utilisation parcimonieuse de ces médicaments, ce qui limite l'intérêt commercial des entreprises à en développer de nouveaux ou à commercialiser ceux qui existent.

Une politique publique avec des incitations adaptées est donc nécessaire.

A. IDENTIFIER DES ANTIMICROBIENS PRIORITAIRES

Un antimicrobien est considéré comme « antimicrobien prioritaire » si les données précliniques et cliniques confirment l'apport d'un avantage clinique important en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens et s'il présente au moins l'une des caractéristiques suivantes :

- il représente une nouvelle classe d'antimicrobiens ;

- son mécanisme d'action est nettement différent de celui de tout antimicrobien autorisé dans l'Union ;

- il contient une substance active qui n'a pas été autorisée précédemment dans un médicament dans l'Union et qui s'attaque à un organisme multirésistant et à une infection grave ou mettant la vie en danger.

Lors de l'évaluation scientifique de ces critères, l'EMA tiendra compte de la « liste des agents pathogènes prioritaires pour la recherche-développement de nouveaux antimicrobiens » de l'OMS ou d'une liste équivalente établie à l'échelle de l'Union.

La Commission européenne prévoit que le développeur d'antimicrobiens prioritaires pourra bénéficier d'un soutien scientifique et réglementaire précoce et renforcé de l'EMA. Il pourra également se voir attribuer par la Commission un titre d'exclusivité des données transférable.

Les rapporteurs approuvent les critères de désignation proposés.

B. LIMITER LE RECOURS AUX ANTIMICROBIENS

1. De nouvelles exigences en matière d'information propres aux antimicrobiens

Le titulaire de l'AMM devra mettre à la disposition des professionnels de la santé du matériel didactique concernant l'utilisation appropriée des outils de diagnostic, des tests ou d'autres approches diagnostiques liés aux agents pathogènes résistant aux antimicrobiens.

Le titulaire de l'AMM inclut dans l'emballage des antimicrobiens un document qui contient des informations spécifiques sur le médicament concerné et qui est mis à la disposition du patient, en plus de la notice du produit, avec des informations sur la résistance aux antimicrobiens et sur l'utilisation et l'élimination appropriées des antimicrobiens.

Les rapporteurs soutiennent ces mesures.

2. L'adoption d'une recommandation visant à restreindre l'utilisation des antimicrobiens

Le Conseil a adopté le 13 juin 2023 une recommandation relative au renforcement des actions de l'Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre de l'approche « Une seule santé »19(*).

Selon cette recommandation, les États membres devront mettre en oeuvre, au plus tard le 14 juin 2024, des plans d'action nationaux contre la RAM. Ces plans d'action doivent permettre de collecter des données sur la RAM et la consommation d'antimicrobiens, de prévenir les infections notamment au sein des établissements de santé, de développer une utilisation prudente des antimicrobiens et de sensibiliser la population à ce problème de santé publique.

La recommandation assigne à chaque État membre des objectifs chiffrés en ce qui concerne la diminution de la consommation d'antimicrobiens et l'incidence de certaines infections. Pour atteindre ces objectifs, des fonds seront mis à disposition par la Commission qui devra également renforcer la coopération entre les différentes agences de l'Union et porter cette question à l'échelle internationale.

Les objectifs de cette recommandation sont soutenus par les rapporteurs.

C. INCITER À LA PRODUCTION ET AU DÉVELOPPEMENT D'ANTIMICROBIENS PRIORITAIRES

1. La création de titres d'exclusivité des données transférables : une mesure entourée d'incertitudes

La Commission propose de pouvoir, par le biais d'un acte d'exécution, octroyer au demandeur d'une AMM relative à un « antimicrobien prioritaire » qui en ferait la demande un titre d'exclusivité des données transférable. Ce titre donnerait droit à douze mois supplémentaires de protection des données réglementaires pour un médicament autorisé.

Le titre peut être utilisé pour tout produit ayant reçu une AMM de l'EMA au cours des quatre premières années de protection des données réglementaires. Il ne peut être transféré qu'une seule fois et, en cas de vente, l'identité du nouveau détenteur et la valeur de la transaction doivent être rendues publiques. Si le titre n'est pas utilisé dans les cinq ans suivant la date d'octroi, il cesse d'être valable.

Pour en bénéficier, le titulaire de l'AMM devra remplir des critères stricts en termes de capacités de production et divulguer tous les financements reçus, de quelque source que ce soit, pour la recherche sur les antimicrobiens.

En outre, la proposition de l'Union limite le nombre de titres à un maximum de dix à l'échelle de l'Union, ce qui permet de maintenir leur valeur.

Lors de son audition, la Commission a indiqué que les antimicrobiens sont généralement développés par des petites entreprises qui seront tentées de vendre leur titre à une plus grande. Le coût de ces titres peut être certes élevé pour les finances des États membres mais cela reviendrait moins cher pour eux que de rester passifs, en raison notamment de l'impact économique et social de la résistance aux antimicrobiens.

Quatorze États membres de l'Union (Autriche, Belgique, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovaquie et Slovénie) ont déclaré s'opposer à ce mécanisme en raison notamment des coûts imprévisibles qu'il peut engendrer pour les systèmes de santé nationaux.

L'EPF estime que si ces titres peuvent avoir un impact incitatif, d'autres mesures devraient pouvoir être envisagées, notamment le modèle de revenus garantis actuellement testé en Suède et au Royaume-Uni et qui donnerait de bons résultats.

L'EFPIA est favorable à la création de ces titres qu'elle qualifie d'incitation effective et efficace. Elle estime que le coût pour les finances publiques est surestimé et qu'il doit être comparé aux coûts directs de l'inaction.

Medecines for Europe est opposée à ce système qui dissocie la récompense de l'innovation en créant une extension de monopole qui risque d'être utilisée pour les médicaments à succès les plus chers.

Selon l'étude réalisée pour le STOA, le modèle des titres transférables a pour avantage de ne pas lier la récompense de l'innovation au volume des ventes et d'orienter l'incitation à l'innovation vers les produits éligibles. En effet, le gain financier espéré à la suite du développement d'un nouvel antimicrobien prioritaire n'est pas lié au volume de ventes de cet antimicrobien. Toutefois, le coût pour les systèmes de santé n'est pas connu à l'avance et peut être important. En outre, les données réglementaires relatives au médicament pour lequel le titre sera utilisé seront protégées une année de plus, avec des conséquences sur les conditions d'accès à ce médicament.

En raison des incertitudes relatives aux coûts et à l'efficacité du modèle de titres transférables, les rapporteurs restent réservés sur la création de ces titres.

2. La nécessité de développer des mesures alternatives

Pour les rapporteurs, compte tenu de la nécessité de disposer d'antimicrobiens en quantités suffisantes et de développer de nouveaux produits permettant de lutter contre la RAM, des mesures alternatives à la création de titres d'exclusivité transférables doivent être proposées.

Selon l'étude réalisée pour le STOA, les modèles de revenus garantis impliquent que les acheteurs paient un montant forfaitaire fixe au titulaire de l'AMM pour une période déterminée en échange d'un approvisionnement garanti. Ce système permet de dissocier les revenus du volume de médicaments vendus. Toutefois, la mise en oeuvre de ce modèle au niveau de l'Union implique un consensus sur le montant payé par chaque État. Il a été mis en place avec succès en Suède pour garantir l'accès aux antimicrobiens. L'HERA réfléchit à le développer pour tous les États membres. La France pourrait accepter de participer à un mécanisme d'achat conjoint fondé sur un modèle de revenus garantis, la participation à un tel mécanisme se faisant sur une base volontaire.

Medecines for Europe se prononce également en faveur du modèle à revenus garantis tel que mis en oeuvre en Suède.

Ce modèle n'étant pas conçu pour encourager l'innovation et le développement de nouveaux antimicrobiens, il devra être complété par une incitation à la recherche. Pour cela, les rapporteurs proposent de promouvoir un modèle de paiement de l'innovation qui permet d'attribuer une récompense monétaire pour le développement avec succès de produits innovants. Un paiement à chaque étape du développement peut être aménagé. Les États membres qui auront participé au financement de l'innovation détiendront des droits de propriété intellectuelle.

Pour ces raisons, les rapporteurs soutiennent les achats conjoints d'antimicrobiens fondés sur un modèle de revenus garantis et la mise en oeuvre d'un modèle de paiement de l'innovation à chaque étape de son développement.

V. RENFORCER LE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DE MÉDICAMENTS ORPHELINS ET DE MÉDICAMENTS PÉDIATRIQUES

La Commission européenne propose d'intégrer le règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins et le règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique dans la législation générale applicable à tous les médicaments. Cela vise, selon la Commission, à permettre une simplification et une plus grande cohérence.

L'objectif de la législation reste de favoriser le développement de médicaments orphelins et de médicaments pédiatriques de sorte à répondre aux besoins des patients.

A. LA CRÉATION D'INCITATIONS DIFFÉRENCIÉES POUR LES MÉDICAMENTS ORPHELINS

1. La révision des critères de désignation comme médicament orphelin

La Commission propose tout d'abord de revoir les critères de désignation des médicaments orphelins qui bénéficient de dispositions favorables afin d'encourager leur développement.

Aujourd'hui le règlement (CE) n° 141/2000 prévoit qu'un médicament est désigné comme orphelin selon un critère financier ou un critère de prévalence soit :

- s'il est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement, dans la Communauté, d'une maladie mettant la vie en danger, d'une maladie très invalidante ou d'une affection grave et chronique, et qu'il est peu probable que, en l'absence de mesures d'incitation, la commercialisation de ce médicament dans la Communauté génère des bénéfices suffisants pour justifier l'investissement nécessaire ;

- ou si l'affection ne touche pas plus de cinq personnes sur 10 000 dans l'Union au moment où la demande de désignation d'un médicament comme médicament orphelin est soumise.

En complément de ces deux critères, le règlement (CE) n° 141/2000 prévoit que le médicament est désigné comme orphelin s'il n'existe pas de « méthode satisfaisante de diagnostic, de prévention ou de traitement de cette affection ayant été autorisée dans l'Union, ou, s'il en existe, le médicament en question procurerait un bénéfice notable aux personnes souffrant d'une telle affection ».

La Commission propose de supprimer le critère financier au motif qu'il est très peu utilisé.

Il appartiendrait désormais à l'EMA, et non plus à la Commission, d'adopter une décision d'octroi, de refus ou de transfert d'une désignation d'un médicament comme médicament orphelin.

L'article 63 de la proposition de règlement prévoit que, sur recommandation de l'EMA, la Commission pourra adopter un acte délégué pour compléter les critères de désignation.

La désignation comme médicament orphelin permettrait de bénéficier du programme de soutien scientifique et réglementaire de l'EMA (PRIME) et de l'évaluation progressive des données de la demande d'AMM.

L'association Prescrire regrette le retrait du critère lié à la rentabilité financière qu'elle estime le seul à véritablement justifier l'octroi des aides.

C'est pour ce motif que les rapporteurs souhaitent que ce critère financier soit maintenu.

2. L'introduction dans la législation de la notion de médicament orphelin répondant à un besoin médical non satisfait important

L'article 70 de la proposition de règlement précise qu'un médicament orphelin est considéré comme répondant à un besoin médical non satisfait important lorsqu'il satisfait aux exigences suivantes :

- il n'existe pas de médicament autorisé dans l'Union pour cette affection ou, bien que des médicaments soient autorisés pour cette affection dans l'Union, le demandeur démontre que le médicament orphelin, en plus de présenter un bénéfice notable, offrira une avancée thérapeutique exceptionnelle ;

- l'utilisation du médicament orphelin entraîne une réduction significative de la morbidité ou de la mortalité pour la population de patients concernée.

L'EMA devra adopter des lignes directrices précisant les critères de désignation après consultation de la Commission et des autorités compétentes des États membres. Il reviendra au promoteur de démontrer auprès de l'EMA que le médicament orphelin répond bien à un besoin médical non satisfait important.

Pour l'EPF, la distinction entre besoins médicaux non satisfaits et besoins médicaux non satisfaits importants, qui ne s'applique qu'aux médicaments orphelins, est utile.

Prescrire insiste à nouveau sur la nécessaire transparence en ce qui concerne les avis de l'EMA relatifs à la qualification d'un médicament comme répondant à un besoin médical non satisfait important et préconise que ces avis fassent l'objet d'une publication.

Bayer s'oppose fermement à l'introduction de cette notion. Pour cette entreprise, ce concept entraîne des complexités éthiques liées à la hiérarchisation et la quantification du poids de la maladie et de la souffrance du patient. Une approche véritablement axée sur le patient devrait permettre d'évaluer l'impact d'une maladie sur la qualité de vie plutôt que de se fonder simplement sur les risques de morbidité ou de mortalité.

Pour l'EMA, il est difficile de distinguer un besoin médical non satisfait d'un besoin médical non satisfait important sur les plans technique et scientifique et de rendre cette distinction opérationnelle. Toutefois, elle apparaît nécessaire pour mettre en place les bonnes incitations et éviter d'accorder des avantages trop importants aux titulaires d'AMM, au regard des difficultés financières qu'ils doivent supporter pour mettre sur le marché un médicament orphelin.

Les rapporteurs soutiennent l'introduction de cette notion pour permettre de déterminer au plus juste les compensations dont peuvent bénéficier les titulaires d'AMM. Ils appellent toutefois à préciser les critères de désignation en définissant la notion d'avancée thérapeutique exceptionnelle et en prenant en compte la prévalence de la maladie.

3. La remise en cause du dispositif d'exclusivité commerciale aujourd'hui en vigueur

Pour permettre le développement de nouveaux médicaments orphelins, le règlement (CE) n° 141/2000 prévoit une exclusivité commerciale de dix ans pour tout médicament orphelin mis sur le marché. Cela implique que l'Union européenne et les États membres s'abstiennent pendant cette période, eu égard à la même indication thérapeutique, d'accorder une AMM ou de faire droit à une demande d'extension d'une AMM existant pour un médicament similaire. Cette période peut être ramenée à six ans s'il est établi, à la fin de la cinquième année que, pour le médicament concerné, les critères relatifs à la désignation comme médicament orphelin ne sont plus remplis.

Une étude réalisée par la Commission en 202020(*) concluait, après évaluation, que cette disposition créait des effets d'aubaine. Il était alors suggéré d'envisager des incitations différenciées en fonction notamment du niveau d'investissement dans la recherche et le développement.

Tout en reconnaissant l'intérêt des exclusivités commerciales pour orienter la recherche, l'étude réalisée pour le STOA précise que ces stratégies conduisent parfois à accorder une exclusivité à des produits très rentables et dont la taille du marché est importante.

Ces exclusivités ont un impact sur le prix du médicament qui demeure élevé en l'absence de concurrence de produits génériques ou biosimilaires et donc sur les budgets des États membres ou des systèmes de sécurité sociale qui prennent en charge ces médicaments.

Dans son avis politique sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe adopté en octobre 2022, la commission des affaires européennes du Sénat recommandait que la durée de l'exclusivité commerciale conférée aux titulaires d'une AMM relative à un médicament orphelin soit allongée pour les maladies les plus graves et lorsque la rentabilité estimée du médicament est jugée insuffisante, en favorisant les médicaments qui n'ont pas fait l'objet d'une AMM pour une autre pathologie.

4. Une modulation de la durée de l'exclusivité commerciale à encourager

Souhaitant tenir compte des observations précédentes, la Commission européenne propose, à l'article 71 de la proposition de règlement, de moduler la durée de l'exclusivité commerciale accordée aux médicaments orphelins comme ci-dessous :

- cinq ans lorsque l'autorisation de mise sur le marché a été accordée sur la base d'un usage bien établi de la substance active au sein de l'Union européenne ;

- neuf ans dans le cas général ;

- dix ans pour les médicaments orphelins répondant à un besoin médical non satisfait important.

Ces deux dernières périodes d'exclusivité sont prolongées de douze mois lorsque le titulaire de l'AMM peut démontrer que le médicament est mis en circulation et fourni sans interruption dans la chaîne d'approvisionnement en quantité suffisante et dans les présentations nécessaires pour couvrir les besoins des patients dans les États membres dans lesquels l'AMM est valable, dans un délai de deux ans à compter de la date d'octroi de l'AMM. Dans ce cas, les titulaires d'AMM ne bénéficient pas de la prolongation de six mois de la durée de la protection des données réglementaires que la Commission propose lorsque ce même objectif est atteint.

De même, ces deux périodes d'exclusivité peuvent être prolongées de douze mois pour les médicaments orphelins si, au moins deux ans avant la fin de la période d'exclusivité, le titulaire de l'AMM d'un médicament orphelin obtient une AMM pour une ou plusieurs nouvelles indications thérapeutiques pour une affection orpheline différente. Une telle prolongation peut être accordée deux fois, si les nouvelles indications thérapeutiques concernent à chaque fois des affections orphelines différentes.

L'EFPIA s'oppose à la modulation proposée par la Commission. Elle estime qu'environ la moitié des médicaments orphelins développés entre 2000 et 2017 n'auraient pas été économiquement viables sans la législation actuelle sur les médicaments orphelins. Selon elle, les modifications réglementaires proposées réduiraient le montant de l'investissement pour le développement de médicaments orphelins de cinq milliards d'euros.

Selon l'étude réalisée pour le STOA, il est utile d'adapter l'incitation en fonction de la prévalence de la maladie, en introduisant des incitations plus fortes pour les maladies plus rares, le système actuel traitant toutes les maladies orphelines de la même manière en termes d'incitation, malgré des variations significatives dans leur prévalence.

Les rapporteurs soutiennent la modulation de la durée de l'exclusivité commerciale et la prolongation de la durée de l'exclusivité commerciale de douze mois lorsque le titulaire de l'AMM d'un médicament orphelin obtient une AMM pour une nouvelle indication thérapeutique relative à une affection orpheline différente.

En revanche, la prolongation de la durée de l'exclusivité commerciale de douze mois lorsque le médicament est mis sur le marché dans tous les États membres de l'Union ne fait pas consensus parmi les rapporteurs, par cohérence avec leurs positions sur la mesure permettant d'accorder aux titulaires d'AMM une prolongation de deux ans de la durée de la protection des données réglementaires lorsque ce même objectif est atteint.

Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier sont favorables à la proposition de la Commission, contrairement à Mme Pascale Gruny et à la majorité sénatoriale qui indiquent que leur proposition de contraindre les titulaires d'AMM, sous peine de sanctions financières, à présenter une demande de fixation du prix et du niveau de remboursement pour un médicament qu'un État membre souhaite voir commercialisé sur son territoire dans un délai d'un an suivant cette demande s'appliquera également aux médicaments orphelins.

B. UNE ÉVOLUTION DES RÈGLES RELATIVES AUX PLANS D'INVESTIGATION PÉDIATRIQUE POUR STIMULER LA RECHERCHE

1. Un mécanisme d'incitation critiqué

Le règlement (CE) n° 1901/2006 en vigueur actuellement impose aux laboratoires pharmaceutiques de présenter, dans le cadre d'une demande d'AMM, un plan d'investigation pédiatrique qui décrive les mesures prévues pour évaluer la qualité, la sécurité et l'efficacité du médicament dans tous les sous-ensembles de la population pédiatrique susceptibles d'être concernés. Ce plan doit être approuvé par l'EMA. Si les études ainsi prévues ont été correctement menées selon l'EMA, une prolongation du certificat complémentaire de protection (CCP) associé au brevet de ce médicament est accordée, permettant ainsi de prolonger de six mois les droits conférés par le brevet dont bénéficie le titulaire d'AMM. 

La législation actuelle prévoit que la période d'exclusivité accordée à un médicament orphelin pour lequel l'ensemble des études réalisées selon un plan d'investigation pédiatrique a été validé, est portée de dix à douze ans. Dans ce cas, il ne bénéficie pas de la prolongation de la durée du CCP de six mois.

Une étude réalisée par la Commission en 202021(*) concluait, après évaluation, que le règlement (CE) n° 1901/2006 permet bien le développement d'usages pédiatriques pour des médicaments destinés aux adultes mais que son efficacité n'est pas avérée pour le développement de médicaments répondant aux besoins spécifiques des enfants. Cette étude montre également le faible impact de l'augmentation de la période d'exclusivité pour les médicaments orphelins pour lesquels le plan d'investigation pédiatrique a été validé.

La réforme proposée ne modifie pas la disposition relative à la prolongation du CCP et ne propose pas de mécanisme d'incitation particulier.

Toutefois, la Commission propose de supprimer la disposition prévoyant la prolongation de l'exclusivité commerciale pour les médicaments orphelins pour lesquels un plan d'investigation pédiatrique a été validé. Les rapporteurs soutiennent cette position.

2. De nouvelles incitations qui bénéficieront également aux médicaments pédiatriques

Dans son avis politique sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe, la commission des affaires européennes du Sénat recommandait une récompense plus importante lorsque le médicament a pour seule indication thérapeutique des maladies infantiles.

Si la Commission européenne ne donne pas directement suite à cette recommandation, elle estime que les différentes mesures proposées pour inciter au développement de médicaments pourront s'appliquer au cas particulier des médicaments pédiatriques.

Lors de son audition par les rapporteurs, la Commission a ainsi indiqué que les développeurs de médicaments pédiatriques pourront bénéficier des récompenses offertes lorsque le médicament répond à un besoin médical non satisfait. Ils pourront également bénéficier des incitations proposées pour les médicaments orphelins si tel est le cas.

À la suite de cette audition, les rapporteurs ont estimé les propositions de la Commission européenne satisfaisantes dans leur ensemble.

3. Stimuler la recherche au travers des plans d'investigation pédiatrique

La Commission propose d'élargir les cas où un plan d'investigation pédiatrique est obligatoire. Ainsi, un tel plan devra être présenté lorsque la maladie pour laquelle le médicament est développé ne survient que dans les populations adultes, si le mécanisme d'action du médicament en question peut être efficace contre une maladie infantile.

Il est également proposé que le plan d'investigation pédiatrique puisse être évolutif et complété au fur et à mesure des développements cliniques.

Pour l'EMA, ces deux évolutions sont positives : l'EMA pourra demander de travailler davantage sur le mécanisme d'action du médicament, de manière à voir si ce dernier peut servir à traiter d'autres pathologies. En outre, il sera possible de travailler par étapes, ce qui évite de devoir présenter très tôt le plan d'investigation pédiatrique et permettra de l'adapter au fur et à mesure, en fonction des nouvelles informations dont disposerait le demandeur.

Le Parlement européen n'a pas jugé utile de modifier les propositions de la Commission que les rapporteurs soutiennent également.

Lors de sa réunion du 23 octobre 2024, la commission des affaires européennes a autorisé la publication de ce rapport et adopté la proposition de résolution ainsi rédigée permettant de formuler un certain nombre de recommandations au Gouvernement en vue des négociations en cours au Conseil. Elle a également adopté un avis politique reprenant les termes de la proposition de résolution et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 114 et 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 25 novembre 2020 : « Stratégie pharmaceutique pour l'Europe », COM(2020) 761 final,

Vu la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie,

Vu le règlement (CE) nº 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins,

Vu la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain,

Vu le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments,

Vu le règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004,

Vu la directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2010 modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain,

Vu le règlement (UE) 2021/2282 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 concernant l'évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE,

Vu le règlement (UE) 2022/2371 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 concernant les menaces transfrontières graves pour la santé et abrogeant la décision n° 1082/2013/UE,

Vu le document de travail de la Commission du 11 août 2020 présentant une évaluation conjointe du règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique et du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, SWD(2020) 163 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 26 avril 2023 : « Réforme de la législation pharmaceutique et mesures de lutte contre la résistance aux antimicrobiens », COM(2023) 190 final,

Vu la recommandation du Conseil du 13 juin 2023 relative au renforcement des actions de l'Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d'une approche « Une seule santé », 2023/C 220/01,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code de l'Union relatif aux médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/83/CE et la directive 2009/35/CE, COM(2023) 192 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) nº 141/2000 et le règlement (CE) nº 1901/2006, COM(2023) 193 final,

Vu la résolution du Sénat n° 120 (2023-2024) du 10 mai 2024 sur l'action de l'Union européenne contre les pénuries de médicaments,

Vu la résolution du Sénat n° 127 (2022-2023) du 9 juin 2023 relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 297/95 du Conseil et le règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil,

Vu le rapport d'information du Sénat « Pour une Europe du médicament au service des patients » n° 63 (2022-2023) du 20 octobre 2022 de Mmes Pascale Gruny et Laurence Harribey, fait au nom de la commission des affaires européennes,

Vu l'avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat du 20 octobre 2022 sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe de la Commission européenne,

Des procédures d'évaluation qui doivent garantir la sécurité des patients ;

Considérant qu'il ressort de l'Agence européenne des médicaments (EMA) d'évaluer les demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments de sorte à garantir leur efficacité et la sécurité des patients ;

Considérant que les médicaments biosimilaires présentent une variabilité plus importante que les médicaments génériques par rapport au médicament de référence ;

Considérant que l'adoption de la directive 2010/84/UE a permis de renforcer les mesures de pharmacovigilance visant à surveiller les éventuels effets indésirables que pourrait provoquer un médicament mis sur le marché ;

Considérant les délais nécessaires à la réalisation des études demandées par l'EMA dans le cadre d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ;

Considérant la nécessité d'assurer une utilisation optimale des ressources de l'EMA ;

Considérant que la durée de l'évaluation scientifique effectuée par l'EMA est aujourd'hui en moyenne de 400 jours alors que la réglementation prévoit une durée de 210 jours ;

Considérant que le caractère incomplet de certaines demandes d'AMM tend à allonger la durée de la procédure d'évaluation ;

Considérant la nécessité de garantir la cohérence des évaluations des demandes d'AMM relatives aux médicaments à usage humain ;

Considérant l'intérêt de la numérisation des procédures de demande d'AMM en termes de temps gagné pour les demandeurs d'AMM et pour l'EMA ;

Considérant le bilan positif du programme en faveur des médicaments prioritaires (PRIME) mis en place par l'EMA ;

Considérant la volonté de la Commission européenne d'institutionnaliser ce programme ;

Considérant que la Commission prévoit que ce programme pourra bénéficier aux médicaments présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique sans proposer de définition de cette notion ;

Considérant qu'il reviendrait à l'EMA de décider quels médicaments pourront bénéficier de ce programme ;

Considérant que la Commission propose d'institutionnaliser la procédure d'examen progressif des données demandées par l'EMA dans le cadre de l'évaluation d'une demande d'AMM, procédure utilisée durant la pandémie de COVID-19 ;

Considérant que la Commission propose de créer une procédure d'autorisation temporaire de mise sur le marché d'urgence en cas d'urgence de santé publique telle que définie par le règlement (UE) 2022/2371 ;

Considérant que la Commission souhaite créer un dispositif de bac à sable réglementaire visant à permettre l'accès à des technologies de la santé innovantes pour lesquelles les exigences réglementaires en vigueur ne peuvent être respectées en raison de la spécificité de ces technologies ;

Rappelle que toute modification de la réglementation relative à l'évaluation des demandes d'AMM doit garantir la sécurité des patients ;

Estime que l'obligation d'établir un plan de gestion des risques pourrait valablement être supprimée pour la mise sur le marché de médicaments génériques mais pas pour celle de médicaments biosimilaires en raison de leur variabilité plus importante par rapport aux médicaments de référence ;

Estime également, que compte tenu des mesures de pharmacovigilance actuellement en vigueur, la suppression de l'obligation de renouveler l'AMM au bout de cinq ans est recevable ;

Soutient, compte tenu des délais nécessaires à la présentation de nouvelles études, un renouvellement moins fréquent des AMM conditionnelles, soit tous les deux ans à partir de la troisième année ;

S'oppose à une diminution à 180 jours de la durée de l'évaluation des demandes d'AMM effectuée par l'EMA ;

Est favorable à une réduction du nombre de comités au sein de l'EMA de manière à intégrer le comité des médicaments orphelins et le comité des médicaments pédiatriques au sein du comité des médicaments à usage humain ;

Rappelle la nécessité de renforcer le financement public de l'EMA pour lui permettre d'assurer les missions qui ne bénéficient pas directement aux demandeurs ou aux titulaires d'AMM ;

Souhaite le développement de la numérisation des procédures d'AMM ;

Soutient l'institutionnalisation du programme PRIME de l'EMA sous réserve, d'une part, de mieux définir les critères de sélection des médicaments prioritaires éligibles à ce programme et notamment la notion d'» intérêt majeur du point de vue de la santé publique », et d'autre part, d'assurer la transparence des avis scientifiques sur ces médicaments en exigeant que ces avis soient motivés et publiés ;

Estime nécessaire de préciser la notion d'« avancée thérapeutique exceptionnelle » permettant de bénéficier d'un examen progressif des données nécessaires à l'obtention d'une AMM ;

Demande que les critères d'éligibilité des médicaments qui pourront bénéficier d'une AMM d'urgence soient définis et que les conditions de mise en oeuvre de cette procédure pour garantir la sécurité des patients soient précisées ;

Estime que la mise en place d'un bac à sable réglementaire doit rester exceptionnelle et conditionnée à l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée ;

Exige une transparence accrue sur les critères motivant la recommandation de l'EMA de créer un bac à sable réglementaire, la mise en oeuvre de ce dispositif exigeant un contrôle renforcé tant sur les critères de sélection que sur les essais effectués au préalable ;

Soutient que ce dispositif ne doit pas s'apparenter à un essai clinique, ce qui implique que des essais préalables à la mise à disposition des patients soient effectués ;

Estime nécessaire de renforcer les mesures de pharmacovigilance et le suivi des patients concernant les médicaments mis sur le marché dans le cadre d'un bac à sable réglementaire ;

Des médicaments plus respectueux de l'environnement mais sans en limiter l'accès ;

Considérant la volonté de la Commission de promouvoir le principe « une seule santé » qui consiste en une approche globale reconnaissant l'interconnexion entre la santé humaine, la santé animale et l'environnement ;

Considérant que la présence de produits pharmaceutiques dans l'environnement engendre des effets nuisibles pour la santé humaine et la santé animale, notamment en ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens ;

Considérant la volonté de la Commission de renforcer les exigences relatives à l'évaluation des risques pour l'environnement (ERE) liés aux médicaments ;

Considérant que les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 n'ont pas fait l'objet d'une ERE ;

Considérant que la Commission propose que l'EMA puisse établir une liste de ces médicaments qu'elle considère comme potentiellement dangereux pour l'environnement afin de demander au titulaire de l'AMM d'établir une ERE ;

Considérant que les médicaments anciens sont plus exposés au risque de pénurie ;

Considérant que la Commission propose qu'une AMM soit refusée lorsque l'ERE est incomplète ou insuffisamment étayée par le demandeur ou que les risques mentionnés dans l'ERE n'ont pas été suffisamment pris en compte par le demandeur ;

Soutient le renforcement des exigences relatives à l'évaluation des risques pour l'environnement, notamment pour les médicaments ayant un mode d'action antimicrobien ;

Est favorable à une extension de l'obligation d'établir une ERE pour les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 et considérés comme potentiellement dangereux pour l'environnement par l'EMA ;

Demande la mise en oeuvre de mesures notamment financières pour soutenir les titulaires d'AMM qui devront réduire l'impact environnemental des médicaments critiques concernés afin d'éviter tout risque de pénurie ;

Rappelle qu'une production de médicaments plus respectueuse de l'environnement ne doit pas se faire au détriment de l'accès des patients aux médicaments répondant à un besoin médical non satisfait, aux antimicrobiens prioritaires, aux médicaments présentant un intérêt majeur du point de vue de la santé publique et aux médicaments qui peuvent être qualifiés d'avancée thérapeutique exceptionnelle ;

Demande, en conséquence, que le refus d'une demande d'AMM ne présentant pas une ERE satisfaisante ne soit pas systématique et que la Commission tienne compte de critères tels que l'absence d'alternatives thérapeutiques ou la bonne volonté manifeste du demandeur ;

Diminuer le prix des médicaments en renforçant la position des États membres dans les négociations avec les titulaires d'AMM et en favorisant une entrée des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché dès la fin des protections accordées aux médicaments de référence ;

Considérant le prix élevé des médicaments les plus innovants ;

Considérant qu'aux termes de l'article 168, paragraphe 7, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les prix et les niveaux de remboursement des médicaments sont respectivement négociés et fixés par les États membres ;

Considérant les difficultés des États membres à obtenir des informations sur les coûts de production des médicaments ;

Considérant le soutien public reçu par les titulaires d'AMM pour développer des médicaments ;

Considérant que la Commission propose d'autoriser la publicité comparative dans le cas où le résumé des caractéristiques du médicament permet de démontrer et d'étayer les affirmations de la publicité en question ;

Considérant que ce résumé n'inclut pas les conclusions des études réalisées dans le cadre de l'évaluation comparative du médicament afin d'en déterminer le prix et le niveau de remboursement ;

Considérant que la Commission souhaite renforcer la coopération entre les autorités compétentes des États membres en charge de la fixation du prix et du niveau de remboursement ;

Considérant que le règlement (UE) 2021/2282 qui doit permettre le développement d'évaluations communes des technologies de la santé sera applicable en janvier 2025 ;

Considérant la baisse des prix engendrée par l'arrivée des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché ;

Considérant que les médicaments génériques ou biosimilaires doivent pouvoir entrer sur le marché dès l'expiration des protections dont bénéficie le médicament de référence ;

Estime nécessaire d'accroître la transparence sur le financement public du développement des médicaments, afin d'aider les États membres dans leurs négociations sur les prix de ces médicaments avec les titulaires d'AMM ;

Demande en conséquence que le titulaire de l'AMM déclare publiquement tout soutien financier direct reçu d'une autorité publique ou d'un organisme financé par des fonds publics, en faveur d'activités ayant trait à la recherche et au développement de médicaments faisant l'objet d'une autorisation nationale ou centralisée de mise sur le marché, quelle que soit l'entité juridique qui a reçu ce soutien ;

Demande également que soit déclaré publiquement tout soutien financier indirect reçu d'une autorité publique ou d'un organisme financé par des fonds publics de l'Union ou de ses États membres, incluant ainsi les aides fiscales ;

S'oppose à toute autorisation de la publicité comparative dans la législation pharmaceutique ;

Se félicite des mesures prises par la Commission pour renforcer la coopération entre les autorités compétentes des États membres en charge de la fixation du prix et du niveau de remboursement des médicaments, dans le but de favoriser l'échange d'informations et de bonnes pratiques ;

Estime nécessaire que les États membres renforcent les moyens financiers et humains des autorités nationales compétentes en charge de la fixation du prix et du niveau de remboursement des médicaments pour permettre leur participation effective aux évaluations communes prévues par le règlement (UE) 2021/2282 ;

Souhaite que la Commission envisage la mise en place d'un fonds de solidarité destiné à permettre à certains États membres d'acquérir des médicaments récents dont le prix serait élevé au regard de leurs ressources, à condition que ce prix soit juste et équitable ;

Soutient les mesures proposées par la Commission pour élargir les conditions d'utilisation des produits brevetés afin de permettre aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires de réaliser les études nécessaires à la détermination du prix des médicaments et de leur niveau de remboursement ;

Demande qu'il soit précisé que l'autorisation d'utiliser des produits brevetés dans ce but ne puisse être refusée au nom de la protection des droits de propriété intellectuelle ;

Une réduction limitée de la durée de protection des données réglementaires pour ne pas décourager la recherche mais assortie de mécanismes d'incitation ;

Considérant que la Commission propose de réduire de huit à six ans la durée de la protection des données réglementaires ;

Considérant l'impact que peut avoir cette mesure sur la recherche et développement qui reste essentielle pour la mise au point de nouveaux médicaments ;

Considérant que la Commission propose aux titulaires d'AMM de bénéficier d'une période supplémentaire de protection des données réglementaires s'ils remplissent un certain nombre de critères ;

Considérant que la Commission propose d'accorder deux années supplémentaires de protection des données réglementaires au titulaire d'une AMM qui démontre que le médicament en question est mis en circulation et fourni sans interruption dans la chaîne d'approvisionnement, en quantité suffisante et dans les présentations nécessaires pour couvrir les besoins des patients dans les États membres où l'AMM est valable, dans un délai de deux ans à compter de cette AMM ;

Considérant que la mise sur le marché effective d'un médicament dépend de décisions et de négociations qui impliquent les titulaires d'AMM mais également les autorités compétentes des États membres ;

Considérant que la Commission propose de définir ce qui sera considéré comme un médicament répondant à un besoin médical non satisfait ;

Considérant que l'EMA devra adopter des lignes directrices pour préciser les critères de désignation de tels médicaments ;

Considérant qu'il reviendra au demandeur d'AMM de démontrer auprès de l'EMA que le médicament répond à un besoin médical non satisfait ;

Considérant que la Commission propose d'accorder au titulaire de l'AMM d'un médicament répondant à un besoin médical non satisfait six mois supplémentaires de protection des données réglementaires ;

Considérant que la Commission propose d'accorder au titulaire d'une AMM six mois supplémentaires de protection des données réglementaires lorsque les essais cliniques présentés à l'appui de la demande initiale d'AMM utilisent un comparateur pertinent fondé sur des données probantes ;

Considérant qu'il est difficile de déterminer un comparateur qui soit pertinent pour chaque autorité nationale compétente en charge de déterminer le prix et les modalités de remboursement d'un médicament ;

Considérant que le règlement (UE) 2021/2282 devra permettre la réalisation d'évaluations communes des technologies de la santé en vue de déterminer leurs prix et niveaux de remboursement ;

Considérant que la Commission propose d'accorder une année supplémentaire de protection des données réglementaires au titulaire d'une AMM qui obtient, au cours de la période de protection des données, une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire pour laquelle il a démontré, données à l'appui, un bénéfice clinique notable par rapport aux thérapies existantes ;

Considérant qu'une nouvelle indication thérapeutique permet aux titulaires d'AMM de générer des revenus supplémentaires ;

Considérant la nécessité de limiter l'impact sur le prix des médicaments des mesures d'incitation proposées sous forme d'allongement de la durée de la protection des données réglementaires ;

Considérant la nécessité de soutenir la recherche au sein de l'Union ;

Considérant l'intérêt que peut avoir le repositionnement de médicaments qui ne sont plus protégés par un brevet pour la santé des patients ;

Propose de fixer la durée de la protection des données réglementaires des médicaments bénéficiant d'une AMM à sept ans et six mois ;

Estime difficile à mettre en oeuvre l'incitation proposée par la Commission afin qu'un médicament soit mis en circulation et fourni sans interruption dans la chaîne d'approvisionnement en quantité suffisante et dans les présentations nécessaires pour couvrir les besoins des patients dans les États membres où l'AMM est valable ;

Propose plutôt de créer une obligation pour le titulaire d'AMM de soumettre une demande de fixation du prix et du niveau de remboursement dans un délai de douze mois à compter de la demande d'un État membre pour un médicament donné, sous peine de sanctions financières, et s'oppose à toute dérogation fondée sur les critères de désignation du médicament ;

Estime que ce délai de douze mois peut être porté à vingt-quatre mois pour les PME et les organismes à but non lucratif ;

Affirme la nécessité de fixer les critères permettant de qualifier un médicament comme répondant à un besoin médical non satisfait ;

Appelle toutefois à préciser ces critères de désignation en prenant en compte l'impact du traitement sur la qualité de vie des patients et en définissant la notion d'avancée thérapeutique exceptionnelle ;

Souhaite que soient adoptées en complément des mesures pour garantir la transparence des avis de l'EMA relatifs à la désignation d'un médicament comme répondant à un besoin médical non satisfait ;

Demande que l'EMA consulte les associations de patients, les développeurs de médicaments et les professionnels de santé pour l'élaboration des lignes directrices visant à qualifier un médicament répondant à un besoin médical non satisfait ;

Demande que les titulaires d'une AMM relative à un médicament répondant à un besoin médical non satisfait puissent bénéficier de douze mois supplémentaires de protection des données réglementaires ;

Estime que la réalisation d'essais cliniques à l'appui d'une demande initiale d'AMM utilisant un comparateur pertinent fondé sur des données probantes ne devrait pas donner lieu à une période supplémentaire de protection des données réglementaires ;

Souhaite que le titulaire d'une AMM qui obtient, au cours de la période de protection des données, une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire pour laquelle il a démontré, données à l'appui, un bénéfice clinique notable par rapport aux thérapies existantes puisse bénéficier de six mois supplémentaires de protection des données réglementaires ;

Soutient la proposition de la Commission permettant d'accorder une protection des données réglementaires de quatre ans lorsqu'une nouvelle indication thérapeutique, qui n'avait pas été autorisée auparavant dans l'Union, a été trouvée ;

Recommande que lorsque la recherche et développement d'un médicament a principalement été réalisée sur le territoire de l'Union, le titulaire de l'AMM correspondante puisse bénéficier de six mois supplémentaires de protection des données réglementaires ;

Demande que la durée de la protection des données réglementaires ne puisse jamais excéder huit ans et six mois ;

Limiter la consommation d'antimicrobiens tout en assurant leur disponibilité et le développement de nouveaux produits ;

Considérant que 35 000 personnes décèdent chaque année dans l'Union des suites directes d'infections dues à des bactéries résistant aux antimicrobiens ;

Considérant que la résistance aux antimicrobiens (RAM) implique une utilisation parcimonieuse de ces médicaments ce qui limite l'intérêt commercial des entreprises à en développer de nouveaux ou à produire ceux qui existent ;

Considérant que la Commission propose une définition des antimicrobiens prioritaires permettant de cibler les mesures d'incitation pour le développement de nouveaux antimicrobiens qu'elle entend mettre en oeuvre ;

Considérant que la Commission souhaite renforcer les exigences en matière d'information relatives aux antimicrobiens à destination des professionnels de santé et des patients ;

Considérant que le Conseil a adopté le 13 juin 2023 une recommandation visant à diminuer la consommation d'antimicrobiens ;

Considérant que la Commission propose aux titulaires d'AMM mettant sur le marché un antimicrobien prioritaire de pouvoir bénéficier d'un titre d'exclusivité des données transférable donnant droit à une année supplémentaire de protection des données réglementaires ;

Considérant l'absence de données sur le coût potentiel de ces titres qui sera supporté par le budget des États membres ;

Considérant qu'il n'existe aucune donnée permettant d'apprécier l'efficacité de ces titres pour favoriser le développement de nouveaux antimicrobiens ;

Considérant la réflexion menée par l'HERA pour lancer une initiative conjointe visant à l'achat en commun par les États membres d'antimicrobiens avec des revenus garantis pour les titulaires des AMM correspondantes ;

Soutient les critères retenus par la Commission pour définir un « antimicrobien prioritaire » ;

Salue l'ambition d'une information plus complète sur l'utilisation des antimicrobiens et les risques liés à la résistance aux antimicrobiens à destination des professionnels de santé et des patients ;

Soutient les objectifs proposés par la recommandation du Conseil du 13 juin 2023 relative au renforcement des actions de l'Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d'une approche « Une seule santé » ;

Rejette la possibilité de créer des titres d'exclusivité des données transférables ;

Soutient le développement de procédures volontaires d'achat en commun d'antimicrobiens sur un modèle de revenus garantis pour les titulaires d'AMM ;

Invite à réfléchir à la mise en place d'un mécanisme de paiement de l'innovation supporté par les États membres qui le souhaitent dans le but de soutenir les développeurs de nouveaux antimicrobiens prioritaires ;

Un développement nécessaire des médicaments orphelins en limitant les risques de surcompensation ;

Considérant que la Commission souhaite supprimer le critère de rentabilité financière prévu par le règlement (CE) n° 141/2000 pour désigner un médicament orphelin ;

Considérant que les avantages accordés aux titulaires d'AMM relatifs à des médicaments orphelins sont avant tout justifiés par un moindre retour sur investissement en raison du nombre limité de patients auxquels sont destinés ces médicaments ;

Considérant les différences importantes de prévalence parmi les maladies orphelines ;

Considérant que les médicaments orphelins seront considérés comme des médicaments répondant à un besoin médical non satisfait ;

Considérant que la Commission propose de fixer les critères permettant de qualifier les médicaments orphelins répondant à un besoin médical non satisfait important ;

Considérant que les récompenses accordées pour le développement de médicaments orphelins peuvent entraîner des surcompensations avec des avantages trop importants accordés aux titulaires d'AMM au regard des difficultés financières qu'ils doivent supporter pour mettre sur le marché un médicament orphelin, notamment lorsqu'il s'agit de repositionner une substance active déjà utilisée par ailleurs ;

Considérant que la Commission propose de moduler la durée de l'exclusivité commerciale dont bénéficient les titulaires d'une AMM relative à un médicament orphelin ;

Considérant qu'elle propose de prolonger de douze mois cette exclusivité lorsque le titulaire de l'AMM d'un médicament orphelin obtient une autorisation pour une nouvelle indication thérapeutique relative à une affection orpheline différente ;

Considérant qu'elle propose également de prolonger de douze mois cette exclusivité lorsque le titulaire de l'AMM peut démontrer que le médicament est mis en circulation et fourni sans interruption dans la chaîne d'approvisionnement en quantité suffisante et dans les présentations nécessaires pour couvrir les besoins des patients dans les États membres dans lesquels l'AMM est valable, dans un délai de deux ans à compter de la date d'octroi de l'AMM ;

Demande le maintien du critère financier pour désigner les médicaments orphelins ;

Souhaite que les critères de désignation d'un médicament orphelin répondant à un besoin médical non satisfait important intègrent la prévalence de la maladie ;

Rappelle la nécessité de définir la notion d'avancée thérapeutique exceptionnelle ;

Est favorable à une modulation de la durée de l'exclusivité commerciale accordée aux titulaires d'AMM relatives à des médicaments orphelins ;

Demande que la durée de l'exclusivité commerciale accordée au titulaire d'une AMM relative à un médicament orphelin soit diminuée lorsque l'AMM a été accordée sur la base d'un usage bien établi de la substance active au sein de l'Union européenne et augmentée pour les médicaments orphelins répondant à un besoin médical non satisfait important ;

Demande en conséquence que soit accordée au titulaire de l'AMM une période d'exclusivité de cinq ans lorsque l'AMM a été accordée sur la base d'un usage bien établi de la substance active au sein de l'Union européenne, de neuf ans dans le cas général et de dix ans pour les médicaments orphelins répondant à un besoin médical non satisfait important ;

Soutient la mesure visant à accorder une prolongation de douze mois de l'exclusivité commerciale lorsque le titulaire de l'AMM d'un médicament orphelin obtient une autorisation pour une nouvelle indication thérapeutique relative à une affection orpheline différente ;

Juge difficile à mettre en oeuvre la proposition de la Commission visant à garantir un approvisionnement suffisant dans tous les États membres en prolongeant de douze mois l'exclusivité commerciale du titulaire d'AMM qui remplirait cet objectif, en cohérence avec sa position sur la prolongation envisagée de deux ans, au bénéfice des titulaires d'AMM, de la durée de la protection des données réglementaires lorsque ce même objectif est atteint ;

Estime plus efficace de contraindre les titulaires d'AMM, sous peine de sanctions financières, à présenter une demande de fixation du prix et du niveau de remboursement pour un médicament qu'un État membre souhaite voir commercialisé sur son territoire dans un délai d'un an suivant cette demande ;

Un dispositif opérant d'appui au développement de médicaments pédiatriques ;

Considérant que la Commission ne prévoit pas de nouvelles incitations spécifiques pour le développement de médicaments pédiatriques ;

Considérant que ces médicaments peuvent être des médicaments orphelins ou répondre à un besoin médical non satisfait et ainsi bénéficier des incitations prévues pour ces médicaments ;

Considérant que la Commission estime peu efficace la prolongation de deux ans de la durée de l'exclusivité commerciale dont bénéficie le titulaire d'une AMM relative à un médicament orphelin pour lequel un plan d'investigation pédiatrique a été réalisé et validé et propose en conséquence de supprimer cette mesure actuellement en vigueur ;

Considérant que, dans le cadre d'une demande d'AMM, le demandeur doit présenter un plan d'investigation pédiatrique décrivant les mesures prévues pour évaluer la qualité, la sécurité et l'efficacité du médicament dans tous les ensembles de la population pédiatrique susceptibles d'être concernés ;

Considérant que la Commission propose qu'il soit désormais obligatoire de proposer un tel plan d'investigation pédiatrique lorsque la maladie pour laquelle le médicament est développé ne survient que dans les populations adultes et que le mécanisme d'action du médicament en question peut être efficace contre une maladie infantile ;

Considérant que la Commission propose que les plans d'investigation pédiatrique puissent être évolutifs et complétés au fur et à mesure des développements cliniques ;

Estime suffisantes les incitations proposées par la Commission pour le développement de médicaments pédiatriques dès lors que ceux-ci pourront être considérés comme répondant à un besoin médical non satisfait ou comme médicaments orphelins si tel est le cas ;

Approuve la suppression de la prolongation de deux ans de l'exclusivité commerciale dont bénéficient les titulaires d'AMM relatives à des médicaments orphelins pour lesquels un plan d'investigation pédiatrique a été présenté ;

Soutient les mesures proposées par la Commission afin d'élargir les cas où un plan d'investigation pédiatrique devra être proposé et de développer des plans d'investigation pédiatrique évolutifs ;

Invite le Gouvernement à défendre ces positions lors des négociations au Conseil.

EXAMEN EN COMMISSION

23 OCTOBRE 2024

M. Jean-François Rapin, Président. - Nous allons examiner aujourd'hui un sujet d'actualité : l'accès aux médicaments. L'État a obtenu des garanties lors de la cession à un fonds américain des activités d'Opella, filiale du groupe Sanofi, dédiée à la production de paracétamol en France. L'accord conclu prévoit l'entrée de BPI France au capital d'Opella à hauteur de un à deux % ainsi que des engagements assortis de pénalités afin de garantir notamment la production du Doliprane en France, l'approvisionnement du marché français et la préservation des emplois sur les sites nationaux.

Le sujet des médicaments est devenu particulièrement sensible politiquement depuis la prise de conscience qui s'est fait jour avec la pandémie de Covid-19. Les rapporteurs nous avaient déjà présenté une proposition de résolution européenne sur la problématique spécifique de la pénurie des médicaments. Aujourd'hui, ils nous soumettent un rapport qui traite plus largement de la révision en cours de la législation pharmaceutique européenne, qui soulève des enjeux d'accès aux médicaments, mais aussi de soutien à l'innovation. Je les remercie pour leur travail. Je cède la parole à nos collègues rapporteurs, Bernard Jomier, puis Cathy Apourceau-Poly et Pascale Gruny.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, la Commission européenne a présenté, en avril 2023, une proposition de directive et une proposition de règlement visant à réviser la législation pharmaceutique de l'Union. Ces deux textes intègrent une révision des législations relatives aux médicaments orphelins et aux médicaments pédiatriques. Ils constituent, avec une communication et une proposition de recommandation visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens, le paquet pharmaceutique.

En avril dernier, Cathy Apourceau-Poly, Pascale Gruny et moi-même vous avions présenté une proposition de résolution sur les dispositions de ces textes qui visaient à répondre aux pénuries de médicaments. Notre travail intervenait après la commission d'enquête sénatoriale sur le sujet qui avait conclu ses travaux en juillet 2023 et alors que l'Assemblée nationale transmettait au Sénat une proposition de loi visant à lutter contre les pénuries de médicaments. Les sujets que nous allons aborder aujourd'hui sont beaucoup plus divers et concernent notamment les procédures d'évaluation des médicaments mis sur le marché, les mesures contre la résistance aux antimicrobiens, le problème des médicaments orphelins et la durée de la protection des données réglementaires.

Si cette fois encore nous avons réussi à adopter une position de compromis sur de nombreuses mesures, Cathy Apourceau-Poly et moi-même n'avons pas accepté de co-signer la proposition de résolution qui vous est soumise aujourd'hui en raison d'un profond désaccord sur la révision de la durée de la protection des données réglementaires. Pascale Gruny reviendra en détail sur ce point et évoquera le développement des médicaments orphelins avant que Cathy Apourceau-Poly et moi-même ne vous proposions des amendements.

Pour ma part, je souhaiterais aborder les questions environnementales et la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Cathy Apourceau-Poly, quant à elle, détaillera les mesures visant à réformer les procédures d'autorisation de mise sur le marché et les mesures visant à rendre les médicaments plus abordables.

Je voudrais tout d'abord rappeler l'interconnexion entre la santé humaine, la santé animale et l'environnement dont la Commission européenne souhaite tenir compte. Elle propose pour cela de renforcer, pour les médicaments, les exigences sur le plan environnemental. Si nous soutenons cette démarche, nous considérons toutefois qu'elle ne doit pas remettre en cause l'accès aux médicaments. Ainsi, la proposition de directive prévoit des exigences plus claires et plus précises pour l'évaluation des risques pour l'environnement qui est à réaliser dans le cadre d'une demande d'autorisation de mise sur le marché. Cette disposition doit permettre de mieux prendre en compte l'impact des médicaments sur l'environnement et nous y sommes bien sûr favorables. Toutefois, la Commission prévoit également que l'autorisation de mise sur le marché puisse être refusée lorsque l'évaluation des risques pour l'environnement est incomplète ou insuffisamment étayée par le demandeur. Pour notre part, nous demandons que ce refus ne soit pas systématique et que la Commission tienne compte notamment de l'existence ou non d'alternatives thérapeutiques.

De même, la Commission propose que les médicaments autorisés avant le 30 octobre 2005 et qui n'ont pas fait l'objet d'une évaluation des risques pour l'environnement puissent faire l'objet d'une telle évaluation si l'Agence européenne des médicaments, ou EMA selon l'acronyme anglais, les considère comme potentiellement dangereux. Si cette mesure présente effectivement un intérêt, elle ne doit pas entraîner de nouvelles pénuries. C'est pourquoi nous préconisons qu'un soutien financier puisse être accordé aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché de médicaments essentiels qui se verraient contraints de réduire l'impact environnemental des médicaments concernés, ceci afin d'éviter des arrêts de production.

Concernant la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, le Conseil a adopté le 13 juin 2023 une recommandation relative au renforcement des actions que mène à cet effet l'Union dans le cadre de l'approche « une seule santé ». Pour atteindre les objectifs fixés par ce texte, des fonds seront mis à disposition par la Commission. Nous ne pouvons que soutenir cette recommandation, tant la résistance aux antimicrobiens représente un risque majeur pour la santé publique. On estime déjà à plus de 35 000 par an le nombre de personnes qui meurent dans l'Union des suites directes d'infections dues à des bactéries résistant aux antimicrobiens et ce chiffre devrait progresser dans les années à venir.

Le risque de résistance aux antimicrobiens implique une utilisation parcimonieuse de ces médicaments, ce qui limite l'intérêt commercial des entreprises à en développer de nouveaux ou à commercialiser ceux qui existent. Une politique publique avec des incitations adaptées est donc nécessaire.

La Commission propose tout d'abord de définir la notion d'antimicrobiens prioritaires et fixe des critères pour cela. Il s'agit des traitements qui présentent un avantage important à l'égard de la résistance aux antimicrobiens et qui sont différents de ceux précédemment autorisés dans l'Union. Pour favoriser le développement de ces antimicrobiens prioritaires, la Commission propose de créer des titres d'exclusivité des données transférables : ces titres permettent au porteur de bénéficier d'une année supplémentaire de protection des données réglementaires pour un médicament autorisé. Nous approuvons les critères proposés par la Commission pour désigner un antimicrobien prioritaire, mais nous nous interrogeons sur l'efficacité et le coût de ce dispositif. Il n'a jamais été mis en oeuvre ailleurs et son coût pour les finances publiques des États membres risque d'être particulièrement élevé. En effet, les entreprises qui disposeront d'un tel titre d'exclusivité seront tentées de l'utiliser pour un médicament particulièrement rentable, c'est-à-dire se vendant en masse. Dès lors, nous ne soutenons pas cette initiative de la Commission. Nous proposons plutôt le développement de procédures volontaires d'achat en commun d'antimicrobiens sur un modèle de revenus garantis pour les titulaires d'autorisation de mise sur le marché. Ce modèle implique que les acheteurs paient un montant forfaitaire fixe au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché pour une période déterminée en échange d'un approvisionnement garanti. On dissocie ainsi les revenus des titulaires d'autorisation de mise sur le marché du volume de médicaments vendus. Ce modèle est actuellement testé en Suède et au Royaume-Uni, et semble donner satisfaction. En complément, nous proposons de réfléchir à la mise en place d'un mécanisme de paiement de l'innovation supporté par les États membres qui le souhaitent et qui permettra de soutenir les développeurs de nouveaux antimicrobiens prioritaires, tout en permettant aux États membres de disposer des droits de propriété intellectuelle. Je passe la parole à ma collègue Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Merci. Monsieur le Président, mes chers collègues, je vais vous présenter des propositions qui font également consensus parmi nous et qui visent les procédures d'autorisation de mise sur le marché et le caractère abordable des médicaments.

Dans son paquet pharmaceutique, la Commission propose de simplifier la réglementation relative à l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le marché et d'introduire de nouvelles procédures.

Tout d'abord, la Commission propose plusieurs mesures de simplification. Elles visent à accélérer la procédure d'autorisation de mise sur le marché ou à alléger les formalités. Ainsi, l'obligation de renouveler l'autorisation de mise sur le marché au bout de cinq ans serait supprimée, au motif que le renforcement des mesures de pharmacovigilance rend inutile ce renouvellement, ce que nous concédons.

En outre, la Commission propose de supprimer l'obligation de présenter un plan de gestion des risques pour les médicaments génériques et pour les médicaments biosimilaires, au motif que ces plans ont déjà été élaborés pour le médicament de référence. Nous estimons que cette disposition ne pose pas de difficultés pour les médicaments génériques. En revanche, il nous paraît nécessaire de maintenir ces plans de gestion des risques pour les médicaments biosimilaires dans la mesure où ceux-ci peuvent présenter une variabilité plus importante par rapport au médicament de référence.

Enfin, la Commission propose de réduire la durée de l'évaluation scientifique effectuée par l'EMA à 180 jours au lieu de 210 actuellement. Il faut noter qu'en pratique, ce délai est aujourd'hui de 400 jours en moyenne, en raison notamment des délais de réponse aux demandes complémentaires de l'EMA. Estimant, tout comme de nombreuses associations de patients, que la réduction proposée par la Commission n'aurait que très peu d'incidences sur les délais d'accès aux médicaments, nous ne souhaitons pas que la durée de l'évaluation soit réduite.

En parallèle, la Commission propose d'institutionnaliser ou de créer de nouvelles procédures d'autorisation de mise sur le marché. Parmi ces nouvelles procédures, on peut notamment citer le programme en faveur des médicaments prioritaires créé par l'EMA, la procédure d'examen progressif des données et l'autorisation temporaire de mise sur le marché d'urgence. En premier lieu, nous estimons qu'il est nécessaire de définir précisément les critères permettant à un demandeur de bénéficier de ces procédures. C'est le cas notamment de « l'intérêt majeur pour la santé publique » ou de « l'avancée thérapeutique exceptionnelle » mentionnés dans la proposition de règlement. En outre, il est nécessaire d'assurer la transparence des avis scientifiques de l'EMA relatifs à la sélection des demandeurs. Ces avis devront être motivés et publiés. Enfin, des dispositions particulières devront être mises en oeuvre pour garantir la sécurité des patients dans le cadre d'une mise sur le marché d'urgence.

La Commission propose également d'instaurer des « bacs à sable » réglementaires : il s'agit d'un cadre réglementaire dans lequel il est possible de développer, de valider et de tester dans un environnement contrôlé, selon un plan spécifique établi par l'EMA et pour une durée limitée, des solutions réglementaires innovantes ou adaptées qui facilitent le développement et la mise sur le marché de médicaments innovants. Si nous comprenons bien l'intérêt de cette mesure qui peut apporter aux patients un réel bénéfice, le recours à ce dispositif devra rester exceptionnel et être justifié par l'absence d'alternative thérapeutique et de procédure d'évaluation adaptée. Sa mise en oeuvre exige une transparence et un contrôle renforcé, tant sur les critères de sélection que sur les essais effectués au préalable, le bac à sable réglementaire ne devant pas s'apparenter à un essai clinique. Un suivi particulier des patients, de sorte à garantir leur sécurité, et des mesures de pharmacovigilance renforcées seront à prévoir.

Favoriser l'accès aux médicaments implique de s'assurer de leur caractère abordable. Bien que les prix et les niveaux de remboursement des médicaments soient négociés et fixés par les États membres, la Commission propose différentes mesures visant à renforcer la position de ces derniers dans leurs négociations avec les titulaires d'autorisation de mise sur le marché.

Ainsi, pour permettre une meilleure information des États membres sur les coûts réellement supportés par les titulaires d'autorisations de mise sur le marché, la Commission propose que ceux-ci soient contraints de déclarer au public tout soutien financier direct reçu de toute autorité publique ou de tout organisme financé par des fonds publics, en faveur d'activités ayant trait à la recherche et au développement de médicaments faisant l'objet d'une autorisation nationale ou centralisée de mise sur le marché, quelle que soit l'entité juridique qui a reçu ce soutien. Dans un souci de transparence, nous sommes particulièrement favorables à cette mesure et préconisons de la compléter, en incluant également les financements indirects tels que les aides fiscales.

En outre, la Commission propose d'élargir les conditions d'utilisation des produits brevetés afin de permettre aux développeurs de médicaments génériques ou biosimilaires de réaliser les études nécessaires à la détermination du prix des médicaments et de leur niveau de remboursement. Ces médicaments arriveraient ainsi plus rapidement sur le marché, dès l'expiration des protections accordées aux médicaments de référence permettant ainsi une baisse plus rapide de leur prix. Nous sommes favorables à cette disposition et souhaitons préciser, dans la réglementation, que l'autorisation accordée par les autorités compétentes pour réaliser ces études doit être considérée comme une décision réglementaire ou administrative, qui ne peut être refusée au nom de la protection des droits de propriété intellectuelle.

Enfin, il nous apparaît essentiel de promouvoir auprès des institutions de l'Union la création d'un mécanisme de solidarité européen pour l'accès aux médicaments. Celui-ci serait financé sur le budget de l'Union et permettrait de prendre en charge une quote-part à déterminer, sans excéder un certain montant, du prix des médicaments innovants dans certains États membres, choisis au regard de leur produit intérieur brut par habitant.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Merci. Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient donc de vous présenter les dispositions relatives à la durée de la protection des données réglementaires qui n'ont pas fait consensus parmi nous, ainsi que les dispositions relatives aux médicaments orphelins.

La protection des données réglementaires garantit aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché que les données fournies pour obtenir cette autorisation ne pourront pas être utilisées par d'autres. Il s'agit essentiellement des données relatives aux différentes études et essais cliniques menés pour garantir l'efficacité et la sécurité du médicament.

La Commission européenne propose de réduire la durée de cette protection, qui est de huit ans aujourd'hui, à six ans. Si cette mesure doit permettre une arrivée plus rapide des médicaments génériques ou biosimilaires sur le marché et donc une diminution plus précoce du coût des médicaments, elle risque toutefois de limiter la recherche et développement au sein de l'Union européenne. En effet, le bénéfice financier que peut espérer le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché s'en trouvera diminué. En parallèle, le coût des médicaments risque d'être plus élevé durant la période de protection, les titulaires d'autorisation de mise sur le marché devant rentabiliser leurs investissements sur une période plus courte. Pour éviter ces effets pervers, je propose de soutenir une durée de protection de sept ans et six mois alors que mes collègues sont favorables à la proposition de la Commission de réduction à six ans de cette durée.

La Commission propose en parallèle des mesures d'incitation permettant d'augmenter la durée de la protection des données réglementaires jusqu'à 11 ans. Pour ma part, je propose que cette durée soit limitée dans tous les cas à huit ans et six mois.

Ainsi, selon le projet de la Commission, les titulaires d'autorisation de mise sur le marché devraient bénéficier de deux années supplémentaires de protection des données réglementaires s'ils commercialisent le médicament en question dans tous les États membres de l'Union. Si mes collègues rapporteurs soutiennent cette mesure, je suis, pour ma part, plus que dubitative quant à son efficacité. En effet, la mise sur le marché d'un médicament ne relève pas exclusivement des seuls titulaires d'autorisation de mise sur le marché ; elle dépend du résultat de négociations parfois compliquées menées avec les États membres. Toutefois, je reconnais qu'il est nécessaire d'adopter des mesures devant permettre un plus large accès aux médicaments dans tous les États membres de l'Union. C'est pour cela que je propose de créer une obligation pour les titulaires d'autorisation de mise sur le marché de présenter une demande de prix et de remboursement dans tout État membre qui souhaite que le médicament en question soit commercialisé sur son territoire, sous peine de sanctions financières. Cette disposition s'appliquera également pour les médicaments orphelins.

Enfin, la Commission européenne propose d'autres mesures d'incitation permettant aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché d'augmenter la durée de la protection des données réglementaires.

Ainsi, six mois supplémentaires de protection seraient accordés au titulaire d'une autorisation de mise sur le marché si le médicament concerné répond à un « besoin médical non satisfait ». La notion de « besoin médical non satisfait » est définie dans le paquet pharmaceutique et inclut notamment les médicaments orphelins. Pour ma part, je pense que cette incitation doit être renforcée et propose donc que la durée de cette protection soit alors rallongée de douze mois au lieu de six.

Ensuite, la Commission propose six mois supplémentaires de protection lorsque les essais cliniques utilisant un comparateur pertinent ont été soumis à l'appui de la demande d'autorisation de mise sur le marché initiale. Un comparateur est dit pertinent s'il permet de disposer de données permettant d'apprécier les apports du médicament en question au regard de ce comparateur dans le cadre d'une stratégie thérapeutique donnée. Or, comme l'indique la Haute autorité de santé, il n'est pas toujours évident de déterminer un comparateur pertinent qui corresponde aux stratégies thérapeutiques mises en oeuvre dans chaque État membre. Je propose donc de supprimer cette incitation et de la remplacer par une incitation à développer la recherche au sein de l'Union, en permettant aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché de bénéficier de six mois supplémentaires de protection des données réglementaires lorsque les développements ayant mené à la mise au point du médicament ont été principalement réalisés dans l'Union.

Enfin, la Commission propose une prolongation d'un an de la durée de la protection des données réglementaires si une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire est accordée pour le médicament concerné. Pour ma part, je limiterais à six mois cette prolongation, puisqu'une nouvelle indication thérapeutique permet déjà aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché de générer des revenus supplémentaires.

Par ailleurs, la Commission propose d'accorder quatre années de protection des données réglementaires aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché qui proposent le repositionnement de médicaments qui ne bénéficient plus d'aucune protection. Nous sommes tous les trois favorables à cette disposition qui doit inciter au repositionnement de médicaments permettant ainsi de traiter une maladie différente avec un médicament déjà commercialisé. Les efforts de recherche pour permettre ce repositionnement seront ainsi récompensés.

Pour finir, je souhaiterais aborder la question des médicaments orphelins sur laquelle nous avons pu trouver un consensus. Tout d'abord, concernant la désignation des médicaments orphelins, nous souhaitons maintenir le critère relatif au faible niveau de rentabilité financière actuellement prévu par la législation car, selon nous, cette faible rentabilité constitue une justification essentielle des avantages accordés aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché pour le développement de médicaments orphelins. Aujourd'hui, la législation européenne prévoit une exclusivité commerciale de dix ans pour cette catégorie de médicaments. La Commission propose de moduler cette durée selon les efforts de recherche déployés par les titulaires d'autorisation de mise sur le marché et l'intérêt du médicament proposé. Cette durée serait de cinq ans lorsque l'autorisation de mise sur le marché a été accordée sur la base d'un usage bien établi de la substance active au sein de l'Union européenne, de neuf ans dans le cas général et de dix ans pour les médicaments orphelins considérés comme répondant à un besoin médical non satisfait important tel que défini dans le paquet pharmaceutique. Nous soutenons cette proposition de modulation.

Voilà mes chers collègues les principales demandes formulées dans la proposition de résolution et l'avis politique qui vous sont aujourd'hui soumis. Je voudrais remercier mes collègues rapporteurs, avec lesquels nous travaillons toujours en bonne intelligence, en dépit d'éléments de divergence.

M. Jean-François Rapin, Président. - Je tiens à remercier nos rapporteurs pour ce travail très pointu. Les divergences évoquées témoignent d'un travail approfondi et de la possibilité d'exprimer et une diversité de points de vue au sein de notre commission, chacun sortant la tête haute. La divergence ne porte finalement que sur une petite partie du texte, ce qui manifeste l'esprit de compromis dont vous avez fait preuve sur une grande partie du texte. Je vais passer la parole à ceux qui la voudraient avant de passer à la présentation des amendements.

Mme Amel Gacquerre. - Je vous remercie pour ce travail très technique. Je souhaite revenir sur le sujet de la protection des données réglementaires, qui constitue un point de divergence et conditionne la fixation du prix des médicaments. Cette protection est aujourd'hui de huit ans, auxquels s'ajoutent deux ans de protection du marché, ce qui porte la durée totale à dix ans. La question suivante se pose : plutôt que d'avoir une durée unique pour tous les médicaments, avez-vous envisagé de fixer une durée particulière pour certains médicaments ou certaines catégories de médicaments ?

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Cela reviendrait à réserver la période de huit ans à une partie seulement des médicaments. Or, il est nécessaire de fixer une durée-socle pour tous les médicaments et d'y ajouter des dispositions spécifiques visant à augmenter cette durée pour certains médicaments, notamment lorsqu'ils répondent à un besoin médical non satisfait.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - La question est essentielle. C'est pourquoi je vais revenir sur nos différences d'appréciation du problème afin que les choses soient claires au moment de la présentation des amendements. La Commission européenne et le Parlement européen ont engagé cette révision afin de répondre aux objectifs suivants : lutter contre les pénuries de médicaments, favoriser l'innovation et la recherche sur les médicaments, maîtriser le prix des médicaments et ainsi permettre un accès plus large aux médicaments à l'ensemble des citoyens de l'Union.

Au terme d'un travail sur la protection des données réglementaires et d'une évaluation de l'impact d'une diminution de celle-ci, la Commission européenne a proposé de la diminuer de huit à six ans, avec la possibilité de prolongations pour répondre aux objectifs que je viens d'énumérer. Cela peut aller jusqu'à douze ans, in fine, si on cumule ces incitations en termes de durées de protection. La proposition de la Commission européenne est donc de moduler la durée de protection de ces données entre six et douze ans.

Cette proposition n'a été retenue ni par le groupe social-démocrate au Parlement européen, qui avait une position bien plus restrictive, ni par la rapporteure de la directive, issue du groupe du Parti Populaire Européen (PPE). La rapporteure PPE est favorable à la réduction de la durée de huit ans à sept ans et demi, soit six mois de moins que la durée actuelle, tout en ajoutant un certain nombre de prolongations. C'est la position que notre collègue et co-rapporteure, Pascale Gruny, a rappelée.

Cette position est soutenue par une partie de l'industrie pharmaceutique, à l'exception de l'industrie des médicaments génériques et des médicaments biosimilaires. Cette dernière est favorable au texte de la Commission européenne. Le reste de l'industrie pharmaceutique, celle des médicaments princeps, est favorable à la position que notre collègue et co-rapporteure, Pascale Gruny, a exposée.

La position de mon groupe est d'accepter la proposition de la Commission européenne. Les amendements que j'ai déposés, en partie avec ma collègue, Cathy Apourceau-Poly, reprennent la proposition de la Commission européenne. Nous estimons que passer de huit ans à sept ans et demi, ne constitue pas un changement notable. En revanche, proposer une réduction de deux ans, tout en prévoyant des possibilités de prolongation très substantielles constitue une forte incitation à réaliser les objectifs poursuivis. Cette position résulte bien d'une différence d'appréciation. Les amendements que vous allez examiner découlent de cette différence d'appréciation.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure - Effectivement, passer de huit ans à sept ans et demi ne nous semble pas très significatif. Nous partageons donc la position de mon collègue Bernard Jomier : c'est pourquoi nous avons cosigné la plupart des amendements.

Mme Marta de Cidrac. - Le sujet est complexe. Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné deux types de médicaments, et les différentes positions qui y sont associées. Pourriez-vous développer ?

M. Bernard Jomier, rapporteur. - S'agissant des médicaments, il y a ceux qui viennent d'être mis sur le marché, tel que le Wegovy, médicament anti-obésité, dont on parle beaucoup. Ces médicaments mis sur le marché, appelés médicaments princeps, bénéficient d'une protection réglementaire pendant huit ans. Lorsqu'ils perdent leur protection, d'autres fabricants peuvent les reprendre afin de les « génériquer », ce qui entraîne une chute de leur prix. Les fabricants de génériques ainsi que les systèmes sociaux qui financent notre assurance maladie, souhaitent que ces médicaments soient génériqués le plus vite possible. Cependant, une réduction trop importante des durées de protection réglementaire conduit à pénaliser la recherche, en raison du montant important des investissements réalisés, sans éventuelle perspective de revenus corrélatifs.

Les positions varient en fonction de ces paramètres et il s'agit de trouver le bon équilibre. Personnellement, je ne reprends pas dans les amendements la position du groupe social-démocrate au Parlement européen, mais plutôt le texte proposé par la Commission européenne. L'expérience montrera où se situe le point d'équilibre. En effet, il ne faut pas pénaliser l'innovation et la recherche, mais au contraire les stimuler. Néanmoins, il faut veiller à ne pas créer de surcoûts qui ne seraient pas légitimes à la charge des systèmes de financement de nos différents États. L'accès de l'ensemble des citoyens aux médicaments ne doit pas être compromis.

Ce dernier point est crucial. En effet, l'objectif de cette révision de la législation pharmaceutique est d'assurer un égal accès aux médicaments à tous les citoyens dans l'Union. C'est ce que permet la proposition de la Commission en accordant deux années supplémentaires de protection des données réglementaires lorsque le médicament est mis à disposition des patients dans tous les États membres. S'il n'existe pas des incitations fortes pour que les médicaments soient mis sur l'ensemble des marchés des États de l'Union et disponibles pour l'ensemble des citoyens de l'Union, nous ferons face à des accès différenciés à ces médicaments dans l'Union. Les fabricants commercialiseront les médicaments sur les marchés où les prix sont les plus élevés, ce qui n'est pas le cas de la France qui ne sortira donc pas gagnante de ce mécanisme. C'est également pour cela que je défends une diminution à six ans de la durée de la protection des données réglementaires.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Vous trouverez dans le rapport un tableau présentant les différentes durées de protection et les incitations proposées. La différence entre notre position de sept ans et demi et la position de la Commission européenne qui est de six ans, réside dans le fait que la Commission propose d'ajouter à cette durée de six ans, deux années de protection supplémentaires lorsque le médicament est mis sur le marché dans tous les États membres. Je n'ai pas souhaité soutenir cette position car la mise sur le marché d'un médicament relève d'une négociation directe entre les États membres et les fournisseurs.

Aussi, si la durée socle que nous proposons est un peu plus longue, sept ans et demi, la durée totale ne peut excéder huit ans et demi, si on ajoute d'éventuelles incitations, notamment pour les médicaments répondant à un besoin médical non satisfait, comme l'a mentionné notre collègue Amel Gacquerre. La proposition de la Commission européenne prévoit une prolongation de six mois, tandis que nous proposons douze mois.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure - C'est ce que demandait l'industrie pharmaceutique.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Il faut faire très attention à ne pas déséquilibrer le marché et à ne pas empêcher la recherche de se développer. En outre, il est essentiel que les prix ne soient pas plus élevés si l'on veut favoriser l'accès aux médicaments innovants. En effet, si l'on réduit les délais de protection, les entreprises vont augmenter leurs prix pour obtenir un retour sur investissement dans une durée plus courte. C'est évident.

M. Jean-François Rapin, Président. - Notre commission me semble suffisamment informée. Nous en venons à l'examen des treize amendements qui nous sont présentés.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Nous allons pouvoir le faire rapidement ; je souhaite apporter quelques précisions par amendement que je vous présente dans l'espoir que les trois rapporteurs puissent s'accorder sur leur rédaction. Tel est le cas du premier : la Commission européenne propose de supprimer l'obligation de renouvellement de l'AMM au bout de 5 ans et, pour traduire plus fidèlement notre position, l'amendement prévoit d'indiquer que nous jugeons que cette suppression « est recevable » en écartant les mots « serait justifiée » qui laisseraient entendre que nous la soutenons fermement.

M. Jean-François Rapin. - Ce premier amendement porte sur l'alinéa n° 41. 

La commission adopte l'amendement no 1.

M. Jean-François Rapin. - Le deuxième amendement concerne l'alinéa 51 du texte.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Il s'agit d'une précision sur les « bacs a` sable » réglementaires qui visent à permettre l'accès aux technologies les plus innovantes. Sans entrer dans le détail de ce dispositif complexe, notre amendement exige une transparence et un contrôle renforcés tant sur les critères de sélection que sur les essais effectués au préalable, le bac a` sable réglementaire ne devant pas s'apparenter a` un essai clinique.

La commission adopte l'amendement no 2.

M. Jean-François Rapin. - Le troisième amendement porte sur l'alinéa 65.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Nous soutenons la volonté de la Commission européenne de rendre les médicaments plus durables sur le plan environnemental. Mon amendement va un peu plus loin que le projet de proposition de résolution initial : ce dernier prévoit que l'application des normes environnementales ne doit pas, de façon générale, provoquer de pénuries de médicaments tandis que mon amendement précise que c'est l'offre de « médicaments essentiels » qui doit être préservée.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Pour que nous puissions trouver un accord sur ce point, je propose de sous-amender cet amendement en apportant plusieurs précisions. D'une part, à l'alinéa 64 après les mots « des médicaments », nous proposons d'insérer le mot « critiques ». D'autre part, à l'alinéa 65, nous précisons qu'une production de médicaments plus respectueuse de l'environnement ne doit pas se faire au détriment de l'accès des patients aux médicaments répondant à un besoin médical non satisfait, aux antimicrobiens prioritaires, aux médicaments présentant un intérêt du point de vue de la santé publique et aux médicaments qualifiés d'avancée thérapeutique exceptionnelle. Cette définition plus précise devrait permettre de réunir nos points de vue.

La commission adopte l'amendement no 3 ainsi sous-amendé.

M. Jean-François Rapin. - Le quatrième amendement vise à préciser, à l'alinéa 80, que les informations sur les soutiens financiers indirects doivent être rendues publiques, au même titre que celles concernant les soutiens financiers directs.

La commission adopte l'amendement no 4.

M. Jean-François Rapin. - Le cinquième amendement, qui se situe à l'alinéa 83, est rédactionnel.

La commission adopte l'amendement no 5.

M. Jean-François Rapin. - Nous devons à présent nous prononcer sur le sixième amendement, à l'alinéa 105, qui porte sur la durée de la protection des données réglementaires des médicaments bénéficiant d'une AMM.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - C'est là où se situe le point de divergence que nous avons évoqué.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le projet de proposition de résolution européenne prévoit de réduire la durée de protection de huit a` sept ans et six mois. L'amendement présenté par Cathy Apourceau-Poly et moi-même vise à restreindre à six mois cette durée, conformément à la proposition de la Commission européenne. Il s'agit de favoriser un accès plus large a` des médicaments innovants, durables et abordables pour les patients de l'Union en permettant une arrivée plus rapide des médicaments génériques et des médicaments biosimilaires sur le marché.

M. Jean-François Rapin. - Je consulte la commission.

La commission rejette l'amendement no 6.

M. Jean-François Rapin. - L'amendement n° 7 à l'alinéa 105 vise à accorder une protection des données réglementaires supplémentaire de deux ans lorsque le médicament est mis sur le marché dans tous les États membres de l'Union dans un délai de deux ans après l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Défavorable.

La commission rejette l'amendement no 7.

M. Jean-François Rapin. - Les amendements n° 8 à l'alinéa 107 et n° 9 à l'alinéa 108 tombent. Nous en venons à l'alinéa 113, avec un amendement n° 10 qui prévoit de réduire de douze à six mois la durée supplémentaire de protection dont pourraient bénéficier les médicaments répondant à un besoin médical non satisfait.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Défavorable.

La commission rejette l'amendement no 10.

M. Jean-François Rapin. - L'amendement n° 11 à l'alinéa 114 porte sur la période supplémentaire de protection des données réglementaires pouvant être accordée en cas de production de données cliniques comparatives.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Défavorable.

La commission rejette l'amendement no 11.

M. Jean-François Rapin. - À l'alinéa 115, l'amendement n° 12 vise à allonger à douze mois, au lieu de six, la période supplémentaire de protection des données réglementaires dont pourrait bénéficier le titulaire d'une AMM qui obtient une autorisation pour une indication thérapeutique supplémentaire.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. -Défavorable, dans le prolongement de nos prises de positions précédentes.

La commission rejette l'amendement no 12.

M. Jean-François Rapin. - À l'alinéa 152, l'amendement n° 13 invite à soutenir la proposition de la Commission visant à prolonger de douze mois la durée de l'exclusivité commerciale accordée lorsqu'un médicament orphelin est mis sur le marché de tous les États membres.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. - Défavorable.

La commission rejette l'amendement no 13.

M. Jean-François Rapin. - À l'alinéa 153, l'amendement n° 14 de cohérence avec l'amendement 13 tombe.

M. Jean-François Rapin. - Je vais consulter notre commission sur la publication du rapport qui nous a été présenté et sur la proposition de résolution ainsi que l'avis politique.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Un mot pour expliquer notre vote : l'approbation du rapport ne nous pose pas de difficulté puisqu'il se limite à exposer notre divergence fondamentale. En revanche, nous rejetterons la proposition de résolution ainsi modifiée car il reste un point de divergence qui est, pour nous, essentiel.

La commission autorise la publication du rapport, puis elle adopte la proposition de résolution européenne ainsi modifiée disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé)

Mme Christelle RATIGNIER-CARBONNEIL, directrice

M. Vincent GAZIN, directeur-adjoint Europe et innovation

M. Guillaume RENAUD, directeur de l'inspection

Mme Carole Le SAULNIER, directrice réglementation et déontologie

Mme Julie CAVALIER, chef de pôle réglementation

Association Prescrire

M. Pierre CHIRAC, directeur de la publication

M. Julien GELLY, responsable adjoint de la rédaction

BAYER

Mme Anna BRAEKEN, directrice générale de la division Bayer Pharmaceuticals France

Mme Carine RAAD, responsable affaires publiques

Mme Laurence DESTRÉ, responsable de l'accès au marché français

Mme Zsofia SZAKONY, responsable affaires publiques européennes

Commission d'enquête du Sénat sur les pénuries de médicaments

Mme Sonia de la PROVÔTÉ, présidente

Mme Laurence COHEN, rapporteure

Commission européenne - Direction générale de la santé

M. Sylvain GIRAUD, chef de l'unité en charge des produits médicaux : qualité, sécurité, innovation

Mme Olga SOLOMON, cheffe de l'unité en charge des produits médicaux : qualité, sécurité, innovation

Commission européenne - HERA

M. Laurent MUSCHEL, directeur

M. Olivier GIRARD, chef de l'unité contre-mesures médicales

EFPIA

Mme Nathalie MOLL, directrice générale

EMA (Agence européenne des médicaments)

M. Alexis NOLTE, directeur de la division des médicaments à usage humain

M. Thomas GIRARD, directeur des affaires réglementaires

European Patients Forum

Mme Anca TOMA, directrice exécutive

France Assos Santé

Mme Catherine SIMONIN, porte-parole

Mme Charlotte ROFFIAEN, conseillère aux affaires européennes

M. Yann MAZENS, chargé de mission produits et technologies de la santé

HAS (Haute autorité de santé)

Mme Floriane PELON, Directrice de l'évaluation et de l'accès à l'innovation

Médecins du Monde

M. Olivier MAGUET, responsable de mission

Medecines For Europe

M. Adrian Van DEN HOVEN, directeur général

Mme Giuliana PENNISI, directrice des affaires publiques

Ministère de l'économie et des finances - Direction générale des entreprises

M. Michel RAO, sous-directeur des Industries de Santé, des Biens de Consommation et de l'Agroalimentaire

Ministère de la santé - Direction générale de la santé

Mme Emmanuelle COHN-ZANCHETTA, sous-directrice

M. Charles-Emmanuel BARTHÉLÉMY, adjoint

Mme Chantal GUILHAUME, cheffe de bureau

Représentation Permanente de la France auprès de l'Union européenne

Mme Marie de LASTELLE, conseillère chargée de la santé

Mme Irène GEORGIOPOULOS, conseillère chargée de la santé


* 1 Les mesures contre les pénuries de médicaments ont fait l'objet d'une résolution spécifique, la résolution n° 120 (2023-2024) du Sénat du 10 mai 2024

* 2 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil instituant un code de l'Union relatif aux médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/83/CE et la directive 2009/35/CE, (COM(2023) 192 final)

* 3 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures de l'Union pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (CE) nº 1394/2007 et le règlement (UE) nº 536/2014 et abrogeant le règlement (CE) nº 726/2004, le règlement (CE) nº 141/2000 et le règlement (CE) nº 1901/2006, COM(2023) 193 final

* 4 Avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat du 20 octobre 2022 sur l'action de l'Union européenne contre les pénuries de médicaments : https://www.senat.fr/fileadmin/import/files/dialogue_politique/20221020/Avis_politique_strategie_pharmaceutique.pdf

* 5 Règlement (UE) 2022/2371 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 concernant les menaces transfrontières graves pour la santé et abrogeant la décision n° 1082/2013/UE

* 6 Il s'agit d'une extension de « l'exception Bolar »

* 7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 25 novembre 2020 : Stratégie pharmaceutique pour l'Europe, COM(2020) 761 final

* 8 Avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat du 20 octobre 2022 sur la stratégie pharmaceutique pour l'Europe présentée par la Commission européenne : https://www.senat.fr/fileadmin/import/files/dialogue_politique/20221020/Avis_politique_strategie_pharmaceutique.pdf

* 9 Résolution n° 120 du Sénat du 10 mai 2024 sur l'action de l'Union européenne contre les pénuries de médicaments

* 10 Directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2010 modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

* 11 Résolution n° 127 (2022-2023) du 9 juin 2023 relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux redevances et aux droits dus à l'Agence européenne des médicaments, modifiant le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 297/95 du Conseil et le règlement (UE) n° 658/2014 du Parlement européen et du Conseil

* 12 Règlement (UE) 2022/2371 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 concernant les menaces transfrontières graves pour la santé et abrogeant la décision n° 1082/2013/UE

* 13 Règlement (UE) 2021/2282 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2021 concernant l'évaluation des technologies de la santé et modifiant la directive 2011/24/UE

* 14 En référence à un contentieux judiciaire aux États-Unis (Bolar vs Roche) qui a abouti à une modification de la législation permettant aux fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires d'utiliser des produits brevetés pour leurs travaux de recherche

* 15 La Commission a présenté, en juillet 2023, deux propositions de règlement COM(2023) 231 final et COM(2023) 222 final visant respectivement à créer une procédure centralisée pour l'obtention d'un certificat complémentaire de protection et un certificat complémentaire de protection unitaire.

* 16 Directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance-maladie

* 17 https://www.europarl.europa.eu/stoa/en/document/EPRS_STU(2023)753166

* 18 Le panel STOA (Panel for the Future of Science and Technology) - anciennement Science and Technology Options Assessment (dont il a conservé l'acronyme) - est un panel institutionnel de députés européens dont le domaine de compétence est l'analyse des problématiques liées aux sciences et technologies

* 19 Recommandation du Conseil du 13 juin 2023 relative au renforcement des actions de l'Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d'une approche « Une seule santé », 2023/C 220/01

* 20 Document de travail de la Commission du 11 août 2020 présentant une évaluation conjointe du règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique et du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, SWD(2020) 163 final

* 21 Document de travail de la Commission du 11 août 2020 présentant une évaluation conjointe du règlement (CE) n° 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique et du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, SWD(2020) 163 final

Partager cette page