C. UNE EXPÉRIMENTATION À PROLONGER SELON DES MODALITÉS AMÉNAGÉES

1. Les enjeux nouveaux soulevés par la vidéoprotection algorithmique invitent à assumer pleinement et jusqu'au bout la démarche expérimentale

À l'aune de la sensibilité et de la nouveauté des enjeux soulevés par l'utilisation de la vidéoprotection algorithmique, les rapporteures considèrent qu'en la matière, la démarche de l'expérimentation législative doit être assumée pleinement et jusqu'au bout.

Les résultats de l'expérimentation, dont l'intérêt opérationnel s'avère à ce stade « limité mais réel » selon les termes du rapport du comité d'évaluation, ne sont pas suffisamment probants pour justifier une pérennisation ou au contraire un abandon, alors même que le dispositif expérimenté « en l'état, ne heurte les libertés publiques ni dans sa conception ni dans sa mise en oeuvre ».

Les rapporteures tiennent à saluer la qualité du rapport d'évaluation qui a été remis au Parlement. Chose rare, l'expérimentation a été menée selon une méthode véritablement expérimentale, conformément aux objectifs poursuivis par la révision constitutionnelle de 2003, et non pas comme la simple préfiguration d'un dispositif amené à être pérennisé.

Les résultats de l'évaluation comme la sensibilité du sujet justifient le choix d'une approche itérative, faite d'expérimentations successives, d'évaluations et d'interventions du Parlement pour ajuster au mieux l'encadrement du dispositif.

La prolongation de l'expérimentation semble donc bien être la voie à suivre pour respecter pleinement la volonté exprimée par le législateur en 2023 : donner sa chance au dispositif, mais de façon encadrée et en conditionnant toute pérennisation à la démonstration de son efficacité et à l'absence d'atteinte aux libertés publiques.

2. Des aménagements à prévoir pour exploiter pleinement les potentialités de l'expérimentation, dans le respect de ses principes fondamentaux

La commission a considéré que, pour tirer pleinement profit de l'expérimentation, plusieurs aménagements pourraient être opérés.

Premièrement, la possibilité de déployer le dispositif sur une période plus longue en dehors de grands événements sportifs ou culturels, à plus forte raison désormais que les JOP sont terminés, devrait être envisagée. Cela se justifie d'autant plus que ce critère a été identifié comme une limitation importante du dispositif, compte tenu de la brièveté de ces manifestations et de la forte mobilisation des forces de l'ordre pour assurer leur sécurisation. Une telle possibilité devrait être rigoureusement encadrée, et concerner des zones clairement délimitées et présentant des risques de sécurité importants, pour des cas d'usage strictement proportionnés. À titre d'exemple si la détection d'intrusion dans les zones les plus sensibles des emprises des opérateurs de transport pourrait légitimement être visée, il n'en irait pas de même de la surveillance de l'intérieur des véhicules.

Une extension limitée des agents autorisés à accéder aux signalements du traitement, notamment pour inclure des agents communaux quoique n'appartenant pas à la police municipale. En tout état de cause, ces agents devront être en nombre limité, nominativement désignés, dûment formés et habilités, et rester sous la supervision d'un policier municipal « chef de salle ». Comme l'a souligné la commune de Cannes, le fait de réserver aux policiers municipaux la mise en oeuvre de l'expérimentation dans les communes entraîne d'importantes difficultés opérationnelles, alors que la vocation principale de ces derniers, lors de grands événements, est d'être mobilisés sur la voie publique. Une telle évolution paraît de nature à favoriser la participation des communes à l'expérimentation.

Une autonomie accrue des services utilisateurs pour le choix et la calibration des solutions technologiques à expérimenter pourrait être recherchée. Il conviendrait de leur laisser davantage de latitude pour le choix de leur prestataire, dans des conditions qui resteraient rigoureusement encadrées et contrôlées par le ministère de l'intérieur ainsi que la Cnil et l'Anssi, de façon à leur permettre, notamment, d'expérimenter une pluralité de solutions. Lors de la phase de calibration du traitement, qui intervient à la fin de la phase de paramétrage et qui consiste essentiellement en un ajustement par le service des paramètres retenus sur les différentes caméras utilisées, l'exigence de supervision permanente par un agent du ministère de l'intérieur pourrait être assouplie.

En revanche, les principes fondamentaux de l'expérimentation doivent impérativement être confortés, au premier rang desquels l'interdiction du recours à la biométrie et de la reconnaissance faciale, la « primauté humaine », la limitation du dispositif à des cas d'usage prédéterminés liés à des risques pour la sécurité des personnes, et le contrôle de la Cnil.

3. Des garanties à renforcer pour créer les conditions d'un consensus sur l'avenir de l'expérimentation

L'un des objectifs de la prolongation de l'expérimentation serait de créer les conditions d'un consensus sur la suite à donner aux dispositifs testés.

En premier lieu, le comité d'évaluation a pointé le caractère insuffisant de la formation des agents habilités à accéder aux signalements. Il s'agit pourtant d'un enjeu important pour garantir une utilisation des traitements qui soit, d'une part, conforme aux exigences éthiques et juridiques posées par le cadre légal et, d'autre part, pleinement efficace. Le contenu de ces formations, qui conditionnent toute habilitation, doit être renforcé et harmonisé.

Il apparaît également indispensable de renforcer significativement l'information des personnes, point faible de l'expérimentation souligné par le comité d'évaluation. Son rapport fait le constat d'une information sur le dispositif « trop discrète pour garantir sa bonne compréhension » par le public, et l'absence d'organisation de réunions publiques.

Les conditions d'évaluation du dispositif pourraient encore être renforcées. En particulier, l'indépendance du comité d'évaluation doit être confortée et garantie par la loi. Le comité pourrait publier des rapports ou avis intermédiaires, notamment sur la proportionnalité des cas d'usage. Il conviendrait en outre d'associer tous les acteurs et notamment les utilisateurs à la définition du cadre de mesure de la performance de ces outils.

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