II. UN DÉFICIT PUBLIC TROP ÉLEVÉ MAIS UNE TRAJECTOIRE DE DÉPENSE NETTE TENUE
A. SI TANT EST QUE L'OBJECTIF DE DÉFICIT DE 2025 SOIT ATTEINT, IL NE FERAIT QUE REVENIR À SON NIVEAU DE 2023, BIEN TROP ÉLEVÉ
Héritier d'une dérive budgétaire inédite et placé dans une situation politique complexe du fait de la dissolution décidée par le président de la République le 9 juin 2024 et la motion de censure du 4 décembre 2024, le Gouvernement actuel n'a pour l'instant pas réussi à redresser franchement les comptes publics.
Après un dérapage majeur du déficit en 2023, avec 5,4 % du PIB, ce dernier a continué à se dégrader avec un niveau de 5,8 % en 2024 au lieu des 4,4 % prévus dans la loi de finances initiale et dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027, pour des raisons détaillées en juin et novembre 2024 par la mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des finances publiques13(*). La cible de 3,7 % de déficit public en 2025 fixée par la LPFP, adoptée il y a à peine un an et demi, est définitivement hors d'atteinte. Pour l'année en cours, le Gouvernement prévoit en effet un déficit public de 5,4 % du PIB.
A-t-on réellement fait 50 milliards d'euros d'économies en 2025 ?
Pour justifier la mise en place d'actions suivies d'effets dans le cadre de la procédure de déficit excessif engagée contre la France, le Gouvernement souligne que la réduction du déficit s'explique par la réalisation d'un effort de 50 milliards d'euros d'économies, dont 20 milliards d'euros pour les dépenses de l'État « par rapport au tendanciel ». Or, contrairement à ce qui était prévu dans le plan d'action pour améliorer le pilotage des finances publiques présenté le 3 mars, aucune précision n'est encore fournie à propos de cette notion de tendanciel. Il faut ainsi noter qu'en dehors des dépenses sociales, qui sont des dépenses de guichet liées à des tendances sur lesquelles le législateur n'a que faiblement prise, même s'il s'attache à organiser une régulation des dépenses de santé à travers l'Ondam, la notion de « tendanciel » interroge puisqu'elle touche des dépenses autorisées par le politique, que ce soit par les collectivités ou par le Parlement dans le cadre de l'examen du budget. Elle nécessite donc absolument d'être clarifiée et documentée pour pouvoir être utilisée.
Source : commission des finances du Sénat
L'ambition d'un retour du déficit à son niveau de 2023 est par ailleurs fragilisée par l'assombrissement des perspectives économiques, ainsi que par le caractère sans doute un peu optimiste des prévisions de recettes, mais reste atteignable. Il faut ainsi préciser que, lorsque le Gouvernement s'est fixé pour cible un solde public de - 5,4 % du PIB en 2025 avec une croissance de 0,9 % du PIB, l'estimation du déficit pour 2024 s'élevait encore à 6,0 %. L'amélioration modérée du solde 2024 par rapport aux dernières prévisions s'explique par un redressement des recettes en fin d'année ce qui, par un effet base, se traduirait toutes choses égales par ailleurs par des prévisions de recettes meilleures qu'attendu en 2025. C'est ainsi que s'explique la révision à la hausse de 2 milliards d'euros de la prévision d'impôt sur les sociétés, malgré la situation économique et les difficultés de prévision liées au 5ème acompte, la hausse de près de 1 milliard d'euros de la prévision d'impôt sur le revenu et la prévision « un peu haute » de cotisations sociales selon le HCFP. Force est toutefois de constater, avec ce dernier, que ces révisions éliment la marge de prudence que s'était octroyée avec raison le Gouvernement en janvier dernier en amendant le PLF. En tout état de cause, l'annulation de 2,7 milliards d'euros en crédit de paiements par le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits et la mise en réserve complémentaire d'un « montant comparable » évoquée dans le rapport accompagnant ce décret et « mise en oeuvre pour reconstituer des marges de manoeuvre visant à sécuriser le bon déroulement de la gestion budgétaire » en 2025, est une raison supplémentaire de penser qu'un déficit de 5,4 % du PIB en 2025 est possible.
* 13 Rapports d'information n° 685 (2023-2024) du 12 juin 2024 et n° 153 (2024-2025) du 19 novembre 2024).