EXAMEN EN DÉLÉGATION

Réunie le jeudi 5 juin 2025, sous la présidence de Dominique Vérien, présidente, la délégation a examiné le rapport d'information.

Mme Dominique Vérien, présidente. - Mes chers collègues, en mars dernier, sept sénatrices de notre délégation se sont rendues au siège des Nations Unies à New York, afin de participer à la CSW (Commission on the Status of Women), le plus grand rassemblement mondial annuel consacré aux droits des femmes et à l'égalité femmes-hommes.

Ont participé à ce déplacement nos collègues Annick Billon, Agnès Evren, Béatrice Gosselin, Marie-Pierre Monier, Olivia Richard, Laurence Rossignol et moi-même.

Une douzaine de collègues députés étaient également présents, dont mon homologue à l'Assemblée nationale Véronique Riotton et notre collègue député Guillaume Gouffier Valente, nous permettant de constituer une délégation parlementaire transpartisane particulièrement étoffée et ainsi d'envoyer un signal fort de l'implication des parlementaires français dans le combat pour les droits des femmes dans le monde.

Ce premier déplacement institutionnel de notre délégation à la CSW fut, selon moi, un réel succès.

C'était pour la plupart d'entre nous une découverte, et quelle découverte : quelle effervescence générale, quel dynamisme, quelle richesse des échanges... La multiplicité des entretiens, rencontres et événements auxquels nous avons participés nous a ouvert de nouveaux champs de réflexions et de préoccupations, tant les menaces qui pèsent sur les femmes, leur santé, leur liberté et leur dignité sont nombreuses. Mais ces échanges nous ont aussi apporté un incroyable élan d'enthousiasme admiratif devant l'engagement de toutes ces femmes - et aussi de ces hommes - qui se mobilisent, dans leurs pays, en faveur des droits des femmes et de l'égalité et qui, par des initiatives concrètes, font bouger les lignes et changent des vies, parfois en risquant la leur.

C'est pour cette raison que ce déplacement fait aujourd'hui l'objet d'une communication devant notre délégation et de la publication d'un rapport d'information.

Notre programme, commun à l'ensemble de la délégation parlementaire, a été très dense et en partie « à la carte » tant les événements concomitants étaient nombreux.

Car la CSW, c'est à la fois :

• une commission officielle des Nations Unies, avec des réunions des États membres au niveau ministériel ;

• et un espace d'échanges, avec des centaines d'événements parallèles (ou side events) et des opportunités de rencontres uniques, puisque des dizaines de milliers de défenseurs et défenseuses des droits des femmes, venus du monde entier, sont réunis, pour une semaine ou deux, dans un même lieu. Certaines de ces personnes n'obtiendront peut-être pas de visa l'année prochaine puisque l'administration Trump vient d'annoncer que les citoyens de douze pays seraient désormais interdits d'entrée aux États-Unis.

Nous avons ainsi eu des entretiens avec les équipes des principaux organes des Nations Unies qui travaillent sur les problématiques des droits des femmes et des filles - ONU Femmes, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP/UNFPA) et Unicef - ainsi qu'avec les équipes de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, qui nous ont détaillé les coulisses des négociations de la CSW. J'ai notamment appris que seuls quarante-cinq pays participaient officiellement aux négociations. Les États-Unis n'en faisaient pas partie cette année mais en feront partie l'année prochaine, ce qui compliquera certainement l'adoption d'un texte.

Nous avons également échangé avec de nombreuses délégations venues du monde entier, des ministres, des parlementaires, ainsi que des représentants de la société civile. Nous nous sommes ainsi entretenus avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de Corée du Sud, des membres d'associations ukrainiennes, des activistes afghanes ou encore des femmes engagées en Afrique, soutenues par l'Alliance féministe francophone.

Grâce à l'EPF - le forum européen pour les droits sexuels et reproductifs - je me suis rendue à Washington pour échanger avec des membres du Congrès américain, notamment Sarah McBride et Grace Meng, et des représentants de la société civile américaine sur la situation actuelle en matière d'accès à l'avortement et de remise en cause des politiques de diversité, égalité et inclusion aux États-Unis.

Nous avons bien senti que l'ambiance globale aux États-Unis n'était pas vraiment favorable aux droits des femmes et aux droits des minorités. Nous avons aussi été marquées par le témoignage d'une ancienne employée d'USAID, travaillant désormais pour l'initiative Spotlight, qui nous a relaté la façon dont elle et ses collègues avaient appris de façon abrupte leur licenciement, via un écran noir sur leur ordinateur ou, pour l'un d'entre eux, en découvrant lors d'un passage aux urgences qu'il n'avait plus de couverture sociale.

Les membres de la délégation parlementaire ont également assisté à divers side events en fonction de leurs centres d'intérêt : sur le rôle des parlements pour faire progresser l'égalité femmes-hommes, sur la lutte contre les cyberviolences ou encore sur la situation des femmes et filles afghanes.

Et, surtout - ce fut un temps fort de notre déplacement - nous avons organisé notre propre événement parallèle consacré aux violences pornographiques, dans la lignée de notre rapport Porno : l'enfer du décor, publié en 2022. Nous avions la chance de compter dans notre délégation deux des co-rapporteures de ce rapport : notre ancienne présidente Annick Billon et notre vice-présidente Laurence Rossignol.

Cet événement, qui a réuni plus de soixante-dix participants, venus d'une quinzaine de pays différents, a donné une dimension internationale à l'engagement de notre délégation dans la lutte contre les violences pornographiques et leurs conséquences.

En donnant de la visibilité aux travaux de recherche et aux témoignages de victimes de l'industrie pornographique, nous avons apporté notre participation à la prise de conscience en cours, au niveau international, de l'ampleur des violences pornographiques.

L'organisation d'un panel mêlant organisations de la société civile et décideurs politiques a également permis d'engager des discussions sur les initiatives juridiques de nature à lutter contre ces violences. La France ne peut agir seule sur un tel sujet !

À l'issue d'une semaine de déplacement, riche en échanges, j'aimerais insister sur trois éléments qui me semblent particulièrement importants.

Premièrement, en dépit de progrès réalisés depuis trente ans, le contexte international est aujourd'hui globalement peu favorable aux droits des femmes et des filles. Il semblerait même qu'il le soit malheureusement moins qu'il ne l'était lors de la conférence mondiale sur les femmes de Beijing de 1995, qui avait donné lieu à des engagements majeurs de la part de 189 États. Nous fêtions cette année les trente ans de cette conférence et nous avons réalisé qu'il ne s'agissait pas de trente ans de progrès - en tout cas pas uniquement. Non seulement les femmes et les filles sont souvent les premières victimes des conflits armés et des crises qui se multiplient, mais nous faisons face à un contexte global d'hostilité envers les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, souvent qualifié de « backlash ».

J'ai été particulièrement marquée par les explications que nous avons reçues sur la structuration de plus en plus professionnelle des mouvements hostiles aux droits et à la santé sexuels et reproductifs (DSSR). Ces mouvements anti-droits reprennent la terminologie et les codes du droit international et des mouvements féministes et parviennent à se faire entendre, y compris au sein de la CSW.

De façon notable, la déclaration politique adoptée lors de la CSW ne contient aucune référence à la santé et aux droits sexuels et reproductifs.

De façon incidente, j'ai récemment appris qu'au Royaume-Uni la police mène aujourd'hui des enquêtes après des fausses couches afin de vérifier si ces fausses couches ne dissimulent pas des IVG illégales.

Le deuxième élément sur lequel j'aimerais revenir est celui de la lutte contre l'exploitation sexuelle sous toutes ses formes, qui est un combat que nous devons continuer à porter.

En effet, nous avons été interpellées par les argumentaires de certaines organisations de la société civile, notamment françaises, présentes à la CSW, faisant un amalgame entre la lutte contre la prostitution et la pornographie - présentées comme un supposé « travail du sexe » - et la pression des mouvements anti-droits. Nous ne pouvons que déplorer les critiques et contestations soulevées à la fois par le side event ministériel français consacré aux cyberviolences et par notre side event consacré aux violences pornographiques.

Nous devons le réaffirmer avec force : la lutte contre la prostitution et la pornographie, en accord avec le positionnement abolitionniste de la France depuis 2016, est un enjeu de société, de droits des femmes et de droits humains, et constitue une priorité de notre délégation.

Enfin, le troisième élément important est le rôle de la diplomatie féministe française. La France a été le quatrième pays au monde à adopter une diplomatie féministe en 2019 et dispose désormais d'une stratégie internationale clairement définie.

Notre délégation apporte évidemment tout son soutien à cette diplomatie féministe, au sujet de laquelle nous devons avoir trois points de vigilance :

- tout d'abord, alors que le financement de l'aide publique au développement est menacé, nous devons veiller à préserver le soutien financier et technique apporté aux organisations féministes de terrain via le FSOF (fonds de soutien aux organisations féministes), dont nous avons pu rencontrer plusieurs bénéficiaires et ainsi constater le rôle majeur ;

- ensuite, l'action consulaire doit pleinement s'inscrire dans cette orientation et l'aide apportée aux Françaises victimes de violences sexuelles ou intrafamiliales à l'étranger doit être renforcée - je sais que c'est un combat de notre collègue Olivia Richard ;

- enfin, les parlementaires doivent aussi s'inscrire dans cette diplomatie féministe. Je souhaite notamment qu'une séquence parlementaire dédiée soit organisée lors de la prochaine conférence des politiques étrangères féministes que la France accueillera en octobre 2025.

Nous ne pourrons sans doute pas organiser un déplacement institutionnel lors de la prochaine CSW, en raison des élections municipales de mars 2026, mais nous continuerons à porter le combat pour les droits des femmes à l'international et à organiser ou participer à des événements sur cette problématique majeure. En effet, les droits des femmes sont un impératif universel, un enjeu de justice, de paix et de dignité.

Merci à vous pour votre attention.

Est-ce que des collègues présentes à la CSW souhaitent également partager leurs retours d'expérience, réflexions et remarques ?

Mme Laurence Rossignol. - Merci beaucoup pour ce rapport, dont je viens de prendre connaissance. J'aimerais qu'il soit ajouté, au sein du rapport et de l'Essentiel, une mention de l'offensive idéologique menée contre les droits des personnes LGBTQIA+.

Mme Dominique Vérien. - C'est effectivement un sujet important. Les droits des personnes LGBTQIA+ sont déjà mentionnés dans le rapport mais nous allons ajouter un paragraphe supplémentaire.

Mme Marie-Pierre Monier. - J'ai été ravie de participer à ce déplacement à la CSW, qui a permis des échanges très riches. On nous a beaucoup félicités, en tant que parlementaires français, pour l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, ce qui a fait du bien à entendre. J'ai été particulièrement marquée par la réunion que nous avons eue sur les mouvements anti-droits et masculinistes.

Mme Annick Billon. - J'aimerais également remercier la délégation, et sa présidente, pour l'organisation de ce déplacement. Le rapport d'information illustre bien tout l'intérêt pour notre délégation de s'être rendue à la CSW et d'avoir participé à tous ces échanges, qui ont été passionnants.

Mme Dominique Vérien. - Merci à toutes pour vos remarques.

Nous devons maintenant formellement adopter le rapport d'information et en autoriser la publication. Ai-je bien votre accord ? Le rapport est donc adopté.

S'agissant du titre du rapport, je vous propose : « Porter le combat pour les droits des femmes à l'international ».

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