AVANT PROPOS

PORTER LE COMBAT POUR LES DROITS DES FEMMES À L'INTERNATIONAL

Du 9 au 14 mars 2025, sept sénatrices de la délégation aux droits des femmes du Sénat se sont rendues au siège des Nations Unies à New York pour participer à la 69e session de la CSW (Commission on the Status of Women / Commission sur la condition de la femme), plus grand rassemblement mondial annuel dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes et à l'autonomisation des femmes.

La délégation, conduite par la présidente Dominique Vérien, était composée d'Annick Billon, Agnès Evren, Béatrice Gosselin, Marie-Pierre Monier, Olivia Richard et Laurence Rossignol.

Une quinzaine de députés étaient également présents, menés par Guillaume Gouffier-Valente, vice-président de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et président du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs (EPF), Véronique Riotton, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale et membre du bureau des femmes parlementaires de l'Union interparlementaire (UIP), faisait partie de la délégation de députés.

Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, menait quant à elle une délégation de près de quatre-vingts personnes, dont Isabelle Rome, Ambassadrice pour les droits de l'Homme et la mémoire internationale de la Shoah, Delphine O, Ambassadrice et Secrétaire Générale du Forum Génération Égalité, des représentants des administrations françaises concernées, d'anciennes ministres et secrétaires d'État, des représentants du secteur privé, des personnalités qualifiées et de nombreuses organisations de la société civile.

La présence à la CSW d'une délégation parlementaire bicamérale et transpartisane particulièrement étoffée, aux côtés de la délégation ministérielle, a été perçue comme un signal fort de l'implication des parlementaires français, et plus largement de la France, dans le combat pour les droits des femmes dans le monde, envoyé à l'ensemble de nos partenaires, des autres États membres et des instances onusiennes.

La délégation parlementaire au siège des Nations Unies

De gauche à droite : Gabrielle Cathala, Marie-Pierre Monier, Béatrice Gosselin, Guillaume Gouffier-Valente, Dominique Vérien, Prisca Thevenot, Agnès Evren, Sandrine Josso, Annick Billon, Karine Lebon, Marie-Noëlle Battistel, Véronique Riotton, Marie-Charlotte Garin, Anne-Cécile Violland

Devant : Julie Delpech, Olivia Richard, Sandra Regol

Une partie de la délégation parlementaire,

dans les locaux de la Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies,

aux côtés de la Ministre Aurore Bergé et de Jay Dharmadhikari, représentant permanent adjoint à la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies, chargé d'affaires

De gauche à droite : Jay Dharmadhikari, Béatrice Gosselin, Stéphane Mazars, Annick Billon, Véronique Riotton, Anne-Cécile Violland, Guillaume Gouffier-Valente, Aurore Bergé, Dominique Vérien, Agnès Evren, Laurence Rossignol, Éléonore Caroit, Marie-Pierre Monier, Céline Thiébaut-Martinez

Au cours de son déplacement, la délégation parlementaire a participé à des conférences organisées au siège des Nations Unies dans le cadre de la CSW, notamment sur le rôle des parlements pour faire progresser l'égalité femmes-hommes, sur la lutte contre les cyberviolences et sur la situation des femmes et filles afghanes.

Elle a procédé à des entretiens avec les équipes des principaux organes des Nations Unies qui travaillent sur les problématiques des droits des femmes et des filles - ONU Femmes, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP/UNFPA) et Unicef - ainsi qu'avec les équipes de la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies.

Elle a également échangé avec de nombreuses délégations venues du monde entier, des ministres, des parlementaires, ainsi que des représentants de la société civile. Elle s'est ainsi entretenue avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de Corée du Sud, des membres d'associations ukrainiennes, des activistes afghanes ou encore des femmes engagées en Afrique, soutenues par l'Alliance féministe francophone.

La présence des parlementaires à New York a aussi été l'occasion d'échanges avec des membres de la communauté française de New York, avec les équipes du consulat de France à New York et avec des chercheures françaises installées aux États-Unis.

Enfin, temps fort du déplacement, la délégation aux droits des femmes du Sénat a organisé un événement parallèle de haut niveau consacré aux violences pornographiques. Dans la lignée du rapport Porno : l'enfer du décor1(*), publié en 2022, cet événement, qui a réuni plus de soixante-dix participants, a donné une dimension internationale à l'engagement de la délégation dans la lutte contre les violences pornographiques et leurs conséquences.

À l'issue de cette semaine de déplacement, riche en rencontres, échanges et enseignements, la délégation est plus que jamais convaincue de la nécessité de porter le combat pour les droits des femmes à l'international. En effet, les droits des femmes constituent un impératif universel.

Dans un contexte international difficile et face à la montée des mouvements anti-droits, hostiles à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, la délégation soutient les efforts de la diplomatie féministe française pour défendre les droits et l'autonomie des femmes dans le monde, organiser une coordination des États partenaires et soutenir les organisations féministes de terrain.

Le présent rapport s'articule autour de deux volets :

· une présentation de la CSW et de la diplomatie féministe française ;

· une retranscription des échanges tenus lors de l'événement parallèle de la délégation consacré aux violences pornographiques.

I. LA CSW, LE PLUS IMPORTANT FORUM MONDIAL ANNUEL SUR LES DROITS DES FEMMES

Si, chaque année, la tenue de la CSW (Commission on the Status of Women / Commission sur la condition de la femme) donne lieu à un immense rassemblement mondial consacré aux droits des femmes, la 69e édition de la CSW (CSW69) revêtait une importance particulière à un double titre.

D'une part, comme tous les cinq ans, elle s'est accompagnée de bilans nationaux, régionaux et mondiaux sur les progrès accomplis en matière de droits des femmes et a donné lieu à l'adoption d'une déclaration politique et d'un programme de travail fixant des orientations et priorités pour les années à venir.

D'autre part, elle s'est inscrite dans un contexte international marqué par de nombreux conflits et crises, dont les femmes sont bien souvent les premières victimes, ainsi que par un mouvement de contestation voire de recul des droits des femmes dans de nombreuses régions du monde, y compris aux États-Unis, où se tient chaque année la CSW. Ce mouvement - souvent qualifié de « backlash » ou « retour de bâton » - a été au centre de nombreux échanges de la délégation tant avec des instances onusiennes qu'avec des organisations de la société civile, inquiètes des conséquences pour des millions de femmes et filles.

A. LA CSW, À LA FOIS COMMISSION OFFICIELLE DES NATIONS UNIES DÉDIÉE AUX DROITS DES FEMMES ET ESPACE DE RENCONTRES

1. Un organe du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), administré par ONU Femmes
a) Un organe onusien dédié aux droits des femmes depuis les années 1940

Dès les années 1940, sous l'impulsion d'Eleanor Roosevelt, une première Sous-Commission des Nations Unies sur la condition de la femme s'est mise en place afin de conseiller la Commission des droits de l'homme de l'ONU, précurseur du Conseil des droits de l'homme.

En 1946, cette instance est officiellement devenue la Commission sur la condition de la femme, organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations unies. Administrée par ONU Femmes, qui en assure le Secrétariat, elle est le principal organe intergouvernemental mondial dédié à la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes.

Au cours de ses premières années d'existence, la CSW a eu pour principal mandat de contribuer à l'établissement des normes mondiales dans les domaines précités et à l'intégration d'une perspective de genre dans les activités des Nations Unies.

Elle a ainsi contribué à l'élaboration de conventions internationales majeures et :

· permis l'introduction d'un langage inclusif dans la version finale de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1948 ;

· rédigé, à la demande de l'Assemblée générale, la Déclaration sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de 1967 ;

· rédigé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979 ;

· joué un rôle central dans l'adoption de la déclaration et du programme d'action de Beijing de 1995.

La déclaration et le programme d'action de Beijing, adoptés par les représentants de 189 gouvernements lors de la conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995, constituent, encore aujourd'hui, les documents de référence en matière de lutte pour l'égalité des sexes à l'échelle internationale. Ils couvrent douze sujets de préoccupation essentiels : la pauvreté, l'éducation et les formations, la santé, la violence, les conflits armés, l'économie, le pouvoir et les prises de décisions, les mécanismes institutionnels, les droits humains, les médias, l'environnement et les filles. Pour chaque sujet, des objectifs stratégiques sont identifiés, ainsi qu'un catalogue détaillé des mesures associées qui incombent aux gouvernements et aux autres parties prenantes.

La CSW est chargée de suivre et évaluer les progrès réalisés et les problèmes rencontrés dans leur mise en oeuvre.

La délégation aux droits des femmes du Sénat entretient un lien particulier avec la conférence mondiale sur les femmes de Beijing puisqu'elle en est, en quelque sorte, issue. En effet, après sa participation à cette conférence, la sénatrice Michelle Demessine a demandé au Sénat de mettre en place une structure de réflexion sur la place des femmes dans la vie politique et sur l'accès des femmes aux responsabilités. Cette mission d'information a conduit, deux ans plus tard, en 1999, à l'adoption d'une loi créant, dans chaque assemblée, une délégation aux droits des femmes, dont l'idée avait ainsi commencé à germer dès la conférence de Beijing quatre ans auparavant.

b) Une réunion annuelle en mars

Chaque année, pendant deux semaines en mars, des représentantes et représentants des États membres des Nations Unies, d'organisations de la société civile et d'entités des Nations Unies se réunissent au siège de l'ONU à New York à l'occasion de la session annuelle de la CSW.

Si plus de cent de pays sont représentés, seuls quarante-cinq États membres de l'ONU sont formellement membres de la CSW et négocient l'adoption d'un texte. Ces membres sont élus par ECOSOC sur la base d'une répartition géographique équitable, pour une période de quatre ans. S'agissant de l'Union européenne, des négociations se font d'abord entre pays européens, afin de porter une voix commune.

Chaque session de la CSW comprend un segment ministériel avec un débat général, des tables rondes ministérielles et des dialogues interactifs à un haut-niveau. L'objectif est de faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing de 1995, identifier les défis à relever, et encourager des politiques et normes mondiales.

À la fin de chaque session, la Commission adopte des « conclusions concertées », sur un thème annuel ciblant une priorité précise et reprenant les positions communes des États sur ce thème et plus largement sur les questions liées à l'égalité femmes-hommes. Tous les cinq ans, et ce fut le cas lors de la CSW69 en mars 2025, sont adoptés deux documents : une « déclaration politique » et un programme de travail pluriannuel déterminant les thèmes des travaux des quatre prochaines sessions de la CSW.

2. Un moment de rassemblement et d'échanges pour tous les défenseurs des droits des femmes
a) Des centaines d'événements parallèles

En parallèle de chaque CSW, des centaines d'événements sont organisés :

- des « side events » organisés par des organes de l'ONU, des gouvernements, des parlements ou des représentations permanentes des États membres, au siège de l'ONU ou au sein des représentations permanentes ;

- des « parallel events » organisés par des organisations de la société civile, dans des salles proches du siège de l'ONU.

Ces événements permettent aux entités organisatrices de mettre sur le devant de la scène les thématiques de leur choix, de partager informations, données et témoignages, d'organiser un espace d'échanges avec des intervenants venant de différents pays et de mener des activités de plaidoyer.

C'est dans ce cadre que la délégation a organisé, le 12 mars 2025, un événement parallèle, intitulé “Violence in Porn = Violence Against Women. Understanding and Addressing Pornography's Societal Impact" / « Violence dans le porno = Violence contre les femmes. Lutter contre les conséquences de la pornographie dans la société », dont le compte rendu est retranscrit dans le présent rapport.

La délégation entendait ainsi renforcer l'écho international de son rapport Porno : l'enfer du décor2(*), qui a fait l'objet de plusieurs articles de presse internationale (notamment dépêche AFP en anglais, Euronews, The Guardian, AP News, The Independent...) depuis sa publication en septembre 2022 et a suscité un intérêt de la part de diverses organisations et institutions travaillant sur cette question dans d'autres pays.

En inscrivant la problématique des violences pornographiques à l'agenda officiel des « side events », publié par ONU Femmes3(*), et en donnant de la visibilité aux travaux de recherche et aux témoignages de victimes de l'industrie pornographique, la délégation participe à la prise de conscience en cours, à l'échelle internationale, de l'ampleur des violences pornographiques et de leurs conséquences.

L'organisation d'un panel mêlant organisations de la société civile et décideurs politiques a également permis d'engager des discussions sur les initiatives juridiques de nature à lutter contre ces violences. La France ne peut en effet agir seule sur un tel sujet.

La participation d'intervenants de haut niveau - en particulier la ministre Aurore Bergé, l'Ambassadrice Delphine O et une représentante officielle d'ONU Femmes - témoigne de l'intérêt suscité par cette problématique.

Au total, cet événement a réuni plus de 70 participants venus du monde entier, notamment des parlementaires du Royaume-Uni, de République de Corée, d'Espagne, de Suède, du Danemark, des représentants officiels d'Allemagne, du Danemark et du Vatican, ainsi que des organisations de la société civile française, américaine, britannique, canadienne, indienne et indonésienne.

b) Près de 10 000 participantes et participants

Chaque année, des dizaines de milliers de personnes viennent du monde entier pour participer à la CSW et aux multiples événements parallèles : membres de gouvernements, parlementaires et organisations de la société civile. Il s'agit d'un moment privilégié de rencontres et d'échanges entre ces représentants du monde entier.

Profitant de cette opportunité unique, la délégation parlementaire a pu s'entretenir, à la fois dans le cadre d'entretiens officiels et de rencontres informelles, avec des représentants des principaux organes onusiens travaillant dans le domaine des droits des femmes et des filles, avec des parlementaires du Royaume-Uni, d'Espagne, du Canada et de République de Corée, et avec des dizaines de personnalités engagées et représentantes de la société civile venues d'Ukraine, de Roumanie d'Afghanistan, du Sahel, du Maghreb, ou des États-Unis.


* 1 https://www.senat.fr/rap/r21-900-1/r21-900-1.html

* 2 Rapport d'information n° 900 (2021-2022) de Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN et Laurence ROSSIGNOL, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 27 septembre 2022.

* 3 https://www.unwomen.org/en/csw/csw69-2025/side-events/schedule

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