B. SUIVI DÉTAILLÉ DE L'APPLICATION DE LOIS
1. Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte
Adoptée à l'initiative du Gouvernement, la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte vise à accélérer la réindustrialisation et la création d'emplois en France dans le respect des objectifs de réduction des émissions de CO2.
Cette loi comporte trois mesures principales, contenues en trois titres : faciliter les implantations industrielles et la réhabilitation des friches (titre Ier), mieux prendre en compte les enjeux environnementaux dans le cadre de la commande publique (titre II) et mettre en place des outils de financement de l'industrie verte (titre III). Au sein du titre II, quatre articles relatifs au verdissement de la commande publique relèvent de la compétence de la commission des lois.
L'article 25, dont l'examen a été délégué au fond à la commission des lois, modifie l'article 12 de la loi du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (loi dite « DDADUE »), qui transpose en droit interne la directive dite « CSRD » imposant des obligations nouvelles aux entreprises en termes de publication d'information sur les questions environnementales et sociales. La transposition de cette directive prend la forme d'une habilitation à légiférer par ordonnance octroyée par le Parlement au Gouvernement.
Dans ce cadre, l'article 25 de la loi relative à l'industrie verte modifie le périmètre de cette habilitation pour prévoir l'introduction, dans le code de la commande publique, d'un dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour les opérateurs économiques qui ne satisfont pas aux obligations de publication d'information résultant de la directive CSRD. Cet article ne nécessite pas de mesure d'application et est donc pleinement applicable. Conformément à l'article 25 de la loi relative à l'industrie verte, l'article 27 de l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 prévoit une exclusion des procédures de passation des marchés publics des acteurs économiques ne se conformant pas aux obligations de transparence extra-financière.
Les articles 26, 27 et 28 ont été introduits par amendement du Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat. L'article 26 crée une dérogation au principe d'allotissement des marchés lorsque la dévolution en lots séparés pourrait conduire à une procédure de mise en concurrence infructueuse. L'article 27 autorise les entités adjudicatrices à déroger à la durée de droit commun des accords-cadres pour les activités d'opérateur de réseaux, lorsque son respect présente un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse. Ces deux mesures entendent répondre aux difficultés que peuvent rencontrer les entités adjudicatrices, opérateurs de réseau dans des secteurs décisifs pour la transition écologique (énergie, transports, eau), en raison de la rareté de l'offre dans ces secteurs qui conduit à des procédures de commande publique infructueuses. Ces deux articles sont d'application directe.
L'article 28 permet aux entités adjudicatrices d'autoriser les opérateurs économiques à proposer, dans le cadre d'un allotissement, des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus, pour les marchés répondant à un besoin dont la valeur estimée est égale ou supérieure à un seuil fixé par voie réglementaire. Le décret n° 2023-1292 du 27 décembre 2023 a établi ce seuil à 10 millions d'euros hors taxe. L'article 28 est donc applicable.
Aussi, les quatre articles relevant de la compétence de la commission des lois au sein de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte sont entièrement applicables.
2. Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, adoptée en parallèle de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, présente le budget de la justice sur la période 2023-2027, détaille les objectifs et les moyens du ministère et simplifie et améliore la procédure et l'organisation de la justice.
Au 31 mars 2025, 63 mesures d'application ont été publiées et 13 mesures sont en attente de publication. La majorité des dispositions de cette loi sont ainsi applicables. Deux rapports ont en outre été transmis au Parlement par le Gouvernement.
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Le titre Ier de la loi établit en son article unique la trajectoire budgétaire et les objectifs de recrutement du ministère de la justice jusqu'en 2027. Il précise par ailleurs que le Gouvernement doit rendre chaque année un rapport avant le 30 avril qui présente l'exécution de la programmation déterminée par cette loi. Les deux premiers rapports ont été remis au Parlement le 29 mai 2024, avec donc un mois de retard, et le 12 mars 2025.
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Le titre II (articles 2 à 25) comporte diverses dispositions relatives à la procédure pénale dont le Sénat avait déploré le peu de cohérence.
L'article 2 propose de procéder, par voie d'ordonnance et à droit constant, à la clarification de la rédaction et du plan du code de procédure pénale. Les travaux sur ce sujet d'ampleur sont encore en cours.
L'article 3 définit les modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises.
Les articles 4 et 5 ont été déclarés contraires à la Constitution.
L'article 6 qui comporte plusieurs mesures diverses d'adaptation du droit pénal est pleinement applicable du fait de la publication de plusieurs mesures réglementaires :
· le décret en Conseil d'État n° 2024-1041 du 18 novembre 2024 relatif aux modalités de réalisation de l'examen médical à distance en cas de prolongation de garde à vue ;
· le décret n° 2025-154 du 19 février 2025 pris pour l'application de l'article 142-6-1 du code de procédure pénale relatif à l'assignation à résidence sous surveillance électronique sous condition suspensive de faisabilité ;
· le décret en Conseil d'État n° 2024-890 du 12 septembre 2024 pris pour l'application de l'article 706-24-2 du code de procédure pénale relatif à l'anonymisation des nom et prénoms des interprètes requis à l'occasion de certaines procédures ;
· le décret en Conseil d'État n° 2024-909 du 9 octobre 2024 pris pour l'application de l'article 803-5 du code de procédure pénale, relatif à l'intervention par un moyen de télécommunication des interprètes lors des auditions libres, gardes à vue et présentations à magistrat en matière pénale.
L'article 7 élargit l'intervention des assureurs dans les procès pénaux de mineurs.
L'article 8 a été déclaré contraire à la Constitution.
L'article 9 assouplit les conditions de la mise à l'épreuve éducative.
L'article 10 a été déclaré contraire à la Constitution.
L'article 11 comporte des mesures de coordination.
L'article 12 prévoit la remise à l'auditionné d'une copie du procès-verbal après son audition.
L'article 13 supprime la déclaration d'intention des avocats pour la clôture de l'instruction.
L'article 14 augmente le nombre de jurés des cours d'assises. Un arrêté du 20 juin 2024 relatif au nombre de jurés figurant sur la liste annuelle en application de l'article 266 du code de procédure pénale et au nombre de jurés suppléants de la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie en a précisé les modalités d'application.
L'article 15 fixe le délai raisonnable de renvoi pour les sessions d'assises lorsque l'accusé comparaît détenu.
L'article 16 aligne le délai de pourvoi en cassation sur celui d'appel.
L'article 17 met à la charge de l'intéressé des frais d'interprétariat déjà engagés en cas de non comparution.
L'article 18 étend la protection contre l'activation à distance d'appareils électroniques aux députés européens.
L'article 19 permet aux associations anti-racistes de se constituer partie civile en cas de dégradation de sépultures.
L'article 20 a été déclaré contraire à la Constitution.
L'article 21 interdit la destruction des scellés pour une période étendue en cas de non-résolution d'une affaire criminelle.
L'article 22 prévoir un assouplissement des conditions de mise en oeuvre de la compétence universelle.
L'article 23 élargit du champ de la compétence concurrente du pôle « cold cases » de Nanterre.
L'article 24 renforce le recours aux peines de travaux d'intérêt général. Il a été rendu applicable par le décret en Conseil d'État n° 2024-1226 du 30 décembre 2024 relatif à la généralisation du travail d'intérêt général dans les entreprises de l'économie sociale et solidaire et à la prolongation de son expérimentation dans les sociétés à mission. Un accord du 6 mars 2025 fixe la liste des départements concernés par l'application de ce décret.
L'article 25 élargit les infractions recevables par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi). Un arrêté du 28 novembre 2024 fixant le montant de certains plafonds d'indemnisation devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions en permet l'application partielle. En effet, les conditions dans lesquelles une personne physique de nationalité française ayant subi un préjudice résultant de faits commis à l'étranger peut obtenir du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions une aide financière au titre des frais de voyage, de l'indemnité de comparution et de l'indemnité journalière de séjour pour répondre à une convocation à l'audience de jugement d'un procès pénal tenu à l'étranger ne sont pas encore fixées.
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Le titre III (articles 26 à 36) contient des dispositions relatives à la justice commerciale et aux juges non professionnels.
Les articles 26 et 27 concernent l'expérimentation pour quatre ans de tribunaux des activités économiques en remplacement de tribunaux de commerces. Les mesures d'application prévues ont toutes été prises.
Le décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 relatif à l'expérimentation du tribunal des activités économiques fixe les modalités de conduite et d'évaluation de l'expérimentation ainsi que les règles d'information des usagers. L'article 1er du décret n° 2024-543 du 13 juin 2024 est relatif à la formation initiale préalable des assesseurs exploitants agricoles siégeant au sein de ces tribunaux.
Par un arrêté du 5 juillet 2024, le ministre de la justice a désigné les douze tribunaux de commerce concernés.
Enfin, le décret n° 2024-1225 du 30 décembre 2024 relatif à l'expérimentation de la contribution pour la justice économique précise le barème fixant le montant de la contribution pour la justice économique.
Les articles 28 à 36 sont relatifs à la formation et à la responsabilité des juges non professionnels.
L'article 28 prévoit un assouplissement des conditions de candidature des conseillers prud'hommes. Cet article est d'application directe, de même que l'article 29, qui ouvre une possibilité de relèvement de la situation d'incapacité d'un conseiller qui n'aurait pas suivi la formation initiale obligatoire.
L'article 30 crée une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes, avec une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2026. La publication du modèle de déclaration, envisagée pour décembre 2024, n'est pas intervenue au 31 mars 2025.
L'article 31 limite à cinq le nombre de mandats pouvait être effectués par un conseiller un sein d'un même conseil de prud'hommes, et fixe une limite d'âge à 75 ans. Cet article est d'application directe, de même que 'l'article 32, qui assouplit les règles de parité femmes-hommes pour les listes de candidats aux fonctions de conseillers.
L'article 33 renforce les obligations de formation des présidents des tribunaux de commerce, tout en leur permettant de solliciter le relèvement de la situation d'incapacité qui résulterait du non-suivi de la formation initiale obligatoire. Ces mesures ont été mises en oeuvre par le décret n° 2024-675 du 3 juillet 2024 relatif à la formation spécialisée des présidents des tribunaux de commerce ainsi que par le décret n° 2024-1224 du 30 décembre 2024 relatif au refus de siéger des juges des tribunaux de commerce et au refus de servir des assesseurs des tribunaux judiciaires spécialement désignés à l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.
L'article 34 instaure des mesures comparables concernant les assesseurs des tribunaux des pôles sociaux spécialement désignés prévus à l'article L. 218-1 du code de l'organisation judiciaire. Les mesures d'application de cet article sont inscrites dans le décret n° 2024-520 du 6 juin 2024 relatif à la formation initiale des assesseurs des formations de jugement mentionnées aux articles L. 218-1 et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire ainsi que dans le décret n° 2024-1224 du 30 décembre 2024 précité.
L'article 35, qui instaure un assouplissement des conditions de candidature pour les assesseurs des pôles sociaux, ainsi que l'article 36, supprimant la prestation de serment pour les assesseurs des tribunaux pour enfants ayant déjà exercé la fonction, sont d'application directe.
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Le titre IV de la loi (articles 37 à 43) traite de l'ouverture et de la modernisation de l'institution judiciaire.
L'article 37 de la loi consacre le chapitre III bis du titre II du livre Ier du code de l'organisation judiciaire aux attachés de justice et aux assistants spécialisés, qui constituent l'« équipe autour du magistrat ». Cet article améliore la définition du statut des attachés de justice, qui exercent des fonctions plus élargies que les juristes assistants auxquels ils se substituent - et peuvent désormais conclure un contrat à durée indéterminée -, et des assistants spécialisés, qui exercent désormais également dans le domaine civil et non plus seulement en matière pénale. L'article 37 renvoyait la détermination des modalités d'application de ces mesures, tant pour les attachés de justice que pour les assistants spécialisés, à un décret en Conseil d'État. Le décret n° 2024-965 du 30 octobre 2024 relatif aux attachés de justice et aux assistants spécialisés apporte ces précisions ; l'article 37 de la loi est donc applicable.
L'article 38 de la loi rétablit la participation des parlementaires aux conseils de juridiction des tribunaux judiciaires, des cours d'appel, des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. Cet article prévoit l'adoption d'un décret en Conseil d'État pour que soient précisées les modalités de fonctionnement de ces conseils de juridiction ; ces mesures d'application ont été prises à l'article 1er du décret n° 2024-570 du 20 juin 2024 pris pour l'application des articles 38, 44 et 60 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 pour les tribunaux judiciaires et les cours d'appel et à l'article 1er du décret n° 2024-1174 du 10 décembre 2024 relatif aux conseils de juridiction des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. L'article 38 de la loi est en conséquence applicable.
L'article 39, qui se borne à rectifier une erreur de référence du code de l'organisation judiciaire, est d'application directe.
L'article 40 de la loi apporte aux dispositions relatives aux juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats des modifications de coordination exigées par la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. Cet article prévoyait l'adoption d'un décret en Conseil d'État pour préciser les modalités de saisine de l'instance disciplinaire par le bâtonnier dont relève l'avocat mis en cause. Le décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025 relatif à la déontologie et à la discipline des avocats y a procédé en son article 1er. L'article 10 du décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées adapte en outre les dispositions réglementaires aux modifications apportées par l'article 40 de la loi. Ce dernier est donc entièrement applicable.
L'article 41 de la loi de la loi crée un conseil de discipline commun pour les avocats dans le ressort des cours d'appel de Cayenne, de Fort-de-France et de Basse-Terre ; il siège dans le ressort de la cour d'appel dont relève l'avocat faisant l'objet de poursuites. Cet article prévoit en outre qu'un recours à la communication audiovisuelle est possible lorsque la venue des représentants des conseils de l'ordre ne relevant pas du ressort de la cour d'appel de l'avocat poursuivi est « matériellement impossible ». Le décret n° 2025-77 du 29 janvier 2025 relatif à la déontologie et à la discipline des avocats a déterminé les modalités d'application de l'article 41, qui est donc entièrement applicable.
L'article 42 de la loi apporte une précision rédactionnelle à l'article L. 3172-2 du code du travail pour désigner expressément les chambres régionales des commissaires de justice et les conseils régionaux des notaires par leur nom, et non par l'expression « les chambres de discipline ». Cet article est d'application directe.
L'article 43 comporte diverses dispositions relatives au personnel pénitentiaire. Il est partiellement applicable du fait de la publication du décret en Conseil d'État n° 2024-1067 du 27 novembre 2024 relatif aux surveillants adjoints recrutés en application des dispositions de l'article L. 113-4-1 du code pénitentiaire et du décret en Conseil d'État n° 2024-1062 du 25 novembre 2024 relatif à la procédure alternative aux poursuites disciplinaires applicable aux personnes détenues majeures et modifiant le code pénitentiaire. Cependant les mesures réglementaires relatives à l'utilisation de caméras individuelles par les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire n'ont pas encore été prises.
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Le titre V (articles 44 à 51) comporte des dispositions relatives au droit civil et aux professions du droit.
Le chapitre 1er de la loi ne contient que l'article 44. Il procède au transfert à un magistrat du siège des fonctions civiles que le juge des libertés et de la détention exerce en matière de contentieux des étrangers et de contentieux des hospitalisations sous contrainte. Cet article d'application directe a fait l'objet de mesures réglementaires de coordination, que sont les décrets n° 2024-570 du 20 juin 2024 pris pour l'application des articles 38, 44 et 60 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et n° °2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux et l'arrêté du 18 juillet 2024 tirant les conséquences de l'article 44 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 sur le régime indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire.
Le chapitre II (articles 45 à 51) instaure diverses dispositions portant modernisations processuelles et relatives aux professions du droit.
L'article 45 vise à la modernisation des procédures collectives en prévoyant la création par le conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires d'un portail électronique permettant aux personnes exerçant ces fonctions l'envoi et la réception de pièces d'actes et de pièces de procédures. Le décret devant préciser les caractéristiques de ce portail, qui devait intervenir en juillet 2024, n'est pas publié au 31 mars 2025.
L'article 46 prolonge de deux années la procédure judiciaire simplifiée instituée par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Cet article est d'application directe.
L'article 47 de la loi a réformé la procédure de saisie des rémunérations, qui permet le paiement ou le recouvrement d'une dette et figure au sein du code du travail, car l'employeur du débiteur est le tiers saisi pour retrancher de la rémunération la somme due. Le commissaire de justice peut désormais opérer une saisie auprès de l'employeur dès lors que le créancier dispose d'un titre exécutoire, un mois après la signification d'un commandement de payer. Le commissaire de justice inscrit ce dernier sur un registre numérique des saisies des rémunérations. Il revient ensuite au commissaire de justice répartiteur de recevoir les sommes dues et le cas échéant de les répartir entre les créanciers. Il est désigné par la chambre nationale des commissaires de justice suite à une demande du créancier. Le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations a précisé l'essentiel des modalités d'application de ce régime. Certaines dispositions qui concernent le registre numérique des saisies des rémunérations n'ont toutefois pas encore fait l'objet d'une mesure réglementaire d'application ; le Gouvernement doit y remédier avant la date d'entrée en vigueur du décret n° 2025-125 précité, soit avant le 1er juillet 2025. L'article 47 n'est donc pas entièrement applicable.
L'article 48 rétablit l'exigence de légalisation des actes publics étrangers en précisant que « sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet ». Afin de répondre aux griefs soulevés par le Conseil constitutionnel en 2022285(*), qui avait conditionné cette exigence à l'instauration d'une voie de recours, l'article 48 prévoit également que les refus de légalisation opposés par les services consulaires pourront être contestés devant la juridiction administrative dans les conditions du droit commun. Le décret n° 2024-87 du 7 février 2024 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère définit, comme le prévoit l'article 48 de la loi, les actes publics étrangers pour lesquels s'appliquent le principe de légalisation. Ces actes sont ainsi les actes émanant des juridictions administratives ou judiciaires, des ministères publics institués auprès de ces dernières et de leurs greffes, les actes établis par les huissiers et commissaires de justice, les actes de l'état civil établis par les officiers de l'état civil, les actes établis par les autorités administratives, les actes notariés et les déclarations officielles telles que les mentions d'enregistrement, les visas pour date certaine et les certifications de signatures, apposées sur un acte sous seing privé. L'article 48 de la loi est donc entièrement applicable.
L'article 49 de la loi élève au master en droit ou à l'un des titres ou diplômes reconnus comme équivalents le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat, qui était jusqu'alors la maîtrise en droit. L'arrêté du 31 décembre 2024 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents aux soixante premiers crédits d'un master en droit pour être admis à se présenter à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle et comme équivalents à un master en droit pour accéder à la profession d'avocat énumère les titres et diplômes équivalents au master en droit ; il s'agit notamment du doctorat en droit et de « tout diplôme conférant le grade de master et sanctionnant, à titre principal, des études dans les disciplines juridiques encadrées majoritairement par des enseignants-chercheurs ». L'article 49 de la loi précise en outre que la formation professionnelle des avocats peut comprendre des stages professionnels faisant l'objet d'une convention entre le stagiaire, l'organisme d'accueil et le centre régional de formation professionnelle, suivant des modalités déterminées par un décret en Conseil d'État. Ce dernier a été adopté ; il s'agit du décret n° 2023-1125 du 1er décembre 2023 relatif à la formation professionnelle des avocats. L'article 49 de la loi est donc entièrement applicable.
L'article 50 corrige une erreur de plume, et rétablit la faculté pour les greffiers des tribunaux de commerce de percevoir des honoraires libres ainsi que l'obligation d'afficher leurs tarifs. Cet article est d'application directe.
Reprenant une disposition déjà adoptée dans la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale mais dont l'échéance approchait, l'article 51 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit de la publicité foncière, notamment en réunissant et en adaptant, au sein du même livre du code civil, l'ensemble des règles relatives à la publicité foncière. Cette habilitation a donné lieu à la publication de l'ordonnance n° 2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière. Elle réagence entièrement l'actuel titre V du livre II du code civil, relatif à la publicité foncière, en créant en son sein cinq chapitres régissant les principes généraux de la publicité foncière, précisant les formalités applicables et définissant les divers régimes de publicité foncière. Conformément à l'article 25 du décret n° 2024-562 précité, cette réforme entrera en vigueur à une date fixée dans un décret ultérieur, et au plus tard le 31 décembre 2028. L'article 51 n'est donc pas encore applicable, bien que toutes les mesures réglementaires d'application aient été prises.
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Le titre VI, qui comprend les articles 52 à 57, concerne les juridictions administratives et financières.
L'article 52 permet aux élèves lauréats de l'Institut national du service public (INSP) de rejoindre directement les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ainsi que les chambres régionales des comptes, sans avoir à justifier préalablement de deux ans de services publics en qualité d'administrateurs de l'État. Il aligne également la durée d'ancienneté requise pour l'avancement des magistrats administratifs et des cours administratives d'appel au grade de premier conseiller sur celle des administrateurs de l'État, en la fixant à six ans. Les mesures réglementaires de coordination résultant de ces mesures ont été prises via le décret n° 2024-1290 du 27 décembre 2023 relatif au cycle préparatoire et à la procédure de sortie de l'Institut national du service public et le décret n° 2024-63 du 1er février 2024 relatif au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ainsi qu'à l'organisation et aux procédures des juridictions financières. L'article 52 est donc entièrement applicable.
L'article 53 modifie marginalement le régime statutaire des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, principalement en dissociant la fonction de président de section de celle du grade qui est désormais dénommé « conseiller président », en raccourcissant la durée de l'emploi de président et vice-président de chambre régionale des comptes dans une même chambre de sept à cinq ans et en intégrant les nominations à la maîtrise de conseillers référendaires en détachement dans le calcul du nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur. Deux décrets ont été publiés pour préciser les conditions d'application de cet article : le décret n° 2024-63 du 1er février 2024 relatif au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ainsi qu'à l'organisation et aux procédures des juridictions financières, qui a procédé aux modifications réglementaires nécessaires au changement des règles de mobilité statutaire, et le décret n° 2024-64 du 1er février 2024 modifiant le décret n° 2023-482 du 21 juin 2023 relatif à l'échelonnement indiciaire applicable aux magistrats de la Cour des comptes, aux magistrats des chambres régionales des comptes et aux agents occupant les emplois de conseiller maître en service extraordinaire, de conseiller référendaire en service extraordinaire et d'auditeur à la Cour des comptes, qui a procédé aux coordinations nécessaires au changement de dénomination des conseillers présidents. L'article 53 est donc entièrement applicable.
L'article 54 a ratifié l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et a procédé à diverses mesures de coordination ou procédurales. Cet article est d'application directe.
L'article 55 a étendu les dispositions d'un accord national, signé le 26 janvier 2022286(*), relatif à la protection sociale complémentaire, conclu pour les agents de la fonction publique d'État, aux membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes, des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et des chambres régionales des comptes. Les mesures réglementaires d'application de cette extension ont été prises via le décret n° 2024-286 du 29 mars 2024 relatif à la protection sociale complémentaire des membres du Conseil d'État, des magistrats administratifs et des agents du Conseil d'État et de la Cour nationale du droit d'asile, pour ce qui concerne les juridictions administratives, et le décret n° 2025-276 du 26 mars 2025 relatif à la protection sociale complémentaire des membres et du personnel de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, pour ce qui concerne les juridictions financières. L'article 55 est donc entièrement applicable.
L'article 56 a transféré le contentieux de la tarification sanitaire et sociale, qui relevait précédemment de tribunaux interrégionaux en premier ressort et d'une cour nationale en appel dont la particularité était de comporter en leur sein des assesseurs représentants des usagers et des établissements sanitaires et médico-sociaux, à des juridictions administratives de droit commun spécialement désignées. Le décret n° 2024-1168 du 6 décembre 2024 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pour le contentieux de la tarification sanitaire et sociale a confié cette fonction aux tribunaux administratifs de Bordeaux, de Lille, de Lyon, de Marseille, de Nancy, de Nantes, de Guadeloupe, de Toulouse et de Versailles. Le jugement en appel relève quant à lui de la compétence de la cour administrative d'appel de Paris. L'article 56 est donc entièrement applicable.
L'article 57 procède à des coordinations avec la loi organique n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Cet article est d'application directe.
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Enfin, le titre VII, constitué des articles 58 à 60, comprend des dispositions relatives à l'application du texte dans les territoires d'outre-mer, des dispositions transitoires et des précisions relatives à l'entrée en vigueur du texte. Ces articles appelaient la publication de dix mesures réglementaires, dont trois facultatives. À la date du 31 mars 2025, les sept mesures réglementaires prévues ont été prises287(*), seules les trois mesures facultatives restant en attente de la publication d'un décret.
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La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 demeure donc partiellement applicable.
3. Loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire
La loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, adoptée en parallèle de la loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, a substantiellement modifié l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature afin de mettre en oeuvre les conclusions du comité des États généraux de la justice, présentées en juillet 2022, et le plan d'action pour la justice, annoncé par le garde de sceaux, alors Éric Dupond-Moretti, en janvier 2023. Comme son intitulé l'indique, la loi organique du 20 novembre 2023 a pour objet principal de réformer le corps judiciaire en modifiant les voies de recrutement, en modernisant la gestion du corps et en responsabilisant les magistrats à travers une refonte des conditions de recevabilité des plaintes des justiciables et une révision de l'échelle des sanctions disciplinaires.
Comme le notait la commission des lois lors de l'examen du texte en 2023, « le texte soumis à la représentation nationale tend à renvoyer une part substantielle de son contenu à la discrétion du pouvoir réglementaire »288(*) : sur les 14 articles que compte la loi, 13 articles prévoient au moins une mesure d'application réglementaire.
Au 31 mars 2025, 26 mesures d'application ont été publiées et 11 mesures sont en attente de publication, dont dix ont fait l'objet d'une entrée en vigueur différée. La majorité des dispositions de cette loi sont ainsi applicables.
a) Les principales dispositions de la loi
La loi n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 comporte 14 articles, de portée inégale.
L'article 1er de la loi réforme les conditions de recrutement des magistrats afin, d'une part, de rendre plus lisibles les diverses voies de recrutement, ramenées de douze à neuf, et, d'autre part, de diversifier l'accès à la magistrature tout en conservant un haut niveau d'exigence. À ce titre, les conditions pour participer au troisième concours d'auditeur de justice sont significativement assouplies, l'exigence d'expérience professionnelle étant ramenée de huit à quatre ans. S'agissant des autres voies d'accès au corps judiciaire, la principale évolution réside dans la substitution d'un concours professionnel unique aux diverses voies d'intégration directe et concours complémentaires qui existaient précédemment. Enfin, parmi les autres mesures principales de l'article 1er, peut être mentionnée la création d'un statut de magistrat en service extraordinaire ouvert aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'étude après le baccalauréat, justifiant de quinze ans au moins d'activité professionnelle, que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l'exercice des fonctions judiciaires.
Dans l'optique de « responsabiliser » les magistrats, l'article 2 de la loi a mis en place un cadre d'évaluation pour les chefs de cour et de juridiction prenant notamment en considération leurs capacités en matière d'administration et de gestion. Il dispose également que ces critères sont pris en compte par le Conseil supérieur de la magistrature dans le processus de nomination des chefs de cour et de juridiction.
L'article 3 de la loi modifie la structure du corps judiciaire, en prévoyant une progression de carrière au sein de trois grades (premier, deuxième et troisième grades), en lieu et place des second et premier grades, ainsi que du grade « hors hiérarchie » qui prévalaient jusqu'alors. En particulier, le troisième grade est désormais accessible de droit aux magistrats choisissant d'occuper des fonctions de chef de juridiction.
L'article 4 de la loi a renforcé les obligations déontologiques applicables aux magistrats, en imposant une saisine préalable et systématique du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'un magistrat démissionnaire souhaite exercer une activité libérale ou une activité privée.
Pour fluidifier les mobilités au sein de la magistrature, l'article 5 de la loi a instauré un dispositif contractuel d'affectation ouvrant à un magistrat affecté temporairement sur un poste pâtissant d'un déficit d'attractivité une priorité d'affectation pour son poste suivant. Suivant une logique similaire, l'article 6 a, outre le relèvement au niveau organique et l'harmonisation de modalités d'affectation temporaire, mis en place de nouveaux dispositifs d'affectation temporaire, notamment au bénéfice de juridictions d'outre-mer ou de Corse.
L'article 7 de la loi modernise le dialogue social. Il procède à la rénovation de la commission d'avancement des magistrats dont il modifie la composition et les attributions. Il consacre le principe de participation des magistrats aux comités sociaux d'administration du ministère de la justice et autorise les organisations syndicales de magistrats à négocier, signer et rendre applicables des accords collectifs.
L'article 8 de la loi assouplit les conditions de candidature des magistrats exerçant à titre temporaire et étend les compétences des magistrats honoraires. Il élève la limite d'âge maximal qui leur est applicable à 75 ans et rend leur mandat renouvelable deux fois.
L'article 9 de la loi améliore le régime de la responsabilité des magistrats, spécialement en facilitant la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Il procède en contrepartie au renforcement de la protection des magistrats dans l'exercice de leurs fonctions, notamment par l'extension des cas d'application de la protection fonctionnelle. Il favorise enfin l'égalité professionnelle en développant les exigences applicables aux nominations de magistrats au regard du sexe et du handicap.
L'article 10 de la loi crée une charte de déontologie des magistrats, dont l'élaboration a été confiée au Conseil supérieur de la magistrature.
L'article 11 de la loi modifie le mode de scrutin des membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature ; il substitue ainsi le scrutin direct au scrutin indirect et supprime en conséquence le collège de « grands électeurs » sur lequel le précédent mode de scrutin dernier reposait.
L'article 12 de la loi précise la liste des magistrats soumis à l'obligation de déclaration d'intérêts, en y ajoutant notamment les magistrats du siège et du parquet près le tribunal supérieur d'appel et le président et le procureur de la République près un tribunal de première instance situé dans le ressort de ce tribunal. Cet article limite par ailleurs l'obligation de déclaration de situation patrimoniale aux membres du Conseil supérieur de la magistrature, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016. Il supprime enfin l'exigence d'un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour opérer la gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats.
L'article 13 de la loi instaure un concours spécial pour le recrutement d'auditeurs de justice, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026.
Enfin, l'article 14 de la loi prévoit les modalités d'entrée en vigueur et les dispositions transitoires exigées par les précédents articles.
b) Une loi majoritairement applicable
La plupart des dispositions de la loi n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 sont d'application directe ou ont fait l'objet de la publication d'une mesure réglementaire, à l'exception notable des mesures réglementaires d'application de la réforme de la structure du corps judiciaire (article 3), dont l'entrée en vigueur est différée à la fin de l'année 2025, conformément au II de l'article 14, et des mesures réglementaires d'application de l'article 2, relatif à l'évaluation professionnelle des chefs de juridiction.
(1) Les mesures d'application publiées
Au 31 mars 2025, 21 mesures réglementaires prévues par la loi n° 2023-1058 ont été prises, à travers la publication de trois décrets mettant simultanément en oeuvre plusieurs mesures réglementaires prévues par la loi organique. Par ailleurs, cinq mesures réglementaires prévues par la loi n° 2023-1058 sont satisfaites par quatre décrets289(*) antérieurs à la promulgation de la loi, les articles s'y rattachant sont donc considérés comme applicables.
Pour ce qui concerne les décrets publiés postérieurement à la promulgation de la loi, il s'agit :
· du décret n° 2024-390 du 25 avril 2024 relatif à l'applicabilité des accords conclus soit en commun pour les trois fonctions publiques, soit pour la fonction publique de l'État aux magistrats de l'ordre judiciaire ;
· du décret n° 2024-637 du 28 juin 2024 pris pour l'application des articles 1er, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13 et 14 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire ;
· et du décret n° 2024-772 du 7 juillet 2024 tirant les conséquences de la réforme des voies d'accès à la magistrature issue de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire et portant dispositions diverses relatives à l'École nationale de la magistrature.
L'article 1er, qui réforme les voies de recrutement des magistrats, nécessitait la publication de douze mesures réglementaires, auxquelles ont procédé les décrets n° 2024-637 et n° 2024-772 précités. Le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature, qui précisait déjà, comme l'exige le 7° de l'article 1er, les conditions de qualification pour se présenter au concours d'auditeur de justice, sans qu'une nouvelle disposition réglementaire ne soit donc requise. Pour ce qui concerne les mesures réglementaires postérieures à la publication de la loi, l'article 1er du décret n° 2024-637 a supprimé, conformément au 8° de l'article 1er de la loi, la limite d'âge de quarante ans qui existait précédemment pour se présenter au concours d'auditeur de justice. Le décret n° 2024-772 a, notamment, procédé aux mesures réglementaires d'application résultant de la refonte du concours professionnel. Il précise par exemple que ce concours professionnel a lieu « chaque année » mais que le jury « peut ne pas pourvoir à toutes les places offertes au concours ». Il n'appelle pas de remarque supplémentaire, les mesures réglementaires correspondant bien aux principes généraux imposées par la loi. Enfin, les mesures réglementaires résultant de la création d'un statut de magistrat en service extraordinaire ont été prises par le biais du décret n° 2024-637. Celui-ci précise notamment que la formation à laquelle sont astreints ces magistrats est de six mois et que cette formation est décomptée comme services effectifs pour l'avancement d'échelon. Un même délai de six mois est applicable pour les magistrats en service extraordinaire souhaitant demander leur renouvellement ou leur intégration dans le corps judiciaire. L'article 1er est donc entièrement applicable.
Bien que la publication des décrets d'application de l'article 3 ait été différée (voir infra), certaines mesures sont déjà applicables, à l'instar du 33° du I qui régit la réintégration des magistrats précédemment placés en position de détachement. Les mesures réglementaires qui résultent de la nouvelle rédaction de l'article 72-2 de l'ordonnance n° 58-1270 précitée n'appellent toutefois pas de modification des articles 35-7 à 35-10 du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature. Ces articles prévoient en effet, comme l'exige la loi, que la réintégration dans son grade du corps judiciaire du magistrat détaché dans un autre corps ou cadre d'emplois est prononcée à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son grade de détachement : le 33° du I de l'article 3 est donc applicable sans que la publication d'un nouveau décret ne soit nécessaire.
Les mesures d'application des articles 4, 5 et 6 ont toutes été effectuées par le décret n° 2024-637 précité, respectivement en ses articles 10, 12 et 13 à 17. Peuvent notamment être signalés la durée minimale d'exercice des fonctions dans un poste peu attractif ouvrant droit à la priorité d'affectation (cf. article 5 de la loi), qui a été fixée par le décret n° 2014-637 à trois ans - et à deux ans pour le cas spécifique de Mayotte -, et le délai de prévenance imposé aux magistrats qui souhaitent exercer une activité privée (cf. article 4 de la loi), fixé à quatre mois.
L'article 9 de la loi, qui est pour l'essentiel d'application directe, a fait l'objet d'une mesure réglementaire d'application aux articles 28 et 29 du décret n° 2024-637 précité, concernant la procédure de demande de saisine de l'inspection générale de la justice par la commission d'admission des requêtes et le rapporteur du Conseil supérieur de la magistrature. Ces articles modifient le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature pour que ces dispositions y figurent explicitement.
L'article 10 de la loi est d'application directe ; le Conseil supérieur de la magistrature n'a toutefois pas encore diffusé la charte de déontologie des magistrats qu'il lui revient d'élaborer.
L'article 12 de la loi renvoie à un décret en Conseil d'État pris après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique le soin de préciser ses conditions d'application. Le décret n° 94-199 précité, tel qu'il a été modifié par le décret n° 2017-465 du 31 mars 2017, constitue la mesure réglementaire d'application de cet article.
Les mesures réglementaires d'application de l'article 13 de la loi, qui instaure un concours expérimental consacré au recrutement des auditeurs de justice, ont été adoptées aux articles 36 à 41 du décret n° 2024-637 précité.
(2) Les mesures d'application manquantes
Au 31 mars 2025, 11 mesures réglementaires n'avaient toujours pas été adoptées. Parmi celles-ci, 10 mesures réglementaires sont facultatives ou résultent de dispositions législatives n'étant pas encore entrées en vigueur, leur absence de publication étant donc prévisible.
L'article 2 de la loi, théoriquement applicable dès le lendemain de la publication de la loi, nécessite la publication d'un décret qui est toujours en attente. Ce décret d'application est en effet censé préciser la composition du collège d'évaluation des chefs de juridiction, les modalités de désignation de ses membres, les modalités de son intervention et de la participation du magistrat évalué, les critères d'évaluation ainsi que les modalités de recours. Une publication rapide de ce décret est donc souhaitable.
Les mesures réglementaires non encore adoptées concernent principalement l'article 3 de la loi, qui réforme la structure du corps judiciaire : cette réforme appelle la publication de cinq mesures réglementaires, notamment pour préciser les fonctions exercées par les magistrats de chaque grade de la nouvelle hiérarchie du corps judiciaire, les conditions exigées pour figurer au tableau d'avancement des magistrats du troisième grade et la durée de validité dudit tableau, les modalités de la fixation du nombre de magistrats pouvant être promus au troisième grade et la liste des fonctions de chef de juridiction ouvertes aux magistrats promus au troisième grade depuis au moins trois ans. Conformément au II de l'article 14, la réforme de la structure du corps judiciaire, et donc les mesures réglementaires qui en découlent, sont différées « à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard le 31 décembre 2025 ». Le décret fixant cette date d'application n'a pas encore été publié.
S'agissant de l'article 7 de la loi, deux décrets en Conseil d'État relatifs à la commission d'avancement et au tableau d'avancement restent à prendre. Ces textes devraient être publiés avant l'entrée en vigueur de l'article décalée au 31 décembre 2025.
L'article 11 de la loi, qui concerne la modification du mode de scrutin de l'élection des membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature, doit faire l'objet d'un décret en Conseil d'État, spécialement pour préciser les modalités de mise en oeuvre du vote par correspondance et par voie électronique. Or, ce dernier n'a pas encore été adopté ; l'article 14 de la loi précise que cette mesure ne sera applicable qu'à compter du prochain renouvellement des membres du Conseil supérieur de la magistrature, en 2027.
Enfin, l'article 14, qui traite des modalités d'entrée en vigueur de la loi, doit encore faire l'objet de mesures réglementaires d'application, spécialement pour les articles 3 et 7, comme ce fut évoqué ci-dessus.
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La loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire demeure donc partiellement applicable.
4. Loi n° 2023-1178 du 14 décembre 2023 visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos
Adoptée à l'initiative de la sénatrice Catherine Deroche et des membres du groupe Les Républicains, la loi du 14 décembre 2023 visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos a ajouté à l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure deux nouvelles catégories de communes pouvant solliciter une dérogation temporaire au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard. En 2023, 196 communes disposaient d'une telle dérogation, pour 203 casinos, et sept clubs de jeux à Paris. Trente-huit départements ne comptaient aucun casino, alors que de tels établissement génèrent d'importantes retombées économiques et fiscales pour les communes les accueillant (en moyenne, chaque commune accueillant un casino prélève 1,4 million d'euros sur le produit brut des jeux).
Aux cinq cas historiques (notamment les communes balnéaires, thermales ou climatiques), la loi ajoute un nouveau 6° pour les communes où sont implantées le siège d'une société de courses hippiques ainsi que le site historique du Cadre noir ou un haras national et ayant organisé aux moins dix événements équestres d'envergure au moins nationale entre 2018 et 2023. Lors de la discussion en séance publique, le Sénat a ajouté un 7° visant à permettre l'ouverture de casinos dans les communes, classées communes touristiques, d'un département frontalier non doté d'un casino, et membre d'une intercommunalité de plus de 100 000 habitants.
La loi est entrée en vigueur le lendemain de sa publication, le 15 décembre 2023.
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La loi n° 2023-1178 du 14 décembre 2023 visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos est d'application directe.
5. Loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie
La loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie a été adoptée en lecture définitive par le Sénat le 18 décembre 2023, après qu'un accord a été trouvé en commission mixte paritaire le 13 décembre 2023.
Cette loi a pour double objectif d'offrir une meilleure reconnaissance aux agents exerçant les fonctions de secrétaire de mairie et d'améliorer l'attractivité de ce métier.
À ces fins, elle consacre l'emploi de secrétaire de mairie - qui prend par la même occasion le nom de « secrétaire général » de mairie - comme un emploi de catégorie B au moins, et prévoit notamment un plan temporaire de requalification des secrétaires de mairie de catégorie C en catégorie B, selon une voie de promotion interne dérogatoire à la règle des quotas.
Sur les neuf articles que comporte la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023, quatre articles sont d'application directe, tandis que trois articles nécessitent en tout quatre mesures d'application. En outre, un article qui ne prévoyait pas de mesure d'application a donné lieu à un décret. Enfin, un article prévoit la remise d'un rapport (non encore déposé à ce jour).
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Les articles 1er, 4, 5 et 9 de la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 sont d'application directe.
L'article 2 de la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 permet aux fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d'avancement de leur cadre d'emploi respectif et exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie de bénéficier d'une promotion interne dans un cadre d'emplois de la catégorie B. Cet article a renvoyé à un décret en Conseil d'État la détermination de ses modalités d'application et notamment celle des conditions d'ancienneté requise dans l'exercice des fonctions de secrétaire de mairie ; le décret n° 2024-826 a ainsi été pris le 16 juillet 2024.
L'article 3 de la loi ouvre une voie de promotion interne spécifique vers la catégorie B accessible aux fonctionnaires de catégorie C qui relèvent des grades d'avancement de leur cadre d'emplois respectif et qui ont validé un examen professionnel sanctionnant une formation qualifiante aux fins d'exercer les fonctions de secrétaire général de mairie. La loi a prévu qu'un premier décret d'application précise la nature de la formation en question, les modalités d'organisation de l'examen professionnel ainsi que la nature des épreuves ; un second décret doit déterminer la durée minimale d'exercice des fonctions de secrétaire général que devront respecter ceux qui auront bénéficié de cette voie de promotion interne. Sur ces fondements, ont été pris, respectivement, les décrets n° 2024-830 et n° 2024-831 du 16 juillet 2024.
L'article 7 de la loi vise à garantir la prise en compte de l'exercice des fonctions de secrétaire de mairie pour l'établissement des listes d'aptitude par le président du centre de gestion, en renvoyant à un décret la détermination de la part des fonctionnaires qui exercent ces fonctions (article L. 523-5, 2° du code général de la fonction publique). Si, d'après l'échéancier en ligne sur le site Légifrance, la publication de ce décret était envisagée « en juin 2024 », il n'a toujours pas été pris.
Non prévu explicitement par l'article 8 de la loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023, le décret n° 2027-827 du 16 juillet 2024 définit les modalités de l'avantage spécifique d'ancienneté accordé aux agents exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon.
En outre, le rapport dont l'article 6 a prévu la remise par le Gouvernement au Parlement dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, soit avant le 30 décembre 2024, n'a pas encore été remis. Il doit évaluer les formations supérieures préparant au métier de secrétaire de mairie ainsi que la pertinence de la création, au niveau national, d'une filière permettant l'obtention d'un diplôme national d'enseignement supérieur préparant au métier de secrétaire général de mairie.
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La loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie est partiellement applicable au 24 mars 2025.
6. Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est issue d'un projet de loi déposé au Sénat le 1er février 2023.
Examiné en premier lieu par le Sénat, le projet de loi avait été rejeté par l'Assemblée nationale avant de faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.
Trente et un de ses 90 articles ont été déclarés contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, essentiellement pour méconnaissance de l'article 45 de la Constitution, quatre autres articles faisant l'objet d'une censure partielle. Ont ainsi été censurés 15 des 19 articles du titre Ier qui avait été introduit par le Sénat.
Les 55 articles qui demeurent prévoient 25 mesures d'application. Parmi ces dernières, au 28 avril 2025, 20 mesures avaient été prises. Parmi les mesures manquantes, certaines sont, en réalité, des mesures d'application différées dont la date limite d'édiction fixée par le législateur n'est pas encore échue. Il n'en est ainsi pas tenu compte pour la détermination du taux d'application de la loi qui s'élève à 80 %.
a) Les principales dispositions de la loi
(1) Les dispositions visant à une meilleure maîtrise des flux d'immigration
L'article 1er prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er juin de chaque année, d'un rapport comportant des données en matière d'immigration et d'asile.
Ce rapport n'a pas été remis à ce jour.
L'article 2 précise, s'agissant du réacheminement des étrangers auxquels l'entrée en France est refusée, que lorsque l'entreprise de transport n'est pas en mesure d'y procéder, seules les autorités chargées du contrôle aux frontières sont compétentes pour exercer une mesure de contrainte à l'égard de ces étrangers.
L'article 7 étend les motifs de refus de délivrance ou de renouvellement et de retrait d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle, notamment en cas de non-respect d'une obligation de quitter le territoire français ou s'il commet des faits l'exposant à une condamnation pour certains crimes ou délits.
L'article 14 prévoit l'expérimentation, pour une durée de trois ans à compter du 1er juillet 2024, de l'instruction dite « à 360 degrés » des demandes de titre de séjour : il appartient à l'administration d'examiner, dès la première demande, l'ensemble des motifs susceptibles de fonder la délivrance d'un titre de séjour.
Le périmètre de l'expérimentation a été fixé par un arrêté du 13 mai 2024, modifié le 6 octobre 2024.
(2) Les dispositions relatives à l'intégration, au travail des étrangers et aux titres de séjour
L'article 20 subordonne la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la connaissance d'un niveau minimal de français, en renvoyant à un décret en Conseil d'État la détermination du niveau de langue requis. Il modifie également le contenu de la formation civique, pour laquelle il crée un examen, et subordonne la prestation d'accompagnement professionnel au suivi des formations civique et linguistique.
L'article 21 limite à trois le nombre de renouvellements consécutifs d'une carte de séjour temporaire portant une mention identique, en ménageant une exception pour les étrangers dispensés de la signature d'un contrat d'intégration républicaine.
L'article 23 modifie plusieurs dispositions du code du travail en matière de formation continue des salariés pour organiser contribution des employeurs à la formation linguistique des travailleurs étrangers allophones :
· il permet aux employeurs de proposer à l'ensemble de leurs salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret ;
· il crée un nouvel article L. 6321-3 du code du travail permettant aux salariés allophones signataires d'un contrat d'intégration républicaine de comptabiliser comme temps de travail effectif les actions permettant le suivi de leur formation linguistique ;
· il prévoit un mécanisme d'autorisation d'absence de droit pour le suivi des formations en français langue étrangère.
Il renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des modalités d'application de ces mesures.
L'article 27 prévoit un dispositif temporaire de régularisation, à titre exceptionnel, des travailleurs sans papiers exerçant une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement.
L'article 28 impose l'actualisation au moins une fois par an de la liste des métiers et des zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement lorsque la délivrance des titres de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail.
L'article 29 conditionne l'accès au statut d'entrepreneur individuel à la régularité du séjour de l'étranger.
L'article 30 procède à la refonte des titres de séjour relevant du dispositif « Talent ». Il substitue à la dénomination de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » celle de carte de séjour pluriannuelle portant la mention « talent ». Il fusionne les cartes de séjour relatives à la création d'entreprise, au projet économique innovant et à l'investissement direct en France, en une carte de séjour pluriannuelle unique portant la mention « talent - porteur de projet ». L'article 31 crée un nouveau titre de séjour relevant de ce dispositif : il s'agit de la carte pluriannuelle portant la mention « talent - professions médicales et de la pharmacie », à destination des étrangers exerçant la profession de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien.
L'article 34 institue une amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers qui ne détiennent pas un titre les autorisant à travailler, sans préjudice des éventuelles sanctions pénales.
(3) Les dispositions visant à faciliter l'éloignement de certaines catégories d'étrangers
L'article 35 assouplit le régime de protection contre la mesure administrative d'expulsion et la peine d'interdiction du territoire français (ITF). S'agissant de cette dernière, il renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des modalités selon lesquelles est constatée la date à laquelle le condamné a quitté le territoire français, à compter de laquelle court la durée à l'expiration de laquelle la peine d'ITF perd ses effets.
L'article 36 subordonne la libération sous contrainte d'un étranger incarcéré à l'exécution de la mesure administrative ou judiciaire d'éloignement, lorsqu'il a fait l'objet d'une de ces mesures.
L'article 37 supprime les protections contre la mesure d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour certaines catégories d'étrangers, en prévoyant toutefois un examen de la situation de l'étranger et de ses liens avec la France avant l'édiction d'une OQTF.
L'article 39 prévoit la création d'un fichier relatif aux mineurs isolés impliqués dans des infractions à la loi pénale.
L'article 40 interdit le placement en rétention administrative d'un mineur et intègre le motif d'ordre public pour la prolongation de la rétention administrative au-delà de soixante jours.
L'article 41 crée un régime d'assignation à résidence ou de placement en rétention du demandeur d'asile qui présente une menace à l'ordre public ou un risque de fuite, en renvoyant à un décret en Conseil d'État la détermination de ses modalités d'application, et notamment les modalités de la prise en compte de la vulnérabilité de la personne concernée.
L'article 42 porte d'un à trois ans le report de l'éloignement en cas de risque de violation du principe de non-refoulement.
L'article 43 réduit de sept à deux jours le délai entre deux placements en rétention administrative.
L'article 44 exclut la conclusion d'un contrat jeune majeur, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, par l'étranger faisant l'objet d'une OQTF.
L'article 46 institue un contrat d'engagement au respect des principes de la République, dont le respect subordonne la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour ; sa méconnaissance peut entraîner le retrait de ce titre. Il précise également la manière dont est appréciée la condition de résidence en France de manière habituelle.
L'article 47 permet des restrictions à la délivrance de visas pour les ressortissants d'États coopérant insuffisamment en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires.
L'article 49 étend à 135 jours, contre 90, la durée de l'assignation à résidence des étrangers et prévoit que les frais sont à la charge de la personne concernée.
L'article 51 étend les cas de placement en rétention des étrangers « dublinés », c'est-à-dire devant faire l'objet d'une décision de transfert vers un autre État de l'Union européenne.
L'article 52 renforce les sanctions pénales en cas de non-respect de l'assignation à résidence.
L'article 53 criminalise la facilitation en bande organisée de l'entrée et du séjour d'étrangers en situation irrégulière.
L'article 54 aggrave les peines encourues pour les délits en matière d'habitat indigne lorsque les faits sont commis alors que l'occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière.
L'article 55 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d'une durée d'un an pour l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs de l'infraction de soumission à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
L'article 56 étend l'obligation de contrôle documentaire des transporteurs à l'autorisation de voyage prévue par le règlement (UE) 2018/1240 du 12 septembre 2018 et prévoit la sanction administrative de la méconnaissance de cette obligation.
L'article 57 étend aux données des membres d'équipage des transports internationaux aériens, maritimes et ferroviaires le champ du dispositif de traitement des données de voyage API-PNR, qui a été pérennisé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
L'article 59, relatif à la visite sommaire aux fins de vérification des pièces et documents autorisant à circuler ou séjourner en France, permet désormais aux officiers de police judiciaire de procéder à une telle visite sommaire des voitures particulières et étend les zones dans lesquelles ces visites peuvent être effectuées. Il permet également de procéder à une telle visite sommaire de tout navire ou de tout autre engin flottant dans les eaux intérieures, dans la mer territoriale et dans la zone contiguë.
L'article 60 modifie le régime des interdictions de retour sur le territoire français, étendant leur durée maximale à cinq ans, voire à dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public.
L'article 61 interdit, sauf exception tirée de circonstances humanitaires, la délivrance de visas à l'étranger ayant fait l'objet d'une OQTF depuis moins de cinq ans et n'ayant pas quitté le territoire français dans le délai indiqué.
(4) Les dispositions relatives à l'asile
Le titre VI de la loi vise à réformer le système de l'asile.
À cet effet, et afin de simplifier le parcours administratif des demandeurs d'asile, l'article 62 permet la création de pôles territoriaux « France asile » ayant notamment pour objet de se substituer aux structures de premier accueil du demandeur d'asile (Spada) et aux guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (Guda).
L'article 63 prévoit la clôture obligatoire de l'examen de la demande d'asile lorsque le demandeur retire sa demande et permet à l'Ofpra de clore cet examen lorsque le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu d'hébergement qui lui a été proposé.
L'article 64 prévoit que le rejet de la demande d'asile s'accompagne de la prise d'une OQTF, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, à l'exception des cas où l'autorité administrative envisage d'admettre l'étranger au séjour pour un autre motif.
L'article 66 rend obligatoire et non plus facultative, lorsque les conditions sont réunies, le refus ou la suspension des conditions matérielles d'accueil par l'Ofii, sous réserve de l'examen de la vulnérabilité du demandeur auquel l'office doit procéder et dans le respect des prescriptions de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.
L'article 70 revoit l'organisation de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), en procédant notamment à la création de chambres territoriales, et généralise la formation à juge unique.
L'article 71 permet au président de la formation de jugement de la CNDA de suspendre l'audience se déroulant en visioconférence en raison de la qualité insuffisante de la retransmission.
(5) Les dispositions relatives au contentieux des étrangers
L'article 72 réforme le contentieux administratif des étrangers, afin de réduire le nombre de procédures contentieuses et de simplifier et d'harmoniser le régime des délais de recours et de jugement pour les différentes décisions administratives. Il unifie également le traitement des contentieux du séjour et de l'éloignement, en prévoyant la possibilité pour le juge unique, statuant sur la mesure d'éloignement, de se prononcer également sur le refus de séjour qui l'accompagne.
Il revoit les règles de procédure, en prévoyant notamment que lorsque l'étranger est placé ou maintenu en rétention administrative ou en zone d'attente, l'audience se tient en principe dans une salle spécialement aménagée à cet effet à proximité immédiate du lieu de rétention ou de la zone d'attente, tout en laissant la possibilité au magistrat de recourir à la visioconférence ; ce n'est que par exception, en cas d'indisponibilité d'une telle salle d'audience, que l'audience se déroule au tribunal administratif.
En conséquence, les articles 73 et 74 procèdent à des coordinations légistiques dans le code de justice administrative et dans la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
L'article 75 procède à des aménagements ponctuels de la procédure contentieuse administrative en droit des étrangers.
L'article 76 prévoit une comparution par principe à distance de l'étranger retenu ou maintenu en zone d'attente devant le juge des libertés et de la détention.
L'article 77 étend les possibilités d'allonger de 24 à 48 heures le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention pour statuer sur les requêtes aux fins de maintien en zone d'attente en cas de placement simultané d'un nombre important d'étrangers.
L'article 78 prévoit que seules les nullités substantielles portant atteinte aux droits des étrangers sont prises en compte par le juge des libertés et de la détention. Enfin, l'article 79 prévoit que l'appel contre une décision mettant fin à la rétention est suspensif lorsque l'intéressé a été condamné à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou s'il fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
(6) Les dispositions diverses
Le titre VIII comprend enfin des dispositions relatives à l'application de la loi aux collectivités d'outre-mer (articles 80 et 81), deux dispositions prévoyant des remises de rapports au Parlement (articles 84 et 85) ainsi qu'un dernier article prévoyant l'entrée en vigueur différée de certains dispositifs (article 86)
b) Une loi applicable dans sa grande majorité
Seuls 25 articles des 55 articles de la loi nécessitaient des mesures réglementaires d'application. Près de 92 % d'entre elles ont effectivement été prises dans des délais tout à fait satisfaisants. Dans le détail, les normes réglementaires suivantes ont été publiées par l'exécutif :
· le périmètre géographique de l'expérimentation de l'instruction « à 360° » des demandes de titres de séjour prévue à l'article 14 a été déterminé par deux arrêtés du 13 mai et du 6 octobre 2024. Concrètement, six départements expérimentateurs ont été désignés : le Calvados, l'Eure, la Manche, l'Orne, la Seine-Maritime ainsi que La Réunion (à compter du 4 novembre 2024 pour cette dernière) ;
· l'article 23 a fait l'objet de deux décrets d'application. D'une part, le décret n° 2024-1243 du 30 décembre 2024 fixe à quatre-vingt heures la durée maximale des actions permettant la poursuite du parcours de formation linguistique par les salariés allophones prévue par l'article. En l'absence d'accord avec l'employeur, la durée d'absence autorisée sur le temps de travail ne peut quant à elle être supérieure à dix pour cent de la durée hebdomadaire de travail prévue par le contrat. D'autre part, le décret n° 2024-1245 du 30 décembre 2024 prévoit que les actions de formation linguistiques offertes par les employeurs visent à atteindre un niveau minimal de connaissance fixé au moins au niveau A2 du cadre européen commun de référence. S'agissant du cas spécifique des étrangers employés par un ou plusieurs particuliers employeurs, il est par ailleurs prévu que ledit départ en formation soit organisé par celui des particuliers qui en est à l'initiative ou, sous réserve de son acceptation, par l'employeur choisi par le salarié, en lien avec le ou les autres employeurs. Le cas échéant, l'autorisation d'absence ne peut alors excéder une durée de dix heures. Enfin, les périodes d'absence doivent être notifiées à l'employeur 30 jours avant le suivi de la formation lorsque le salarié mobilise son compte personnel de formation ;
· les conditions réglementaires d'application du nouveau dispositif d'amende administrative prévue à l'article 34 ont été fixées par le décret n° 2024-814 du 9 juillet 2024 relatif à l'amende administrative sanctionnant l'emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler et modifiant les conditions de délivrance des autorisations de travail. Ce dispositif vient se substituer aux contributions spéciales et forfaitaires relevant auparavant de la compétence de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
· s'agissant de l'application de l'article 35, le décret n° 2024-1230 du 30 décembre 2024 a fixé le point de départ de la durée d'interdiction du territoire français mentionnée dans une condamnation à la date à laquelle l'étranger est effectivement sorti pour la première fois du territoire français en exécution de cette décision ou à la date à laquelle la condamnation est devenue exécutoire si l'étranger n'était pas, à cette date, présent sur le territoire ;
· les modalités réglementaires d'application du nouveau régime d'assignation à résidence ou de placement en rétention des demandeurs d'asile qui présentent un risque de fuite ou une menace à l'ordre public créé à l'article 41 ont été fixées par le décret n° 2024-813 du 8 juillet 2024. Celui-ci insère un nouveau chapitre au sein du titre II du livre V du Ceseda afin, notamment, de prévoir les modalités contentieuses de ce nouveau régime ainsi que de prise en compte de la vulnérabilité et des besoins particuliers des intéressés ;
· l'article 46 prévoit que l'étranger sollicitant un document de séjour s'engage, par la signature d'un nouveau contrat, au respect des principes de la République. Les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau dispositif ont été précisées par le décret n° 2024-811 du 8 juillet 2024. Le texte dudit contrat figure en annexe du décret et détaille les sept engagements énumérés au nouvel article L. 412-7 du Ceseda : le respect de la liberté personnelle, de la liberté d'expression et de conscience, de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la dignité de la personne humaine, de la devise et des symboles de la République, de l'intégrité territoriale de la France ainsi que du principe de laïcité ;
· publié en application de l'article 64, le décret n° 2024-812 du 8 juillet 2024 prévoit qu'une obligation de quitter le territoire français doit être édictée à l'encontre d'un demandeur d'asile dans un délai de quinze jours suivant l'information de l'autorité préfectorale de l'expiration de son droit au maintien sur le territoire, sous réserve de la délivrance d'un titre de séjour ;
· le décret n° 2024-800 du 8 juillet 2024 pris en application de l'article 70 a enfin déterminé les contours de la nouvelle organisation territoriale de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il fixe notamment les ressorts des cinq nouvelles chambres territoriales créées à Bordeaux, Lyon, Nancy et Toulouse. Il précise par ailleurs les modalités pratiques de mise en oeuvre de l'extension de la compétence du juge unique au sein de la juridiction de l'asile.
En revanche, certains articles sont encore en attente de mesures réglementaires d'application. Le principal est l'article 20, qui subordonne la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la réussite de nouveaux examens linguistiques et civiques. Le seuil de réussite à ces examens ainsi que la date d'entrée en vigueur du dispositif sont renvoyés au pouvoir réglementaire, cette dernière date ne pouvant aller au-delà du 1er janvier 2026. De fait, cette réforme matérialisera un basculement ambitieux d'une logique de moyens vers une logique de résultats plus conforme aux exigences républicaines en matière d'intégration. Elle suppose en conséquence un travail préparatoire d'ampleur, tant au niveau réglementaire que s'agissant de la mise en place de l'organisation humaine et matérielle nécessaire à l'organisation de ces examens linguistiques et civiques.
Par ailleurs, des mesures réglementaires d'application sont toujours en attente s'agissant notamment de cinq autres articles. Il s'agit de l'article 30 relatif à la fusion de titres « talents », de l'article 31 modifiant le régime d'exercice et d'accueil des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (Padhue), de l'article 57 étendant le périmètre de collecte des données de voyage à celles relatives aux équipages et gens de mer en vue, de l'article 59 permettant l'inspection visuelle des véhicules particuliers par les officiers de police judiciaire en zone frontalière ainsi que de l'article 76 faisant de la comparution à distance le principe s'agissant des étrangers retenus ou maintenus en zone d'attente.
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La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est donc partiellement applicable.
7. Loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants
Adoptée à l'initiative du député Bruno Studer et des membres du groupe Renaissance et apparentés, la loi du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants a modifié les règles édictées par le code civil en matière d'autorité parentale, afin de mieux encadrer la pratique, alors en croissance, de partage par les parents d'images ou de vidéos concernant leurs enfants sur les réseaux sociaux.
Pour ce faire, l'article 1er de la loi a introduit, à l'article 371-1 du code civil, la protection de la vie privée de l'enfant parmi les obligations qui incombent aux parents au titre de l'autorité parentale, aux côtés de la sécurité, la santé et la moralité. Précisant la portée de cette protection. L'article 2 dispose que « le droit à l'image » de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents et qu'ils doivent y associer l'enfant selon son âge et son degré de maturité. En cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image de l'enfant, l'article 3 confie explicitement au juge aux affaires familiales la faculté d'interdire à l'un des parents de diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent - bien que cette mesure pût déjà être prononcée en l'état antérieur du droit.
Dans une perspective similaire, l'article 4 a modifié l'article 377 du code civil, relatif à la délégation de l'autorité parentale, pour permettre à un particulier, à l'établissement ou au service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou à un membre de la famille de saisir le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir une délégation forcée de l'exercice du droit à l'image de l'enfant « lorsque la diffusion de l'image de l'enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de celui-ci ».
Enfin, l'article 5 étend les compétences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) en lui permettant de saisir, par la voie du référé, les juridictions compétentes pour demander le blocage d'un site Internet en cas de non-exécution ou d'absence de réponse à une demande d'effacement des données à caractère personnel d'un mineur.
Cette loi, en vigueur depuis le 21 février 2024, est d'application directe et n'a donc pas nécessité la publication de décrets. Elle a toutefois donné lieu à la publication en mai 2024, par le ministère de la justice, d'une circulaire290(*) qui en précise la portée. Outre la présentation des mesures contenues dans la loi, trois points peuvent être relevés.
En premier lieu, la circulaire indique que la protection du droit à l'image de l'enfant ne se limite pas aux agissements des parents, mais qu'elle impose également à chaque parent de contrôler les agissements de l'enfant lorsque celui-ci est à l'origine de la diffusion de sa propre image. Ce contrôle prend la forme d'un devoir de surveillance qui varie d'intensité selon l'âge et le degré de maturité du mineur. L'enfant est ainsi associé aux décisions relatives à la diffusion de son image, en fonction de sa capacité de discernement.
En deuxième lieu, concernant la saisine du juge aux affaires familiales en cas de désaccord entre les parents, la circulaire rappelle en outre que cette saisine s'effectuant selon les modalités de droit commun, elle n'est pas limitée aux seuls parents mais est également ouverte au ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers.
Enfin, la circulaire précise que la délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale prévue à l'article 4 est bien une délégation partielle qui est limitée à l'exercice du seul droit à l'image de l'enfant : les parents continuent donc d'exercer les autres attributs de l'exercice de l'autorité parentale.
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La loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants est d'application directe.
8. Loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse
Adoptée par le Congrès, la loi constitutionnelle du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse a procédé à l'inscription de cette liberté dans la Constitution.
Cette loi constitutionnelle s'inscrit dans une séquence parlementaire marquée par la décision de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin 2022, qui a procédé à un revirement de jurisprudence quant à la garantie constitutionnelle de ce droit au niveau fédéral.
Une proposition de loi constitutionnelle avait précédemment été examinée par le Parlement en première lecture, sans être adoptée « en termes identiques » par les deux chambres comme le prescrit l'article 89 de la Constitution. L'Assemblée nationale avait ainsi adopté le 24 novembre 2022 une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse. Cette dernière complétait le titre VIII de la Constitution d'un article 66-2, qui disposait que « la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse ». Le Sénat avait réécrit le dispositif de cette proposition de loi constitutionnelle en séance291(*), pour insérer à l'article 34 de la Constitution un dix-huitième alinéa en vertu duquel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».
Le président de la République a donc, sur proposition de la Première ministre, retenu une rédaction qui constitue, selon l'exposé des motifs de ce texte, « un juste équilibre entre les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale ».
L'article unique de la loi constitutionnelle insère ainsi après le dix-septième alinéa de l'article 34 de la Constitution un alinéa qui dispose que « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. ».
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La loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, adoptée par le Congrès le 4 mars 2024 et entrée en vigueur le 10 mars de la même année, est d'application directe.
9. Loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales
La loi du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, adoptée à l'initiative de la députée Isabelle Santiago et des membres du groupe socialiste, modifie les règles applicables en matière de retrait de l'autorité parentale ou de délégation de l'exercice de cette autorité, en étendant, notamment, les cas dans lesquels le juge peut prononcer de telles mesures, en particulier lorsque le parent s'est rendu coupable de crime ou délit à caractère sexuel à l'encontre de son enfant ou de son conjoint. La loi comporte neuf articles, les principales mesures découlant des articles 1er à 3.
Ainsi, l'article 1er instaure une suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement de tout parent poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d'instruction soit pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, soit - et cela constitue une nouveauté - pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de son enfant. Cette suspension de plein droit, qui n'était auparavant valable que pour une durée de six mois, est désormais applicable jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, le cas échéant saisi par le parent poursuivi, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision de la juridiction pénale.
Suivant une logique analogue, l'article 2 rend plus systématique le retrait de l'autorité parentale une fois que le parent a été définitivement condamné comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent. Alors qu'il ne s'agissait auparavant que d'une faculté ouverte au juge, le principe est désormais celui d'ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de son exercice, sauf décision contraire spécialement motivée. Similairement, l'article 8 renverse le principe applicable pour certaines mesures prévues dans le cadre d'un contrôle judiciaire, en disposant que « la décision [du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention] de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur dont la personne mise en examen est titulaire est spécialement motivée ».
En outre, l'article 5 prévoit que, lorsque le juge pénal a prononcé un retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement pour les crimes ou délits susmentionnés, aucune demande de restitution de cet exercice ne peut être adressée au juge aux affaires familiales dans un délai de six mois après que ce jugement est devenu irrévocable.
L'article 3 de la loi étend, sur le modèle des modifications apportées par l'article 1er, les cas dans lesquels le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de sa famille peut saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale. Si le code civil ouvrait déjà cette délégation forcée lorsque l'un des parents est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l'autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci, l'exercice de l'autorité parentale peut désormais être également délégué « si un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant alors qu'il est le seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale ».
Outre ces trois mesures principales, la loi du 18 mars 2024 a précisé, en son article 6, que l'obligation reposant sur chaque parent d'informer l'autre parent de tout changement de résidence ayant des conséquences sur l'exercice de l'autorité parentale ne s'applique pas au parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection l'autorisant à dissimuler son domicile ou sa résidence.
L'article 7 procède à diverses mesures de coordination entre le code pénal et le code civil relatives au retrait de l'autorité parentale ou de son exercice et unifie les dispositions pénales spécifiques préexistantes en posant le principe général selon lequel les juridictions de jugement se prononcent sur l'autorité parentale à chaque fois qu'un parent est condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime sur l'autre parent.
Enfin, l'article 9 est une demande de rapport au Gouvernement sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales ou intrafamiliales et sur les modalités de l'accompagnement parental.
Cette loi, en vigueur depuis le 20 mars 2024, est d'application directe et n'a donc pas nécessité la publication de décrets. Elle a toutefois donné lieu à l'établissement, par le ministère de la justice, d'une circulaire292(*) publiée en août 2024 qui en précise la portée. Outre la présentation des mesures contenues dans la loi, il peut être relevé que le ministère de la justice « recommande », avec un modèle en annexe, aux procureurs de la République et aux juges d'instruction « d'aviser » le parent non poursuivi que la décision de poursuite ou de mise en examen a pour effet de suspendre automatiquement l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi lorsqu'il s'agit, conformément à l'article 1er, d'une suspicion soit d'un crime commis sur la personne de l'autre parent soit d'une agression sexuelle incestueuse ou d'un crime commis sur la personne de son enfant. De même, le ministère recommande « d'informer » le parent poursuivi ou mis en examen que l'exercice de son autorité parentale et ses droits de visite et d'hébergement sont suspendus.
En revanche, le rapport demandé au Gouvernement à l'article 9 n'a pas été transmis au Parlement, bien que le délai d'un an soit dépassé.
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La loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales est d'application directe.
10. Loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux
Issue d'une proposition de loi déposée le 26 mai 2023 par les sénateurs François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud et plusieurs de leurs collègues293(*), à la suite de l'incendie volontaire du domicile de Yannick Morez, ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins, la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux prévoit plusieurs mesures visant à améliorer la protection des élus locaux.
Elle a été adoptée en lecture définitive par le Sénat le 14 mars 2024, après qu'un accord a été trouvé en commission mixte paritaire.
Sur les 19 articles que compte cette loi :
· 15 sont d'application directe ;
· 2 prévoient une mesure d'application réglementaire ;
· 2 prévoient la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement.
Au 31 mars 2025, aucune mesure d'application réglementaire n'avait été prise et un seul des deux rapports avait été remis par le Gouvernement au Parlement.
a) Les principales dispositions de la loi
(1) Les dispositions visant à consolider l'arsenal répressif en cas de violences commises à l'encontre des élus
L'article 1er aggrave les peines encourues pour des faits de violences commises à l'encontre des élus et des anciens élus, en les alignant sur les peines prévues en cas de violences contre certaines personnes dépositaires de l'autorité publique.
L'article 2 aggrave les peines encourues en cas d'atteinte dangereuse aux biens appartenant ou utilisés par les élus, en les portant à vingt ans de réclusion criminelle et 150 000 € d'amende.
L'article 3 introduit une peine de travail d'intérêt général en cas d'injure, d'outrage ou de diffamation contre des élus et crée une circonstance aggravante en cas de harcèlement moral contre le titulaire d'un mandat électif.
L'article 4 crée une circonstance aggravante en cas d'atteinte à la vie privée et familiale d'un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale.
(2) Les dispositions visant à améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, d'agressions ou d'injures
L'article 5 rend automatique l'octroi de la protection fonctionnelle pour les maires et leurs adjoints victimes de violences, de menaces ou d'outrages à l'occasion ou du fait de leurs fonctions. Ce dispositif bénéficie aussi aux présidents, vice-présidents et aux élus ayant reçu délégation des conseils départementaux et régionaux.
L'article 10 permet la prise en charge par la commune, au titre de la protection fonctionnelle, de tout ou partie du reste à charge ou des dépassements d'honoraires liés aux soins médicaux ou au suivi psychologique reçus par le bénéficiaire de la protection fonctionnelle.
L'article 11 autorise les titulaires d'un mandat électif ainsi que les candidats à un tel mandat, en cas de refus d'assurance, à saisir le bureau central de tarification pour assurer leurs permanences électorales ou les lieux accueillant des réunions électorales.
L'article 12 élargit, d'une part, le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats aux élections locales et législatives ayant déposé leur candidature auprès du représentant de l'État et ayant pris part, au moins, au premier tour de l'élection. D'autre part, il permet la prise en charge par l'État des frais de sécurisation engagés par les candidats.
(3) Les dispositions renforçant le rôle des acteurs judiciaires et étatiques
L'article 13 autorise le dépaysement d'office, dans la juridiction la plus proche, des affaires dans lesquelles un maire ou un adjoint au maire est mis en cause comme auteur.
Pour renforcer l'information du maire, l'article 14 prévoit une information systématique par le procureur, dans un délai d'un mois, des suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire de la commune. Il ouvre également la possibilité de signer des conventions entre les associations d'élus, le représentant de l'État et le procureur, pour mettre en place un protocole d'information des maires sur le traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des élus.
b) Des mesures d'application réglementaires et un rapport du Gouvernement au Parlement encore en attente
(1) Les mesures d'application réglementaire en attente
Deux articles de la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux prévoient une mesure d'application réglementaire.
Ainsi, l'article 11, entré en vigueur le 21 mars 2025, prévoit la publication d'un décret en Conseil d'État précisant ses modalités d'application, et notamment les critères permettant de définir les modalités de saisine du bureau central de tarification par les candidats à un mandat électif public, en fonction de chaque scrutin.
De plus, l'article 12, relatif à la protection des candidats et entré en vigueur le 21 mars 2025, prévoit la publication d'un décret en Conseil d'État précisant ses modalités d'application, et notamment :
· les critères permettant de définir différents niveaux de menace dans le cadre d'un référentiel national ;
· le plafond de prise en charge des dépenses de sécurisation engagées par les candidats, en fonction du niveau de menace pesant sur le candidat, évalué par le représentant de l'État dans le département, en fonction de chaque scrutin ;
· les modalités de transmission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de l'identité du candidat menacé et du niveau de menace caractérisé par le représentant de l'État dans le département.
Aucun de ces deux décrets en Conseil d'État n'a pour l'heure été publié, alors que l'échéancier du Gouvernement prévoyait la publication de ceux-ci respectivement avant le 1er janvier 2025 et au cours du mois de mars 2025, laissant par conséquent les dispositifs créés par le législateur inapplicables.
(2) Le rapport du Gouvernement au Parlement en attente
Deux articles de la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux prévoient par ailleurs la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement :
· l'article 18 prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport sur l'opportunité de l'élargissement de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux et leur famille ;
· l'article 19 prévoit la remise au Parlement, par le Gouvernement, d'un rapport recensant les actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et dressant le bilan des suites données aux plaintes déposées par les élus pour les faits de violences dont ils sont victimes.
Sur ces deux rapports, seul le rapport prévu par l'article 19, qui devait être publié initialement avant le 21 juin 2024, a été remis au Parlement, le 3 janvier 2025.
Le rapport prévu par l'article 18, qui devait être remis avant le 21 juin 2024, n'a toujours pas été publié.
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La loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux est partiellement applicable.
11. Loi n° 2024-250 du 22 mars 2024 visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé
La loi du 21 février 2022 dite « 3DS » relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale prévoit d'expérimenter, pendant huit ans, la mise à disposition de portions d'autoroutes et de routes nationales non concédées aux régions volontaires. Cette mise a` disposition implique un transfert de la gestion de ces portions d'autoroutes ou de routes aux régions, mais pas de leur propriété, qui reste à l'État.
Trois régions s'étaient portées volontaires pour l'expérimentation : les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie. Cette dernière a toutefois renoncé à l'expérimentation en janvier 2025 pour des raisons financières. Une décision du ministre des transports du 4 janvier 2023 a fixé la liste des autoroutes et routes qui sont mises à disposition de ces régions, représentant 1 638 km. Chaque conseil régional ayant signé une convention avec l'État est compétent pour aménager, entretenir et exploiter les autoroutes et routes mises à la disposition de la région et dispose pour ce faire des agents de l'État qui participent à ces missions [services des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et des directions interdépartementales des routes (DIR)].
La proposition de loi, qui comprend un article unique, lève un obstacle technique à la mise en oeuvre effective de cette expérimentation. Modifiant l'article 40 de la loi 3DS, elle permet aux exécutifs régionaux (président du conseil régional et éventuellement les élus à qui il a délégué son pouvoir) de donner délégation de signature aux agents de l'État en charge des services routiers mis à leur disposition. Elle allonge par ailleurs le délai fixé pour la signature de la convention État-région, en portant le délai de huit à seize mois. Les deux conventions État-région prévues ont été conclues.
L'entrée en vigueur de la mise à disposition a été fixée au 1er janvier 2025.
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La loi n° 2024-250 du 22 mars 2024 visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé est d'application directe.
12. Loi n°2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie
Adoptée à l'initiative des députés Aurore Bergé, Laurent Marcangeli et des membres des groupes Renaissance et Horizons, la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie vise à adapter le droit national à l'évolution démographique du pays. Si les dispositions du texte ont pour l'essentiel été examinées par la commission des affaires sociales, trois articles de la loi votée relevaient de la commission des lois.
L'article 15 de la loi a défini les missions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs au sein de l'article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles, pour favoriser la reconnaissance de cette profession de création récente, sur laquelle reposent plus de 70 % des mesures de curatelle et de tutelle. Cet article prévoit deux dispositions réglementaires d'application. La première consiste en une charte nationale définissant les principes éthiques et déontologiques de la profession, qui doit encore être publiée par arrêté du ministre chargé des affaires sociales. La seconde concerne la formation continue que doivent suivre les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, dont les modalités doivent être déterminées par un décret qu'il reste à adopter ; le secrétariat général du Gouvernement envisage une publication en avril 2025.
L'article 16 de la loi étend aux professionnels des entités du secteur social et médico-social les interdictions d'exercice en cas de condamnations judiciaires pour des infractions qui portent sur des atteintes à la personne ou aux biens. Il permet par ailleurs des consultations du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), pour s'assurer de l'absence d'antécédents judiciaires des personnes qui travailleront auprès de majeurs vulnérables. L'application de cet article repose sur trois décrets en Conseil d'État. Le premier, qui détermine les conditions dans lesquelles l'administration à laquelle incombe le contrôle des incapacités peut délivrer une attestation à la personne concernée, a été adopté ; il s'agit du décret n° 2024-643 du 28 juin 2024294(*). Le deuxième, qui doit établir la liste des activités et professions pour lesquelles les préfets et administrations de l'État peuvent accéder au Fijais, n'a pas encore été adopté ; le secrétariat général du Gouvernement envisageait d'y procéder en octobre 2024. Enfin, le troisième, qui doit désigner les administrations de l'État qui pourront transmettre des informations issues du Fijais aux exécutifs locaux concernant les professionnels en rapport avec des personnes âgées ou handicapées, n'a pas été adopté non plus.
L'article 18 de la loi instaure un registre national dématérialisé de toutes les mesures de protection (mesures de sauvegarde de justice, de curatelle, de tutelle, d'habilitation familiale ; mandats de protection future et désignations anticipées ayant pris effet), dont les modalités doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État non encore adopté. Le secrétariat général du Gouvernement envisage une publication de ce décret en décembre 2026, soit au terme du délai prévu par l'article, qui dispose que cette disposition « entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 31 décembre 2026 ».
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Les articles 15, 16 et 18 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie, en vigueur depuis le 10 avril 2024, sont donc partiellement applicables.
13. Loi n° 2024-345 du 15 avril 2024 ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française
Adoptée conforme par les deux assemblées, la loi n° 2024-345 du 15 avril 2024 ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française vise à mettre en cohérence les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) applicables en Polynésie française avec les évolutions issues de la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française.
Son article unique ratifie l'ordonnance du 24 mai 2023 précitée, prise en application de l'habilitation permanente prévue à l'article 74-1 de la Constitution. L'article 1er de ladite ordonnance modifie l'article L. 5611-1 du CG3P afin d'étendre l'application de plein droit des dispositions du code, jusque-là limitée au seul domaine public de l'État, à son domaine privé ainsi qu'aux domaines public et privé de ses établissements publics.
Avant 2019, le statut d'autonomie de la Polynésie française, tel qu'issu de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, ne reconnaissait à l'État qu'une compétence normative circonscrite à son domaine public. Le domaine privé de l'État demeurait exclu de ce champ et, par conséquent, du régime de l'applicabilité de plein droit.
La loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 précitée a expressément élargi la compétence de l'État en matière domaniale, en y incluant son domaine privé ainsi que les domaines public et privé de ses établissements publics. De manière subséquente, l'application de plein droit du CG3P a été étendue à l'ensemble des dispositions relatives à ces domaines, justifiant en conséquence une adaptation du livre VI de la cinquième partie du code, consacré à la Polynésie française.
En corollaire du changement de régime d'applicabilité, les articles 2, 3 et 4 de l'ordonnance ratifiée procèdent à l'adaptation des règles de droit commun en matière d'acquisition, de gestion et de cession des biens du domaine de l'État, afin de tenir compte des spécificités administratives et juridiques de la Polynésie française.
Plus particulièrement, l'article 4 codifie à l'article L. 5641-4 du CG3P un dispositif, initialement issu du III de l'article 169 de la loi de finances pour 2011, permettant l'aliénation de terrains relevant du domaine privé de l'État à un prix inférieur à leur valeur vénale. Ce dispositif est justifié par la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux ou d'équipements collectifs.
La mise en oeuvre de cette disposition est toutefois subordonnée à l'adoption d'un décret en Conseil d'État fixant ses modalités d'application.
Un décret en Conseil d'État avait bien été pris le 29 décembre 2011295(*) sur le fondement du III de l'article 169 de la loi de finances pour 2011. Toutefois, l'article 5 de l'ordonnance ratifiée abroge précisément cette disposition législative, rendant de ce fait le décret d'application obsolète. En conséquence, l'article L. 5641-4 du CG3P ne peut être considéré comme applicable en l'état, faute de décret actualisé pris sur le fondement de sa nouvelle base légale.
Depuis le 26 mai 2023, cette procédure d'aliénation repose donc sur une base réglementaire caduque, induisant une insécurité juridique quant à la validité des actes pris sur son fondement. La publication rapide du nouveau décret d'application, prévu expressément par l'article L. 5641-4 du CG3P, est dès lors attendue.
En conséquence, à la date du 1er avril 2025, l'ordonnance ratifiée ne peut être considérée comme pleinement applicable, du fait d'un jeu de renvois juridiques devenu inopérant.
Toutefois, la mesure réglementaire attendue, relevant de l'ordonnance et non de la loi elle-même, n'est pas destinée à être prise en compte dans le suivi statistique de l'application de la loi de ratification. Cette dernière, composée d'un article unique sans disposition d'application, est dès lors considérée, du seul point de vue quantitatif, comme directement applicable.
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La loi n° 2024-345 du 15 avril 2024 ratifiant l'ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française est d'application directe.
14. Loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels
Adoptée à l'initiative de la députée Nicole Le Peih et des membres du groupe Renaissance et apparentés, la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels a instauré, au sein du code civil, un régime de responsabilité civile extracontractuelle sans faute pour troubles anormaux du voisinage, qui avait auparavant pour principal fondement juridique la jurisprudence judiciaire296(*).
Ainsi, codifiant dans un nouvel article 1253 du code civil la jurisprudence de la Cour de cassation, l'article unique de la proposition de loi rend responsable de plein droit tout propriétaire, locataire, occupant sans titre d'un fonds ou maître d'ouvrage des dommages résultant d'un « trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage » dont il serait à l'origine.
L'article unique aménage parallèlement les causes exonératoires de responsabilité, autrefois régies par l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation qui prévoyait que les dommages causés aux occupants d'un bâtiment n'entraînent pas de droit à réparation dès lors que l'activité en cause était exercée antérieurement au titre ouvrant des droits réels au demandeur sur son fonds, qu'elle s'exerçait conformément aux lois et règlements en vigueur et qu'elle s'était poursuivie « dans les mêmes conditions ».
Dans un souci de lisibilité du droit, la loi du 15 avril 2024 a abrogé cet article en inscrivant l'exception d'antériorité dans le code civil, qui prévoit désormais une exonération de responsabilité de portée large, applicable à toute activité préexistant à l'installation de la personne lésée par le trouble anormal dès lors que cette activité s'est exercée conformément aux lois et règlements et s'est poursuivie « dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal ». Une disposition spécifique aux activités agricoles a en outre été inscrite au sein du code du rural et de la pêche maritime afin de préciser que, outre l'exception d'antériorité, les exploitants agricoles ne sont pas tenus responsables des troubles anormaux du voisinage résultant d'une modification des conditions d'exercice de leur profession rendue nécessaire par la mise aux normes de leur activité ou qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal.
Cette loi, en vigueur depuis le 17 avril 2024, est d'application directe. Elle n'a pas donné lieu à la rédaction, par le ministère de la justice, d'une circulaire en précisant la portée.
Toutefois, la Cour de cassation, sans faire explicitement référence au nouvel article 1253 du code civil, qui est postérieur au cas d'espèce, a explicité dans un arrêt du 14 novembre 2024297(*) l'application des règles de prescription pour les troubles anormaux du voisinage. Complétant indirectement le dispositif adopté par le législateur en avril 2024, la Cour a en effet jugé que « la prescription quinquennale à laquelle est soumise l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage court à compter de la première manifestation des troubles, leur seule répétition sur une longue période ne faisant pas courir un nouveau délai de prescription ».
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La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels est d'application directe.
15. Loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
D'origine gouvernementale, la loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie a été adoptée par le Sénat le 27 février 2024, puis adoptée définitivement, dans les mêmes termes, par l'Assemblée nationale le 18 mars 2024.
Par dérogation aux dispositions du statut de la Nouvelle-Calédonie298(*), cette loi a procédé au report des élections des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, qui devaient initialement se tenir avant le 12 mai 2024.
Son article unique précise ainsi que les élections provinciales devront se tenir au plus tard le 15 décembre 2024. Pour tenir compte de ce report, l'article indique également que les mandats en cours des membres du Congrès et des assemblées de province seront prorogés jusqu'au jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues.
L'objectif de cette loi était de permettre, avant la tenue des élections :
· la conclusion d'un accord institutionnel relatif à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, entre les acteurs calédoniens et l'État, à la suite de l'organisation, le 12 décembre 2021, de la troisième et dernière consultation prévue par l'accord de Nouméa ;
· la mise en oeuvre d'une réforme du corps électoral spécial en vue des prochaines élections provinciales - un projet de loi constitutionnelle visant à modifier la composition du corps électoral pour les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie ayant en effet été adopté en conseil des ministres le 29 janvier 2024.
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La loi organique n° 2024-343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ne nécessitait aucune mesure d'application. Elle est d'application directe.
16. Loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes
Présentée par le Gouvernement après les premières « assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires », les 9 et 10 mars 2023, la loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes a été adoptée après lecture définitive à l'Assemblée nationale.
Deux points ont motivé l'opposition du Sénat.
Le premier est la création d'un nouveau délit de provocation à l'abandon de traitements ou de soins médicaux et à l'adoption de pratiques « non conventionnelles » dont la nécessité n'était pas suffisamment établie et qui demeure potentiellement attentatoire aux libertés (article 12 de la loi).
Il sera en effet particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d'établir une provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, de simples précautions dans la formulation de leur discours pouvant en effet prémunir les promoteurs de dérives sectaires, en général particulièrement bien informés de l'état du droit, contre cette infraction. À l'inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial et indépendamment du niveau de connaissance médicale de l'auteur du propos, qu'elle soit suivie d'effets ou non, pourrait être sanctionnée.
Le second est la création d'un délit autonome réprimant le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d'altérer gravement la santé (article 3 de la loi), indépendamment de tout abus éventuel. Ce dispositif est en effet révélateur de deux défauts de conception de ce projet de loi. Il présuppose que, d'une part, les équilibres atteints dans la loi « About Picard » du 12 juin 2001 visant à réprimer les conséquences des abus seraient obsolètes et insuffisants et, d'autre part, que l'ensemble des assujettissements ou des formes d'emprises doivent être traitées de la même manière, au risque de fragiliser les dispositions pénales existantes, notamment en matière de violences conjugales. Le Conseil d'État avait ainsi justement rappelé que le champ des infractions nouvelles proposées par le Gouvernement outrepassait largement celui des dérives sectaires et qu'il convenait en conséquence de modifier l'intitulé même du projet de loi.
Le Sénat avait cependant largement enrichi le texte en :
· consacrant le statut juridique de la Miviludes (article 1er de la loi) ;
· prévoyant la répression accrue des délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques (article 11 de la loi) ;
· prenant en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne court qu'à partir de leur majorité (articles 7 de la loi) ;
· et en renforçant les sanctions applicables au fait de placer un enfant dans une situation d'isolement social (articles 8 et 9 de la loi).
Cette loi, composée pour l'essentiel de mesures de droit pénal d'application directe est partiellement applicable.
En effet, le décret en Conseil d'État permettant à des associations de se porter partie civile en matière de lutte contre les dérives sectaires (article 10 de la loi) n'est pas encore paru à ce jour.
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La loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes est partiellement applicable.
17. Loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille
Adoptée à l'initiative des députés Hubert Ott, Jean-Paul Matteï et des autres membres du groupe Démocrate, la loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille a modifié certaines règles du droit matrimonial, spécialement pour remédier aux difficultés qu'elles pouvaient entraîner en matière d'avantages matrimoniaux - soit des clauses du contrat de mariage qui avantagent l'époux survivant.
Les articles 1er et 2 de la loi ont ainsi créé les articles 1399-1 à 1399-6 du code civil, qui établissent un régime de déchéance du bénéfice des avantages matrimoniaux, inspiré du régime d'indignité successorale. Ces dispositions sont applicables lorsqu'un époux a commis des actes particulièrement répréhensibles à l'égard de son conjoint. Un époux condamné « pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux » est ainsi « déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale [...] qui lui confèrent un avantage », en vertu de l'article 1399-1 nouveau du code civil.
L'article 3 de la loi a complété l'article 265 du code civil, qui traite du sort des avantages matrimoniaux dans le cadre d'un divorce, pour apporter une précision requise par les praticiens et suggérée par la Cour de cassation dans son rapport annuel de 2022. Cet article 265 prévoit désormais explicitement qu'un époux peut consentir au caractère irrévocable des avantages matrimoniaux accordés à son époux dès la convention matrimoniale, et non plus seulement au moment de la dissolution du régime matrimonial.
L'article 4 de la loi modifie l'article L. 247 du livre des procédures fiscales pour permettre à l'administration d'octroyer à un époux ou à un partenaire une décharge gracieuse de sa responsabilité solidaire de paiement d'une dette, au regard du comportement de l'autre époux ou partenaire, ou de sa situation patrimoniale et financière.
Suivant la même logique, l'article 5 de la loi, qui avait été introduit en commission par le Sénat, étend le champ des pénalités dont peuvent être déchargées les victimes d'un époux ayant commis des fraudes à l'égard de l'administration fiscale.
Enfin, l'article 6 de la loi, introduit en séance par le Sénat, permet la restitution à un époux ou à un partenaire des sommes recouvrées par l'administration fiscale une fois accordée la décharge de responsabilité solidaire.
Ces différentes dispositions ne nécessitaient pas l'adoption de mesures réglementaires d'application.
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La loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, en vigueur depuis le 2 juin 2024, est d'application directe.
18. Loi n° 2024-538 du 13 juin 2024 visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Adoptée à l'initiative de Samantha Cazebonne et des membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), la loi n° 2024-538 du 13 juin 2024 visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite « loi Essoc », par laquelle le législateur a autorisé le ministère de l'Europe et des affaires étrangères à déroger au cadre général de traitement des actes d'état civil dont il est dépositaire afin d'expérimenter une démarche de dématérialisation.
Cette expérimentation, qui devait initialement prendre fin le 10 juillet 2022, a été prorogée une première fois par le législateur299(*) jusqu'au 10 juillet 2024. Malgré un bilan positif pour ce qui concerne la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d'acte d'état civil, cette seconde échéance n'a pu être tenue par le ministère des affaires étrangères pour mettre en oeuvre l'expérimentation dans toutes ses composantes.
C'est pourquoi la loi du 13 juin 2023 a prévu deux mesures principales :
· la pérennisation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (article 1er) ;
· la prorogation, jusqu'au 10 juillet 2027, de l'expérimentation de la dématérialisation des trois autres composantes du traitement de l'état civil, à savoir son « établissement », c'est-à-dire la création de l'acte, sa « mise à jour », c'est-à-dire son actualisation à la suite de l'évolution de l'état civil de la personne concernée, par exemple en raison d'un mariage et, enfin, sa « conservation », c'est-à-dire son archivage (article 2).
Afin de réduire la probabilité d'un nouveau retard et de rendre plus transparent l'avancement de l'expérimentation, l'article 2 a également prévu une présentation annuelle, par le Gouvernement, de la mise en oeuvre de ladite expérimentation devant l'Assemblée des Français de l'étranger, suivie d'un débat en sa présence qui pourra donner lieu à un avis de l'Assemblée des Français de l'étranger.
Bien que cette loi, en vigueur depuis le 15 juin 2024, ne prévoie pas explicitement la publication d'un texte réglementaire d'application, elle n'est, à la date du 1er avril 2025 et en raison d'un jeu de renvois au sein du code civil, pas entièrement applicable, du moins du point de vue juridique.
En effet, la pérennisation et l'inscription au sein du code civil de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est accompagnée de l'abrogation de l'article 10 de l'ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 relative à l'expérimentation de la dématérialisation des actes de l'état civil établis par le ministère des affaires étrangères. Or cet article régissait la procédure applicable à cette délivrance dématérialisée (conditions de publicité, autorité compétente pour signer électroniquement la copie de l'acte, etc.). Cet article, de niveau législatif puisque situé dans une ordonnance, a dû être abrogé par la loi du 13 juin 2024 dès lors que l'article 101-1 du code civil, dans lequel a été inscrite la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, prévoit que « le contenu et les conditions de délivrance des copies intégrales et des extraits sont fixés par décret en Conseil d'État ».
Lors des auditions menées par le rapporteur, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la justice se sont tous deux engagés à transmettre au Conseil d'État et à publier ce décret dans les jours suivant la promulgation de la loi. La transmission de ce décret était censée être d'autant plus célère que ce dernier devait reprendre presque in extenso le dispositif de l'article 10 de l'ordonnance du 10 juillet 2019, déjà appliqué sans difficulté majeure par les officiers d'état civil depuis 2019.
Interrogé dans le cadre de la publication du présent rapport sur l'application des lois, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a toutefois indiqué que, près de dix mois après la promulgation de la loi, ce décret n'avait toujours pas été transmis au Conseil d'État, mais qu'une transmission était escomptée pour « les prochains jours ». Cela signifie donc que, depuis le 13 juin 2024, la procédure suivie par les officiers d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères se tient sur le fondement d'un article qui n'est plus en vigueur : une publication rapide du décret d'application est par conséquent fortement attendue.
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La loi n° 2024-538 du 13 juin 2024 visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est partiellement applicable.
19. Loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
Adoptée à l'initiative de la députée Émilie Chandler et des membres du groupe Renaissance et apparentés, la loi du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate a constitué la sixième réforme, depuis sa création en 2010, du dispositif de l'ordonnance de protection, qui permet au juge aux affaires familiales de prononcer des mesures d'urgence à destination de victimes présumées de violences intrafamiliales, dans l'attente d'un jugement définitif.
Cette loi prévoit deux mesures principales, toutes deux résultant de l'article 1er, ayant pour effet d'étendre temporellement la protection des victimes : en amont de la décision judiciaire d'octroi de l'ordonnance de protection, avec la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et en aval avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, passant de six à douze mois.
L'ordonnance provisoire de protection immédiate peut ainsi être demandée au juge aux affaires familiales par le ministère public, avec l'accord de la personne en danger, parallèlement à une demande d'ordonnance de protection. Le juge aux affaires familiales se prononce alors dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine « s'il estime, au vu des seuls éléments joints à la requête, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Le cas échéant, il peut ordonner une partie des mesures prononçables dans le cadre d'une ordonnance de protection, telle qu'une interdiction de contact. Le procureur de la République peut, quant à lui et conformément à l'article 4 de la loi, attribuer à la victime présumée un téléphone « grave danger ». L'ordonnance provisoire de protection immédiate prend fin à compter de la décision statuant sur la demande d'ordonnance de protection, c'est-à-dire à l'issue d'un délai maximal de six jours suivant la saisine du juge.
Outre ces deux mesures principales, la loi du 13 juin 2024 a clarifié, face à des interprétations jurisprudentielles diverses, les conditions d'attribution d'une ordonnance de protection, en précisant, à son article 1er, que la victime présumée peut y prétendre « y compris lorsqu'il n'y a pas de cohabitation ou qu'il n'y a jamais eu de cohabitation ».
Afin d'éviter tout usage détourné de la communication des listes électorales, qui comportent des données à caractère personnel, l'article 2 dispose que l'adresse du ou de la bénéficiaire de l'ordonnance de protection est, sous réserve de son accord et dans certaines conditions, masquée lorsque la demande de communication de la liste électorale provient d'un électeur qui est également l'auteur présumé des violences.
Enfin, pour permettre au procureur de la République d'imposer le port d'un bracelet antirapprochement aux personnes ne respectant pas une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance de protection, l'article 3 de la loi a rehaussé la peine pouvant être encourue en cas de violation d'une telle mesure, la passant à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. En effet, conformément à l'article 138-3 du code de procédure pénale, pour les peines inférieures à trois ans d'emprisonnement, l'accord des deux parties est nécessaire à la mise en place d'un bracelet antirapprochement.
Cette loi, en vigueur depuis le 15 juin 2024, nécessitait la publication de plusieurs décrets d'application.
En premier lieu, l'article 2, qui modifie le code électoral pour éviter que l'adresse d'une personne bénéficiaire ne soit communiquée à l'auteur présumé des violences, prévoit la publication d'un décret pour préciser, notamment, les modalités de transmission des informations entre l'autorité judiciaire et le maire ainsi que le préfet. Au 31 mars 2025, ce décret n'avait toujours pas été publié. Par ailleurs, aucun travail préparatoire ne semble avoir été initié ni par le ministère de la justice, ni par le ministère de l'intérieur.
En second lieu, bien que la loi du 13 juin 2024 ne le mentionne pas explicitement, les modifications apportées au code civil nécessitaient une adaptation du code de procédure civile, en l'absence même de dispositions expresses en ce sens dans la loi. Ces adaptations ont été effectuées par le décret n° 2025-47 du 15 janvier 2025 relatif à l'ordonnance de protection et à l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Ce décret précise au sein du code de procédure civile les modalités de saisine du juge aux affaires familiales par le procureur de la République aux fins d'attribution d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, les modalités de communication de la requête aux fins d'ordonnance de protection au ministère public, ainsi que les modalités de notification de l'ordonnance provisoire de protection immédiate.
Outre ces mesures d'application de l'article 1er de la loi du 13 juin 2024 qui n'appellent pas de commentaire particulier, le décret du 15 janvier 2025 a modifié l'article 1136-6 du code de procédure civile afin que l'audition séparée des parties ne puisse plus avoir lieu à la demande de « l'une des parties » mais désormais seulement à l'initiative de la partie demanderesse. Autrement dit, l'auteur présumé des violences ne peut plus solliciter du juge aux affaires familiales la tenue d'auditions séparées.
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La loi n° 2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate est partiellement applicable.
20. Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
La loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France est issue d'une proposition de loi déposée le 12 mars 2024 par le député Alexandre Holroyd. Elle prévoit une série de mesures en matière de droit financier et de droit des sociétés pour rendre l'environnement juridique français plus favorable au financement des entreprises.
Elle a été adoptée à la suite d'un accord en commission mixte paritaire.
Si la proposition de loi avait été envoyée à la commission des finances, l'examen de huit de ses 29 articles avait été délégué au fond à la commission des lois : les articles 1er, 9, 18 à 21, 25 et 26. L'article 29 de la loi régit, par ailleurs, l'entrée en vigueur de plusieurs de ces dispositions.
Il est à noter que la commission des lois s'était également saisie pour avis de cinq articles : les articles 14 à 17 et 22300(*).
Sur les huit articles relevant de la compétence de la commission des lois, trois sont d'application directe et cinq prévoient au moins une mesure d'application réglementaire (13 au total), parmi lesquels un article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Au 31 mars 2024, 7 mesures d'application ont été publiées, sur les 13 prévues.
a) Les dispositions de la loi examinées au fond par la commission des lois
L'article 1er prévoit, à titre principal, d'autoriser les sociétés à créer des actions à droits de vote multiples (ou « actions de préférence ») lors d'une introduction en bourse. Il s'agit de la mesure la plus importante parmi les dispositions examinées par la commission des lois.
Cette faculté, ouverte dans la plupart des grandes places financières mondiales vise à favoriser la cotation de petites et moyennes entreprises innovantes, en particulier dans le domaine de la tech, en garantissant à leurs fondateurs ou leurs dirigeants qu'ils pourront conserver un contrôle des choix stratégiques de l'entreprise après l'introduction en bourse, et mener ainsi à bien leur projet de développement.
Dans le souci de protéger les actionnaires de possibles dérives, le texte prévoit certaines garanties, que la commission des lois s'est attachée à renforcer.
L'article 22-10-46-1 du code de commerce, issu de la présente loi, prévoit à cet égard trois mesures d'application réglementaire, par voie de décret en Conseil d'État :
· la détermination des conditions dans lesquelles la durée des actions de préférence, qui ne peut excéder dix ans, peut être renouvelée une fois pour une durée de cinq ans par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires ;
· les conditions dans lesquelles les titulaires d'actions de préférence peuvent être indemnisés de pertes enregistrées en cas d'offre publique, eu égard au fait que l'article prévoit que ces actions ne donnent droit qu'à une voix lors de l'assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre publique ainsi que lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l'offre publique lorsque, à l'issue de celle-ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assorti de droits de vote ;
· les modalités de publication des informations relatives au nombre et à la durée des actions de préférence émises, à l'identité des bénéficiaires desdites actions ainsi qu'aux droits de vote qui leur sont attachés en fonction des résolutions d'assemblée générale.
Il est à noter que les deux dernières mesures mentionnées ont été introduites à l'initiative de la commission des lois : la première pour tenir compte d'une exigence posée par le droit de l'Union européenne301(*) ; la seconde dans le souci de garantir le bon accès des acteurs de marché aux informations relatives aux règles d'usage des actions de préférence émises dans le cadre d'une introduction en bourse.
L'article 9 prévoit plusieurs mesures tendant à assouplir les modalités d'augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS). La disposition vise à remédier à certaines rigidités de la législation française qui rendaient jusqu'alors difficile, pour de nombreuses petites et moyennes entreprises, l'accès aux liquidités dont elles ont besoin pour accompagner leur croissance.
En particulier, l'article L. 22-10-52-1 du code de commerce, issu de cet article, permet désormais aux sociétés cotées, dans le cadre d'augmentations de capital sans DPS par offre réservée à des personnes nommément désignées, de déléguer au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de désigner les bénéficiaires de l'offre, dans la limite de 30 % du capital social par an. Il revient également au conseil d'administration ou au directoire, dans ce cadre, de fixer le prix d'émission des actions, selon des modalités devant être déterminées par décret en Conseil d'État.
L'article 18 prévoit diverses mesures pour simplifier le fonctionnement des organes sociaux des sociétés commerciales en favorisant le recours à des procédures dématérialisées.
Les dispositions issues de cet article prévoient sept mesures d'application réglementaire, par voie de décret en Conseil d'État.
Premièrement, l'article étend les facultés de recours aux votes par correspondance. Quatre de ces mesures concernent la détermination des mentions contenues dans le formulaire permettant l'exercice d'un vote selon cette modalité :
· dans les sociétés à responsabilité limitée, selon les modalités prévues à l'article L. 222-27 du code de commerce dans sa rédaction issue de la présente loi ;
· dans les conseils d'administration et dans les conseils de surveillance des sociétés anonymes non cotées, selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 225-37 et L. 225-82 du code de commerce dans leur rédaction issue de la présente loi ;
· dans les conseils d'administration et de surveillance des sociétés en commandite par actions, selon les modalités prévues à l'article L. 226-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la présente loi.
Ces exigences avaient été posées à l'initiative de la commission des lois : dans sa version transmise au Sénat, le texte de la proposition de loi se bornait à renvoyer aux mentions prévues pour le formulaire de vote par correspondance déjà existant dans les assemblées d'actionnaires des sociétés anonymes non cotées. La commission des lois avait en effet considéré que l'application d'une telle mesure à d'autres organes et à d'autres formes de sociétés justifiait de laisser au pouvoir réglementaire certaines marges d'adaptation.
Deuxièmement, les articles L. 22-10-3-1 et L. 22-10-21-1 du code de commerce dans leur rédaction issue de la présente loi, permettent respectivement la dématérialisation des réunions du conseil d'administration et du conseil de surveillance des sociétés anonymes cotées. Dans ces deux cas, est renvoyé à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer les conditions d'identification des membres afin de pourvoir les comptabiliser comme présents et ainsi déterminer le calcul du quorum et de la majorité.
S'agissant de ces dispositions, à l'initiative de la commission des lois et dans le souci de limiter les risques de nullités, le texte ne comporte plus l'exigence, prévue dans le texte de la proposition de loi transmis au Sénat, que ces conditions d'identification « [garantissent] la participation effective » du membre.
Enfin, l'article L. 22-10-38-1 du code de commerce, issu de la présente loi, prévoit que les sociétés anonymes cotées dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé assurent la retransmission en direct de l'assemblée d'actionnaires, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission. Elles s'assurent également que l'enregistrement de l'assemblée puisse être consulté et indiquent, le cas échéant, si cet enregistrement porte sur l'intégralité de celle-ci. Les modalités de retransmission, d'enregistrement et de consultation sont renvoyées à un décret en Conseil d'État.
S'agissant de cette dernière disposition, à l'initiative de la commission des lois et dans le même souci de limiter les risques de nullité, le texte ne comporte plus l'exigence, prévue par le texte de la proposition de loi transmis au Sénat, selon laquelle le fait de permettre la consultation de l'intégralité de l'enregistrement serait imposé aux sociétés cotées. Avait également été supprimée la disposition prévoyant la nullité systématique en cas de problèmes techniques en lien avec la tenue dématérialisée des assemblées.
L'article 19, issu d'une initiative de la commission des lois visant à renforcer la garantie des droits des actionnaires minoritaires des sociétés, a modifié l'article L. 225-105 du code de commerce de façon à permettre aux actionnaires minoritaires de saisir le tribunal de commerce selon une procédure accélérée aux fins de faire inscrire un point ou un projet de résolution à l'ordre du jour lors de l'assemblée des actionnaires en cas de refus d'inscription par le conseil d'administration ou le directoire. L'article est d'application directe.
L'article 20 a modifié l'article L. 225-35 du code de commerce de façon à simplifier la notion d'intérêt social élargi en supprimant la prise en considération, par le conseil d'administration ou le directoire de la société anonyme, des enjeux culturels et sportifs de son activité. L'article est d'application directe.
L'article 21 comporte plusieurs mesures de simplification des règles applicables à la gouvernance des entreprises, concernant notamment le fonctionnement des sociétés anonymes dualistes et les assemblées d'obligataires. En particulier, il a modifié l'article L. 225-36 du code de commerce de façon à faciliter l'exercice par une seule personne des fonctions dévolues au directoire dans la société anonyme dualiste. La détermination du seuil de capital à partir duquel cette faculté s'exerce, auparavant fixé à 150 000 €, est désormais renvoyée à un décret.
L'article 25 a introduit un nouvel article L. 311-16-1 dans le code de l'organisation judiciaire attribuant une compétence exclusive à la cour d'appel de Paris, dotée d'une chambre commerciale internationale, pour les recours en matière d'arbitrage international (annulation des sentences rendues et décision statuant sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence rendue). La mesure est d'application directe.
Enfin, l'article 26 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de réformer le régime des nullités en droit des sociétés, pour le simplifier et le clarifier.
b) Les mesures d'application prises
Les mesures d'application réglementaires prévues par l'article 18 ont été prises, avec la publication du décret n° 2024-904 du 8 octobre 2024 relatif à la mise en oeuvre des mesures de modernisation des modalités de réunion et de consultation des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales.
Il convient de souligner que ces mesures rétablissent l'exigence, qui avait été délibérément retirée du texte de la loi lors de son examen parlementaire à l'initiative de la commission des lois, dans un souci de limiter les risques de nullités, selon laquelle la technologie permettant la tenue dématérialisée des réunions des conseils d'administration et de surveillance des sociétés anonymes cotées doit permettre non seulement d'identifier les membres présents mais également de « garantir » leur « participation effective », formulation qui avait été jugée équivoque par la commission des lois.
S'agissant de la retransmission en direct des assemblées d'actionnaires des mêmes sociétés, le cadre posé par le décret, comme l'avait souhaité la commission des lois en lieu et place d'une nullité systématique, prévoit le cas où sa retransmission intégrale aurait été rendue impossible pour des raisons techniques.
En tout état de cause, les risques de nullité liés à ces dispositifs devraient être rationalisés grâce à l'ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés, prise sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 26 de la présente loi.
Cette ordonnance prévoit une série de mesures inspirées par les recommandations du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP)302(*). Celle-ci poursuit, selon le rapport remis au président de la République, deux objectifs principaux.
Le premier objectif est celui de la sécurisation des décisions sociales et le cantonnement des nullités pouvant les affecter, avec notamment le principe selon lequel l'automaticité du prononcé de la nullité est écartée au profit d'un contrôle du juge affiné, ainsi qu'un encadrement des effets des nullités pour prévenir les risques de nullités « en cascade » et une réduction du délai de prescription.
À cet égard, il convient de rappeler que la commission des lois avait pleinement soutenu l'objectif poursuivi par l'article 26, considérant que les nullités en droit des sociétés, telles qu'elles sont aujourd'hui appliquées, « sont sources d'insécurité juridique pour les actes et délibérations des sociétés, quand elles ne constituent pas un véritable “repoussoir” pour la localisation en France de leurs activités »303(*).
Pour autant, au vu de la portée structurante de certaines mesures prévues par l'ordonnance, le Gouvernement semble avoir retenu une interprétation très extensive des termes de l'habilitation, limitée à « la simplification et la clarification » du régime, sur laquelle il est permis de s'interroger. La doctrine a d'ailleurs déjà souligné ce point : « contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, l'ordonnance ne se contente pas de procéder à des ajustements, ici ou là, concernant le régime des nullités en droit des sociétés qui, en dépit de multiples modifications, avait vieilli depuis la grande loi sur les sociétés commerciales du 24 juillet 1966 et sa reprise, en grande partie, dans le code civil par la loi du 4 janvier 1978. C'est en effet une ordonnance copieuse, de plus de 70 articles, qui refond le régime des nullités en droit des sociétés, incluant aussi bien les nullités des sociétés que celles des décisions sociales »304(*), alors même que le rapport HCJP, qui ne porte que sur les secondes, n'avait pas jugé nécessaire de modifier le régime régissant les premières.
Le second objectif poursuivi est celui de la simplification et la clarification des nullités, soit celui expressément posé par l'habilitation, avec notamment un regroupement des dispositions qui les concernent dans le code civil - jusqu'alors, celles-ci étaient éparpillées entre ce code et le code de commerce - ainsi que diverses mesures pour tenir compte d'exigences posées par le droit de l'Union ou encore d'évolutions jurisprudentielles.
S'agissant en particulier de ce dernier point, comme le préconisait le HCJP, le critère légal de « localisation » de la norme enfreinte au sein de certaines sections déterminées du code civil et du code de commerce, dont s'étaient déjà pour partie affranchi les tribunaux en ce qu'il ne permettait pas de prendre en compte certaines dispositions pertinentes qui peuvent être législatives mais non codifiées ou réglementaires, est abandonné au profit d'un renvoi aux « dispositions impératives du droit des sociétés ». Il peut cependant être relevé, comme l'a souligné la doctrine, qu'au vu du champ pour l'heure incertain de ces « dispositions impératives », qui s'inscrivent certes dans un cadre juridictionnel renforcé et affiné par l'ordonnance, ce dispositif pourrait entrer en contradiction avec l'objectif général de cantonnement des nullités305(*).
L'ensemble des mesures prévues par l'ordonnance entre en vigueur au 1er octobre 2025, à l'exception d'un article relatif aux actes des auditeurs de durabilité qui entre en vigueur au 1er janvier 2027.
c) Les mesures d'application en attente
Les mesures d'application des dispositions prévues par l'article 1er, relatif à l'autorisation des actions de préférence et par l'article 9, relatif à l'assouplissement des modalités d'augmentation de capital sans DPS, n'ont pas été prises à ce jour.
Cette situation peut légitimement interroger, alors même que ces mesures avaient été présentées, notamment par le Gouvernement, comme des outils importants pour défendre l'attractivité de la France dans un contexte de « guerre des places financières », ou à tout le moins éviter, y compris à court terme, le départ d'entreprises vers d'autres pays à la réglementation plus libérale.
Le décret prévu pour l'application de la disposition de l'article 21 visant à faciliter l'exercice par une seule personne des fonctions dévolues au directoire dans la société anonyme dualiste n'a pas non plus été pris à ce jour.
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Les dispositions de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France relevant de la compétence de la commission des lois sont donc partiellement applicables.
21. Loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels
Issue d'une initiative du député Jean-Luc Warsmann, la loi ° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels comporte 18 articles.
L'article 1er permet d'affecter à titre gratuit les biens meubles saisis dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité à de nouveaux acteurs (administration pénitentiaire, établissements placés sous la tutelle du ministère de la justice, parcs naturels, fondations et associations reconnues d'utilité publique, fédérations sportives délégataires) ; il procède également à une simplification de la procédure d'appel en matière de saisies, désormais assurée par le premier président de la cour d'appel ou le conseiller désigné par lui.
L'article 2 élargit les cas de refus, par l'autorité judiciaire, de restitution des biens saisis qui sont l'instrument ou le produit de l'infraction.
L'article 3 permet à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) d'avoir accès aux informations contenues dans le fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji) pour les besoins liés à l'accomplissement de ses missions légales.
L'article 4 autorise, pour limiter les frais de gestion des biens saisis, la vente avant jugement de ces biens lorsque leur conservation entraînerait des frais conservatoires disproportionnés au regard de leur valeur économique, ou lorsque l'entretien du bien requiert une expertise particulière.
L'article 5 précise que les officiers de police judiciaire sont chargés de la réalisation des enquêtes patrimoniales.
L'article 6 permet d'obliger une personne physique ou morale faisant l'objet d'une convention judiciaire d'intérêt public, y compris environnementale, à se dessaisir au profit de l'État de tout ou partie des biens saisis dans le cadre de la procédure judiciaire dont elle a fait l'objet.
L'article 7 prévoit la notification à l'Agrasc des décisions de saisie et de confiscation.
L'article 8 uniformise la compétence de l'Agrasc en matière de gestion et de vente de l'ensemble des biens non restitués.
L'article 9 précise les modalités d'exercice par l'Agrasc de ses missions de formation auprès des services de police judiciaire et de douane judiciaire.
L'article 10 facilite les confiscations en valeur en supprimant l'exigence d'une motivation spécifique.
L'article 11 désigne l'autorité compétente pour effectuer tout acte de gestion des biens saisis (affectation à titre gratuit, vente, aliénation...) entre la fin de l'enquête ou de l'instruction et la tenue de l'audience de jugement.
L'article 12 facilite le recours aux biens confisqués ou non-restitués pour l'indemnisation ou la réparation des victimes.
L'article 13 étend le champ d'application de la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine aux infractions de corruption et trafic d'influence, passifs et actifs.
L'article 14 favorise la remise à l'Agrasc, sur ordonnance d'une cour d'assises ou d'un tribunal correctionnel, des biens meubles confisqués aux fins de vente.
L'article 15 permet la saisie spéciale, aux frais avancés du Trésor, des sommes d'argent versées sur un compte de dépôt ou d'actifs numériques lorsqu'il existe des raisons plausibles de penser que leur disparition est imminente.
L'article 16, d'une part, rend obligatoire (sauf décision spécialement motivée) la confiscation des biens saisis qui sont l'objet, le produit ou l'instrument de l'infraction et, d'autre part, prévoit que la confiscation d'un bien immobilier vaut expulsion du condamné et des occupants de son chef.
L'article 17 étend le dispositif de restitution des biens « mal acquis » à tous les types de biens, y compris ceux qui ne supposent pas une cession préalable à la restitution.
Enfin, l'article 18 fixe les modalités d'application de la loi dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative.
La loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 est d'application directe : aucune de ses dispositions ne suppose l'intervention d'un texte d'application.
*
La loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels est intégralement applicable.
22. Loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France
Adoptée à l'initiative du député Sacha Houlié et issue des travaux de la délégation parlementaire au renseignement, la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France est destinée à mieux prévenir, détecter et réprimer les actions de puissances hostiles.
L'article 1er crée un répertoire numérique, tenu et rendu public par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), des représentants d'intérêts agissant pour le compte de mandants étrangers.
L'article 2 complète les missions de la HATVP sur le risque d'ingérence en matière de reconversion professionnelle et renforce le contrôle des reconversions des anciens ministres, des anciens membres d'autorités administratives indépendantes et des anciens élus locaux, en prévoyant que ce contrôle s'exerce sur cinq ans.
L'article 3 prévoit l'obligation pour les laboratoires d'idées et instituts de transmettre à la HATVP le montant des dons et versements étrangers qu'ils reçoivent.
L'article 4 prévoit la remise d'un rapport tous les deux ans au Parlement sur l'état des menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, et notamment des menaces résultant d'ingérences étrangères. Ce rapport pourra faire l'objet d'un débat.
L'article 5 ouvre la possibilité d'un débat au Parlement sur les principales données statistiques relatives au contrôle par le Gouvernement des investissements étrangers en France.
L'article 6 étend la technique dite de l'algorithme aux cas d'ingérence étrangère afin de favoriser leur détection.
L'article 7 permet de procéder au gel des fonds et des ressources économiques des personnes se livrant à des actes d'ingérence.
L'article 8 procède à une aggravation des peines en cas d'ingérence étrangère.
*
Cette loi est partiellement applicable.
En effet, les décrets en Conseil d'État relatifs aux compétences de la HATVP en matière de contrôle et de publication des données relatives aux activités d'influence pour le compte de mandants étrangers ne sont pas encore parus.
À l'inverse, les dispositions permettant l'élaboration de nouveaux algorithmes ainsi que les dispositions pénales sont d'application directe.
*
La loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France est partiellement applicable.
* 285 Décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022, Association Avocats pour la défense des droits des étrangers et autres.
* 286 Accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire en matière de couverture des frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident dans la fonction publique de l'État du 26 janvier 2022
* 287 Par le biais du décret n° 2024-147 du 27 février 2024 pris en application de l'article 59 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, du décret n° 2024-570 du 20 juin 2024 pris pour l'application des articles 38, 44 et 60 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, du décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de la procédure civile et relatif aux professions réglementées, du décret n° 2024-965 du 30 octobre 2024 relatif aux attachés de justice et aux assistants spécialisés et du décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations.
* 288 Rapport n° 660 (2022-2023) fait par Agnès Canayer et Dominique Vérien au nom de la commission des lois sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et sur le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, déposé le 31 mai 2023.
* 289 Il s'agit :
- du décret n° 72-355 du 4 mai 1972 relatif à l'École nationale de la magistrature ;
- du décret n° 93-21 du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
- du décret n° 2017-712 du 2 mai 2017 relatif à l'exercice du droit syndical dans la magistrature et pris pour l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
- du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
* 290 Circulaire C1/3.4.7/ 202430000215 du 23 mai 2024 du directeur des affaires civiles et du sceau de présentation des dispositions issues de la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.
* 291 La commission des lois n'ayant pas adopté de texte sur la proposition de loi constitutionnelle, la discussion en séance avait porté sur la version adoptée par l'Assemblée nationale.
* 292 Circulaire CIV/04/2024 du 22 août 2024 de la directrice adjointe des affaires civiles et du sceau et de la directrice adjointe des affaires criminelles et des grâces de présentation des dispositions issues de la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales.
* 293 François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Maryse Carrère, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Jean-Claude Requier.
* 294 Décret n° 2024-643 du 28 juin 2024 relatif au contrôle des antécédents judiciaires des personnes mentionnées à l'article L. 133-6 du code de l'action sociale et des familles intervenant auprès de mineurs ou demandant l'agrément prévu à l'article L. 421-3 du même code.
* 295 Décret n° 2011-2076 du 29 décembre 2011 pris pour l'application des articles L. 5151-1, L. 5241-6 et L. 5342-13 du code général de la propriété des personnes publiques et du IV de l'article 169 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
* 296 Voir notamment Cass. civ., 27 nov. 1844 et, plus récemment, Ass., civ. 2ème, 19 novembre 1986, n° 84-16.37.
* 297 Cass. Civ. 14 novembre 2024, n° 23-21.208.
* 298 Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
* 299 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS ».
* 300 S'agissant de ces articles, le lecteur est prié de se reporter à l'analyse de la commission des finances.
* 301 Article 11 la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.
* 302 Haut comité juridique de la place financière de Paris, Rapport sur les nullités en droit des sociétés, 27 mars 2020.
* 303 Avis n° 574 (2023-2024) présenté par Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 304 Julien Delvallée, « Réforme des nullités en droit des sociétés », Dalloz Actualité, 27 mars 2025.
* 305 Ibid.