II. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU : UN RÔLE À CONFORTER, UNE COORDINATION À RENFORCER
A. LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU EST DÉTERMINANTE DANS LE PARCOURS DE SOINS DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES DE SANTÉ MENTALE
1. La nécessité de consolider la part assurée par les soins de ville dans la prise en charge de proximité
La prise en charge de premier niveau des troubles de santé mentale repose sur plusieurs acteurs : médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues et tous autres professionnels de santé exerçant en soins de ville.
En tant que porte d'entrée de nombreux patients dans le parcours de soins, ces acteurs ont un rôle très important dans le repérage et l'orientation des personnes atteintes de troubles de santé mentale. Ils ont tout particulièrement pour mission de participer à la mise en place d'une prise en charge graduée et adaptée du patient, indispensable pour réduire le risque de chronicisation des troubles.
En effet, si les souffrances psychiques ont longtemps été appréhendées comme des troubles « à part », la santé mentale fait partie intégrante de la santé au sens large et justifie que tout professionnel de santé, quelle que soit sa spécialité, participe à la bonne prise en charge des troubles qui y sont associés.
Le coût des troubles de santé mentale
Les dépenses remboursées au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques représentent plus de 23 milliards d'euros par an, soit le premier poste de dépenses de l'Assurance maladie.
Les coûts économiques et sociaux indirects induits par les maladies psychiatriques sont quant à eux évalués à plus de 107 milliards d'euros par la Cour des comptes en 201158(*). Au regard de la dégradation de la santé mentale observée ces quinze dernières années, ce chiffre n'a pu que progresser.
Ces coûts s'expliquent notamment par la perte de force de travail : en 2023, les troubles psychologiques sont la première cause d'arrêts de travail de longue durée (31 % des arrêts contre 14 % en 2020) ; et la durée moyenne des arrêts pour motifs psychologiques est de 33 jours contre 19 jours en moyenne59(*).
a) Les médecins généralistes : des professionnels de santé au contact des patients en souffrance psychique
Les médecins généralistes se situent au centre de la prise en charge de premier niveau. Ils sont souvent le premier point de contact des patients en souffrance psychique avec le système de soins : près de 30 % de la patientèle des médecins généralistes présente des troubles psychiques et 90 % des prescriptions de psychotropes émanent d'eux60(*).
Pour autant, selon les témoignages concordants de nombreux acteurs auditionnés par les rapporteurs, les médecins généralistes peinent à assumer pleinement leur rôle de prise en charge de premier niveau des patients atteints de troubles de santé mentale en raison de deux principaux écueils.
D'une part, la formation sur les thématiques de santé mentale est jugée insuffisante. Cela expliquerait le nombre insuffisant d'orientations vers le niveau spécialisé (psychiatres, centres médico-psychologiques) et les prescriptions de psychotropes en partie non conformes aux bonnes pratiques, notamment envers les jeunes.
Toutefois, sur ce plan, des améliorations sont prévues. En effet, la formation initiale des médecins généralistes a été réformée en 202361(*) et leur formation en psychiatrie et santé mentale a été renforcée à cette occasion. Les étudiants doivent désormais connaître :
- les éléments amenant au dépistage et à l'accompagnement des patients souffrant de pathologies psychiatriques chroniques ;
- les définitions et savoir identifier les addictions, les troubles de l'usage et les troubles liés à l'usage ;
- et les différents interlocuteurs et spécificités des parcours de soins des patients présentant un problème en lien avec la santé mentale.
En outre, les étudiants de médecine générale doivent désormais participer aux entretiens de prise en charge, réalisés par les psychiatres, de patients se présentant aux urgences pour motifs psychiatriques.
D'autre part, la désertification médicale contraint l'accès même au médecin généraliste et sa capacité à orienter.
Pour rappel, 6,7 millions de Français n'ont pas de médecin traitant, soit 11 % de la population62(*). En outre, du fait de l'accès limité aux psychiatres et psychologues, les médecins généralistes sont surchargés, contraints de mener des consultations très courtes et manquent souvent de solutions pour orienter les patients.
b) Les infirmiers diplômés d'État : une position privilégiée à valoriser
Les infirmiers diplômés d'État (IDE) occupent également une place privilégiée, dans le système de soins, pour repérer et orienter les patients en souffrance psychique.
En effet, les infirmiers exercent, en libéral comme en établissement, auprès de tous les publics de l'enfance au grand âge, quelle que soit leur situation : handicap, perte d'autonomie ou maladie. Ils jouent un rôle dans le soin, le maintien et la préservation de la santé, et participent à l'éducation en santé des patients.
De par leur présence dans l'ensemble du système de soins, les infirmiers sont également au contact de nombreux professionnels de santé et professionnels du secteur médico-social : médecins, aides-soignants, masseurs-kinésithérapeutes ou encore assistants sociaux. Ainsi, ils contribuent à la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale, aussi bien auprès des acteurs de premier niveau qu'au sein des structures spécialisées (équipes mobiles, centres médico-psychologiques, établissements psychiatriques).
Afin de conforter le rôle des infirmiers dans le repérage des troubles psychiques et l'orientation des patients, les rapporteurs estiment que le volet psychiatrie et santé mentale de la formation des IDE pourrait être renforcé, notamment au moyen d'un stage obligatoire en psychiatrie.
Selon la direction générale de la santé, cette position est partagée par le Gouvernement qui s'apprête à réformer la formation des infirmiers : à partir de la rentrée 2026, la formation en institut de formation en soins infirmiers (IFSI) intégrera un stage obligatoire en psychiatrie et les étudiants en première année seront formés aux premiers secours en santé mentale (PSSM).
La délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie a également indiqué aux rapporteurs qu'un renforcement des modules d'intégration était prévu pour les IDE qui s'orientent vers la psychiatrie. L'objectif est de mieux préparer les professionnels nouvellement diplômés à l'exercice spécifique en santé mentale, en leur apportant des compétences complémentaires ciblées dès la prise de poste. Ce module prendra la forme d'une formation post-diplôme, en cours de construction par la direction générale de l'offre de soins. Son entrée en vigueur interviendra à la rentrée 2025.
Les rapporteurs saluent ces mesures, qui vont dans le sens d'une meilleure connaissance des enjeux liés à la santé mentale parmi les infirmiers.
Recommandation n° 2 : Renforcer le temps dédié à la psychiatrie et à la santé mentale dans la formation des infirmiers diplômés d'État, notamment par la mise en place d'un stage obligatoire en psychiatrie (Gouvernement).
2. Une coopération entre les acteurs de premier et de deuxième niveau à renforcer
a) Faire travailler ensemble médecins généralistes, infirmiers et psychiatres
L'efficacité de la prise en charge des patients par les acteurs de premier niveau repose en grande partie sur leur capacité à coopérer avec les acteurs spécialisés pour garantir la continuité des parcours de soins. Or, les travaux de la mission d'information font état d'une coopération territoriale insuffisante entre les professionnels.
Les acteurs de premier niveau ne s'appuient pas suffisamment sur les acteurs spécialisés et inversement, alors même qu'un dialogue renforcé participerait, en améliorant la prise en charge des patients, au désengorgement des hôpitaux et des centres médico-psychologiques.
En effet, il apparaît souhaitable que les médecins généralistes puissent s'appuyer sur les professionnels de santé spécialisés tels que les psychiatres et les infirmières en pratique avancée (IPA), en sollicitant leur avis sur la situation d'un patient. Une telle coopération serait de nature à garantir une offre de soins (via la prescription de médicaments) et une orientation (vers le psychologue ou le CMP) mieux graduées.
Cette coopération renforcée peut prendre la forme de « soins collaboratifs en santé mentale », actuellement expérimentés en Île-de-France dans le cadre du programme « SÉSAME » (Soins d'Équipe en SAnté MEntale). Il s'agit de proposer une aide aux médecins généralistes dans la prise en charge, chez l'adulte, des troubles psychiques les plus fréquents (troubles dépressifs et/ou anxieux).
Dans ce modèle, une équipe pluridisciplinaire est placée autour du médecin, composée d'un infirmier coordonnateur et d'un psychiatre référent :
- le trouble est dépisté par le médecin généraliste ;
- l'évaluation de la situation du patient et sa prise en charge est assurée par l'infirmière, qui prend régulièrement contact avec le patient pour le suivre dans la durée et prévenir les rechutes ;
- et le psychiatre référent partage son expertise au médecin généraliste et supervise le travail de prise en charge de l'infirmière, sous la forme d'une revue de cas hebdomadaire qui permet d'aborder le cas des patients dont l'état ne s'améliore pas.
Source : Agence régionale de santé d'Île-de-France.
Selon les premiers retours sur cette expérimentation, les professionnels de santé saluent la précocité de la prise en charge et la mobilisation des ressources adéquates. Les patients louent l'approche non-stigmatisante et la prise en charge financière, qui favorisent l'accès aux soins63(*).
Sans nécessairement aller jusqu'à généraliser ce modèle, il est possible de renforcer le dialogue direct entre les médecins généralistes et les spécialistes.
La téléexpertise, qui permet au médecin généraliste ou au psychologue de contacter un psychiatre référent pour obtenir un avis sur une situation, est une piste avancée par la Fédération française de psychiatrie, les agences régionales de santé et la Cnam. Elle semble particulièrement pertinente en matière de prescription médicale, des pratiques inadaptées ayant été identifiées en matière de prescriptions de benzodiazépines et de psychotropes chez les plus jeunes64(*).
b) Assurer la présence d'IPA en psychiatrie et santé mentale dans les maisons de santé
La présence d'IPA spécialisés en psychiatrie et santé mentale (PSM) auprès des médecins généralistes constitue également une voie intéressante. Cette collaboration représente un espoir pour l'accès aux soins et la déstigmatisation de la psychiatrie, dans un contexte où les généralistes ont besoin d'être accompagnés face à la masse de consultations qu'ils doivent assurer.
Cette forme de coopération existe déjà dans certains territoires, l'accès direct aux IPA au sein de structures d'exercice coordonné (maisons et centres de santé) étant permis depuis 202365(*). Les IPA PSM - qu'ils exercent en libéral ou soient mis à disposition des structures de soins de ville par des centres hospitaliers - y assurent des consultations avancées de première intention, avec des effets très positifs sur la gradation des soins.
Par exemple, le centre hospitalier du Rouvray (Seine-Maritime) projette de dégager du temps pour permettre à ses IPA de s'implanter au sein de la maison de santé pluriprofessionnelle d'Yvetot. Ce projet accompagne l'ouverture d'antennes de la maison des adolescents (MDA) de Rouen dans les territoires ruraux, l'objectif étant de proposer un accompagnement spécialisé de proximité aux jeunes en difficulté orientés par la MDA. Une fois le diagnostic réalisé par un binôme médecin-IPA, l'infirmier en pratique avancée assurera le suivi des jeunes patients.
Dans le département du Cher, le centre hospitalier George Sand pratique déjà cette forme de collaboration, en faisant intervenir plusieurs IPA PSM dans des maisons de santé, et en priorisant les zones géographiques les plus éloignées des structures de soins spécialisées. Selon la direction de l'hôpital, les retours sur ce travail partenarial sont très positifs.
Ces exemples sont prometteurs, puisqu'ils montrent qu'il est possible de mettre en place des stratégies de synergie entre l'hôpital public et les professionnels libéraux pour réduire les inégalités d'accès aux soins des populations rurales ou précaires, tout en rationalisant les recours aux soins spécialisés grâce à l'amélioration du repérage, du diagnostic et du suivi des patients en souffrance psychique.
Recommandation n° 3 : Développer la collaboration entre les médecins généralistes et les psychiatres par le biais de la téléexpertise (Assurance maladie)
Recommandation n° 4 : Développer les consultations avancées assurées par les IPA PSM exerçant en établissement psychiatrique au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé (établissements psychiatriques).
De manière plus générale, la coordination entre les acteurs des soins de ville et les structures spécialisées en soins psychiatriques mériterait d'être renforcée pour garantir la continuité du suivi des patients.
Les partenariats entre les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les secteurs de psychiatrie pourraient notamment être encouragés, pour anticiper la sortie des patients hospitalisés dès leur entrée dans le service, et assurer le lien avec le médecin traitant.
3. MonSoutienPsy : un accès facilité au psychologue
a) Un dispositif qui vise à faciliter l'accès aux soins psychologiques
Les psychologues font également partie des acteurs de la prise en charge de premier niveau, qu'ils exercent en libéral ou en tant que salariés d'établissements, de centres de santé et de maisons de santé.
Leur nombre a fortement augmenté ces dernières années, passant de 49 906 en 2014 à 77 047 en 202466(*). Ils restent néanmoins inégalement répartis sur le territoire.
Densité de psychologues au 1er janvier 2020
Source : Drees, Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) ; Insee / Traitements Fédération nationale de la Mutualité française
En principe, les consultations des psychologues ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Depuis la mise en place du dispositif « Mon soutien psy » en 202267(*) et l'ouverture du droit au remboursement d'un certain nombre de séances, l'accès au psychologue a été élargi.
Ce dispositif, annoncé par le Président de la République à l'occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie le 28 septembre 2021, est entré en vigueur le 5 avril 202268(*) avec pour objectif de faciliter l'accès aux soins psychologiques. Depuis, il a connu plusieurs évolutions :
- la possibilité de l'accès direct des patients aux psychologues, sans orientation préalable par un médecin69(*) ;
- l'augmentation du nombre de séances prises en charge par l'assurance maladie, initialement limité à huit séances (un entretien d'évaluation et sept séances de suivi), à douze séances par an70(*) ;
- et le rehaussement du tarif des séances, initialement fixé à 40 euros pour un bilan et 30 euros pour une séance de suivi, à 50 euros pour toutes les consultations71(*).
L'assurance maladie prend en charge 60 % du coût de la consultation, le reste étant couvert par les complémentaires santé ou intégralement pris en charge pour les publics précaires (complémentaire santé solidaire, aide médicale d'État).
Au total, un budget de 660 millions d'euros a été alloué à MonSoutienPsy sur la période 2022-2026 (50 millions d'euros en 2022, 100 millions d'euros en 2023 et 170 millions d'euros à partir de 2024)72(*).
b) Un dispositif qui monte en charge sans être la réponse miracle
Depuis sa mise en place, MonSoutienPsy monte progressivement en charge. Au 28 février 2025, 586 858 patients en ont bénéficié et plus de 3,1 millions de séances ont été réalisées, soit en moyenne 4,7 séances par bénéficiaire. Plus des 2/3 des bénéficiaires sont des femmes, et 22 % ont entre 12 et 25 ans.
Nombre de bénéficiaires de MonSoutienPsy
Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
Le nombre de psychologues conventionnés a plus que doublé, passant de 2 529 à la création du dispositif à 5 217 en février 2025. Selon le Syndicat national des psychologues (SNP), environ 15 % des psychologues libéraux sont conventionnés. Si la couverture territoriale est étendue - tous les départements sont couverts à l'exception de la Guyane -, certains territoires sont en réalité très peu pourvus.
Auditionnée par les rapporteurs, la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP) estime que MonSoutienPsy participe, sur le papier, à l'amélioration de l'accès aux soins : ce dispositif ouvre la possibilité pour les personnes démunies financièrement d'accéder aux consultations, et la suppression de l'adressage préalable contribue à la déstigmatisation de ces consultations.
Néanmoins, la Fédération souligne que les résultats sont dans les faits limités : le dispositif ne mobilise qu'une partie des psychologues libéraux, certains territoires restent très faiblement couverts, et les publics précaires ne semblent pas particulièrement en bénéficier. Le Syndicat national des psychologues (SNP) s'est montré beaucoup plus critique du dispositif, contestant son existence même. Il estime que le budget alloué à MonSoutienPsy devrait revenir prioritairement aux services publics exsangues, tels que les centres médico-psychologiques et la santé scolaire, et que l'accès aux psychologues dans les services publics devrait être renforcé en conduisant un travail sur leur statut et leurs conditions de rémunération.
c) La nécessité de garantir la continuité du parcours de soins des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy
Si MonSoutienPsy facilite l'accès à un suivi psychologique pour les personnes souffrant de troubles légers à modérés (troubles anxieux et dépressifs d'intensité légère à modérée ; mésusage de tabac, d'alcool et de cannabis ; trouble du comportement alimentaire sans critères de gravité), les organisations représentatives des psychologues auditionnées ont partagé leur inquiétude quant à la continuité de la prise en charge de leurs patients.
En théorie, un dialogue entre les professionnels impliqués est prévu : l'entretien d'évaluation et la dernière séance de suivi donnent lieu, après accord du patient, à un échange écrit entre le psychologue et le médecin traitant du patient ou, le cas échéant, un médecin impliqué dans sa prise en charge. En outre, le psychologue qui estime à tout moment que le patient relève d'un suivi psychiatrique doit en faire part au médecin73(*).
Toutefois, les organisations représentatives des psychologues ont partagé leur inquiétude quant à la rupture de suivi qui peut intervenir au bout des douze séances remboursées.
Pour contenir ce risque, les rapporteurs estiment nécessaire de veiller de très près à l'effectivité des dispositions prévues par le code de la sécurité sociale en matière de dialogue entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres.
Recommandation n° 5 : Garantir la continuité de la prise en charge des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy en renforçant la coopération entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres (Caisse nationale d'assurance maladie).
4. La santé mentale, affaire de tous : poursuivre la sensibilisation des professions clés et soutenir la pair-aidance
a) Poursuivre les formations aux premiers secours en santé mentale
Au-delà des professionnels de santé de ville et des psychologues, certaines professions au contact des publics vulnérables peuvent jouer un rôle dans la détection des troubles psychiques et l'orientation vers le soin. C'est notamment le cas des travailleurs sociaux, des forces de l'ordre ou encore des enseignants, régulièrement exposés à des situations de détresse psychologique.
À cet égard, l'oeuvre de sensibilisation de ces professions et du grand public sur la santé mentale doit impérativement se poursuivre, notamment au moyen de la formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM).
Ce dispositif, inspiré du programme australien Mental health first aid, est déployé en France depuis 2018. Il vise à former au repérage des troubles psychiques et des signes précurseurs de crise afin de permettre une intervention précoce, sur le modèle des « gestes qui sauvent ». Il s'agit d'une démarche citoyenne, avant tout basée sur le volontariat des personnes.
Pour déployer le secourisme en santé mentale, près de 1 800 formateurs sont mobilisés. À ce stade, les actions de formation ont eu lieu principalement en milieu universitaire, auprès des jeunes et dans les trois fonctions publiques. Au total, au 1er mai 2025, 202 652 secouristes ont été formés74(*).
Les principaux objectifs de cette formation sont :
- la lutte contre la stigmatisation, en formant aux attitudes et comportements adaptés envers les personnes qui présentent des troubles psychiques ;
- l'information du grand public sur les données objectives et validées scientifiquement sur le bien-être mental et les troubles psychiques ;
- et le développement d'interventions basées sur le contact social, dans une logique d'aide par les pairs.
Les rapporteurs saluent le déploiement des formations PSSM et jugeraient opportun de les développer auprès des toutes les professions au contact de personnes vulnérables et des jeunes.
Recommandation n° 6 : Étendre les formations premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés (soignants, travailleurs sociaux, forces de l'ordre, enseignants) puis à l'ensemble des citoyens (Ministères concernés)
b) Encourager les dispositifs de pair-aidance
Par ailleurs, les rapporteurs placent de l'espoir dans le développement des dispositifs de pair-aidance bien qu'ils ne puissent, à eux seuls, pallier les défaillances du système de prise en charge.
Les groupes d'entraide mutuelle (GEM), créés par le législateur en 200575(*), doivent tout particulièrement être soutenus. Il en existe 656 sur le territoire, financés en grande majorité par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) - les crédits étant engagés par les ARS76(*).
Ces structures, organisées sous la forme associative, sont constituées de personnes présentant des troubles de santé ou des situations de handicap résultant de troubles psychiques, d'un traumatisme crânien, d'une lésion cérébrale ou d'un trouble du neuro-développement.
Les GEM s'apparentent à des dispositifs d'entraide mutuelle entre pairs, l'objectif étant, pour leurs membres, de se soutenir mutuellement face aux difficultés rencontrées en matière d'insertion sociale, professionnelle et citoyenne. Des animateurs salariés y sont chargés d'organiser des activités, afin de permettre aux membres de se rencontrer, d'échanger, de rétablir du lien social.
En somme, ces structures sont complémentaires aux hôpitaux de jour et aux centres médico-psychologiques ; et permettent également aux personnes qui ne se sentent pas prêtes d'aller voir un psychiatre de bénéficier d'un soutien jugé moins stigmatisant. À ce titre, elles jouent un rôle préventif essentiel auprès des personnes fragilisées sur le plan psychologique, pouvant aller jusqu'à éviter le retour en établissement psychiatrique.
Pour reconnaître le rôle des GEM, ceux-ci pourraient être mieux représentés au sein des instances, notamment dans le cadre de l'élaboration des projets territoriaux de santé mentale (PTSM). Cela aurait également comme intérêt d'associer les personnes directement concernées à la prise de décision, la gouvernance des GEM incluant des personnes en souffrance psychique.
Par ailleurs, dans le contexte de la hausse des troubles de santé mentale chez les jeunes, et au regard de la moyenne d'âge (environ 45 ans) des membres des GEM, il serait intéressant d'étudier l'opportunité de créer des GEM Jeunes, les problématiques et les attentes des jeunes étant spécifiques.
D'autres structures associatives ont un intérêt certain pour contribuer à la réhabilitation sociale et professionnelle des personnes qui présentent un trouble de santé mentale, à l'instar des douze Clubhouse existants en France.
Les personnes qui adhèrent aux Clubhouse peuvent s'y rendre librement pour se réunir avec leurs pairs et y conduire des projets individuels ou collectifs, en poursuivant un objectif de professionnalisation.
Par exemple, au Clubhouse de Rouen, en lien avec les travailleurs sociaux salariés de l'association, les membres peuvent participer - tout en contribuant à les organiser - à une variété d'activités pour préparer leur réinsertion dans le milieu professionnel : atelier maraîchage, cuisine, tâches administratives en lien avec la gestion de l'association, entrainements aux entretiens d'embauche, ateliers avec des entreprises du territoire, cours de langue, ménage, atelier bureautique, etc.
Cet accompagnement répond à un vrai besoin : il agit comme un relai entre le début de la maladie ou la sortie de l'hôpital et le milieu professionnel, qui correspond souvent à une période d'angoisse et de solitude pour les personnes concernées. Les résultats sont encourageants : en 2024, le taux d'insertion professionnelle des membres accompagnés par le réseau Clubhouse est de 45 %, dont 93 % en milieu ordinaire.
Le rôle que jouent les associations dans la prévention et la réhabilitation sociale et professionnelle doit indéniablement être conforté, au moyen d'une pérennisation des financements qui leur sont alloués et d'un soutien à leur développement territorial.
* 58 Cour des comptes, Rapport public thématique « L'organisation des soins psychiatriques : les effets du plan "psychiatrie et santé mentale" », Décembre 2011.
* 59 Malakoff Humanis, Baromètre Absentéisme 2023, Juin 2023.
* 60 Source : audition de la direction générale de la santé.
* 61 Arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale.
* 62 Rapport d'information n° 589 (2021-2022) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par la mission d'information sur les perspectives d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, sur le volet « renforcer l'accès territorial aux soins ».
* 63 Source : Agence régionale de santé d'Île-de-France.
* 64 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 65 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (article 1er).
* 66 Source : Fédération française des psychologues et de psychologie.
* 67 Article L. 162-58 du code de la sécurité sociale.
* 68 Arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
* 69 Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l'arrêté du 2 mars 2022 fixant la convention type entre l'Assurance maladie et les professionnels s'engageant dans le cadre du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement par un psychologue.
* 70 Décret n° 2025-424 du 13 mai 2025 relatif à la prise en charge des séances d'accompagnement réalisées par un psychologue.
* 71 Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
* 72 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 73 Article R. 162-68 du code de la sécurité sociale.
* 74 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 75 Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (article 11).
* 76 Source : CNSA, Bilan d'activité des groupes d'entraide mutuelle, octobre 2022.