B. CONSERVER LE FNAP TOUT EN PRÉCISANT SES MISSIONS
1. Le FNAP est une instance de dialogue à préserver dont les contours pourraient être élargis
La réussite principale du FNAP, qui a été remontée par l'ensemble des parties prenantes au rapporteur, est d'avoir favorisé la concertation entre l'ensemble des acteurs concourant au financement des aides à la pierre.
Ainsi, il est nécessaire de maintenir l'existence d'un fonds unique pour les aides à la pierre et de conserver la parité qui existe au sein du conseil d'administration.
Comme l'a montré le groupe de travail sur l'avenir du FNAP, il apparaît que certains acteurs clés du financement du logement social ne sont pas parties prenantes du CA. En particulier, la Banque des Territoires et Action Logement, qui participent de façon très active à la définition des orientations nationales de la politique du logement social, pourraient être intégrés à la réflexion sur le déploiement des aides à la pierre.
Dans le cadre d'une nouvelle convention quinquennale, dont la prochaine démarrera en 2028, si Action Logement était appelé à consacrer de nouveau une partie de ses ressources au financement des aides à la pierre, il conviendrait parallèlement de la faire entrer au conseil d'administration. Cela aurait l'avantage de faire revenir une source de financement au FNAP sans être dans la situation qui prévalait entre 2018 et 2024 où Action Logement, bien que premier financeur du FNAP, n'avait aucun droit de regard sur le fléchage des subventions.
L'entrée au sein du CA du FNAP serait alors celle non d'Action Logement Groupe, mais plutôt celle d'Action Logement Services, chargée de distribuer les subventions de la PEEC.
Sollicitée par le rapporteur, la DHUP s'est montrée réservée sur une telle évolution. Il conviendrait néanmoins d'étudier la manière de rendre le CA du FNAP représentatif de l'ensemble des financeurs du logement social ou de concevoir une instance conçue pour cela.
2. Le FNAP demeure le moyen de financer la construction de logements très sociaux qui doit être plus soutenue
Lors de l'audition d'Action Logement, la grande difficulté à équilibrer des opérations en PLAI et en PLUS a été remontée au rapporteur. Selon le groupe, il n'y aurait plus de garantie, depuis une dizaine d'années, de la capacité des bailleurs à équilibrer les opérations de ce type. Par conséquent, les opérateurs sont forcés d'investir plus massivement dans des logements de type prêt locatif social (PLS) et prêt locatif intermédiaire (PLI).
Or, la typologie des logements par prêt montre à quel point, en développant le PLS et le PLI au détriment du PLAI et du PLUS, le logement social s'éloigne petit à petit de sa cible.
Typologie des logements locatifs par type de
prêts
et plafond de ressource associé
PLAI |
PLUS |
PLS |
PLI |
|
Public cible |
Ménages très précaires |
Public précaire, favorise la mixité sociale |
Public dont les revenus sont trop élevés pour les autres logements sociaux mais trop faibles pour le parc privé |
Classes moyennes ayant des difficultés à se loger dans le parc privé |
Plafond annuel de revenu pour une personne seule en zone tendue |
14 683 |
26 687 |
34 693 |
43 953 |
Source : commission des finances, données Action Logement
En effet, les PLS et les PLI, même s'ils bénéficient d'un cadre fiscal et de subventions moins favorable, permettent aux bailleurs d'équilibrer l'opération grâce au niveau de loyers demandés.
Selon Action Logement, les opérations en PLS s'équilibrent en zone tendue après 20 à 25 ans de vie et permettent aux bailleurs de reconstituer leurs fonds propres, grâce notamment à des loyers 59 % plus élevés que pour les PLUS en zone tendue. En zone détendue, la reconstitution des fonds propres est plus longue et atteint 45 ans.
Néanmoins, les projections d'équilibre de long-terme des opérations envoyées par Action Logement au groupe de travail du FNAP pour les PLAI et les PLUS tendent à montrer qu'en l'état actuel des modèles de subvention, aucun des deux ne parviennent à reconstituer les fonds propres engagés.
Pour les PLAI en zone tendue, malgré des subventions publiques importantes entre 10 % et 29 % des prix de revient, les opérations ne s'équilibrent pas. À horizon 40 ans, selon Action Logement, une opération de 100 PLAI en zone tendue a une incidence négative sur la trésorerie d'un bailleur d'environ 7,5 millions d'euros. À horizon 65 ans, le rendement devient plus favorable mais les fonds propres ne sont toujours par reconstitués.
Pour les PLUS, la logique est la même. Avec une réhabilitation imaginée au bout de 40 ans de vie du logement, la trésorerie d'une opération PLUS reste négative et ne se redresse qu'au remboursement du prêt foncier après 60 ans.
L'effet de levier permis par le FNAP apparaît par conséquent nécessaire au sénateur pour limiter l'engagement de fonds propre au démarrage de l'opération pour le bailleur social. Pour produire 100 PLAI, il faut en effet mobiliser environ 2 millions d'euros de fonds propres pour un bailleur en zone tendue. Les aides à la pierre permettent de limiter cette mise de départ et favorisent un retour à l'équilibre plus rapide pour les bailleurs sociaux, qui pourraient ainsi plus aisément investir dans la rénovation du parc ou de nouvelles opérations de construction.
L'objectif de 32 % de PLAI en 2025 doit donc être réaffirmé et décliné dans l'ensemble des régions, notamment les plus tendues.
Part de logements en PLAI programmés par région en 2025
(en part de logements sociaux programmés dans chaque région)
Source : commission des finances, données FNAP
Le rapporteur salue ainsi l'effort fait par les régions Grand Est, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine et Corse, dont la programmation cible fortement les logements pour les plus précaires. En cela, les aides du FNAP trouvent à être utilisées pour leur véritable public cible et donnent du sens à son action.
3. L'articulation du FNAP avec le plan Logement d'Abord II doit être maintenue de même que ses financements spécifiques pour les maîtrises d'ouvrage d'insertion
Outre le ciblage des logements en PLAI et en PLUS, plutôt que le logement intermédiaire, le rapporteur souhaite attirer l'attention sur la nécessité de maintenir une spécialisation du FNAP dans la réponse à l'offre très sociale.
En effet, la relance du parcours résidentiel et de réinsertion commence par une première étape cruciale qui consiste en l'obtention d'un logement. Les effets du plan Logement d'Abord ont été bénéfiques de ce point de vue et le rapporteur soutient le déploiement du plan Logement d'Abord II.
Le nouveau plan quinquennal Logement d'Abord prévoit, pour la période 2023-2027 :
- l'ouverture de 10 000 nouvelles places en pension de famille ;
- l'agrément de 25 000 nouveaux logements en résidences sociales généralistes et foyers de jeunes travailleurs (FJT) ;
- la poursuite de l'effort de production des logements à bas niveau de quittance (PLAI et PLAI-adaptés) sans fixer d'objectif chiffré en volume pour autant.
L'USH, au cours de son audition, a fait remonter une bonne articulation entre les objectifs du plan Logement d'Abord II et la programmation du FNAP. En effet, notamment dans l'ouverture des nouvelles places en pensions de famille et en résidences sociales, la programmation est cohérente avec les objectifs.
Déploiement du plan Logement d'Abord II
depuis 2023
pour les pensions de famille et les résidences
sociales
(en nombre de places ouvertes)
Source : commission des finances, données USH
Les ouvertures de places dans les résidences sociales sont d'ailleurs en avance de phase de 13,4 %, même si une baisse progressive est constatée. Pour les pensions de famille, la trajectoire constatée est proche de l'objectif mais tend à décrocher légèrement, ce qui appelle à un renforcement de l'action dans cette direction.
Le rapporteur salue cet ancrage du FNAP pour le financement de projets à vocation sociale et très sociale.
L'audition des maîtrises d'ouvrage d'insertion (MOI) ont d'ailleurs montré, partageant le constat d'Action Logement, que les opérations de logements réellement abordables ne peuvent s'autofinancer.
Pour les publics les plus fragiles, rencontrant des difficultés non seulement économiques mais aussi sociales, il est nécessaire de produire des logements à loyer et charges maîtrisés, qui intègrent une gestion locative adaptée et, le cas échéant, un accompagnement.
Les produits en PLAI-adapté (PLAI-A) sont ainsi dédiés à ces ménages : peu rentables, la part de fonds gratuits nécessaires à leur construction atteint 50 %.
Malgré leur taille très réduite par rapport à d'autres bailleurs classiques, les MOI produisent 18 % des PLAI-A et sont un acteur clé. Le FNAP a pu reconnaître leur spécificité en maintenant l'existence d'un fonds de concours dédié44(*).
Il est ainsi nécessaire de maintenir, voire de renforcer les subventions pour les logements très sociaux qui répondent aujourd'hui à une part significative de la demande locative sociale et d'assurer, sur le long-terme, le soutien de l'État aux dispositifs répondant aux objectifs du plan Logement d'Abord.
Recommandation : confirmer le FNAP dans sa vocation de soutien aux logements très sociaux en articulant mieux son action avec les objectifs du plan Logement d'Abord II et en maintenant la reconnaissance des particularités liées aux maîtrises d'ouvrage d'insertion (FNAP, gouvernement).
4. Les évolutions de la demande dans le logement social doivent être prises en compte dans la définition des objectifs prioritaires du fonds
Plusieurs difficultés qui dépassent la question de la construction seule doivent être pris en compte dans les financements du FNAP. En effet, si l'offre nouvelle demande la création de nouveaux logements, il n'est pas toujours nécessaire de construire de nouveaux bâtiments.
La réduction des tailles des ménages, initiée depuis les années 1960, a une incidence très forte sur le parc social. En effet, ce dernier, construit pour beaucoup dans la seconde partie du XXème siècle, était conçu pour des familles plus nombreuses.
Le déséquilibre entre l'offre et la demande, aujourd'hui, est donc aussi lié à la taille des logements.
Nombre moyen d'occupants par résidence principale depuis 1968
(en nombre moyen d'occupants dans la résidence principale)
Source : commission des finances, données INSEE
Comme l'indique une étude de l'Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) en 202245(*), 44 % des demandes dans le logement social portent sur des T1 ou des T2, quand seul 31 % des logements sociaux dans le parc correspondent à ces caractéristiques46(*).
Il est par conséquent nécessaire que le FNAP réussisse à cibler des modèles de financement de reconversion de logements de grande taille en d'autres plus modestes pour adapter offre et demande.
Cette démarche sera d'ailleurs vertueuse en termes de sobriété foncière : plutôt que de conserver de grands logements vacants et de construire de nouveaux ensembles de petits logements, cela permettra la réutilisation d'un bâti existant.
Recommandation : développer un modèle de financement qui encourage la construction de logements de petite surface et la reconversion des grands logements, au vu de la demande actuelle dans le parc social (FNAP, bailleurs sociaux, DHUP).
5. Une coordination renforcée entre le FNAP et l'ANRU pour mettre en oeuvre la rénovation des logements
Si la plupart des bailleurs sociaux membres du CA du FNAP et du groupe de travail ont appelé à la révision du périmètre d'action du fonds pour y intégrer le financement de la rénovation des logements, le rapporteur n'est pas favorable à une telle évolution. En effet, dans le cadre budgétaire contraint que connaît le pays actuellement, il est nécessaire de pérenniser au moins l'existant en concentrant les crédits sur l'offre nouvelle.
En revanche, d'autres leviers peuvent être activés pour aider les bailleurs à affronter le plan d'investissement massif nécessaire à la rénovation des logements sociaux.
D'une part, le travail du FNAP doit continuer à s'articuler efficacement avec le travail de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). La programmation du FNAP, notamment depuis 2024, cherche à s'intégrer au sein des impératifs de reconstitution de l'offre démolie dans le cadre du NPNRU. En effet, l'échéance du programme mi-2026 demande que soient agréées les opérations au plus vite.
Par conséquent, comme l'indique la DHUP, le calcul du nombre de logements sociaux à financer par le FNAP dans chaque région s'opère en retranchant du besoin en offre nouvelle remonté par les territoires la différence entre l'objectif NPNRU et la projection de réalisation en reconstitution de l'offre sur l'année, afin d'orienter prioritairement les financements de la production d'offre nouvelle vers l'ANRU.
De même, un travail a été mené afin d'identifier et de résorber les situations dans lesquelles les financements du FNAP pourraient concurrencer ceux de l'ANRU.
Cette méthode, qui a participé à accroître de 47 % en 2024 les résultats en matière de reconstitution de l'offre a été reconduite en 2025.
D'autre part, pour ce qui est de la rénovation énergétique du parc, les bailleurs sociaux, appuyés par les régions, doivent recourir plus systématiquement aux fonds européens. En particulier, le Fonds européen de développement régional (FEDER) peut financer certains lots de travaux de rénovation thermique dans des logements sociaux.
Recommandation : systématiser le recours aux fonds européens pour les opérations de réhabilitation et d'amélioration de la performance énergétique globale des logements sociaux, sans pérenniser ce volet dans les missions du FNAP (bailleurs sociaux).
* 44 Fonds de concours n° 1-2-00480 « Contribution du FNAP à la mise en oeuvre de la politique du logement - PLAI adaptés et IML communes carencées ». Il est l'un des deux fonds de concours du FNAP.
* 45 ANCOLS, Quelle adéquation entre l'offre et la demande de logement social dans les territoires de France métropolitaine, février 2022.
* 46 Ce constat était déjà partagé par Philippe Dallier, en 2016, dans le Rapport d'information du Sénat n° 193 (2016-2017), « L'hébergement d'urgence sous forte tension : sortir de la gestion dans l'urgence », déposé le 7 décembre 2016.