B. UNE RÉFORME STRUCTURELLE QUI A CONDUIT À LA RÉDUCTION DE PRÈS DE 20 % DES EFFECTIFS

1. La baisse des effectifs du Cerema est-elle sur le point d'atteindre un point de rupture ?

Depuis la création du Cerema et jusqu'en 2023, ses effectifs ont connu une diminution continue, passant de 3 093 équivalents temps plein travaillés (ETPT) à 2 534 ETPT, soit une baisse de 559 ETPT (18 %) sur la période.

Évolution des effectifs sous-plafond et hors plafond du Cerema (2014-2024)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Comme l'illustre le graphique ci-après, s'agissant des effectifs sous plafond d'emplois, la baisse est plus significative encore puisqu'elle atteint 20 % (625 ETPT).

Évolution du plafond d'emploi du Cerema et de son exécution (2015-2024)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'ampleur des baisses d'effectifs du Cerema est également perceptible dans la succession des schémas d'emplois négatifs qu'a connu l'établissement jusqu'en 2022, avec notamment une acmé observée entre 2017 et 2020, période au cours de laquelle les réductions annuelles moyennes des effectifs ont atteint 115 équivalents temps plein (ETP).

Cumul des schémas d'emplois du Cerema (2015-2025)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Les effectifs du Cerema avaient fini par être stabilisés en 2023. Notamment à l'initiative d'un amendement déposé par le rapporteur, la loi de finances initiale pour 2024 avait prévu une augmentation de 25 ETP des effectifs de l'opérateur. Cependant, au cours de l'exercice, l'établissement a sur-exécuté de presque 100 % ce schéma d'emplois, augmentant ses effectifs à hauteur de 49 ETP. La loi de finances pour 2025 a prévu une nouvelle réduction des effectifs de l'opérateur à hauteur de 49 ETP, soit un retour à la situation qui prévalait en 2023.

Au total, le cumul des schémas d'emplois depuis sa création jusqu'en 2025 aura conduit à une réduction des effectifs du Cerema à hauteur de 668 ETP.

L'ampleur des baisses d'effectifs qu'a connu l'établissement depuis sa création est incontestable. Celles-ci ont d'ailleurs peut-être atteint un niveau tel qu'il serait vraisemblablement difficile d'aller plus loin dans cette voie sans une nouvelle restructuration significative ou une remise en cause du nouveau modèle de l'opérateur davantage orienté vers les collectivités. À ce titre, si « la direction du budget estime que les baisses d'effectifs n'ont pas eu de répercussion substantielle sur la qualité des missions exercées par l'opérateur ». Elle a signalé au rapporteur que « néanmoins, de nouvelles diminutions drastiques du plafond d'emplois pourraient nuire au développement de la quasi-régie et des activités du Cerema ».

Les grandes transformations stratégiques traversées par l'opérateur se lisent aussi dans les évolutions de la répartition des effectifs entre les différentes composantes du Cerema.

Il en va notamment ainsi de la restructuration de l'établissement menée à bien dans le cadre du programme Cerem'Avenir. À titre d'exemple, l'augmentation du nombre d'agents affectés au siège en 2021 témoigne du mouvement de mutualisation des fonctions supports.

Dans le même temps, le renforcement récent, depuis 2023, des effectifs affectés dans les directions territoriales s'explique par le développement des activités du Cerema réalisées pour le compte des collectivités ainsi que par la création de son nouveau statut de quasi-régie conjointe.

Évolution de la répartition des effectifs du Cerema
entre les directions et le siège (2019-2024)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

2. Un repyramidage des effectifs au service de la réforme du positionnement stratégique du Cerema

Décomposition en catégories de personnels
des schémas d'emplois du Cerema (2015-202542(*))

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Les postes occupés par des personnels de catégorie C et dans une moindre mesure ceux de catégorie B ainsi que par des ouvriers des parcs et ateliers (OPA), ont été les plus touchés par les suppressions d'effectifs. Entre 2014 et 2025, les postes relatifs à ces catégories de personnels devraient ainsi diminuer à hauteur de 929 ETP. Dans le même temps, depuis la création du Cerema, les postes occupés par des personnels de catégorie A ont quant à eux augmenté à hauteur de 260 ETP.

Cumul des schémas d'emplois du Cerema
décomposé par catégories de personnels (2015-202543(*))

(en ETP)

OPA : ouvriers des parcs et ateliers.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires du Cerema

Ces évolutions différenciées traduisent une politique de repyramidage des effectifs de l'opérateur qui a constitué le principal levier de mise en oeuvre des réformes relatives au positionnement stratégique de l'opérateur dans un rôle de conseiller et d'expert de haut niveau (voir supra).

Pour cela, l'opérateur devait procéder à une élévation globale de l'expertise de ses personnels ainsi que se doter de nouvelles compétences. Ces nouveaux besoins expliquent le phénomène de repyramidage des effectifs du Cerema au profit des postes occupés par des agents de catégorie A. Pour mener à bien ces évolutions, l'établissement a notamment conçu un plan de développement des compétences présenté dans l'encadré ci-après.

Le plan de développement des compétences destiné à élever le niveau d'expertise des personnels du Cerema en cohérence avec son nouveau positionnement stratégique

La politique de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (Gpeec) du Cerema a donné lieu à la mise en place d'un plan de développement des compétences pour adapter l'établissement aux enjeux précisés dans son projet de service et son contrat d'objectif et de performance, notamment la capacité à répondre aux défis que constitue l'adaptation au changement climatique.

Ce plan, finalisé sur la période 2024-2026 s'articule selon trois axes :

- capter de nouveaux viviers et garantir le recrutement de compétences clés ;

- accompagner la montée en compétence dès la prise de fonction des agents et favoriser le transfert des savoirs et des pratiques ;

- renforcer l'expertise technique et scientifique et la fidéliser.

Il repose dans un premier temps sur l'identification, via un outil dédié permettant aux agents de déclarer selon trois niveaux (initiation, maîtrise, expertise) les compétences qu'ils mobilisent pour l'exercice de leurs missions. Cette identification permet ensuite une évaluation des écarts entre les compétences déclarées et celles requises pour l'exercice des missions de l'établissement, à la fois par direction et également par secteur d'activité.

L'analyse de cette évaluation permet de déterminer des plans d'action sur les différents secteurs : recrutements prioritaires à envisager, plan de formation, accompagnement individuel des agents, tutorat, transfert des pratiques, etc.

Le plan permet d'alimenter les échanges entre la DRH et les directions à l'occasion d'un dialogue de gestion mené deux fois par an, permettant de finaliser les recrutements prioritaires dans le respect des contraintes liées au schéma d'emploi.

Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Les effectifs sous plafond du Cerema s'élevaient à 2 426 ETP en 2024, composés à 56 % de personnels de catégorie A. Depuis la création du Cerema, en raison du phénomène de repyramidage, cette part a considérablement augmenté. En effet, en 2014, les personnels de catégorie A ne représentaient que 35 % des effectifs sous plafond de l'établissement.

Comparaison de la répartition des effectifs sous plafond du Cerema
par catégories de personnel entre 2014 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Évolution des effectifs sous plafond du Cerema (2019-202544(*))

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

3. Une hausse sensible de la part des agents contractuels pour attirer des compétences rares

Toujours dans la perspective de mettre en cohérence ses compétences avec son nouveau positionnement stratégique, le Cerema augmente depuis plusieurs années ses recrutements d'agents sous contrats. Ainsi, alors qu'elle ne représentait que 8,6 % en 2019, la part représentée par les agents publics contractuels dans le total des effectifs sous plafond du Cerema s'est élevée à 19,5 % en 2024. Sur la même période, leur volume a plus que doublé, passant de 223 à 474 ETP.

La direction du Cerema comme le CGDD, sa tutelle métier, expliquent notamment ce phénomène par la difficulté à trouver dans le vivier des fonctionnaires titulaires certaines des compétences très pointues que l'établissement recherche.

Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur, le CGDD observe ainsi que « le Cerema rencontre des difficultés de recrutements, notamment de titulaires, les postes à pourvoir nécessitant pour la plupart une expertise et une parfaite maîtrise du domaine de compétence qui leur sont attachées ». Il ajoute que « la baisse des recrutements de fonctionnaires techniques contraint l'établissement à se tourner vers le secteur privé pour maintenir ses compétences »45(*).

Évolution des effectifs de fonctionnaires titulaires et de contractuels (2019-2024)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Le turnover important des agents contractuels, généralement recrutés sur des périodes courtes, se traduit inévitablement par une certaine fragilité quant au maintien sur le long terme des compétences, de l'expertise et de l'expérience du Cerema. Le rapporteur a pu constater que ce sujet, s'il est identifié par la direction de l'établissement et sa tutelle métier, suscite de réelles craintes au sein des personnels et des organisations syndicales. Plus généralement, cette problématique, absolument centrale pour l'avenir du Cerema, soulève des enjeux relatifs à son attractivité dans des domaines d'expertise marqués par des phénomènes de rareté et la concurrence sur les marchés de l'emplois correspondants qui en résultent.

4. Une augmentation substantielle des effectifs hors plafond

Sans compenser, loin s'en faut, la baisse de ses emplois sous plafond, le Cerema a nettement augmenté le nombre de ses effectifs hors plafond depuis sa création. Alors qu'ils étaient au nombre de 2 ETP en 2014, ils ont représenté 119 ETP en 2024. Depuis 2019, leur nombre a été plus que multiplié par deux.

Le Cerema a particulièrement insisté auprès du rapporteur sur l'importance que revêt pour lui ses emplois hors plafond : « les effectifs hors plafond sont une ressource extrêmement importante pour pouvoir assurer la réalisation de certains projets sur ressources propres et permettre la poursuite du développement de l'établissement, dans un contexte d'effectifs sous plafond contraints »46(*).

Évolution des effectifs hors plafond du Cerema (2019-2024)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur

Les effectifs hors plafond du Cerema se décomposent en deux catégories : d'une part des apprentis et, d'autre part, des contrats à durée déterminée (CDD) attachés à des projets financés par ressources externes et ayant été l'objet d'une procédure de mise en concurrence. L'établissement n'est donc pas en mesure de recruter des emplois hors plafond pour les activités réalisées auprès des collectivités dans le cadre de son nouveau modèle de quasi-régie.

Entre 2019 et 2024, ces deux catégories d'emplois hors plafond ont augmenté dans des proportions significatives. Les effectifs d'apprentis ont augmenté de 24 ETP, soit une multiplication par 2,5. Le Cerema a signalé au rapporteur toute l'importance qu'il attachait à sa politique d'apprentissage, soulignant son attachement « à cette voie de formation des techniciens et ingénieurs de demain »47(*). Les CDD sur projets définis avec un financement intégral par des partenaires externes publics ou privés ont quant à eux été multipliés par deux sur la même période, progressant de 42 ETP.

Pour le Cerema, ces CDD revêtent une importance toute particulière dans le domaine de la recherche. Il considère en effet que leur augmentation au cours des dernières années « a permis d'assurer l'ensemble des recrutements nécessaires au développement de projets structurants pour le Cerema et/ou nécessitant des compétences particulières (projets collaboratifs sur appels à projets, projets de recherche partenariale financés par les entreprises dans le cadre de l'Institut Carnot Cérema Effi-sciences devenu Clim'adapt) »48(*).

Alors que la limite des effectifs hors plafond a été établie à 122 ETPT en 2025, le Cerema estime que son besoin se situerait en réalité autour de 140 ETPT.


* 42 Les chiffres 2025 sont prévisionnels.

* 43 Les chiffres 2025 sont prévisionnels.

* 44 Les chiffres 2025 sont prévisionnels.

* 45 Réponses du CGDD au questionnaire du rapporteur.

* 46 Réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur.

* 47 Réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur.

* 48 Réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur.

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