II. DANS UN CONTEXTE DE TENSION BUDGÉTAIRE EXTRÊME, L'IMPÉRATIF DE DÉFINIR UN SCÉNARIO RÉALISTE ET STRUCTUREL PERMETTANT D'ASSURER L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE L'OPÉRATEUR SUR LE LONG TERME
A. MORTIFÈRE, LE PILOTAGE BUDGÉTAIRE « À VUE » DE TYPE « RABOT » A CONDUIT À L'IMPASSE FINANCIÈRE ACTUELLE
Le rapporteur estime que le pilotage budgétaire « à vue » de type « rabot » indiscriminé tel qu'il a été pratiqué ces dernières années pour le Cerema, a atteint ses limites. Celles-ci sont apparues de manière évidente, en 2025, lorsqu'en raison des contraintes budgétaires extrêmes dues à la dérive incontrôlée des finances de l'État, la baisse de la dotation annuelle du Cerema l'a contraint à recourir à un procédé de « cavalerie budgétaire » afin d'assurer sa survie financière à court terme. Ce constat, accablant s'il en est, témoigne à quel point le système, tel qu'il a fonctionné ces dernières années, n'est plus viable. Voie sans issue, mortifère, il a placé l'établissement au bord du gouffre financier.
Cette situation doit conduire à une réflexion profonde des tutelles de l'opérateur quant au rôle que l'État entend lui assigner, aux missions de service public essentielles qu'il doit assurer et aux moyens humains et financiers dont il doit disposer pour garantir la continuité de ces activités « socles ». Plus largement, l'État doit désormais donner à l'opérateur ce qu'il ne lui a pas encore accordé à ce jour, à savoir une visibilité de long terme et un cadre dans lequel il sera à même de déployer un modèle économique soutenable dans la durée.
Faute d'une vision stratégique de long terme, il n'est pas raisonnable d'exposer le Cerema et son corps social à la nécessité d'opérer chaque année des « bricolages budgétaires » destinés à faire entrer son budget dans « une cote mal taillée ».
Dans le même temps, l'établissement doit poursuivre ses efforts de productivité et continuer de mobiliser des gisements de ressources propres pour lesquels il a identifié certaines opportunités.
B. L'ÉTABLISSEMENT DOIT GAGNER EN PRODUCTIVITÉ ET MOBILISER DE NOUVEAUX GISEMENTS DE RESSOURCES PROPRES
1. Des gains d'efficience en termes d'organisation du temps de travail
Dans le cadre d'un projet de réforme de l'organisation du temps de travail des agents de l'opérateur, la direction du Cerema a identifié deux pistes de gains de performance potentiellement significatifs. Celles-ci font actuellement l'objet de négociations avec les organisations syndicales représentatives des personnels. La première consisterait à réviser les règles de compensation des temps de déplacement et la seconde viserait à forfaitiser le temps de travail des cadres.
Selon la direction du Cerema, l'expérience a en effet révélé « certains dysfonctionnements liés à la compensation des heures » des agents de l'établissement, « notamment lors des déplacements ». Un compteur spécifique a été institué à la création du Cerema pour recenser les heures de déplacement puis les récupérer. Le nombre d'heures ou de jours de récupération ne fait l'objet d'aucun plafonnement. D'après les chiffres transmis au rapporteur par la direction, en 2024, 2 512 agents du Cerema ont utilisé ce compteur, pouvant générer parfois plusieurs dizaines de jours de récupération sur une même année. Ainsi, en 2024, si 2 068 agents avaient pu générer de 1 à 12 jours annuels de récupération, 444 comptabilisaient plus de 12 jours. La direction estime que « la juxtaposition de ce régime de temps de trajet compensé avec le régime de récupération d'heures généré par les cycles d'horaires variables ainsi qu'avec le régime de congés annuels et de jours de réduction du temps de travail génère un impact important sur la productivité de l'établissement ».
La direction du Cerema estime que « des outils de suivi et une réflexion sur l'équilibre entre les heures effectuées et les heures compensées ont permis d'établir les bases d'un réajustement efficient des dispositifs existants »75(*). Aussi, une négociation sociale a-t-elle été lancée dans la perspective de modifier le règlement intérieur du temps de travail afin de plafonner le nombre maximum de jours de récupération de temps de déplacement.
La généralisation du forfait pour les 400 cadres de l'établissement vise, là encore, à contenir l'accumulation du nombre de jours de rattrapage qui pèse sur la productivité du Cerema.
Dans le contexte de forte contrainte budgétaire actuel, au regard de la situation financière de l'opérateur et pour donner à ses tutelles de nouveaux gages de gestion rigoureuse de ses moyens, il est important que, dans le cadre d'un dialogue social renforcé avec les organisations syndicales, l'établissement parvienne à dégager de nouveaux gains de productivité, y compris si nécessaire en faisant évoluer les règles de son organisation du travail.
2. Saisir les opportunités de l'intelligence artificielle
La diffusion de l'intelligence artificielle au sein des activités du Cerema semble constituer une piste prometteuse de gains d'efficience que l'établissement évalue à au moins 10 % d'ici à 2028.
Le Cerema a d'ores et déjà identifié neuf chantiers prioritaires qui sont autant de domaines dans lesquels le déploiement d'outils d'intelligence artificielle serait susceptible d'avoir l'incidence la plus sensible en matière de gains de performance. Il s'agit notamment des domaines de la gestion, des ressources humaines, de la rédaction (d'études, de guides, d'ouvrage, etc.) et de la retranscription, ou encore de la recherche documentaire.
Pour le Cerema, à terme, appliqués à l'ensemble de ses effectifs, les gains d'efficience permis par l'intelligence artificielle pourraient représenter entre 250 et 300 ETP et 12 % de sa masse salariale, soit près de 30 millions d'euros. Cependant, pour parvenir à ces résultats, le Cerema estime que les dépenses d'investissement nécessaires représenteraient de 2 à 3 millions d'euros par an.
Les projets de développement des outils
d'intelligence artificielle
pour améliorer la performance des
activités du Cerema
Pour atteindre ces résultats, plusieurs chantiers d'intelligence artificielle pourraient être déployés. Les fonctions support pourraient bénéficier d'outils automatisant les traitements administratifs, la comptabilité ou encore la gestion documentaire, avec des gains rapides à court terme. Dans la production de rapports et d'études, l'IA pourrait accélérer le traitement des données techniques, générer automatiquement des résumés ou aider à la rédaction, permettant une amélioration progressive sur le moyen terme.
Les chercheurs pourraient utiliser des outils d'IA pour analyser rapidement de grands ensembles de données ou modéliser des scénarios, ce qui optimiserait leurs projets. Enfin, des outils collaboratifs basés sur l'IA pourraient améliorer la coordination et la gestion des ressources humaines à l'échelle de l'établissement.
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
3. Des ressources propres complémentaires à chercher du côté des entreprises
Si ces dernières années il a d'ores et déjà largement mobilisé les différents leviers dont il disposait en matière de développement de ses ressources propres et que certains gisements, notamment s'agissant des collectivités, pourraient se tarir, au moins temporairement, en particulier du fait des contraintes renforcées qui pèsent sur les finances publiques, le Cerema comme ses tutelles s'accordent à considérer que certaines opportunités restent à saisir sur le segment des entreprises.
Les pistes du Cerema pour développer ses
activités commerciales
avec les entreprises
Le Cerema dispose de plusieurs leviers pour développer ses ressources propres auprès des entreprises privées. Parmi les principales pistes identifiées figure la valorisation de ses plateformes technologiques, en particulier le centre d'Expérimentation et de Recherche (CER) et la plateforme Pavin. Ces outils permettent de proposer des prestations de tests, d'essais, d'évaluations et d'accompagnement à l'innovation dans des domaines à forte demande de la part des industriels, notamment la mobilité intelligente, les infrastructures durables ou les matériaux innovants.
Le développement de l'activité de prototypage constitue également un axe de progression. Le Cerema possède un savoir-faire reconnu dans la conception de dispositifs techniques pour des applications spécifiques, notamment en instrumentation et suivi environnemental.
Enfin, l'international représente un levier important de croissance. Le Cerema peut intervenir pour le compte d'entreprises françaises engagées à l'export, en apportant son expertise technique dans le cadre de projets à l'étranger. Il peut également être sollicité directement par des entreprises étrangères.
Source : réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur
Les opportunités les plus sérieuses semblent concerner les activités de recherche et d'innovation du Cerema ainsi que le développement de ses activités de certification et d'homologation. D'ici à 2028, le Cerema vise ainsi une augmentation de 2 millions d'euros des ressources propres en provenance des entreprises.
Recommandation n° 6 : l'établissement doit activer les leviers dont il dispose pour réaliser des gains de productivité, notamment en matière d'organisation du temps de travail et de diffusion de l'intelligence artificielle, ainsi que pour développer les ressources propres qu'il perçoit au titre des prestations délivrées aux entreprises.
* 75 Réponses du Cerema au questionnaire du rapporteur.