C. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA TUTELLE DE L'ÉTABLISSEMENT

Comme il a déjà pu l'écrire dans les développements précédents du présent rapport, au cours de sa mission de contrôle, le rapporteur a fait le constat d'une tutelle de l'État sur l'établissement trop effacée.

Cette situation n'est d'ailleurs pas propre à l'exercice de la tutelle sur le Cerema. Certains vont jusqu'à considérer qu'il n'existe pas de « culture de la tutelle » au sein de l'administration de l'État. Pourtant, tous les acteurs s'accordent à dire que l'État disposerait en réalité de tous les leviers nécessaires à l'exercice d'une vraie tutelle sur ses opérateurs, qu'il s'agisse des objectifs qu'il fixe aux directeurs d'établissements qui peuvent faire varier sa rémunération annuelle jusqu'à 20 %, de la possibilité, le cas échéant, de révoquer ces mêmes directeurs ou bien encore celle de s'opposer à des délibérations.

Dans ces conditions, les directions des opérateurs disposent d'une (trop ?) grande latitude pour orienter les politiques publiques qui relèvent de leur domaine d'intervention, voire parfois pour étendre ce domaine. Ainsi, la rédaction de leurs différents projets stratégiques ou autres contrats d'objectifs et de performance est pour l'essentiel laissée à la liberté des opérateurs eux-mêmes, une caractéristique qui n'est pas de nature à garantir leur légitimité aux yeux des services du ministère chargé des comptes publics au moment des arbitrages budgétaires. En effet, comme c'est le cas pour le Cerema, cette latitude laissée aux opérateurs n'est souvent qu'un leurre puisqu'en réalité, elle les rend vulnérables aux coupes budgétaires décidées en loi de finances.

L'exercice de la tutelle du Cerema se trouve par ailleurs compliqué par son positionnement inconfortable entre le ministère chargé de la transition écologique et le ministère chargé de l'aménagement du territoire. Le rapporteur a le sentiment que cette situation n'incite ni l'un ni l'autre des ministères à se saisir pleinement de la tutelle de l'établissement.

En outre, et alors qu'il est par ailleurs mobilisé pour un très grand nombre d'autres missions, il faut reconnaître également que les moyens et le « poids » politique dans les arbitrages interministériels du commissariat général au développement durable (CGDD), tutelle métier de l'opérateur, sont trop limités.

Par ailleurs, l'exercice de la tutelle ne constitue pas son coeur de métier et, au sein de son organigramme, elle n'est d'ailleurs exercée que par un simple « bureau de la tutelle » aux moyens très modestes. Le déséquilibre manifeste, et souvent souligné, de la relation de tutelle qui s'établit entre un chef de bureau et un directeur d'établissement public est caractéristique du peu de considération que l'État porte à l'exercice de la tutelle de ses grands opérateurs.

Ce déséquilibre et le positionnement inconfortable du bureau de la tutelle du CGDD est même exacerbé par le fait que le Cerema a pour partenaire de grandes directions d'administration de ses deux ministères de tutelles avec lesquelles il négocie sa programmation et définit ses missions essentielles ainsi que leurs conditions de financement. Le rapporteur constate qu'il est objectivement très compliqué pour le CGDD de se faire une vraie place au milieu de ce système.

Alors qu'il est devenu indispensable qu'un État beaucoup plus interventionniste prenne la responsabilité de déterminer le périmètre des missions « socles » du Cerema et lui trace le cadre d'une stratégie de long terme assortie d'un modèle économique soutenable et résilient, il apparaît aujourd'hui incontournable de renforcer la tutelle du Cerema, tant en termes de moyens que de poids symbolique. Cette réforme pourrait par exemple conduire à la confier, ainsi que par la même occasion celles de Météo-France et de l'IGN, au secrétaire général du ministère de la transition écologique.

Cette réforme pourrait même avoir pour ambition une centralisation de la tutelle des grands opérateurs des ministères de la transition écologique et de l'aménagement du territoire, notamment de l'Ademe, du Cerema et de l'ANCT, afin d'assurer la cohérence des politiques publiques sur lesquelles ils interviennent en commun. Cette évolution pourrait permettre de mieux coordonner leurs actions et d'éviter que ne se créent des chevauchements entre leurs différents périmètres d'intervention.

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