B. DES BÉNÉFICIAIRES DE L'AME MAL CONNUS

1. Une population particulièrement jeune et masculine

Les bénéficiaires de l'aide médicale de l'État de droit commun sont à 56 % des hommes, une proportion n'ayant quasiment pas varié depuis 2011 (54,7 % des bénéficiaires de l'AME étaient alors des hommes).

La population des bénéficiaires de l'AME est également beaucoup plus jeune que l'ensemble de la population résidant en France. Ainsi, près de 43 % des bénéficiaires de l'AME ont entre 20 et 39 ans, alors que cette proportion n'est que de 23,4 % dans la population française. Près de 13,7 % des bénéficiaires de l'AME ont entre 30 et 34 ans.

Répartition par classe d'âge de la population résidant en France
et des bénéficiaires de l'AME

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale

La population d'ayant-droits en particulier est très jeune : 80,5 % d'entre eux sont mineurs.

La pyramide des âges des bénéficiaires de l'AME a peu varié en dix ans, même si le nombre de mineurs a augmenté. Ainsi, en 2013, 51,7 % des bénéficiaires de l'AME avaient entre 20 et 39 ans, alors que seuls 20,7 % d'entre eux étaient mineurs, contre 26,2 % en 2023.

Répartition par classe d'âge des bénéficiaires de l'AME
en 2013 et en 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale

Aucune information relative à la nationalité et au lieu de naissance ne sont disponibles dans les données sur les bénéficiaires de l'AME transmises par la direction de la sécurité sociale, étant donné qu'il ne s'agit pas de conditions à l'accès de l'aide médicale de l'État.

Il est toutefois très regrettable que de telles informations ne soient pas remontées, alors qu'elles figurent sur les documents d'identité fournies par le demandeur, au même titre que son âge. Il serait souhaitable que les caractéristiques des bénéficiaires de l'AME soient mieux connues, d'autant qu'il s'agit de l'une des rares sources d'informations sur les étrangers en situation irrégulière présents sur le sol français (voir infra). Des remontées de données plus détaillées sur les bénéficiaires de l'AME sont nécessaires et justifiées.

Toutefois, les établissements de santé, en particulier, disposent parfois de ces informations. Ainsi par exemple, le Centre hospitalier sud francilien, qui a traité 3 355 patients en 2024, a pu fournir un échantillonnage des lieux de naissance des patients bénéficiant de l'AME. Près de 43,1 % d'entre eux seraient nés en Afrique subsaharienne.

Lieu de naissance des patients bénéficiaires de l'aide médicale de l'État
traités au centre hospitalier sud francilien

Source : commission des finances d'après le centre hospitalier sud francilien

Selon la caisse générale de sécurité sociale, les bénéficiaires de l'AME en Guyane, qui constituent une population assez spécifique, proviennent essentiellement du Brésil et du Suriname, mais également d'Haïti.

2. Une forte concentration géographique

Les bénéficiaires de l'AME sont particulièrement concentrés dans certains départements très urbains. En Île-de-France, Paris concentre 13,6 % des bénéficiaires de l'AME, la Seine-Saint-Denis 12,7 %, l'Essonne 4,2 % et le Val-de-Marne 5,4 %. Les Bouches-du-Rhône (4,7 %) et le Rhône (3,6 %) attirent également un grand nombre de bénéficiaires de l'AME.

La Guyane compte 8,3 % des bénéficiaires de l'AME, soit 37 784 en tout en 2024, représentant 13 % de la population totale du département. 98,8 % des bénéficiaires de l'AME sont localisés dans 13 communes du département, qui regroupent pourtant 10 % de la population des bénéficiaires couvertes par la Sécurité sociale (notamment à Saint-Laurent-du-Maroni, Matoury, Cayenne ou encore Kourou).

À l'inverse, dans certains départements très ruraux (le Cantal, les Ardennes, le Jura, le Lot ou encore la Nièvre) se trouvent moins de 0,1 % des bénéficiaires de l'AME.

Répartition des bénéficiaires de l'AME par département

Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale

La répartition des bénéficiaires de l'AME sur le territoire a toutefois évolué dans le temps, au profit d'une moins forte concentration en région parisienne. Ainsi, en 2013, Paris comptait 20,3 % des bénéficiaires de l'AME, alors que ceux vivant dans le Rhône ne représentaient que 1,7 % d'entre eux. Toutefois, en raison de la hausse globale du nombre de bénéficiaires (voir infra), la population présente en Ile-de-France a fortement augmenté en 10 ans.

Part des bénéficiaires de l'AME par département
concentrant plus de 1 % des bénéficiaires

(en pourcentage)

Note : le nombre global des bénéficiaires de l'AME ayant augmenté, une diminution de la proportion des bénéficiaires d'AME dans certains départements (Paris, Seine-Saint-Denis) n'empêche pas que le nombre global de bénéficiaires de l'AME ait augmenté.

Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale

Certains hôpitaux concentrent une part importante des dépenses de l'AME : l'assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), le centre hospitalier de Cayenne, l'assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM), le centre hospitalier Franck Joly à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, les hospices civils de Lyon, le centre hospitalier de Saint-Denis ou encore le centre hospitalier sud-francilien.

Au centre hospitalier de Saint-Denis, par exemple, les hospitalisations des patients sous aide médicale de l'État et soins urgents représentent 10 % des hospitalisations en 2024 (8,4 % des séjours pour les patients bénéficiant de l'AME), contre 9,2 % en 2022. Les bénéficiaires de l'AME représentent 8 % des patients de l'hôpital, contre 0,5 % en moyenne nationale.

3. Les demandes d'AME augmentent avec la durée de séjour

La durée moyenne de la couverture des bénéficiaires de l'AME n'est pas suivie par la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), qui n'accorde le droit à l'AME que pour une durée d'un an.

Toutefois, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris a évalué la durée moyenne du bénéfice de l'AME à 3,6 années, sur un échantillon de 44 028 dossiers en avril 2023. Une étude conduite en novembre 2023 auprès de 9 caisses regroupant près de 190 000 dossiers (ce qui représente environ 42 % des bénéficiaires) montre toutefois que près de 41 % des bénéficiaires de l'AME n'y auraient accès que depuis moins d'un an.

Répartition des bénéficiaires de l'AME selon l'ancienneté
de l'ouverture des droits

(en pourcentage)

Ancienneté d'ouverture des droits à l'AME

Répartition des bénéficiaires

Inférieure 1 an

41%

Entre 1 an et 2 ans

20%

Entre 2 ans et 3 ans

11%

Entre 3 ans et 4 ans

10%

Entre 4 ans et 5 ans

6%

Entre 5 ans et 7 ans

6%

7 ans et plus

6%

Source : commission des finances d'après la CNAM

La durée de présence sur le territoire français avant l'obtention de l'AME n'est pas suivie en tant que telle, ce qui est dommage, car une telle donnée serait utile et pertinente pour évaluer le nombre d'étrangers en situation irrégulière en France.

Toutefois, dans le cadre de la gestion des demandes d'AME, la durée effective de résidence en France est enregistrée, que ce soit pour une primo-demande ou un renouvellement et que le demandeur obtienne ou non l'AME. Ainsi pour les dossiers d'AME déposé au dernier trimestre 2024, 20 % des demandeurs résident en France depuis moins d'un an, 15 % entre un an et deux ans, 13 % entre deux ans et trois ans et 52 % depuis plus de trois ans.

Enfin, dans le cadre de l'enquête Premiers Pas18(*), conduite par l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) à partir d'un échantillon de plus de 1200 personnes en situation irrégulière à Paris et dans l'agglomération de Bordeaux, il est observé que l'accès à l'AME est fortement corrélé avec la durée de séjour. Ainsi, d'après l'IRDES, « le taux de personnes couvertes passe de 24 % parmi les personnes vivant en France depuis plus de trois mois mais moins d'un an, à 65 % parmi celles résidant en France depuis plus de cinq ans. »19(*)

Part des personnes bénéficiant de l'AME
selon leur durée de séjour en France

Ancienneté en France

Part (%)

3 mois à 1 an

24

1 à 3 ans

54

3 à 5 ans

70

Plus de 5 ans

65

Source : commission des finances d'après l'IRDES - Enquête Premiers pas

Il convient de préciser que depuis l'enquête, les conditions d'accès à l'AME ont été durcies, rendant plus difficile encore l'accès à l'aide pour les personnes résidant depuis peu de temps en France.


* 18 Le recours à l'Aide médicale de l'État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l'enquête Premiers pas , IRDES, Questions d'économie de la santé n° 245, novembre 2019.

* 19 Questions d'économie de la santé n° 245

« Le recours à l'Aide médicale de l'État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l'enquête Premiers pas », Irdes, novembre 2019.

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