II. UNE EXIGENCE : AMÉLIORER L'ACCUEIL ET L'ACCOMPAGNEMENT DES USAGERS
A. L'OMNICANALITÉ : PLUS QU'UN OBJECTIF, UNE NÉCESSITÉ
Les résultats du dernier baromètre de l'institut Paul Delouvrier publié en décembre 2024, montrent que la progression du numérique n'est ni linéaire ni inéluctable, puisque l'on constate « une stabilité relative du téléphone et du contact physique ». De plus, « les Français souhaitent en priorité que leurs services publics soient plus facilement joignables, quel que soit le mode de contact utilisé ».
Au total, près de 43 % des sollicitations entre les usagers et le service public continuent de passer par le téléphone (numérique : 32 % ; accueil physique : 15 % ; voie postale : 10 %). Le numérique ne saurait donc être l'unique mode d'accès aux services publics.
Les besoins des usagers peuvent se résumer par ce constat du collectif Le sens du service public : « une forte attente de proximité, de simplification et d'accompagnement humain ».
Le contact humain reste en effet privilégié par de nombreux usagers ; or selon le Baromètre des services publics de 2025, 38 % des répondants utilisent, pour joindre l'administration, un mode d'accès qui n'est pas leur « moyen de contact préféré » : pour ces usagers, les démarches administratives - plus particulièrement en ligne - sont ressenties comme une contrainte.
La France a, après une phase où la priorité a été accordée à la dématérialisation et au « tout-numérique », engagé des efforts pour rendre les administrations plus accessibles par d'autres canaux que le digital. En 2023, le « plan Téléphone » fixe un objectif de taux de décroché de 85 % pour les services, parallèlement au développement de la prise de rendez-vous téléphonique et du rappel de l'usager.
On observe en effet des marges de progression en la matière : après l'enquête menée en 2022 par le Défenseur des droits et l'Institut national de la consommation (INC) sur l'accueil téléphonique des services publics, qui pointait des lacunes importantes dans l'information fournie par quatre administrations (Assurance maladie, caisses d'allocations familiales, Pôle emploi et Carsat), nombre d'usagers restent découragés par des temps d'attente excessifs et doutent de la fiabilité des réponses qui leur sont adressées, malgré les améliorations mises en place depuis 2022 par ces organismes.
« À chaque fois que l'on téléphone soit à la CAF ou à la CPAM, nous n'avons pas le même interlocuteur et cela arrive très souvent qu'il dise tout le contraire des informations reçues du conseiller précédent. Je pense qu'il y a un manque de formation. Cela m'est déjà arrivé que le conseiller ne savait pas répondre à mes questions... » (Cité dans le Baromètre du non-recours, enquête réalisée entre septembre et novembre 2024 avec la Communauté urbaine d'Arras dans le cadre du projet Territoire zéro non-recours).
Or selon le Baromètre des services publics de 2025, « le téléphone apparaît comme le moyen de contact préféré par les usagers », avant le déplacement sur place, les échanges par courriel ou l'accès via un site internet. Cette préférence confirme que le téléphone n'est pas appelé à s'effacer au profit du numérique et que des efforts doivent être poursuivis pour assurer l'efficacité de l'accueil téléphonique.
Le recours au téléphone est également une nécessité pour les usagers qui ne « rentrent pas dans les cases » des formulaires en ligne : un contact humain reste indispensable pour contourner les obstacles de menus déroulants, qui ne sont pas conçus pour les cas complexes.
Par ailleurs, l'importance déterminante de l'accueil physique a également été confirmée par les déplacements de la mission d'information dans les territoires. Points multiservices, guichets uniques, services sociaux, espaces France services : dans toutes ces structures, les personnels, dont la mission d'information a constaté l'engagement, informent et orientent l'usager et l'aident à effectuer ses démarches - un rôle crucial face à la disparition de nombreux guichets.
La mission d'information est donc parvenue à la conclusion que les pouvoirs publics doivent garantir à l'usager le choix du canal par lequel il souhaite entrer en relation avec l'administration (omnicanalité). L'exemple de la déclaration fiscale sur les propriétés immobilières, qui a mis en difficulté nombre d'usagers faute de ligne téléphonique dédiée, illustre cette impérieuse nécessité.
Convaincue de l'importance majeure de l'accueil de l'usager, qu'elle considère comme le moment le plus important du service public, la mission d'information juge également nécessaire de valoriser l'accueil du public, quel que soit le canal de contact, en tant que compétence dans la formation et le déroulement de carrière des agents. L'accueil nécessite en effet le développement d'un véritable « savoir-être » fait d'écoute, mais aussi de gestion des tensions et des conflits.