CONTRIBUTION DU GROUPE CRCE-K
Les services publics sont, depuis plusieurs décennies, mis à mal par la baisse des dépenses publiques et les mesures d'austérité, ainsi que par le pacte de stabilité européen. Cette situation n'est pas accidentelle. Elle relève d'une volonté d'affaiblir les services publics pour préparer leur privatisation. Le Comité action publique 2022 (CAP 22), un groupe composé de quarante personnalités mêlant économistes, cadres du secteur public et privé, élus, et chargé en octobre 2017 par le premier ministre Édouard Philippe de réfléchir à une réforme des missions de Service Public de l'État associée à une réduction des dépenses publiques est un moment important de cette logique austéritaire. Ce groupe, dont les travaux servent encore aujourd'hui de référence, était composé en grande partie par des personnalités issues de la finance privée, de grands groupes industriels et d'économistes libéraux. Parmi les mesures que proposait ce groupe il y avait la disparition progressive des accueils physiques pour atteindre le tout numérique.
Une des conséquences des mesures qui résultent de cette politique portée par des gouvernements suivant les injonctions du Capital, est la baisse des dotations aux collectivités territoriales, notamment en milieu rural. Il convient de poser, en préalable, cette situation, qui engendre chez les élus et les administrés de ces territoires un sentiment d'abandon, relayé d'ailleurs par de nombreuses sénatrices et sénateurs lors de nos travaux. Car les services publics, c'est l'incarnation de la présence de l'État dans les territoires. Leur disparition participe, par conséquent, au délitement de la vie démocratique et menace notre modèle social. C'est pourquoi leur renforcement est une question démocratique et sociale essentielle qui mérite l'inscription dans la Constitution d'une Charte des Services Publics comme l'ont proposé les parlementaires communistes dans une proposition de loi constitutionnelle. Cette dernière édifie les services publics au plus haut niveau de la hiérarchie des normes et oblige le législateur, le Conseil Constitutionnel tout comme les juridictions administratives et judiciaires de garantir son respect.
Ce serait une prolongation logique de cet autre article du préambule de la Constitution, l'un des éléments de l'actuel bloc de constitutionnalité, qui stipule que : “Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence“. Pourtant, en contradiction totale avec cet article la situation actuelle conduit à un renoncement aux droits de plus en plus massif générant une aggravation des inégalités. Ainsi par exemple le Revenu de Solidarité Active connaît un taux de non recours 38%, et le minimum vieillesse 50%.
Pour lutter contre cet état de fait il est urgent de mettre en place les moyens en faveur des services publics, pour attirer et fidéliser les fonctionnaires, par des augmentations de salaires ainsi que par des formations permettant de véritables évolutions de carrière, valorisant des métiers difficiles et apportant ainsi une reconnaissance à la hauteur de leur utilité sociale.
L'ensemble de ces mesures serait financé par une fiscalité moins clémente vis-à-vis du Capital et la fin du gâchis phénoménal révélé par un récent rapport sénatorial des 216 milliards d'aides aux entreprises sans aucune conditionnalité.
Par ailleurs, si la dématérialisation des services publics est une réalité de plus en plus dominante, il est essentiel de mettre en place des alternatives physiques de proximité pour les personnes fragiles et n'ayant pas les moyens matériels nécessaires ainsi que pour les dossiers complexes auxquels chacun peut devoir faire face.
Concomitamment à ces mesures matérielles, il conviendrait d'améliorer la démocratie dans ce domaine. Pourquoi ne pas créer des comités territoriaux de service public composés d'agents, d'usagers et d'élus locaux, afin qu'ils soient force de propositions et d'améliorations ?
Nonobstant ce biais de départ, la mission formule des propositions concrètes. Celles-ci n'inversent pas la logique fondamentale, mais visent à remédier à certains défauts d'une gestion verticale et technocratique, qui conduit à des choix et des situations déconnectés des besoins réels et des aspirations. Le groupe CRCE-K ne peut que l'approuver. Par ailleurs, le rapport intègre ma demande de la prise en charge à 100% par l'Etat du financement des Maisons France Services, comme le demandent de nombreux maires. Le groupe CRCE-K avait en janvier dernier porté un amendement en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2025. Cela constitue une avancée concrète dans le cadre de ce rapport mais le gouvernement devra traduire au plus vite dans la réalité cette demande.