IV. PROTÉGER PLUS EFFICACEMENT LES USAGERS CONTRE LES SITES FRAUDULEUX PROPOSANT D'EFFECTUER LES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES CONTRE RÉMUNÉRATION : UNE CONTREPARTIE INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES PUBLICS DÉMATÉRIALISÉS
La complexité associée aux démarches en ligne et le nombre croissant de démarches administratives dématérialisées incitent certains usagers à recourir à des offres payantes, alors-même que ces démarches sont gratuites ou quasi-gratuites. Or certains de ces sites peuvent induire l'usager en erreur, par exemple parce qu'ils reproduisent de manière trompeuse l'apparence de sites officiels, ou en raison de l'absence de transparence sur les modalités de paiement des prestations par les clients.
La mission d'information a pu mesurer la prolifération de ces sites marchands, dits « de conciergerie administrative », et le risque qu'ils représentent pour des usagers non avertis - un constat partagé par la DGCCRF, l'UFC-Que choisir et l'Institut national de la consommation.
Face à la primo-dématérialisation de certaines démarches telles que l'établissement ou le renouvellement d'un certificat d'immatriculation, dématérialisé depuis 2017, les usagers sont confrontés à un nombre important et parfois contradictoires d'informations disponibles en ligne, sans être en mesure d'en maitriser la fiabilité ou la véracité.
Ce phénomène recouvre ainsi une pluralité de risques pour les administrés : payer à un tiers une prestation pourtant délivrée gratuitement par les administrations - à titre d'exemple, la délivrance de la carte grise - , payer un service qui n'offre aucune réelle plus-value dans l'accomplissement d'une démarche administrative - par exemple, la prise de rendez-vous en mairie -, ou enfin, se retrouver sans le vouloir ou l'avoir compris sur un site imitant les sites officiels et être victime d'une arnaque.
La mission d'information note par ailleurs l'existence d'offres de services payants dans deux domaines particulièrement problématiques :
- le coaching sur Parcoursup qui, sans être illégal, peut atteindre des montants particulièrement élevés, mettant en cause l'égalité entre les futurs étudiants ;
- l'existence d'intermédiaires en ligne proposant d'effectuer contre rémunération des demandes d'aides sociales, alors-même que ces aides sont un droit pour les intéressés.
Les sites monnayant les démarches administratives en ligne valorisent trois arguments : la simplicité, l'accompagnement de la personne, le traitement sécurisé de ses données. Ce dernier argument vise à rassurer face aux risques d'arnaque ou de hacking qui ont altéré la confiance de nombreux usagers au cours de la période récente.
La mission a constaté que la protection de l'usager via la protection du consommateur en ligne est aujourd'hui un impensé de la dématérialisation des services publics.
Ainsi, face à cette myriade de pratiques commerciales a minima déloyales, voire illégales et trompeuses, la mission d'information a souhaité trouver un juste équilibre entre le contrôle et la répression de ces comportements.
Elle appelle dès lors, en premier lieu, à moderniser et à renforcer l'arsenal pénal destiné à lutter contre les sites frauduleux proposant d'effectuer pour l'usager des démarches administratives contre rémunération :
- en introduisant des circonstances aggravantes, pour en renforcer les sanctions, en cas de pratiques commerciales trompeuses en ligne ou d'utilisation frauduleuses des signes d'autorité en ligne ;
- en étendant explicitement le champ de l'article L. 554-2 du code de la sécurité sociale, qui sanctionne les intermédiaires offrant des services payants à un allocataire pour lui faire obtenir des prestations contre paiement, aux offres de tels services en ligne ;
- et en tenant compte, dans le régime juridique des pratiques commerciales trompeuses concernant la marchandisation de démarches administratives, des pratiques visant à mettre en avant des mentions telles que la rapidité ou le taux de réussite de démarches administratives effectuées contre rémunération, laissant croire que le vendeur obtient de meilleurs résultats que les usagers réalisant leurs démarches par eux-mêmes.
Face aux risques de perte de confiance dans l'action publique du fait des pratiques frauduleuses ou contestables en ligne, la mission d'information recommande, parallèlement au renforcement des mesures de sanction, l'adoption de mesures destinées à renforcer l'identification, par les usagers, des outils et des sites officiels permettant d'accéder aux services publics et de réaliser des démarches en ligne. Ainsi, elle propose d'intensifier les efforts déjà mis en oeuvre par les administrations publiques :
- en établissant des signes distinctifs communs et infalsifiables aux sites officiels afin de limiter les risques de confusion avec les sites payants ;
- en améliorant le référencement des sites officiels de démarches administratives et poursuivant avec détermination le déréférencement des sites frauduleux ;
- en clarifiant la communication nationale autour des démarches en ligne en insistant sur la gratuité de celles-ci, et assurant une communication régulière sur ce sujet ;
- et en renforçant la qualité de certains sites officiels comme mesdroitsosicaux.gouv.fr par le biais de partenariats renforcés avec les collectivités territoriales, de manière à limiter l'intérêt pour l'usager de recourir à des sites payants pour accéder à ses droits.