TRAVAUX DE LA MISSION

Examen du rapport
(Mardi 23 septembre 2025)

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme des travaux de notre mission d'information sur le bilan de l'intercommunalité. Je vous remercie tous de votre participation, et plus particulièrement Maryse Carrère, pour l'importance du travail qu'elle a accompli. Le rapport qu'elle nous présente aujourd'hui apporte un éclairage indispensable et équilibré sur la situation des intercommunalités. Compte tenu du temps qui nous était imparti et du fait que d'autres structures du Sénat avaient déjà mené des travaux sur ces sujets, nous avons, pour l'essentiel, écarté la situation des métropoles et des communautés urbaines, pour nous concentrer sur le fonctionnement des communautés de communes et des communautés d'agglomération.

Avant de céder la parole à Maryse Carrère, permettez-moi de présenter quelques enseignements généraux qui se dégagent de nos investigations.

Premièrement, le bilan de l'intercommunalité ne peut s'apprécier hors de tout contexte. Nos recommandations nous conduisent nécessairement à évoquer des sujets structurants pour la vie politique locale. Je pense plus particulièrement au statut de l'élu, dont on nous dit qu'il pourrait aboutir d'ici au congrès des maires, à la mi-novembre.

Deuxièmement, dix ans après le vote de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), nul ne demande le détricotage des intercommunalités qui se sont mises en place : tout retour en arrière serait impossible et illusoire.

Troisièmement, s'il est clair que certaines intercommunalités fonctionnent encore mal, la grande majorité d'entre elles a permis de mener à bien des projets structurants et d'offrir aux habitants des services nouveaux, par exemple dans le domaine scolaire. Lors de notre déplacement dans les Hautes-Pyrénées, le maire de Tarbes, par ailleurs président de la communauté d'agglomération, nous a ainsi expliqué que le très vaste projet de reconversion de l'ancien arsenal n'aurait pu être accompli par sa seule commune.

À l'inverse, certains élus ont très clairement exprimé un sentiment persistant de dépossession. Celui-ci relève parfois d'un paradoxe, les maires se sentant écartés de l'exercice d'une compétence au profit de l'intercommunalité alors que la commune ne l'exerçait pas avant sa mise en place. Mais, dans l'immense majorité des cas, il traduit une réalité, celle de l'effacement des petites communes au profit de l'intercommunalité, perçue comme l'expression de la seule ville-centre et de ses services.

Cela renvoie à une tendance de fond, qui s'impose à tous : le bon ou le mauvais fonctionnement des intercommunalités tient souvent à leur mode de gouvernance, à la personnalité de leur président et à la façon dont il exerce ses fonctions. S'il a un mode de fonctionnement très vertical, l'éloignement des élus n'appartenant pas à l'exécutif est particulièrement fort. La table ronde qui réunissait des maires non membres de l'exécutif communautaire a également montré que leur appréciation du bon fonctionnement de leur intercommunalité était très différente selon qu'ils occupaient déjà cette fonction lors de la création des intercommunalités issues de la loi NOTRe ou qu'ils avaient été élus pour la première fois en 2020. Les primo-élus portaient une appréciation beaucoup plus favorable sur le fonctionnement de leur intercommunalité, ce qui doit nous rendre optimistes pour l'avenir.

Enfin, nous ne pouvons ignorer un autre élément de contexte : la situation de nos finances publiques. Celle-ci doit nous inciter à la prudence, car nous savons bien que toute incitation financière supplémentaire en faveur de telle ou telle modalité d'exercice des compétences intercommunales se traduirait, en pratique, par une diminution des autres dispositifs, dans la mesure où l'État n'accorderait en aucun cas une majoration de ses dotations aux collectivités territoriales. C'est pourquoi je tiens à saluer l'équilibre des recommandations formulées par notre rapporteure, à laquelle je passe maintenant la parole.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Merci, monsieur le président, pour cette introduction et pour vos propos très élogieux sur le travail que nous avons mené en commun au cours de ces quelques mois.

Je suis ravie de vous présenter aujourd'hui mon rapport consacré au bilan de l'intercommunalité, destiné à identifier les freins à son bon fonctionnement et à proposer des pistes d'évolution. Nous n'avons en aucun cas voulu instruire un procès : nous avons plutôt souhaité offrir « un couteau suisse », à charge pour les élus de s'en saisir s'ils le souhaitent.

Je suis pleinement consciente de l'apport des intercommunalités pour la conduite de projets de territoire au service des habitants, et c'est pourquoi je suis fondamentalement optimiste pour l'avenir. Mais il était normal que nous écoutions en priorité les élus qui ne se satisfont pas du fonctionnement actuel des intercommunalités, voire qui expriment des sentiments très négatifs à leur égard.

Vous le savez tous, la France fait figure d'exception en matière d'organisation du territoire, puisqu'elle ne compte pas moins de 35 000 communes, ces dernières étant elles-mêmes les héritières des 44 000 paroisses qui existaient avant 1789. Cette situation singulière, qui permet d'exercer l'action publique au plus proche des administrés et de l'adapter finement aux besoins des territoires, a néanmoins fait l'objet de critiques plus ou moins nombreuses, qui tiennent aux coûts que génère ce système ou encore à la difficulté d'exercer des compétences stratégiques au niveau communal, compte tenu, en particulier, des ressources limitées.

Face à l'émiettement communal observé en France, le législateur a d'abord mis en place une politique de promotion des fusions afin de réduire le nombre total de communes existantes, à travers le vote de la loi Marcellin, en 1971. Ce régime a depuis lors été remplacé par un dispositif plus incitatif, celui des communes nouvelles. Parallèlement, le législateur a entendu, dès le XIXe siècle et tout au long du XXe siècle, promouvoir la coopération entre communes, en créant les syndicats de communes dès 1890, puis les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dès le milieu du XXe siècle - communautés urbaines en 1966, puis communautés de communes en 1992. Ce système de coopération entre communes reposait initialement sur le principe de la libre association des communes au sein de structures intercommunales.

Plusieurs mécanismes incitant les communes à se regrouper ont été créés, afin d'encourager les élus communaux à rejoindre des EPCI, mais le bilan de cette politique fondée sur le volontariat s'est révélé nuancé. Ainsi, entre 1971 et 2009, seules 943 fusions de communes ont été prononcées, et 787 communes nouvelles ont été créées entre 2010 et 2022. Pour ce qui concerne la coopération intercommunale, au 1er janvier 2009, près de 7 % des communes demeuraient isolées.

Ce bilan en demi-teinte a par conséquent poussé le législateur à passer d'une logique d'incitation à une logique d'injonction, abandonnant le principe de libre association des communes. En ce sens, la loi de réforme des collectivités territoriales (RCT) de 2010 a posé l'objectif de couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre, rendant par conséquent obligatoire, pour les communes, l'adhésion à une structure intercommunale. Pour disposer d'EPCI à même de gérer des compétences structurantes, le gouvernement a par la suite, à travers la loi NOTRe de 2015, entendu favoriser la constitution d'EPCI de plus grande taille, en rehaussant à 15 000 le seuil minimal de population pour chaque EPCI, sauf situations particulières, comme en zone de montagne. L'examen de ce projet de loi avait nourri des débats longs et difficiles, notamment au Sénat.

Pour construire la nouvelle carte intercommunale, les préfets ont été dotés de pouvoirs dérogatoires, leur permettant d'arrêter les schémas départementaux de coopération intercommunale même en cas de désaccord avec les communes concernées. Les pouvoirs octroyés aux préfets ont certes permis d'atteindre l'objectif de couverture intégrale du territoire national par des EPCI à fiscalité propre, mais ils ont également conduit à des « mariages forcés » de communes, donnant lieu à des tensions au sein des intercommunalités concernées. L'achèvement à marche forcée de la carte intercommunale a également provoqué, au sein de certaines intercommunalités, un fort sentiment d'éloignement, lié à la constitution d'intercommunalités « XXL », comptant un grand nombre de communes, au risque d'écraser les plus petites d'entre elles.

Au-delà de cette difficulté, nous avons senti, au cours des auditions, qu'en dépit du bilan globalement positif de l'action intercommunale, certaines intercommunalités connaissent des difficultés de gouvernance et peinent parfois à gérer efficacement les services publics locaux de manière à répondre au mieux aux besoins.

Au terme de nos travaux, je vous propose donc vingt recommandations qui visent à améliorer le fonctionnement des intercommunalités et qui s'articulent autour de trois principes directeurs : la souplesse, la concertation et la confiance. Je regrouperai les principales d'entre elles en trois grands axes.

Premier axe : renouer avec une logique de partenariat de territoire. Ce retour aux racines de la démarche intercommunale implique, en premier lieu, de ne plus procéder à des modifications autoritaires de l'ensemble de la carte intercommunale, comme cela a été fait précédemment, conduisant, dans certains cas, à des « mariages forcés ». Les adaptations à la marge de la carte intercommunale doivent être facilitées, pour mieux tenir compte des bassins de vie et d'emploi, mais elles doivent impérativement être décidées en étroite concertation avec les élus locaux.

Par ailleurs, il me semble que la création de communes nouvelles peut, lorsque les fusions résultent d'accords locaux, permettre aux communes de relever les défis que pose l'intercommunalité : les communes nouvelles réalisent, en effet, des économies d'échelle qui permettent à leurs élus de dégager des moyens supplémentaires pour mieux répondre aux besoins de leurs habitants, sans avoir besoin de demander de l'aide à l'intercommunalité. De même, les communes nouvelles pèsent généralement davantage au sein de leur EPCI, ce qui leur donne un avantage. En poussant cette logique à son terme, les « communes-communautés », chères à Françoise Gatel, qui consistent à fusionner toutes les communes d'un EPCI en une seule qui exerce les compétences de l'EPCI lui-même, permettraient de se passer entièrement de l'intercommunalité. C'est pourquoi nous proposons d'encourager la formation de communes nouvelles, notamment en lissant les effets de seuil, mais - je le répète - toujours à condition qu'il existe une volonté locale en ce sens.

Deuxième axe : promouvoir une gouvernance intercommunale plus collaborative et intégrative. Nous l'avons bien mesuré au cours de nos travaux, l'éloignement ressenti par les communes et leurs élus constitue l'un des principaux points de faiblesse du fonctionnement intercommunal. C'est particulièrement perceptible chez les intercommunalités de grande taille. Pour inverser cette tendance, une meilleure implication des maires et des élus municipaux est indispensable, ce qui passe par la mise en place de modes de gouvernance plus participatifs et plus respectueux de la diversité communale. Comme nous l'avons constaté, de bonnes pratiques existent d'ores et déjà sur le terrain. Je veux citer l'exemple de l'organisation par pôles géographiques correspondant aux anciennes intercommunalités, retenue notamment dans le département de la Manche, cher à notre collègue David Margueritte - elle semble porter ses fruits.

Il n'est évidemment pas question d'imposer, suivant une logique verticale dont les territoires ne veulent plus, un modèle de fonctionnement intercommunal, d'autant que les élus sont déjà submergés de normes. Faisons confiance à l'intelligence collective locale !

Il n'est pas question non plus de proposer la création de nouveaux outils de gouvernance. Certains sont déjà prévus par la loi et méritent d'être mieux exploités. Tel est le cas de la conférence des maires, qui, quand elle n'est pas méconnue, fait l'objet d'une utilisation à géométrie variable. Je pense qu'il faut inciter les intercommunalités à mieux utiliser cet organe de gouvernance et à renforcer son rôle en lui permettant, par exemple, d'adopter une « motion d'alerte », ce qui rendrait obligatoire l'inscription à l'ordre du jour du conseil communautaire d'un débat sur le sujet ayant motivé le vote de cette motion.

Pour améliorer le fonctionnement intercommunal, certains de nos interlocuteurs ont par ailleurs défendu l'idée d'une élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, arguant d'une légitimité démocratique plus forte, puisque découlant du vote des citoyens. Je ne crois pas pertinent de retenir cette solution. Sur la forme, elle n'est guère réaliste compte tenu du calendrier électoral à venir en 2026. Sur le fond, le mode d'élection actuel garantit un conseil communautaire qui émane réellement des conseils municipaux. À l'inverse, l'élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct les doterait d'une légitimité propre qui les placerait en concurrence directe avec les conseillers municipaux, ce qui n'est, à mon avis, pas souhaitable.

L'amélioration du fonctionnement des intercommunalités passe également par une meilleure répartition des compétences. Il apparaît nécessaire, à cet égard, d'éviter tout nouveau transfert obligatoire de compétences : le cas emblématique des compétences « eau » et « assainissement » illustre les difficultés que soulève cette méthode. Comme l'a constamment défendu le Sénat, il importe, au contraire, d'assouplir les règles de répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités, pour les adapter aux spécificités locales. Cela pourrait, par exemple, passer par une extension des possibilités de transférer des compétences « à la carte ». Il me semble également nécessaire d'appliquer strictement le principe de subsidiarité, pour préserver les capacités d'action des communes, ce qui implique notamment la mise en place de critères objectifs et formalisés pour la définition de l'intérêt communautaire.

J'en termine avec un troisième et dernier axe : mobiliser pleinement les instruments financiers existants pour promouvoir une intercommunalité plus solidaire.

L'intercommunalité produit, en elle-même, de la solidarité, puisqu'elle permet à plusieurs communes d'exercer en commun certaines compétences. Nous constatons que cette mise en commun, dont les promoteurs des lois de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) et NOTRe prédisaient qu'elles généreraient des économies, s'est plutôt traduite par des hausses de dépenses, tant pour les communes que pour les intercommunalités.

Il est vrai que l'État ne s'est pas privé de transférer des charges aux collectivités locales sans assurer le transfert de ressources équivalentes. En outre, cette augmentation est aussi une illustration de leur réussite. Les intercommunalités ont pris en charge des compétences correspondant à de nouvelles attentes des habitants, par exemple en finançant la mise en place d'activités extrascolaires ou la création de maisons de santé intercommunales. Au total, il est difficile de savoir si les intercommunalités ont permis d'engendrer des économies. En tout état de cause, la question essentielle est de savoir si les relations financières entre les communes et les intercommunalités sont optimales.

Leur complexité a été mentionnée à de nombreuses reprises lors de nos auditions, de même que leur caractère obscur et parfois injuste. C'est notamment le cas des attributions de compensation, les fameuses AC, qui sont trop souvent décorrélées de la réalité des charges transférées aux intercommunalités. Je vous propose, à ce sujet, une recommandation visant à assouplir la révision des AC par un simple vote du conseil communautaire à la majorité des deux tiers. Consciente que cette proposition pourrait susciter des craintes face au risque, pour certaines collectivités, de perdre des sommes importantes, je propose que ce mode de révision soit subordonné à la stricte condition que la commission locale d'évaluation des charges transférées (Clect) constate objectivement et en toute neutralité que ces AC sont manifestement inadaptées à la réalité des charges.

Afin d'approfondir la solidarité au sein des intercommunalités, je propose aussi de prévoir qu'un débat sur la mise en place d'une dotation de solidarité communautaire (DSC) se tienne obligatoirement à chaque début de mandat, afin de sensibiliser notamment les nouveaux élus à l'enjeu de solidarité et aux instruments qui permettraient de l'atteindre. Dans la même logique, nous avons tenu à mettre en avant une bonne pratique, qui consiste, pour les EPCI, à utiliser les reversements dont ils bénéficient au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) pour promouvoir la solidarité sur leur territoire.

Enfin, au cours des auditions et des tables rondes d'élus, la question des fonds de concours est apparue comme l'une des plus discutées. Parce que l'addition de pauvretés n'a jamais fait naître une richesse, certaines intercommunalités n'ont tout simplement pas les moyens d'en accorder. Et quand elles le peuvent, il me paraît contraire à l'esprit de solidarité qui doit guider l'action des intercommunalités que les fonds de concours constituent une sorte de « droit de tirage ». C'est pourquoi je pense qu'elles devraient en user le plus possible en cohérence avec leur projet de territoire.

Pour terminer, je souhaiterais aborder le sujet des mutualisations. Plusieurs personnes que nous avons auditionnées ont indiqué qu'elles constituaient la raison d'être de l'intercommunalité. Il me semble qu'il s'agit là d'un chantier qui doit être poursuivi, pour améliorer les relations entre élus et la qualité du service rendu à nos concitoyens. Le dispositif des services communs, qui représente l'aboutissement du processus de mutualisation, me semble particulièrement vertueux, en termes tant de solidarité que d'efficacité. Plusieurs de nos interlocuteurs ont, par exemple, mentionné des services communs pour les fonctions support - ressources humaines, informatique - ou de secrétariat.

Pour conclure, je vous propose un titre sans équivoque pour ce rapport : « Pour une intercommunalité de la confiance, au service des territoires. » J'espère que bon nombre de maires et de présidents d'intercommunalités le liront, se l'approprieront, et qu'ils y trouveront aussi un peu d'objectivité et d'humilité sur le fait intercommunal et ses avantages.

M. David Margueritte. - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport, fruit d'auditions riches, variées et équilibrées.

Nombre de propositions que vous avancez me conviennent, qu'il s'agisse de la délibération sur un projet de début de mandat, de la motion d'alerte de la conférence des maires ou d'un certain nombre de mesures financières.

Cependant, je tiens, premièrement, à exprimer une forte réserve sur la recommandation visant à la création de communes nouvelles. Je ne partage pas le postulat selon lequel l'émiettement communal serait source de difficultés. Il me paraît paradoxal de considérer que les communes nouvelles renforcent le poids des communes au sein de la gouvernance intercommunale : au contraire, du fait de la décision Commune de Salbris, la représentation des communes fusionnées s'affaiblit fortement.

Ainsi, il y a sur mon territoire une commune nouvelle issue de la réunion de 19 communes : elle ne dispose plus que de sept délégués au sein du conseil communautaire contre 19 avant la fusion des communes. Comment le poids de la commune nouvelle pourrait-il être plus fort au sein de l'intercommunalité ? Comme cela est d'ailleurs indiqué dans le rapport, la bonne méthode est plutôt de maintenir la commune comme pôle de proximité.

Par ailleurs, je constate que les communes nouvelles, en particulier dans les communautés XXL, viennent renforcer mécaniquement le poids des grandes communes, donc écraser la représentation du milieu rural.

Ma réserve se fonde sur l'expérience du département de la Manche, l'un des trois départements à avoir créé le plus de communes nouvelles. Ces dernières ont été créées à marche forcée, sur le fondement d'incitations financières qui relevaient de l'injonction. À présent, nombre d'entre elles se rendent compte que le mariage financier n'était pas un mariage d'amour... Certaines opérations se sont bien passées, notamment dans les bassins disposant d'un vrai projet de territoire, mais on constate souvent une perte de proximité et de poids au sein de l'intercommunalité. La recommandation n° 3 me pose donc problème en l'absence d'un mécanisme constitutionnel qui permettrait de modifier la jurisprudence.

Deuxièmement, je tiens à exprimer mon soutien aux recommandations relatives aux attributions de compensation. Leur révision est un sujet de crispation majeur et permanent. Cette mission d'information a raison de lier cette question à celle de la DSC et au débat nécessaire sur les fonds de concours, lesquels ne peuvent être un simple droit de tirage en dehors de toute vision politique.

Troisièmement, je ne suis pas convaincu par l'idée que le transfert incomplet d'une compétence fluidifie le pilotage de l'intercommunalité - le rapport mentionne l'exemple de l'urbanisme. Il faut clarifier les conditions d'une telle répartition à la carte pour éviter un « multipilotage », c'est-à-dire une absence de pilotage de certaines compétences stratégiques ou de proximité. « Permettre, par accord local, de modifier la répartition des compétences » ne peut se faire qu'à la marge : en pratique, la jurisprudence bloque quasiment toute redistribution. J'approuve la recommandation tendant à simplifier le régime, extrêmement complexe, des délégations de compétences. J'en ai fait l'expérience en matière de gestion des eaux pluviales urbaines. Ce sont de véritables usines à gaz ! Par ailleurs, l'État appréhende très mal de telles délégations. Cela peut créer des difficultés de fonctionnement au sein de l'intercommunalité, notamment en raison d'interprétations diverses que peuvent en faire les différents préfets.

Quatrièmement, je suis sceptique quant à l'inscription de l'« intérêt communautaire » dans le marbre de la loi. N'est-il pas paradoxal de vouloir le définir objectivement ? De fait, cet intérêt peut varier d'un territoire à l'autre : les accords locaux sont parfois la bonne méthode.

Enfin, je propose d'apporter une modification rédactionnelle au rapport pour éviter de donner le sentiment que le lien est distendu entre l'intercommunalité et les communes depuis plus de vingt ans, ce qui serait excessif.

Mme Ghislaine Senée. - D'abord, ce rapport présente une grande qualité : plutôt que de contenir des recommandations strictes, il met en lumière certaines difficultés que rencontrent les territoires, notamment liées au mode de scrutin indirect. Insister sur la mise en place de schémas de planification sur le modèle des projets de territoire me semble indispensable : il faudrait dès le départ définir des schémas de mutualisation, comme autant de points d'accroche pour qui a du mal à s'y retrouver. Je ne doute pas que ce rapport soit utile aux maires et à tous les élus.

Ce rapport met ensuite en exergue des points qui posent problème, notamment le manque de transparence. « Permettre au conseil communautaire de modifier les montants des attributions de compensation à la majorité qualifiée des deux tiers », une fois par mandat, « lorsque l'évaluation de la commission locale d'évaluation des charges transférées » démontre des déséquilibres me paraît une excellente proposition.

Il est important d'insister sur la question de la solidarité, au travers, par exemple, de la DSC. Il faut redonner du sens à la péréquation, souvent critiquée.

Il n'est pas certain que l'échelle intercommunale permette de faire des économies. D'ailleurs, il faudrait préciser que certains élus et adjoints intégrés dans une intercommunalité touchent, à ce titre, une indemnité. Toute augmentation de cette dernière devra se faire sur l'enveloppe globale du bloc communal. En effet, si la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local devait être adoptée, il sera difficile, vu le contexte, de présenter à nos concitoyens une augmentation de ces indemnités.

La situation où le maire d'une grande commune a un cabinet qui travaille à la fois pour son territoire et pour l'intercommunalité fait du tort aux petites communes de l'ensemble. Je suis favorable à une définition claire de l'« intérêt communautaire ». Puisque chaque territoire l'entend à sa manière, nous devons disposer d'un état des lieux précis de la notion, pour l'ensemble du pays.

Enfin, la « journée des maires » proposée devrait être ouverte à l'ensemble des élus municipaux, étant donné le décrochage entre ces derniers et l'échelle intercommunale. Cela permettrait de présenter les compétences transférées. Une « journée des élus municipaux » est indispensable.

M. Clément Pernot. - Je m'interroge sur la pertinence du chapitre sur les communes nouvelles et les intercommunalités. Une petite commune qui s'unit à d'autres de même taille restera une petite commune, sans incidence sur la communauté de communes à laquelle elle participe ! Au travers de la loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, M. Pélissard souhaitait une agrégation autour des villes-bourgs : l'application du texte n'a pas eu cet effet.

Pour en venir à la question du statut de l'élu, il faut considérer chaque cas individuellement. Lorsque j'étais maire, j'ai pu mécaniquement doubler mon indemnité en devenant président de communauté de communes. En outre, les maires de ville-bourg bénéficient de cette hausse sans augmentation de la charge de travail : ils exercent au travers de la communauté de communes les compétences qu'ils exerçaient pour leur commune. Cette situation permet indirectement de corriger l'absence d'un statut de l'élu digne de ce nom.

Je ne pense pas qu'il faille aborder la question des économies liées aux intercommunalités. Ces dernières ont permis, comme nous l'avons entendu au cours des auditions, de réaliser des projets qui n'auraient pas été possibles autrement, donnant aux petits territoires les moyens d'avoir des infrastructures qu'ils n'auraient pas eues sans cet ensemble et assurant ainsi une meilleure égalité entre les citoyens des communes les plus peuplées et ceux des communes moins peuplées. S'il faut s'interroger de manière plus approfondie sur les économies permises par la constitution de grandes régions, celle des intercommunalités n'avait pas cet objectif.

Mme Isabelle Briquet. - Les communes nouvelles sont source d'une perte d'identité. De fait, la tendance est plutôt au retour aux communes anciennes. Je ne vois donc pas la plus-value de tels regroupements, sauf peut-être dans des cas où les communes avaient déjà mutualisé certaines compétences. L'accompagnement fiscal devrait ne survenir qu'à la fin du processus, et non constituer une incitation préalable.

Les compétences à la carte m'inquiètent. Il faut éviter l'ambiguïté : une intercommunalité n'est pas un syndicat. Je suis d'accord avec l'introduction de davantage de souplesse, mais n'allons pas trop loin ! L'intercommunalité doit demeurer inclusive.

M. Jean-Claude Anglars. - Je salue la grande qualité du travail réalisé. Je soutiens plusieurs des recommandations du rapport. Je souscris néanmoins à la remarque de David Margueritte sur les communes nouvelles.

Je voudrais insister sur un mot essentiel : celui de « confiance ». Il faut faire confiance aux élus pour s'organiser. Imposer des compétences a d'ailleurs été une erreur stratégique.

Par ailleurs, le rapport ne va peut-être pas assez loin concernant la gouvernance et la répartition des sièges. Lorsque j'étais président d'une communauté de communes, les intercommunalités avaient, à cet égard, une capacité de choix. Or la loi a fait dépendre ces éléments de la densité de population. J'estime que c'est une erreur.

La notion de « services communs » me semble en revanche particulièrement intéressante.

Le mot « confiance » est essentiel. Nous savons tous quel désamour peut séparer les citoyens des communautés de communes. Si les gens ont confiance en leurs maires, c'est parce qu'il existe avec eux un rapport de proximité ! Avant de créer une nouvelle structure, pensons à la valeur ajoutée qu'elle est susceptible d'apporter.

Mme Martine Berthet. - Tout un travail reste à réaliser sur les communes nouvelles, car de nombreux points doivent évoluer.

Pour ce qui concerne la recommandation n° 7 relative à la « journée des maires », nous avions, il y a quelque temps, adopté un texte dont l'une des dispositions consistait à rendre obligatoire la transmission des comptes rendus des conseils communautaires à l'ensemble des élus de l'intercommunalité, et non aux seuls élus communautaires. Or cette transmission ne se fait pas, et nombre d'élus se sentent exclus des intercommunalités. Cet élément figurait-il bien dans la loi telle qu'elle a été promulguée ? S'il n'y figure pas, ne faudrait-il pas l'y inclure ? Et, s'il y figure, ne faudrait-il pas recommander de bien le mettre en oeuvre ?

Pour ce qui est de la recommandation n° 10, « Éviter tout nouveau transfert obligatoire de compétences », il aurait été préférable d'aller plus loin, en recommandant de ne plus faire de transfert obligatoire.

Enfin, s'agissant de la recommandation n° 18, il faudrait préciser que toutes les intercommunalités sont concernées par le versement du Fpic, y compris les plus défavorisées. Il faudrait, là aussi, plus de souplesse, et dans les deux sens. Or la recommandation, dans sa rédaction actuelle, n'en fait pas état. À titre d'exemple, en Savoie, toutes les intercommunalités sont contributrices au Fpic, alors que certaines abritent des communes défavorisées.

Toutes mes félicitations pour ce travail intéressant !

Mme Frédérique Espagnac. - Je vous félicite à mon tour pour ce travail considérable. Il est intéressant de noter que le Premier ministre consulte en ce moment les élus. Il s'est ainsi adressé par courrier aux maires et aux présidents de conseil départemental et régional. Il est important, à cet égard, de dresser un bon état des lieux de la situation des intercommunalités et des souhaits des élus.

Une intercommunalité mûrit de différentes façons, selon les territoires. De même, elle gagne différemment en efficacité par rapport aux objectifs pour lesquels elle a été constituée. Mon territoire, les Pyrénées-Atlantiques, abrite l'une des plus grandes intercommunalités de France, liée à l'identité spécifique du Pays basque et issue de la fusion de huit communautés de communes et de deux communautés d'agglomération, mais aussi l'une des plus petites, en Béarn. Ces intercommunalités ne présentent pas le même niveau de maturité. Une certaine adaptabilité est nécessaire. En effet, les intercommunalités doivent répondre aux besoins locaux, et à ce que les élus pensent être le mieux pour le bon fonctionnement de la représentativité dans leurs territoires.

Concernant le Fpic, de nombreuses communes de montagne membres d'intercommunalités sont en difficulté, comme cela a été souligné précédemment.

Par ailleurs, de très nombreux élus ont encore l'impression d'être laissés sur le bord du chemin. La communication est donc indispensable. Certes, tous ne se l'approprieront pas de la même façon, mais il faut qu'elle soit accessible, pour que tous aient le sentiment d'être traités à égalité et parties prenantes du projet, et pour que nous puissions passer d'une intercommunalité à l'ancienne, de guichet, à une intercommunalité de projet. Cette appropriation du projet communautaire doit se faire au long cours.

Je partage ce qui a été dit sur les communes nouvelles. Si, dans mon département, les communes nouvelles n'ont pas été très nombreuses, il en est allé autrement ailleurs, où l'on y a beaucoup cru. J'ai eu l'occasion d'en discuter avec Jacqueline Gourault et Françoise Gatel, ministres toutes deux issues du Sénat. Nous voyons à présent toutes les difficultés et les limites de ce modèle, dans lequel beaucoup voyaient pourtant une solution. Ainsi, je reçois aujourd'hui des demandes pour revenir sur les fusions réalisées, ce qui paralyse parfois toute l'intercommunalité.

Je vous alerte donc sur les conséquences de ce phénomène, qui peuvent être plus lourdes qu'on ne l'anticipe. La fusion à marche forcée ne fonctionne pas et peut même créer des incidents dans l'avenir, et l'incitation financière ne doit intervenir qu'en dernier recours.

Comme je l'ai souligné, l'exécutif semble s'interroger sur la décentralisation de demain. Les intercommunalités jouent un rôle majeur : il faut les conforter, et rien ne serait pire que revenir en arrière. En revanche, il faut les accompagner pour les aider à atteindre la maturité requise.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Je souhaite insister sur la communication. Une information est nécessaire, dès le début du mandat, destinée non pas aux seuls maires et élus communautaires, mais à l'ensemble des élus de l'intercommunalité.

Mme Frédérique Espagnac. - Tout à fait.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Peut-être faudrait-il également proposer une seconde communication à mi-mandat, comprenant toutes les informations nécessaires sur les réalisations du bureau communautaire.

Je reviens à mon tour sur la recommandation n° 10. Ce qu'il faut, ce n'est pas « éviter tout nouveau transfert obligatoire » : c'est ne pas imposer de transfert obligatoire tout court ! De manière générale, nous devons dire « stop » à l'obligation.

Se sentant mal intégrés dans les communautés de communes, les habitants s'approprient difficilement leur rôle. C'est pourquoi nous devons miser sur la communication, pour faire connaître leurs apports. À titre d'exemple, le sujet des ordures ménagères est important.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je vous remercie pour vos prises de paroles respectives. S'il y a un sujet commun, c'est bien celui des communes nouvelles. Ce point a été souvent évoqué entre nous, pour avoir fait l'objet de nombreuses discussions après les auditions. En accord avec la rapporteure, je vous propose de supprimer l'ensemble des paragraphes dédiés aux communes nouvelles et aux communes-communautés. En effet, il semble difficile de trouver un accord sur ce sujet. Or nous souhaitons que le rapport soit le plus consensuel possible.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je précise cependant que le rapport du groupe de travail sur la décentralisation, présidé par Gérard Larcher, préconisait de promouvoir unanimement les communes nouvelles.

Mme Ghislaine Senée. - De quand ce rapport date-t-il ?

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il date de 2023.

Mme Ghislaine Senée. - C'était donc avant l'expérimentation !

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Il faut écouter les territoires.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - J'en viens aux compétences sécables. L'idée est d'appréhender les situations locales avec beaucoup de réalisme. Certes, chaque compétence forme un tout, mais ses parties n'en peuvent pas moins, parfois, être séparées. À titre d'exemple, si la compétence « entretien et construction des bâtiments scolaires » n'est pas sécable, cela signifie que l'intercommunalité doit intervenir chaque fois qu'il faut changer une ampoule, ce qui peut prendre jusqu'à quinze jours ! A contrario, si la commune s'en charge, le changement peut être effectué dans la soirée. Donnons de la souplesse. Laissons aux territoires la possibilité de s'organiser au mieux de leurs intérêts, à partir d'une boîte à outils pratiques et optionnels.

Il arrive que des communautés d'agglomération ayant le même nombre d'habitants fonctionnent de manière très différente. Ce qui fonctionne à un endroit ne fonctionne pas forcément à un autre. Une certaine souplesse est donc requise, pour que chacun puisse s'y retrouver. C'est ce qu'attendent les élus. Même si cela complique la donne au niveau national, c'est un apport considérable pour ceux qui sont confrontés aux réalités du terrain.

M. David Margueritte. - Monsieur le président, votre exemple de l'ampoule à changer est très parlant. Ma réserve avait trait au risque de voir les uns et les autres se renvoyer la responsabilité des travaux à mener. Une telle mesure n'est-elle pas potentiellement source de conflits ? Il est en effet difficile de déterminer précisément, au sein de chaque compétence, ce qui relève de l'intercommunalité et ce qui relève de la commune.

M. Étienne Blanc. - Un mot important manque dans le rapport : celui de « liberté ». On parle de « souplesse », d'« adaptation », mais la liberté est essentielle. Et c'est elle que demandent les communautés de communes ! À titre d'exemple, dans ma communauté de communes, qui rassemble 27 communes, nous avons bien distingué l'investissement et le fonctionnement. Si le premier est mutualisé, le second est laissé à la liberté des communes. Si celles-ci le souhaitent, la communauté de communes peut intervenir pour de menus travaux, mais en ce cas, les communes sont averties des délais associés. Par ailleurs, si les maires décident d'effectuer les travaux, ils peuvent envoyer la facture à la communauté de communes.

Trop de contraintes pèsent sur les maires et les élus communaux. Il faut plus de liberté.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Nous nous rejoignons. Libre à chaque territoire de définir les choses comme il l'entend.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Exactement.

M. David Margueritte. - Cela suppose un assouplissement du code des marchés publics, que l'on nous oppose régulièrement. Cet assouplissement est nécessaire pour rendre possibles les réparations rapides que vous appelez de vos voeux.

Mme Ghislaine Senée. - D'où la nécessité de définir l'intérêt communautaire !

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Oui, tout se tient.

Concernant les indemnités des élus, monsieur Pernot, la présidence d'une intercommunalité ne revient pas de droit à la ville-centre.

M. Clément Pernot. - Mais elle peut lui revenir !

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Certes, mais vous examinez ce point à l'aune de votre propre expérience, ayant été maire avant d'être président d'intercommunalité. Les maires qui seront élus en 2026 n'auront pas forcément cette chance : ils seront soit l'un, soit l'autre.

Mme Ghislaine Senée. - Pourquoi ne pourraient-ils pas être à la fois maires et présidents d'intercommunalité ?

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Les missions du maire ne peuvent pas être les mêmes que celles du président d'intercommunalité. Il ne saurait y avoir de chevauchement.

Mme Martine Berthet. - Cela n'empêche pas d'être à la fois maire et président d'intercommunalité.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Oui, mais ce seront deux fonctions différentes. Il ne faut donc pas toucher aux indemnités.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Nous sommes d'accord.

Mme Ghislaine Senée. - Il faut prendre en considération le fait que, à compétences égales, il y a eu une hausse globale des indemnités. Il n'en est pas moins vrai que, dans les petites communes, il y a des élus qui ne sont pas suffisamment indemnisés. En revanche, d'autres s'en sortent bien en cumulant les indemnités communales et intercommunales.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Le statut de l'élu fait l'objet d'un autre texte...

M. Clément Pernot. - Mais il faut intégrer ces inégalités de fait à notre réflexion sur le statut de l'élu local.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - C'est le sujet du cumul « horizontal » de plusieurs fonctions locales, que les règles actuelles sur le cumul des mandats ne couvrent pas.

M. Clément Pernot. - C'est le cas d'un adjoint au maire qui se retrouve vice-président de la communauté de communes...

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Nous aurons très bientôt ce débat sur le statut de l'élu. Le cumul horizontal n'est pas soumis aux normes qui s'imposent aujourd'hui aux parlementaires, mais je connais des élus locaux de mon département qui, sans être parlementaires, voient leurs indemnités écrêtées, parce qu'ils perçoivent plus de 8 000 euros par mois.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - L'un de nos collègues, dont je tairai le nom, a proposé de mettre fin au cumul horizontal.

M. Clément Pernot. - C'est inepte !

M. Jean-Marie Mizzon, président. - L'intérêt communautaire est un enjeu central. Mais il y a un autre point crucial, que j'ai rappelé dans mon propos liminaire et que nous connaissons tous : ce qui fait qu'une intercommunalité fonctionne ou non, c'est très souvent son président, tout comme c'est le maire qui fait le succès de sa commune. C'est bien pourquoi il faut offrir une formation à ces présidents, parce que la gestion d'une intercommunalité est plus compliquée encore que celle d'une commune.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - J'ajouterai quelques éléments aux propos de notre président. Notre volonté a été d'inciter plutôt que de contraindre. Les élus ont besoin de liberté, ils en ont assez de se voir imposer des choses ; c'est ainsi que l'on fera en sorte qu'ils s'approprient davantage l'échelon intercommunal. Notre rapport a donc été construit autour de l'incitation et de la pédagogie.

Le Premier ministre a confié à la presse qu'il souhaitait mettre en oeuvre « un grand acte de décentralisation ». Je lui ai demandé ce qu'il entendait par là, tout en lui rappelant le besoin de stabilité exprimé par les élus, qui ne veulent pas voir tout bouleversé une nouvelle fois. Il m'a répondu que sa volonté s'adressait plus à l'État qu'aux collectivités territoriales.

Concernant les communes nouvelles, notre proposition visait en quelque sorte à assurer le service après-vente des travaux menés jusqu'à présent. Dans l'esprit du groupe de travail sur la décentralisation conduit par le président Larcher, les communes nouvelles sont un moyen de répondre à la crise des vocations qui risque de se faire jour à l'occasion des prochaines élections municipales. Bien que n'étant pas pleinement convaincue par cette approche, seul un petit nombre de communes nouvelles ont été créées dans mon département, je constate qu'il s'agit parfois de la seule solution. On peut en tout état de cause s'interroger sur la pertinence de conserver des communes de moins de dix habitants... Le sujet des communes nouvelles n'étant pas directement lié à celui de l'intercommunalité, il est préférable de ne pas en faire mention dans le rapport.

J'ai noté votre soutien à notre recommandation relative aux attributions de compensation. Le débat est très complexe, car il ne faudrait pas déstabiliser les financements de l'intercommunalité. Nous marchions sur des oeufs, mais je crois que, en sortant de la logique de l'unanimité, souvent impossible à atteindre, nous avons abouti à une proposition équilibrée.

L'intérêt communautaire est un autre sujet complexe. L'État a échoué à en formaliser certains éléments. Ainsi de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (Gemapi) : je vous mets au défi de comprendre qui, de la commune, de la communauté de communes ou du syndicat Gemapi, intervient sur une même rivière pour tel ou tel sujet ! Entre prévention et précaution, le flou est complet. Il faut donc mieux formaliser l'intérêt communautaire, tout en préservant la liberté de chaque territoire.

Frédérique Espagnac a parlé de maturité. Peut-être le renouvellement, en 2026, des conseils municipaux et des conseils communautaires sera-t-il l'occasion de repartir sur des bases nouvelles, plus confortables pour les intercommunalités. Le renouvellement de 2020, en plein covid, a été compliqué : les nouveaux élus se connaissaient mal, et il leur a été difficile d'apprendre à travailler ensemble. Le degré de maturité diffère selon les territoires. Les recommandations que nous formulons permettront peut-être d'aller un peu plus vite dans la maturation d'organisations encore jeunes.

Mme Frédérique Espagnac. - Tout à fait !

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Sur la question du bilan financier des intercommunalités, Clément Pernot a eu raison de dire que la comparaison n'avait pas de sens : de nouveaux investissements ont été consentis, des services nouveaux ont été créés. Il n'est pas possible de quantifier tout cela, même si l'inquiétude des élus locaux quant aux coûts croissants pour les collectivités et les citoyens est légitime. Qualitativement, la hausse des coûts s'accompagne tout de même d'une amélioration des services, répartis de manière plus équitable entre territoires.

M. Clément Pernot. - Absolument : si l'on rapportait le coût à la quantité de services offerts, je ne suis pas sûr que l'on constaterait une hausse.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - C'est bien ce que nous écrivons dans le rapport : « C'est parce que les intercommunalités répondent à des besoins et qu'elles ont davantage la capacité d'investir et d'offrir des services publics que leur niveau de dépense s'accroît. »

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Le problème, c'est qu'on a vendu les intercommunalités aux élus comme une source d'économies. Si les élus réagissent ainsi, c'est parce qu'on leur a dit que tout coûterait moins cher !

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Il faut faire confiance aux élus, comme le disait Jean-Claude Anglars, mais il faut aussi rebâtir de la confiance entre élus, ce qui est difficile quand il y a eu des contraintes, des « mariages forcés ».

Concernant le Fpic, nous intégrons bien les éléments pointés par Martine Berthet dans la rédaction du rapport et de la recommandation afférente.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Quid de la communication ? Il ne faudrait pas que la « journée des maires » préconisée pour le début de mandat se tienne une fois seulement. La tenir une seconde fois, à mi-mandat, permettrait d'évoluer dans l'intégration de l'intercommunalité.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Pour ne pas fermer la porte, on pourrait écrire « à chaque début de mandat puis autant que nécessaire ».

Cela étant dit, dans mon territoire, l'intercommunalité organise presque tous les ans une journée thématique ouverte à tous les conseillers municipaux, mais il n'y a jamais personne... La question de la disponibilité et de l'engagement se pose.

Mme Ghislaine Senée. - Les services de l'État devraient, eux aussi, organiser une telle présentation de leur activité en début de mandat.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Sur la communication des intercommunalités, madame Bellamy, comment pourrait-on traduire vos remarques dans une recommandation ?

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Je réfléchis à la formulation appropriée.

M. Clément Pernot. - Il faut responsabiliser les maires qui représentent leurs communes dans l'intercommunalité. Ils ont beau jeu d'accuser celle-ci, comme certains parlementaires accusent l'Europe... Selon moi, il revient à ces maires de diffuser les comptes rendus, plutôt que d'imposer une nouvelle obligation à la communauté de communes.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Les rapports d'activité sont transmis.

Mme Ghislaine Senée. - C'est une question de forme. Quand l'exécutif intercommunal va vers les élus municipaux, cela leur offre une forme de reconnaissance.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Nous avons consacré tout un paragraphe du rapport au sujet de la gouvernance intercommunale. Nous y pointons le manque de lisibilité et le besoin de communication. Nous n'avons pas fait de recommandation en la matière, car cela relève plutôt de l'organisation interne de chaque intercommunalité et de son projet de territoire. J'entends toutefois les remarques de madame Bellamy.

M. Étienne Blanc. - À ma connaissance, le rapport d'activité de l'intercommunalité est communiqué à chaque conseiller municipal. S'agit-il d'une obligation réglementaire ou législative ?

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - C'est une obligation législative, figurant à l'article L. 5211-39 du code général des collectivités territoriales : « Le président de l'établissement public de coopération intercommunale adresse chaque année, avant le 30 septembre, au maire de chaque commune membre un rapport retraçant l'activité de l'établissement (...). Ce rapport fait l'objet d'une communication par le maire au conseil municipal en séance publique au cours de laquelle les représentants de la commune (...) sont entendus. »

M. Lucien Stanzione. - Le conseil municipal donne acte de la communication. Il n'y a pas de vote.

M. Étienne Blanc. - En tout cas, puisqu'il s'agit d'une obligation légale, le rapport de l'intercommunalité doit être annexé à la convocation du conseil municipal.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. - Le même article dispose : « Les représentants de la commune rendent compte au moins deux fois par an au conseil municipal de l'activité de l'établissement public de coopération intercommunale. » Je ne suis pas sûre que beaucoup le fassent... C'est pourtant une obligation législative ! Si vous en êtes d'accord, nous pourrions introduire une recommandation rappelant la nécessité de rendre cette obligation effective.

M. Jean-Marc Delia. - Il me semble que toutes les délibérations du conseil communautaire font obligatoirement l'objet d'une communication à l'ensemble des conseillers municipaux.

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Avez-vous encore des observations à formuler sur le rapport et ses recommandations, mes chers collègues ?

M. Clément Pernot. - En ce qui concerne les services communs, pour avoir été maire de Champagnole et président d'intercommunalité, j'ai tout fait pour ne pas trop mélanger - sinon, j'aurais été un despote absolu ! Dans le Jura, il y a une ville-bourg et une trentaine de petites agglomérations autour. Le sénateur du Jura que je suis ne conseille pas forcément au président de la communauté de communes de mutualiser ses services avec le maire de la ville... Les directions générales de services communs sont une catastrophe !

Mme Ghislaine Senée. - C'est vrai.

M. David Margueritte. - Il faut distinguer les services communs des services mutualisés. Vous faites référence aux relations entre la ville-centre et la communauté de communes, alors que nous débattons surtout des services mutualisés.

Mme Ghislaine Senée. - Je suis contre la mutualisation des services et des cabinets, mais un service technique commun entre communes peut être utile.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Je vais maintenant mettre aux voix les recommandations et le rapport.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

M. Jean-Marie Mizzon, président - Si certains des groupes dont vous êtes membres souhaitent apporter une contribution complémentaire, ils pourront la faire parvenir au secrétariat de la mission d'ici à demain mercredi midi.

Comptes rendus des auditions

Les comptes rendus sont consultables ici.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page