CONCLUSION

POUR UNE INTERCOMMUNALITÉ DE LA CONFIANCE,

AU SERVICE DES TERRITOIRES

Animée initialement par un esprit partenarial, l'intercommunalité à la française s'est vue profondément transformée sous l'effet des réformes successives - notamment les lois Maptam et NOTRe - dont l'ambition était d'achever la carte intercommunale et d'approfondir l'intégration territoriale. Si ces objectifs ont été atteints, ces réformes ont contribué à distendre le lien entre les communes et les intercommunalités dont elles sont membres. Leur brutalité laisse des traces encore aujourd'hui.

L'écoute des élus, communaux comme intercommunaux, tout au long des travaux de la mission, a mis en lumière un sentiment persistant de dépossession, le regret d'une gouvernance souvent jugée trop descendante et une appropriation inégale des compétences transférées. Ce constat appelle à un réajustement stratégique du cadre intercommunal : il ne s'agit pas de revenir en arrière, mais de faire évoluer le système vers davantage de souplesse, de concertation et de confiance mutuelle.

Après une décennie de bouleversements, les intercommunalités nées de la mise en oeuvre des lois Maptam et NOTRe doivent encore s'ancrer dans la réalité territoriale, ce qui exclut tout nouveau big bang territorial. En revanche, des ajustements à la marge de la carte intercommunale doivent rester possibles, notamment pour répondre aux situations manifestement dysfonctionnelles. Ce rééquilibrage territorial doit être conçu dans une logique de dialogue et d'adaptation au terrain et non plus de mise sous contrainte voire de conflit ouvert.

Dans cette perspective, la différenciation territoriale, mise en avant avec les lois « engagement et proximité » et « 3DS », constitue un levier central. Face à la diversité des réalités locales, il est essentiel de permettre des configurations institutionnelles souples : développement des communes nouvelles, expérimentation des communes-communautés, renforcement des logiques de mutualisation volontaire. Loin d'affaiblir la République, cette adaptation aux réalités du terrain permettra de renforcer l'efficacité locale tout en respectant la liberté communale.

La qualité de la gouvernance intercommunale est un facteur déterminant pour faire vivre ce pacte de confiance. Les travaux de la mission ont montré que celle-ci n'était pas nécessairement corrélée au niveau de richesse de la structure intercommunale mais tenait davantage à la volonté des élus de définir de concert un véritable projet de territoire et à y impliquer l'ensemble des communes la composant. C'est pourquoi la mission appelle tous les élus à construire une communauté de projet, mobilisant l'ensemble des acteurs politiques, administratifs et citoyens.

Sur le plan financier, l'environnement actuel ne plaide pas en faveur d'une politique d'incitation plus déterminée, alors que les évolutions de la répartition des compétences ont mis en tension les équilibres financiers internes aux intercommunalités. Pour autant, la mission estime que des ajustements sont possibles : le système d'attribution de compensation, en particulier, requiert une révision plus souple et objective, fondée sur une évaluation transparente des charges transférées. Par ailleurs, les outils existants - DSC, FPIC, fonds de concours - pourraient être utilisés de manière plus stratégique, au service de la solidarité et du développement équilibré des territoires.

Au-delà des instruments de nature financière, la mutualisation demeure une raison d'être majeure de l'intercommunalité. Or, elle reste sous-exploitée. L'instauration systématique de schémas de mutualisation, la création de services communs à l'échelle communautaire, et l'accompagnement des petites communes sont autant de leviers pour réduire les fragilités administratives tout en augmentant la qualité des services publics locaux.

Au total, le rapport n'appelle pas à un grand soir institutionnel. Mais il propose une nouvelle étape, moins tournée vers des évolutions juridiques que de nature partenariale, pour faire de l'intercommunalité un cadre réellement choisi, adapté et utile aux communes qui la composent. L'intercommunalité ne peut être ni une « super commune » technocratique, ni une coquille vide. Tous les élus, qu'ils soient issus de la commune centre ou des plus petites d'entre elles, doivent pouvoir trouver leur place au sein d'une véritable instance de coordination, de mutualisation et d'impulsion territoriale, au service des habitants.

Pour cela, la mission appelle à fonder un nouveau pacte intercommunal, articulé autour de trois principes clairs  : subsidiarité : (ne transférer que ce qui peut vraiment être mieux exercé à une autre échelle), respect de la liberté communale (garantir aux communes les marges de manoeuvre indispensables à leur identité et à leur responsabilité démocratique) et solidarité territoriale afin de faire de l'intercommunalité quelle qu'elle soit un instrument de développement de projets locaux au service des Français.

C'est à cette condition que l'intercommunalité - porteuse de services aux habitants - retrouvera sa légitimité fondatrice : être non pas subie, mais mise au service d'une action publique locale plus forte parce que partagée et concertée.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page