EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 23 septembre 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport d'information de Mmes Élisabeth Doineau, rapporteure générale, et Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteures de la mission d'information sur le financement de la protection sociale.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons maintenant examiner le rapport d'information qu'Élisabeth Doineau et Raymonde Poncet Monge ont réalisé au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur les évolutions envisageables du financement de la protection sociale.

Je vous précise que nos collègues ont déjà présenté leurs travaux à la Mecss le 1er juillet dernier, sous la présidence d'Alain Milon, ici présent et que je salue.

Je vous indique que nous procédons à un exercice quelque peu inédit. En effet, le rapport comprend un catalogue de mesures sur l'évolution des comptes sociaux, qui pourront ou non se traduire en propositions. Les deux rapporteures n'étant pas de la même sensibilité, l'idée était que chacune puisse proposer des mesures, quitte à ce que certaines d'entre elles soient très éloignées les unes des autres.

Il ne s'agit donc pas de formuler des propositions à proprement parler. Je vous inviterai simplement à prendre acte des travaux de la Mecss et à autoriser la publication de ce rapport d'information.

M. Alain Milon, président de la Mecss. - Les rapporteures ont présenté un premier rapport au début de l'été. Il a été convenu qu'elles travailleraient durant l'été pour pouvoir vous présenter la version qui vous est soumise aujourd'hui. J'ai eu la chance de le lire et je salue le travail très important qu'elles ont réalisé, en bonne intelligence.

Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteure. - Nous vous présentons notre projet de rapport pour la Mecss, que nous proposons d'intituler : « Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat ». Ce titre comprend l'expression « boîte à outils », pour des raisons que je vais vous expliquer tout à l'heure. Il est légèrement plus court que celui proposé à la Mecss en juillet.

Mme la rapporteure projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.

Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler brièvement la procédure d'examen du rapport.

Le règlement intérieur de la Mecss ne prévoit explicitement d'examen - et, a fortiori, d'adoption - des rapports de la Mecss que par la commission des affaires sociales.

En octobre dernier, lors de l'examen du rapport de la Mecss sur la branche AT-MP, réalisé par Marie-Pierre Richer et Annie Le Houérou, le président Milon a exprimé le souhait que la Mecss examine ses rapports préalablement à leur adoption par la commission. Le président Mouiller ayant donné son accord, la Mecss a décidé, en décembre 2024, lors de l'adoption de son programme de travail, de procéder de la sorte à l'avenir.

Le rapport que nous vous présentons est le premier que nous examinons selon cette nouvelle procédure. Il a donc déjà été examiné par la Mecss, le 1er juillet dernier. Nous avons décidé de décaler son examen par la commission, initialement prévu le lendemain, au mois de septembre, afin de nous permettre de l'actualiser.

En effet, ce rapport a vocation à être une boîte à outils : il doit présenter les différentes mesures envisagées dans le débat public pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre. Or deux rapports importants devaient être publiés au mois de juillet, comprenant de nombreuses propositions : l'habituel rapport Charges et Produits de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), dont seule une version provisoire avait alors été publiée, mais aussi un rapport commandé par le Premier ministre aux trois hauts conseils - le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA).

Afin de préserver le caractère non polémique du rapport, nous avons arrêté les compteurs, si je puis dire, à la fin de mois de juillet. Aucune proposition formulée depuis lors n'est mentionnée dans le rapport.

Ces actualisations ne modifient bien entendu pas le fond du rapport. Notre diaporama sera donc strictement identique à celui présenté début juillet à la Mecss, sous réserve de quelques corrections de chiffres à la marge. En particulier, nos préconisations relatives à la gouvernance n'ont pas changé.

Notre rapport est une boîte à outils, parce qu'il ne préconise ni ne rejette aucune mesure. Il relève de la même logique que le rapport de la Cour des comptes de février 2025 sur les retraites, la différence étant qu'il concerne l'ensemble de la sécurité sociale.

Nous souhaitons que ce rapport contribue à cadrer le débat et à favoriser le rapprochement des points de vue en formulant des constats partagés.

Si nous ne préconisons pas de mesures particulières sur les dépenses, les recettes ou la manière d'augmenter le PIB, nous préconisons en revanche certaines orientations relatives à la gouvernance. Celles-ci devraient, nous semble-t-il, faire l'objet d'un consensus au sein de la commission.

Toutefois, nous suggérons d'appeler ces préconisations non pas des « propositions », mais des « points d'accord des rapporteures ». Il s'agit d'éviter toute ambiguïté, et d'établir clairement que ce rapport ne lie pas la commission pour l'avenir, en particulier en ce qui concerne le prochain PLFSS. Ce rapport n'empiète aucunement sur les prérogatives des rapporteurs de branche, qui restent totalement maîtres d'apprécier ce qu'il convient de faire ou pas.

Nous nous sommes efforcées de faire en sorte que notre boîte à outils soit aussi fournie que possible. En annexe, un tableau d'une vingtaine de pages synthétise et chiffre les principales propositions qui ont pu être formulées dans le débat public. On y trouve par exemple la valeur d'un point d'augmentation de tel ou tel taux de contribution sociale généralisée (CSG), ou les effets d'un écart d'un an de l'âge d'ouverture des droits à la retraite.

Il va sans dire que chacun d'entre nous sera favorable à certaines mesures et défavorable à d'autres ; c'est tout à fait normal. Si nous devions toutes les appliquer, le rendement de l'ensemble de ces mesures s'élèverait à une centaine de milliards d'euros. Il ne s'agit donc évidemment pas de toutes les mettre en oeuvre.

La Mecss nous a semblé être l'instance adaptée pour établir un tel rapport. S'il ne s'agit pas d'une évaluation, l'approche technique du rapport correspond à celle qu'ont habituellement les rapports de la Mecss.

Conformément aux compétences de la Mecss, le présent rapport se limite au champ de la sécurité sociale - les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) - et des organismes concourant à son financement - la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Les régimes complémentaires de retraite, l'assurance chômage, les complémentaires santé et les minima sociaux sont hors du champ du rapport. Comme l'ont demandé les membres de la Mecss le 17 décembre 2024, le rapport porte non seulement sur les recettes, mais aussi sur les dépenses et sur le solde.

Les projections à long terme du rapport portent sur le périmètre de la sécurité sociale. Compte tenu des sommes en jeu, le rapport se concentre sur les branches vieillesse, maladie et autonomie.

Nous nous sommes placées dans une perspective de réduction du déficit des administrations publiques : il ne s'agit pas d'examiner les manières de réduire le déficit de la sécurité sociale en augmentant celui de l'État, bien que la compensation des exonérations sociales soit insuffisante.

Notre premier constat est le suivant : la situation financière n'est pas soutenable.

Pour le formuler, nous nous fondons tout d'abord sur des comparaisons internationales.

Quand on évoque la situation financière de la sécurité sociale, il convient, avant de parler du déficit, de mentionner le montant des dépenses. Dire que la France a les dépenses publiques de protection sociale les plus élevées au monde en points de PIB relève du lieu commun. Or cette affirmation est moins vraie si l'on exprime ces dépenses en euros par habitant : dans ce cas, la France occupe le sixième rang des pays de l'OCDE en matière de dépenses publiques de protection sociale.

En effet, la France a un PIB par habitant dans la médiane de l'OCDE, ce qui a fait dire au président du Conseil d'orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, lors de son audition : « La France est pauvre parmi les riches. »

Ce constat peut être interprété de manière différente selon sa sensibilité politique : d'aucuns considéreront qu'il est faux de dire que la France a des dépenses sociales trop généreuses ; d'autres estimeront que la France vit au-dessus de ses moyens.

La sécurité sociale française est financée pour près de la moitié par des prélèvements sur le travail. Cela n'a rien d'extraordinaire ; les autres pays de l'OCDE procèdent de la même manière. La France se distingue sur un point : ses dépenses sociales - et donc ses recettes sociales - étant très élevées en points de PIB, elle a mis en place des allégements généraux sur les bas salaires dans le cadre de sa politique de l'emploi.

Mais l'actualité, c'est bien sûr le déficit de la sécurité sociale, qui atteint actuellement un niveau sans précédent hors période de crise. En outre, en cas de politiques inchangées, il continuerait d'augmenter d'ici à 2029.

Nous montrons dans un premier graphique comment nous sommes passés d'un quasi-équilibre en 2019 à un déficit de 15 milliards d'euros en 2024. L'évolution du solde conjoncturel a contribué à aggraver le déficit à hauteur de près de 13 milliards d'euros. Si nous nous appuyons sur l'estimation du PIB potentiel de la Commission européenne, cela signifie, concrètement, que le PIB de la France était, en 2019, supérieur d'environ 2 % à son niveau « normal », ce qui suscitait des recettes supplémentaires. Aussi le solde était-il temporairement amélioré de plus de 10 milliards d'euros.

Ce chiffre peut être retrouvé facilement : il correspond peu ou prou à 2 % des 500 milliards d'euros de recettes de cette année. Autrement dit, la sécurité sociale était en réalité en situation de déficit structurel de plus de 10 milliards d'euros en 2019, sans que nous en ayons forcément conscience. À l'heure actuelle, le PIB est un peu en dessous de son niveau « normal ». Ainsi, la conjoncture dégrade le solde de 13 milliards d'euros par rapport à 2019.

Le fait que depuis 2019 le taux de croissance des dépenses ait été supérieur à celui du PIB potentiel a aggravé le déficit 2024 de 20 milliards d'euros. Cela correspond à peu près au montant cumulé du Ségur de la santé et des mesures de compensation de l'inflation décidées à la suite de la crise sanitaire. Peut-être aussi que la politique des années 2010 n'était pas totalement soutenable.

Ces deux chiffres traduisent chacun une limite de la politique de retour à l'équilibre de la décennie 2010. Dans le contexte actuel, il est important d'en avoir conscience.

Par ailleurs, les mesures nettes d'augmentation des recettes représentaient environ 8 milliards d'euros. Paradoxalement, les recettes ont eu tendance sur la période à augmenter spontanément plus vite que le PIB potentiel, malgré la forte hausse des niches en 2022-2023.

Nous allons revenir sur le déficit année par année pour bien comprendre de quoi il retourne. Pour cela, nous avons réalisé un graphique décomposant le solde de la sécurité sociale. Comme le précédent, ce graphique n'existe pas ailleurs. En effet, la direction de la sécurité sociale (DSS) ne s'intéresse pas aux notions de solde structurel et d'effort structurel, et Bercy ne s'intéresse pas au périmètre de la sécurité sociale. Il en résulte une analyse incomplète des déterminants de l'évolution du solde de la sécurité sociale.

Notre graphique indique, pour chaque année depuis 2010, non seulement le déficit de la sécurité sociale, que chacun connaît, mais également le solde conjoncturel, qui résulte du fait que le PIB est au-dessus ou en dessous de son niveau « normal », et le déficit structurel, c'est-à-dire le déficit corrigé des fluctuations de la conjoncture.

Pour comprendre les effets réels de la politique du Gouvernement, il faut se pencher sur le déficit structurel. Si, dans la première moitié des années 2010, la réduction du déficit a été structurelle, avec un quasi-retour à l'équilibre structurel, l'effort s'est ensuite relâché. En effet, comme je vous l'ai dit, le déficit structurel avait à nouveau atteint plus de 10 milliards d'euros en 2019. Nous ne nous en rendions alors pas compte parce que l'excédent conjoncturel le masquait.

Nous avons cherché à comprendre ce qui s'est passé dans les années 2010.

Nous avons d'abord adopté une approche en termes de solde structurel et d'effort structurel. Dans le cas des dépenses, cette approche considère, par convention, qu'il n'y a pas d'effort sur la dépense lorsque celle-ci augmente au même taux que le PIB potentiel, et ce même si un effort considérable a dû être consenti pour qu'elle n'augmente pas davantage - par exemple dans le cas de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Nous n'observons un effort structurel significatif sur les recettes que dans la première moitié des années 2010. Celui-ci a uniquement consisté en des augmentations de recettes. L'effort structurel sur les dépenses a, pour sa part, été négatif. Autrement dit, les dépenses ont augmenté plus vite que le PIB potentiel.

Par ailleurs, les mesures concrètes qui ont été prises dans les années 2010 sur les recettes et les dépenses, qui sont d'un montant global de 75 milliards d'euros - soit 8 milliards d'euros par an -, ont porté pour les deux tiers sur les dépenses. Toutefois, les mesures sur les recettes ont uniquement concerné la première partie de la période.

Pour schématiser, des mesures d'économies étaient réalisées chaque année sur l'Ondam pour 4 milliards d'euros, et sur les retraites pour un 1 milliard d'euros. Dans la première moitié de la période, cela s'est accompagné de mesures sur les recettes : chaque année pendant quatre ans, des mesures d'augmentation des recettes s'élevant à environ 6,5 milliards d'euros ont été prises.

Nous nous sommes demandé dans quelle mesure le Ségur et les mesures liées à l'inflation avaient annulé l'effort de maîtrise de l'Ondam des années 2010. En retenant l'hypothèse d'un taux de croissance tendanciel de l'Ondam de 4,5 % en valeur depuis 2019, le Ségur et les mesures inflation n'auraient pas annulé l'effort de maîtrise de l'Ondam des années 2010, mais l'auraient réduit d'environ un tiers.

Nous avons abondamment parlé, l'année dernière, de la forte croissance des niches sociales après la crise sanitaire. Le coût des allégements généraux de cotisations patronales est passé de 50 milliards d'euros en 2020 à 65 milliards d'euros en 2023. En effet, de nombreux salariés supplémentaires ont été rattrapés par le niveau du Smic, revalorisé du fait de l'inflation, d'où cette hausse du coût total des allégements. Toutefois, en 2024, ces derniers ont légèrement diminué ; ils auraient stagné sans le gel des « bandeaux ». Il ressort du rapport de juin 2025 à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) que, même en neutralisant la baisse de 2 milliards d'euros consécutive à la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025, la stagnation devrait se poursuivre en 2025. Il est vraisemblable que, le Smic suivant l'inflation, lesdits allégements généraux aient pris de l'avance pendant les périodes où elle était élevée, augmentant moins vite que la masse salariale au cours des années suivantes.

Quant aux exemptions d'assiette, c'est-à-dire l'essentiel des niches sur les compléments de salaire, elles ont fortement augmenté en 2022. La Cour des comptes a critiqué cette hausse dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2024.

Nous nous sommes efforcées de synthétiser les compensations des niches sociales. Le montant total des niches et allégements dépasse 100 milliards d'euros. Contrairement aux tableaux de l'annexe du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) relative aux niches sociales, qui présentent un montant plus bas, nous prenons en compte la totalité des niches, dont les taux réduits de CSG et l'exemption de la prime de partage de la valeur (PPV), dont le coût est nul selon le Gouvernement, alors que la Cour des comptes l'estime à 1,1 milliard d'euros en 2023. Ainsi, sur l'ensemble, 35 milliards d'euros ne seraient pas compensés.

Dans ce cadre, le principal cas manifeste de non-respect de la loi est celui de l'exemption de PPV. Certes, pour les allégements généraux, la compensation du bandeau maladie serait inférieure de 5,5 milliards d'euros au coût, la part de TVA affectée à la sécurité sociale en 2019 ayant été, selon la Cour, mal calculée. Toutefois cette compensation correspond bien à celle prévue par la LFSS pour 2019. De même, la non-compensation, que l'on peut déplorer, de l'exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires, découle de la LFSS 2019. S'ajoutent un certain nombre de niches antérieures à la loi Veil du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui instaure l'obligation d'une compensation. Dans certains cas, elles font l'objet d'une dérogation législative explicite. Il est possible que quelques niches ne soient pas compensées alors qu'elles devraient l'être, mais nous n'avons pas eu le temps de les examiner une à une.

Le bandeau maladie a été instauré en 2019, en remplacement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). La baisse de 6 points des cotisations maladie, soit 19,8 milliards d'euros en 2019, n'a été compensée que par une fraction de 9,79 points de TVA, soit 17,4 milliards d'euros, soit une sous-compensation de 2,4 milliards d'euros, qui fluctue depuis lors selon le plus ou moins grand dynamisme de la TVA. À long terme, la TVA évolue comme le PIB en valeur, et cette compensation est donc peu susceptible d'être rognée : le problème réside donc non pas dans le principe d'y recourir, mais dans la sous-compensation décidée par le législateur.

Nous en arrivons au déficit de la sécurité sociale. De manière provocatrice, je dirais d'emblée que celui-ci n'existe pas ! Mais rassurez-vous : nous vous expliquerons tout de même pourquoi il faut le résorber...

Évitons les fausses polémiques. On peut comparer le solde de la sécurité sociale avec celui de divers périmètres plus larges. La Cades est par nature excédentaire de 15 milliards à 20 milliards d'euros par an, ce qui lui permet d'amortir la dette sociale. En l'agrégeant à la sécurité sociale, l'ensemble est à l'équilibre en 2024 et ne devient déficitaire qu'en 2025. La situation est analogue pour le solde global des administrations de sécurité sociale (Asso), lequel inclut également, notamment, les organismes de régimes complémentaires de retraite et l'assurance chômage.

Une autre raison pour laquelle la notion de déficit de la sécurité sociale a peu de sens est que si ses dépenses correspondent à une réalité physique, ses recettes résultent d'une convention juridique. Cela peut amener à relativiser voire à nier l'existence de ce déficit ou, au contraire, à considérer qu'il est gravement sous-estimé, comme le montre la polémique autour d'un prétendu déficit caché du système de retraites.

Cela étant, la sécurité sociale n'a pas vocation à être en déséquilibre, puisque cela reviendrait à faire payer les prestations actuelles par les générations futures : ce n'est pas ainsi que la solidarité nationale doit fonctionner. En outre, en cas de nouvelle crise, la sécurité sociale aurait des difficultés à jouer son rôle d'amortisseur social contracyclique : il serait difficile d'augmenter encore le déficit de 40 milliards d'euros si celui-ci est déjà de 25 milliards d'euros. Par ailleurs, si nous ne faisons rien, nous risquons une crise de liquidité à brève échéance. Enfin, le déficit des administrations publiques, de 5,8 points de PIB en 2024 - le plus élevé de la zone euro - n'est pas soutenable, et l'effort ne peut reposer sur les seuls État et collectivités locales. La sécurité sociale doit revenir à l'équilibre pour contribuer à cet effort.

Ramener le déficit à 3 points de PIB en 2029 impliquerait de prendre des mesures d'environ 170 milliards d'euros sur les dépenses et les recettes pour l'ensemble des administrations publiques. Or, pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre à cette même échéance, l'effort représente environ 40 milliards d'euros, soit un quart du total, alors que la sécurité sociale représente 40 % des dépenses publiques. Toutefois, nous ne proposons pas d'aller au-delà du retour à l'équilibre.

Pour sortir d'une vision à court terme et éviter une simple liste de mesures « à la Prévert », nous avons réalisé des projections à long terme à politiques inchangées, en nous appuyant sur celles réalisées par d'autres organes, comme le COR, en les mettant en cohérence entre elles et avec le périmètre de la sécurité sociale. Ces projections vont jusqu'à 2070, même si évidemment à cette échéance les résultats sont très incertains.

Ces projections suggèrent que, si l'on n'agit pas sur la dynamique tendancielle des dépenses et des recettes, le déficit de la sécurité sociale pourrait exploser et atteindre 3 points de PIB en 2040, et 9 points en 2070. Ce scénario n'a pas beaucoup de sens, car il suppose de laisser advenir une hausse annuelle de 4 % des dépenses d'assurance maladie, ce qui ne sera évidemment pas le cas.

Ainsi, nous avons conçu un scénario dit de « stabilisation maladie », c'est-à-dire comprenant une stabilité des dépenses de l'assurance maladie en points de PIB, correspondant à peu près à l'hypothèse de la LFSS 2025 jusqu'à l'année 2028. Cela suppose quelque 4 milliards d'euros d'économies par an. Conformément à la logique du rapport, ce scénario n'a rien de prescriptif, même si nous convenons qu'il ne faut pas laisser filer les dépenses. Dans ce cadre, le déficit atteindrait 1,4 point de PIB en 2040 et 3 points en 2070. Cela reste important dans l'absolu : sur la base du PIB actuel, le déficit serait d'environ 45 milliards d'euros en 2040. La moitié de ce déficit serait imputable aux retraites.

La diminution des recettes en points de PIB - de 1,4 point d'ici à 2070 - s'explique pour les deux tiers des retraites - baisse de la part relative des régimes équilibrés par l'État - et pour un tiers de la branche maladie, dont les recettes augmentent spontanément moins vite que le PIB - du fait notamment de la diminution du rendement des droits sur les tabacs.

La maîtrise des dépenses de la branche maladie est, de loin, l'enjeu financier le plus important. En effet, comme le souligne le COR, les dépenses liées aux retraites sont stables en proportion du PIB : le déficit de la branche vieillesse est lié à la diminution de la part des régimes équilibrés par l'État. Par ailleurs, à politique inchangée, les dépenses de la branche autonomie augmenteraient de 0,6 point de PIB sur la période. C'est beaucoup à l'échelle de la branche, mais très peu à celle de la sécurité sociale.

Entre 2024 et 2070, l'évolution spontanée des dépenses des branches est variable. Ainsi, sans contrainte sur la branche maladie, les dépenses de la sécurité sociale augmenteraient de 6,4 points de PIB sur la période, ce qui n'est pas soutenable. En revanche, si les dépenses de l'assurance maladie étaient stables en points de PIB, la hausse globale serait bien plus faible. Ainsi, les dépenses de la branche vieillesse augmenteraient de 0,4 point de PIB, celles de la branche autonomie de 0,6 point, et celles de la branche famille, essentiellement indexées sur l'inflation, baisseraient.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous en venons aux moyens de ramener la sécurité sociale à l'équilibre. Ce n'est pas techniquement difficile, le défi est surtout de nature politique. Ce qui sera en revanche techniquement difficile, c'est de maintenir cet équilibre.

La première question est celle de l'échéance. Le Gouvernement démissionnaire souhaitait un retour à l'équilibre en 2029. Ainsi, la ministre chargée des comptes publics a fait état de cet objectif, notamment au Sénat le 28 mai dernier. Pour ma part, je n'ai pris conscience de cet objectif que lors de l'audition du directeur de la sécurité sociale, le 15 mai dernier. Il est en effet frappant qu'un tel objectif de retour à l'équilibre ne figure dans aucun document, particulièrement parmi les annexes de la loi de financement de la sécurité sociale, dont l'usage est qu'elles s'entendent à droit inchangé.

Or il serait utile de disposer d'un document décrivant où nous allons, ne serait-ce que pour rassurer les créanciers de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). En effet, les marchés ne détestent rien plus que l'incertitude.

Le premier de nos points d'accord est donc la nécessité de ramener la sécurité sociale à l'équilibre structurel, si possible en 2029 et au plus tard en 2035. Dans les années 2010, la sécurité sociale a été ramenée à l'équilibre structurel dès 2014, le solde s'étant dégradé ensuite. Ce n'est donc pas irréaliste. S'il paraît difficile, compte tenu du contexte politique et économique, d'atteindre cet objectif en quatre exercices, l'échéance de 2035 nous paraît néanmoins impérative. En effet, un nouveau transfert de dette sociale à la Cades serait alors peut-être impossible sans augmentation des ressources de la Cades.

Examinons d'un point de vue arithmétique les contraintes d'un retour à l'équilibre. Si l'échéance visée est 2029 par exemple - cela n'est pas prescriptif -, nous savons qu'il faudra prendre des mesures de réduction des dépenses et d'augmentation des recettes à hauteur d'environ 40 milliards d'euros.

Regardons maintenant ce que disent les modèles de simulation respectifs de la direction du Trésor - Mésange - et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) - EmeRaude -, afin de déterminer s'il est plus efficace, pour réduire le déficit, d'augmenter les recettes ou de réduire les dépenses d'un montant donné. En d'autres termes, quel est l'effet sur le solde des administrations publiques d'une augmentation des recettes ou d'une diminution des dépenses d'un point de PIB, soit 30 milliards d'euros ? Je rappelle que 30 milliards d'euros cela représente l'équivalent de 5 points de cotisations employeur, 4 points de cotisations salarié, 2 points de TVA ou 1,7 point de CSG.

Il apparaît, selon les deux modèles, que la réduction des dépenses est, à court terme, la solution la moins efficace pour réduire le déficit, en raison de son effet récessif, mais il s'agit à long terme de la mesure la plus efficace, notamment parce qu'elle n'a pas d'effet néfaste sur l'investissement.

En outre, pour les deux modèles, dans le cas de la TVA et de la CSG, l'amélioration du solde est la première année quasiment égale au montant de la mesure, mais comme le PIB est réduit à long terme, son effet est plus faible à long terme - divisé par deux en dix ans.

En revanche, les deux modèles sont en désaccord sur les conséquences d'une augmentation des cotisations employeur ou salarié. Il est ici question d'une augmentation uniforme : il ne s'agit pas de savoir ce qui se passerait en cas de réduction des allégements généraux, le Trésor et l'OFCE étant à peu près d'accord sur les destructions d'emplois qui résulteraient de telles mesures. Selon le Trésor, les cotisations ont un effet tellement récessif, à cause des emplois détruits, qu'à long terme l'amélioration du solde public serait nulle. En revanche, selon l'OFCE, il n'y aurait pas d'effet particulier sur l'emploi, et l'effet serait le même que pour les autres augmentations de prélèvements.

Même si nous parvenions à ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029, nous ne serions pas nécessairement tirés d'affaire. Lors de leur audition, les responsables de l'Acoss ont ainsi clairement tiré le signal d'alarme. Comme vous le savez, la sécurité sociale n'est pas censée être en déficit. La fonction normale de l'Acoss est de financer le besoin de trésorerie venant du fait que les recettes et les dépenses n'ont pas lieu les mêmes jours du mois. Pour cette raison, la loi n'autorise l'Acoss à s'endetter qu'à court terme, même si nous avons augmenté le délai en question d'un an dans le dernier PLFSS.

Toutefois, en l'absence de transfert de dette à la Cades, le déficit cumulé de la sécurité sociale doit aussi être financé par l'Acoss. Les responsables de l'Acoss nous ont indiqué que, à la fin de 2025, leur besoin de trésorerie devrait être proche du plafond de 65 milliards d'euros fixé par la LFSS 2025. Les années suivantes, ce besoin devrait augmenter chaque année du montant du déficit, ce qui amènerait à dépasser le seuil de 100 milliards d'euros en 2027.

À titre de comparaison, pendant la crise sanitaire, quand l'Acoss n'était pas parvenue à se financer sur les marchés et qu'il avait fallu recourir en urgence à la Caisse des dépôts et consignations et à des banques notamment pour financer les retraites, le besoin de trésorerie maximal sur l'année avait seulement été de 90 milliards d'euros.

Les responsables de l'Acoss ont considéré qu'il n'était pas évident que l'on puisse reproduire sur la durée ce qu'on avait fait de manière ponctuelle en 2020, surtout si le déficit continue de croître, sans perspectives d'amélioration. Ils ont donc estimé que la situation pouvait rapidement devenir problématique, dès 2027. Selon eux, nous entrerons à la fin de 2025, donc demain, en zone de risque.

Il faut donc transférer rapidement de la dette de l'Acoss à la Cades. Comme le montre l'historique des amortissements de dette réalisé par la Cades, plus le temps a passé, plus on a transféré des sommes importantes à la Cades, et plus la durée d'amortissement a été importante : elle a été de treize ans pour le transfert suivant la crise des dettes souveraines et pour le transfert consécutif à la crise sanitaire, alors que, par le passé, les sommes étaient moins élevées et étaient plus vite remboursées.

On pourrait avoir l'impression que la Cades est une sorte de solution magique permettant d'effacer la dette sociale. En réalité, il ne faut pas perdre de vue que l'amortissement de sa dette prend un certain temps, qui dépend notamment du montant de dette transféré et des ressources qu'on lui affecte.

Jusqu'à présent, nous avons fait en sorte que ses ressources lui permettent d'amortir sa dette une dizaine d'années après le début du transfert. Quel serait cependant l'encours de dette de la Cades sans augmentation de ses ressources ? Nous avons simulé deux scénarios indicatifs, l'un avec un retour à l'équilibre en 2029, l'autre avec un retour en 2035, et un transfert qui débute dans les deux cas dès 2026. On constate que l'encours augmenterait dans un premier temps, puis que la Cades commencerait à amortir la nouvelle dette à partir de 2033, une fois le stock de dette actuel amorti. En cas de retour de la sécurité sociale à l'équilibre en 2029, la courbe d'amortissement pourrait être analogue à celle des derniers transferts - la durée d'amortissement pouvant même être un peu plus courte -, mais si l'équilibre est atteint en 2035, alors l'encours de dette maximal et la durée d'amortissement seraient sans précédent. En d'autres termes, plus nous tardons à transférer la dette, moins la mesure est profitable.

Nous pourrions considérer qu'une durée d'amortissement de quinze ans telle que celle que suggère le second scénario serait supportable, mais que se passerait-il si le retour de la sécurité sociale à l'équilibre était tardif au point de susciter une durée d'amortissement de vingt ans, par exemple ? Cela ne serait-il pas perçu par les investisseurs comme un abandon de fait du principe d'équilibre de la sécurité sociale ? Cela aurait-il encore un sens de continuer à faire amortir la dette sociale par la Cades ? Le rapport ne prend évidemment pas position sur cette question.

Les analyses qui précèdent nous ont conduites à trois nouveaux points d'accord. Comme les précédents, ceux-ci ne concernent pas des mesures concrètes sur les dépenses ou les recettes, mais des objectifs et des règles de gouvernance. Les points d'accord nos 4, 5 et 6 n'ont rien de nouveau, et correspondent à des préconisations précédentes de notre commission.

Le point d'accord n° 4 consiste à se doter rapidement - en toute rigueur, il faudrait le faire dès cet automne - d'une trajectoire crédible de retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Quand nous disposerons d'une trajectoire explicite et crédible, il sera possible de réaliser un nouveau transfert de dette à la Cades, en lui fixant une nouvelle date butoir.

Comme l'échéance actuelle de 2033 est définie par une disposition organique, un nouveau transfert de dette impliquera une disposition de cette nature. Bien entendu, il serait très difficile que le Parlement s'entende sur un tel plan cet automne. Toutefois il y a réellement urgence.

J'en viens au renforcement de la gouvernance de la branche maladie. Ainsi que Mme Poncet Monge l'a rappelé à l'instant, l'assurance maladie est comme l'éléphant dans la pièce. Pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre, l'un des principaux enjeux est de reprendre le contrôle de l'Ondam, comme nous le rappelle l'avis de juin dernier du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie.

Dans un graphique illustrant le besoin d'un Ondam réaliste et respecté, nous indiquons le montant de l'Ondam en exécution, le niveau des programmations successives des LFSS et des lois de programmation des finances publiques, ainsi que les dépassements de l'Ondam. En effet, après avoir été respecté entre 2011 et 2019, l'Ondam est depuis systématiquement dépassé.

Le Gouvernement ayant indiqué l'importance qu'il accordait au retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, nous aurions pu supposer ou du moins espérer que l'Ondam repasse sous contrôle en 2025. Or le comité d'alerte a estimé en juin dernier qu'il existait un « risque sérieux » que l'Ondam soit dépassé de plus de 0,5 %, soit de 1,3 milliard d'euros. Le dernier avis du comité d'alerte, publié la semaine dernière, suggère que les mesures annoncées par le Gouvernement, qu'il évalue à 1,5 milliard d'euros, contre 1,7 milliard d'euros pour le Gouvernement, pourraient ne pas complètement suffire à respecter l'Ondam.

Il y a en fait deux problèmes : d'une part, depuis la crise sanitaire, les prévisions sont systématiquement optimistes ; ensuite, les instruments de régulation infra-annuelle doivent être renforcés.

Le Gouvernement a communiqué en début d'année sur l'augmentation du montant de la réserve prudentielle, qui a été portée à 0,4 % en 2025. Rappelons toutefois que cette réserve ne concerne pas les soins de ville, et qu'elle a notamment pour effet de transférer du déficit de la sécurité sociale vers les hôpitaux, ce qui ne présente pas d'intérêt.

Il en découle notre point d'accord n° 7, relatif à la mise en place d'une gouvernance effective de l'Ondam. Le rapport présente diverses pistes de mise en oeuvre, bien entendu sans prendre parti.

J'en viens à la dernière partie de mon exposé. Le retour de la sécurité sociale à l'équilibre n'est pas techniquement compliqué, les principales difficultés étant de nature politique, comme je l'ai déjà indiqué. En revanche, il sera techniquement plus compliqué de maintenir la sécurité sociale à l'équilibre sur la durée.

Il est frappant de voir qu'alors que le débat se focalise sur les retraites, et dans une moindre mesure sur l'autonomie, nous parlons très peu du financement des dépenses de santé, qui est pourtant l'éléphant dans la pièce. En effet, si nous ne faisons rien, les dépenses de la branche maladie pourraient passer de 8,6 points de PIB actuellement à 10,5 points de PIB en 2040 et 14,5 points de PIB en 2070.

À cela s'ajoute le fait que les recettes de la branche maladie tendent spontanément à augmenter un peu moins vite que la richesse nationale. En effet, selon la Cnam, le taux de croissance spontané des recettes de l'assurance maladie est actuellement inférieur d'environ 0,3 point à celui du PIB en valeur, du fait du faible dynamisme des recettes assises sur la masse salariale du secteur public et sur la consommation de produits du tabac. Autrement dit, c'est comme si l'on prenait chaque année des mesures d'environ 0,75 milliard d'euros pour réduire les recettes de la Cnam. Ainsi, même si les dépenses étaient stabilisées en points de PIB, en l'absence de mesures d'augmentation des recettes, le déficit augmenterait.

Évidemment ce scénario ne se produira pas, parce qu'il ne serait pas soutenable financièrement. Si les dépenses de santé n'étaient pas maîtrisées, nous constaterions probablement leur désocialisation croissante et l'augmentation des inégalités d'accès aux soins.

Nous avons essayé de sortir un peu le nez du guidon et des prévisions à moyen terme des LFSS pour regarder ce que les économistes disent au sujet des déterminants à long terme de la croissance spontanée des dépenses de santé, afin de bien comprendre la nature du problème. Selon l'OCDE, les dépenses de santé de la France devraient mécaniquement augmenter de 2,2 % par an en volume entre 2022 et 2040. L'OCDE ne précise pas cette évolution en valeur, mais en prenant en compte une inflation de 1,8 %, l'augmentation serait de 4 %, proche de l'estimation de la croissance spontanée de l'Ondam, qui, je vous le rappelle, est de 4,5 %. Je précise que les économistes appellent « l'effet Baumol » la tendance des salaires à augmenter plus vite que leur productivité dans certains secteurs.

Bien entendu, le Gouvernement ne laisse pas les dépenses d'assurance maladie filer, et réalise bien près de 4 milliards d'euros d'économies par an. Toutefois il n'existe quasiment pas de suivi des mesures en exécution. Les principales données, prévisionnelles, se trouvent dans l'annexe au PLFSS relative à l'Ondam. En 2022 et en 2023, le Gouvernement n'a affiché aucun objectif pour les établissements hospitaliers ; depuis, les annexes sont devenues très vagues.

Nous avons réalisé un tableau rappelant les mesures prévisionnelles de maîtrise de l'Ondam sur la période 2015-2021, selon les documents annexés aux PLFSS. Ce tableau est par ailleurs incomplet, car il ne prend pas en compte, par exemple, les efforts sur la masse salariale des établissements de santé. Sur cette période, les mesures prévues étaient d'environ 4 milliards d'euros par an ; en exécution, elles ont forcément été plus faibles.

Nous proposons une typologie répartissant les mesures en trois catégories, selon qu'elles visent à agir sur les volumes, sur les prix ou à reporter l'effort sur les patients et les complémentaires santé. Sur les 4 milliards d'euros d'économies annuelles, 2,5 milliards d'euros auraient porté sur les prix, essentiellement sur ceux des médicaments et des achats hospitaliers. Il n'est pas évident que la régulation puisse porter majoritairement sur les prix pendant plusieurs décennies. En fait, pour agir efficacement sur la dépense, il faut vraisemblablement davantage agir sur les volumes, en ciblant les inefficiences.

Malheureusement, il n'existe pas en France de chiffrage des dépenses de santé inefficientes, que l'on peut appeler, au sens large, les gaspillages. Nous nous sommes efforcées de réaliser un tel chiffrage, en précisant lorsque nous nous appuyons sur des sources précises ou sur de simples hypothèses. Il ressort de nos réflexions que les inefficiences correspondraient à environ un quart des dépenses de santé, conformément aux estimations usuelles pour les pays de l'OCDE, qui se situent entre 20 % et 30 %.

Toutefois, si l'on regarde précisément chaque composante, on se rend compte que si ces inefficiences existent, c'est parce que leur réduction se heurte souvent à un obstacle économique ou politique. Par exemple, les possibilités de prévention manquées correspondent à peut-être 8 % des dépenses. Mais que fait-on ? Il est sans doute possible d'améliorer la prévention tertiaire, c'est-à-dire celle qui concerne les personnes déjà malades, en assurant un meilleur suivi. Cependant, il semble peu probable que la France décide de mettre en place, par exemple, une véritable politique pour lutter contre la consommation nocive d'alcool.

L'OCDE estime que ses États membres pourraient diviser les inefficiences de leurs dépenses de santé par deux, et nous nous sommes intéressées à ce sujet. Rappelons-le, il y a quelques années, on ne s'intéressait pas encore à la fraude, et c'est à la suite de travaux du Sénat que l'on a commencé à évaluer son montant et que la lutte contre la fraude a été renforcée. Pourquoi dès lors ne pas travailler sur le gaspillage qui existe dans tous les pays, qui est d'ailleurs évalué aux États-Unis ou dans d'autres pays européens ?

Le rapport ne prend évidemment pas position sur ce qu'il convient de faire concrètement. Nous rappelons simplement les principales pistes habituellement évoquées, comme l'amélioration des parcours de soins ou le renforcement de la prévention, tout en soulignant l'aspect politique de certaines décisions. Par exemple, techniquement, il serait possible de contraindre les médecins à renseigner l'indication thérapeutique dans l'ordonnance électronique, comme le préconise le président du HCAAM, mais cette mesure impliquerait un débat politique approfondi.

Cela m'amène à deux nouveaux points d'accord, qui concernent également la seule gouvernance. Le point d'accord n° 8 est que nous avons besoin de disposer régulièrement d'un rapport approfondi comportant des projections à long terme et chiffrant les inefficiences. Il s'agit non pas, comme pour la plupart des demandes de rapport, de demander à l'administration de faire en quelque sorte notre travail à notre place, mais bien de contribuer à créer une dynamique. Ce rapport devra donc être médiatisé. La réalisation de chiffrages a contribué à renforcer la lutte contre la fraude ; de même, le chiffrage des inefficiences du système de santé pourrait inciter les uns et les autres, y compris les usagers, à en faire plus pour les réduire.

Le point d'accord n° 9 a pour but de favoriser le développement d'un écosystème, notamment universitaire, pour réfléchir aux questions d'efficience dans le domaine de la santé. En particulier, nous ne pouvons pas continuer de nous réveiller à la fin de chaque printemps en nous demandant quelles mesures d'économies sur l'Ondam nous allons bien pouvoir prendre dans le prochain PLFSS.

Autant les enjeux financiers sont considérables dans le cas de la branche maladie, celle-ci pouvant à elle seule rendre les finances publiques non soutenables, les aspects techniques y étant également très complexes, autant dans le cas de la branche vieillesse, les questions sont avant tout politiques.

Les dépenses de la branche vieillesse sont en effet stables en points de PIB. Le sujet, c'est que ses recettes baissent, à cause de la part relative des régimes équilibrés par l'État. Dans son dernier rapport, le COR projette pour 2070 un déficit de 1,4 point de PIB pour l'ensemble du système de retraite. Comme nous nous intéressons ici à la seule branche vieillesse, il faut retirer les régimes complémentaires, ce qui conduit à un déficit de 1,6 point de PIB en 2070.

Nous ne disons rien d'extraordinaire sur les retraites dans notre rapport. Celui-ci se contente pour l'essentiel de reprendre, sans prendre parti, les chiffrages figurant dans le rapport de la Cour des comptes de février dernier. Il comprend en outre des développements nuancés sur le financement des retraites au moyen de fonds, qu'il s'agisse de fonds de pension ou du FRR, en rappelant les arguments en sa faveur comme en sa défaveur. Dans l'hypothèse où le recours à des fonds serait développé, le rapport envisage, en présentant cela comme un scénario parmi d'autres, d'en charger le FRR, dont les dirigeants, lors d'une audition très intéressante, nous ont dit explicitement qu'il pourrait assurer la gestion d'un tel dispositif.

Les dépenses de la branche autonomie devraient accélérer à partir de 2030, du fait de l'arrivée à l'âge de la perte d'autonomie des baby-boomers, le déficit pouvant atteindre 0,6 point de PIB en 2070. Ce chiffre n'est pas colossal au regard de l'ensemble des finances publiques, mais il l'est par rapport au financement de la branche.

Dans un graphique, nous comparons nos projections des dépenses de la branche autonomie du rapport avec d'autres projections, ce qui permet de mettre en évidence un fort aléa à la hausse. Les projections de la Commission européenne concernent la totalité des dépenses publiques, à la fois pour les handicapés et pour les personnes âgées dépendantes. Il est intéressant de remarquer - c'est vraiment un point d'attention - que l'un de ses scénarios, impliquant une forte augmentation des dépenses en points de PIB, n'est pas établi à politiques inchangées, mais suppose qu'en France, pour chaque tranche d'âge, la probabilité d'être pris en charge et le coût de la prise en charge seront alignés sur la moyenne de l'Union européenne. Le rapport de la Commission européenne ne permet pas de voir précisément en quoi la France serait actuellement moins généreuse que ses voisins, mais il faut retenir que réfléchir à politiques inchangées n'est pas forcément la manière la plus adéquate pour projeter l'évolution des dépenses de la branche autonomie.

Sur les mesures à prendre pour financer l'autonomie, le rapport se borne à rappeler les principales propositions du rapport La Branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement de Laurent Vachey de 2020 et de celui du Conseil économique, social et environnemental (Cese) de 2024. Cela nous conduit à notre dernier point d'accord, qui est simplement qu'il faut enfin décider ce qu'on fait sur l'autonomie, au lieu de revenir sur le sujet à chaque PLFSS ou à l'occasion de l'examen de propositions de loi.

Nous avons vu tout à l'heure que si la France est le pays dont les dépenses sociales sont les plus élevées en points de PIB, ce constat n'est plus vrai si nous raisonnons en euros par habitant, la France étant, pour reprendre une expression utilisée par Gilbert Cette lors de son audition, « pauvre parmi les riches ». D'où l'idée, fréquemment mise en avant, d'augmenter le PIB pour réduire le déficit de la sécurité sociale, et plus généralement des administrations publiques. Gilbert Cette, lors de son audition, nous a transmis un graphique qui indique l'écart de PIB par habitant de différents pays par rapport aux États-Unis, en le décomposant entre ses différentes causes.

Les deux principaux éléments qui font que le PIB par habitant est plus faible en France qu'aux États-Unis sont la productivité globale des facteurs, c'est-à-dire l'efficacité avec laquelle l'économie utilise le travail et le capital, que l'on appelle souvent le progrès technique, et le nombre d'heures de travail par travailleur.

Ensuite, si l'on compare la France aux autres pays, en particulier européens, on voit que la faiblesse de notre taux d'emploi, c'est-à-dire la proportion de personnes en âge de travailler ayant un emploi, pèse sur notre PIB par habitant. Aligner le nombre d'heures de travail par travailleur sur celui des États-Unis serait la mesure la plus efficace, mais elle est probablement impossible politiquement. Aussi, les économistes préconisent plutôt de chercher à augmenter le taux d'emploi, pour corriger notre principale anomalie par rapport à l'Allemagne ou aux Pays-Bas.

La manière la plus simple et la plus fiable d'augmenter le PIB à moyen terme, c'est d'augmenter la quantité de travail. Si l'on compare la France à ses voisins, on voit que ce qui la distingue, c'est un faible taux d'emploi des jeunes et des seniors. Si ce taux d'emploi était similaire à celui de l'Allemagne, il n'y aurait quasiment plus de déficit de la sécurité sociale.

Le rapport ne prend pas parti à ce sujet. Il souligne notamment la difficulté politique actuelle à reculer encore l'âge de départ à la retraite, la complexité de la question de l'emploi des jeunes, et le fait qu'il serait probablement plus facile de faire que les gens travaillent plus si les conditions de travail étaient meilleures. Il envisage une autre manière d'augmenter le temps de travail, qui est d'augmenter la durée du travail de ceux qui ont un emploi. Nous présentons quelques pistes à ce propos, en soulignant que le sujet n'est pas consensuel au sein de la commission.

Je remercie le président de la Mecss, Alain Milon, pour la confiance qu'il nous a témoignée, ainsi que Raymonde Poncet Monge pour son investissement. Son regard d'économiste nous a été précieux. Nous sommes toutes deux très heureuses d'avoir trouvé des points d'accord au cours de ce travail d'ampleur.

Ce rapport, en particulier l'annexe IV, qui comporte le chiffrage des principales mesures évoquées dans le débat public, pourra servir à chacun d'entre vous lors de l'examen du prochain PLFSS.

M. Alain Milon, président de la Mecss. - Je vous invite à lire ce rapport très complet, ainsi que ses annexes, qui devraient vous donner matière à déposer des amendements au PLFSS 2026.

Le véritable problème de l'assurance maladie tient aux recettes. Lors de la mandature de François Hollande, les budgets ont certes été respectés, mais les dépenses étant contraintes par un Ondam en progression de seulement 1,7 %, de nombreux hôpitaux étaient en déficit et la délivrance de certains soins était restreinte. Il faudrait faire en sorte de trouver les recettes pour financer une progression de 4 % de l'Ondam.

Ma seule réserve sur ce rapport concerne l'allongement de la durée d'amortissement de la Cades, qui prolongera d'autant la CRDS, qui n'est assise que sur les revenus d'activité ou de remplacement.

Quoi qu'il en soit, je vous félicite pour ce travail magnifique et pour les points d'accord que vous avez su trouver.

M. Olivier Henno. - Je salue à mon tour le travail des rapporteures.

J'ai parfois l'impression que l'on a perdu le volant pour conduire l'assurance maladie et que, contrairement à ce qui se passe dans les autres branches de la sécurité sociale, il n'y a plus réellement de pilotage. Au-delà des choix politiques que nous pouvons faire, force est de constater que nous ne maîtrisons plus les dérapages. Or je ne suis pas certain que notre mode d'organisation nous permette de reprendre le contrôle, et si tel n'est pas le cas, il nous faudra sans doute engager de lourdes réformes structurelles pour remédier à cette situation. Partagez-vous cette inquiétude ?

M. Khalifé Khalifé. - Je remercie à mon tour nos collègues pour ce travail de qualité. Je regrette toutefois que certains diagnostics, par exemple sur la durée du travail, soient à ce point occultés en dehors de cette enceinte.

Je regrette également le défaut de gouvernance de la sécurité sociale. Il faut bien dire que l'on ne contrôle plus rien - la financiarisation de la médecine en est un exemple parmi d'autres. Les prescriptions ne sont plus encadrées, si bien que c'est désormais open bar. En tant qu'ancien praticien, je le déplore.

M. Daniel Chasseing. - En ce qui concerne les retraites, le rapport ne tranche pas la question d'un éventuel abaissement de l'âge de départ à la retraite, mais je ne vois pas comment nous pourrions équilibrer notre système si nous prenions une telle décision.

Pour ce qui est de l'autonomie, compte tenu du doublement attendu du nombre de personnes de plus de 85 ans entre 2020 et 2040, il est grand temps d'adopter un plan Grand Âge.

L'augmentation des dépenses de la branche maladie appelle une augmentation des recettes. En 2012, 2 millions de personnes étaient en ALD, contre 13 millions aujourd'hui. Or ces prises en charge représentent 85 % des dépenses de l'assurance maladie. Le remboursement des médicaments et des dépassements d'honoraires pourrait certes être restreint aux besoins en lien avec l'affection concernée, et nous pourrions faire des progrès en matière de prévention et d'encadrement des arrêts de travail, mais compte tenu de l'augmentation du nombre de patients en ALD, il sera difficile de faire 4 milliards d'euros d'économie.

Si cela paraît difficilement envisageable pour l'heure, il serait par ailleurs souhaitable de baisser la CRDS, qui mine le pouvoir d'achat des salariés.

Mme Corinne Imbert. - Il y a trois ou quatre ans, je m'interrogeais sur notre faculté à piloter l'Ondam et j'avais proposé qu'en cas de dérapage, le comité d'alerte nous saisisse plus vite.

La branche maladie porte l'essentiel du déficit, en partie du fait du contexte démographique, du souhait de chacun de bénéficier des meilleurs soins et du choix politique de sélectionner les médicaments les plus innovants, même si ces derniers ne comptent que pour une petite part dans le déficit actuel.

L'année dernière, lorsque nous avons demandé des efforts, tout le monde a ronchonné. C'est donc l'ensemble de nos concitoyens qu'il faudra convaincre.

Ayant passé l'été avec ma blouse blanche, j'ai pu constater en discutant avec les patients que de nombreux médecins prescrivent des examens d'imagerie sans même effectuer d'examen clinique. C'est un exemple de ce qu'il nous faudrait changer.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Depuis l'instauration du tiers payant, on a totalement perdu la notion du coût, notamment des médicaments, si bien que personne ne sait combien il a pu coûter à la sécurité sociale durant l'année écoulée. S'il nous faut trouver de nouvelles recettes sans alourdir encore les cotisations - ce qui suppose d'augmenter le nombre d'actifs ou d'allonger la durée du travail -, il nous faut également réduire les dépenses, en commençant par la suppression du gaspillage.

Mme Émilienne Poumirol. - J'ai assisté à de nombreuses auditions de grande qualité et je vous en remercie, car nous avons beaucoup appris.

Toute socialiste que je suis, dans les années 2010, j'ai eu beaucoup de mal à digérer les mesures de Marisol Touraine. Nous avons certes réduit le déficit, mais ce fut au prix d'une croissance très faible de l'Ondam, même si celle-ci fut atténuée par une inflation contenue autour de 1 %.

L'Ondam n'a peut-être plus réellement de sens. Il n'y a pas de solution simple, et sans doute faudra-t-il réduire les dépenses. Il faudrait par exemple que les médecins auscultent davantage les patients avant de leur prescrire des examens d'imagerie, ou que certains aient la main plus légère sur les prescriptions de biologie.

Du reste, il est indéniable que, sans agir sur les recettes, nous n'arriverons pas à l'équilibre.

Je veux enfin revenir sur un dernier point : dans son rapport Construire la sécurité sociale écologique du 21e siècle de 2022, Mélanie Vogel montrait que nous n'avions pas réellement pris la mesure de l'importance de la prévention au sens global et des richesses dont elle pourrait être synonyme. Nous n'insistons jamais assez sur la prévention - je ne parle pas de la vaccination, mais plutôt des mesures d'ordre environnemental, qui pourraient réellement faire la différence en matière de dépenses de santé.

Mme Anne Souyris. - Serait-il possible de quantifier les coûts et les gains induits par la prévention ?

La dette des hôpitaux est un sujet majeur. Le Président de la République avait promis qu'elle serait totalement remboursée. Or cela n'a été fait qu'en partie, et l'endettement a progressé une nouvelle fois. Il faudra bien remettre le compteur à zéro : est-il bien sérieux de penser que les hôpitaux pourront rembourser leur dette ?

Enfin, comme pour la prévention, il faudrait quantifier la financiarisation du système de santé et émettre des propositions. Serait-il envisageable de baisser les tarifs dans les secteurs où la rentabilité est jugée excessive ? Quand un très grand nombre d'actes du même type, sans être illégaux, semblent pratiqués de manière démesurés, il y a quelque chose à faire. Une taxe pourrait être instaurée sur ces actes à but lucratif.

Mme Raymonde Poncet Monge, rapporteure. - Mme Doineau et moi-même avons évoqué notre entente durant la préparation de ce rapport. Surtout, ni l'une ni l'autre n'avons défendu une position selon laquelle il faudrait uniquement augmenter les recettes ou uniquement maîtriser les dépenses pour résoudre tous les problèmes. Par exemple, je suis d'accord avec le fait qu'il faut mesurer et cibler l'inefficience des dépenses, afin de se donner les moyens de la combattre, comme c'est le cas pour la fraude.

Ainsi, les 10 milliards de mesures annuelles dont il est question relèvent d'un effort structurel sur les recettes aussi bien que sur les dépenses. Dans le passé, il y a eu des choses à la fois bonnes et mauvaises dans le retour à l'équilibre auquel nous sommes parvenus dans les années 2010, en particulier sous la présidence de François Hollande. Ce qui était positif, c'est qu'il y avait un effort sur les deux leviers - pour deux tiers, sur les dépenses, et pour un tiers, sur les recettes. En revanche, le problème, c'est que l'Ondam de l'hôpital a dû supporter la non-régulation de l'Ondam de la médecine de ville. Et on en est toujours là : on sait piloter les dépenses de l'hôpital - il suffit de ne pas lui donner assez, et il finit en déficit... -, mais pas celles de la médecine de ville. Ainsi, au début des années 2010, l'équilibre s'est aussi fait au détriment de l'Ondam hospitalier.

Je vous invite à lire, dans notre rapport, cet éclairage historique sur la décennie 2010 : la bonne santé conjoncturelle a masqué la persistance d'un important déficit structurel en 2019, aujourd'hui révélé par l'attrition des recettes.

Le rapport évoque la question de l'écologie. Cependant, il n'envisage pas de financer la sécurité sociale par une taxe carbone. En effet, nous nous sommes limitées aux créations ou augmentations de prélèvements obligatoires présentant un lien direct et incontestable avec la sécurité sociale.

Il est possible d'augmenter le PIB en augmentant la quantité de travail. Cependant, nous avons pointé que la France ne se distingue pas des autres pays européens par la durée de travail par emploi, mais par le nombre d'emplois.

La croissance du PIB est le troisième moteur du retour à l'équilibre, avec les dépenses et les recettes. On sait que la croissance annuelle sera faible. Mais lorsque le PIB croît, les dépenses n'augmentent pas de la même façon, et libèrent une certaine marge.

C'est donc une boîte à outils que nous vous proposons. Bien sûr, il y a des divergences de point de vue sur les leviers qui ont été utilisés par le passé et sur ceux que nous prévoyons de mobiliser. Mais ni Mme Doineau ni moi-même ne défendons le recours à un seul de ces leviers.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Monsieur Milon, la CRDS n'est pas uniquement à la charge des salariés : elle est également prélevée sur les pensions, et plus généralement sur l'ensemble des revenus de remplacement, tout comme la CSG.

Je reviens sur la capacité de pilotage. Un jour, on nous annonce la baisse du remboursement des frais liés aux soins des ALD, puis, le lendemain, celle de la prise en charge des cures thermales... En réalité, puisque nous ne sommes pas en mesure, politiquement, de nous mettre d'accord sur des décisions structurelles et de défendre un véritable projet de loi, seules des mesures réglementaires peuvent être prises. C'est un syndrome des difficultés politiques actuelles. Et il est bien normal que le Gouvernement décide de telles mesures : sans cela, la situation ne serait plus maîtrisable. Tout cela se fait par à-coups, car nous ne pouvons pas proposer de projets structurants.

Monsieur Khalifé, l'Ondam est en effet très compliqué. Faut-il le remettre en question ? Pour notre part, nous préconisons d'en changer la gouvernance. C'est l'objet des points d'accord nos 7 et 8. Les outils de régulation doivent être renforcés.

En 2022, 12,7 milliards d'euros ont été consacrés à la prévention, dont 6,1 milliards d'euros en dehors de la lutte contre l'épidémie de covid-19. Cela n'est pas suffisant. Mme Poncet Monge et moi-même sommes d'accord pour dire qu'il faudrait faire plus - mais avec quels moyens, grâces à quelles recettes ? Nous n'avons pas travaillé davantage sur le sujet, du fait de la mission d'information en cours sur la prévention en santé.

Les bénéfices de la prévention s'observent sur le long terme. Pour l'heure, nous en sommes réduits au court-termisme, puisque nous ne pouvons pas nous mettre d'accord sur des mesures structurantes. Nous soulignons la nécessité de renforcer la prévention, mais les mesures que nous chiffrons en annexe se limitent à des décisions rentables rapidement pour combler le déficit.

Concernant le coût de la santé, lors de son audition, Catherine Vautrin avait indiqué qu'elle souhaitait, à l'avenir, rendre plus lisibles les dépenses de santé, non pas pour stigmatiser qui que ce soit, mais pour qu'on se rende mieux compte du coût des dépenses de santé. Cela ne me paraît pas anormal. En outre, cela permettrait sans doute d'éviter, chez nos concitoyens, le sentiment que certains cotisent plus qu'ils ne reçoivent, et inversement. J'y suis donc favorable.

Enfin, il est évident que nous devons embarquer les citoyens. Aujourd'hui, ce n'est pas suffisamment le cas. Il faudra donc faire preuve de pédagogie. Pour l'heure, nous sommes tous dans le même bateau - un bateau qui coule !

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie.

Je vous invite à prendre acte des travaux de la Mecss et à autoriser la publication de ce rapport d'information.

La commission adopte le rapport d'information, à l'unanimité, et en autorise la publication.

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