III. PRÉSERVER À LONG TERME L'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. L'ASSURANCE MALADIE : LE PRINCIPAL DÉFI DES PROCHAINES DÉCENNIES

1. Des dépenses structurellement dynamiques

Les dépenses de la branche maladie sont les plus difficiles à projeter.

La croissance spontanée des dépenses de santé résulte de divers phénomènes :

- quand le PIB augmente d'un point, les dépenses de santé tendent à augmenter d'environ ¾ de point ;

- trois autres phénomènes majorent globalement ce taux d'environ 1,5 point : la tendance des salaires du secteur de la santé à augmenter plus rapidement que leur productivité (ce que les économistes appellent l'« effet Baumol »), le progrès technique et, actuellement, le vieillissement.

À cela s'ajoute l'inflation.

Croissance spontanée des dépenses de santé selon l'OCDE (2022-2040)

(volume, en %)

NB : L'« effet Baumol » est la tendance des salaires d'un secteur à augmenter plus vite que la productivité de ce secteur.

Source : OCDE (2024)

Les projections de dépenses à l'horizon de plusieurs décennies sont incertaines, en particulier en raison du rôle potentiellement disruptif de l'intelligence artificielle.

Les recettes de la branche maladie tendent spontanément à diminuer en points de PIB, du fait du faible dynamisme de certaines recettes (comme les droits sur les produits du tabac).

2. Des mesures de maîtrise des dépenses qui ont jusqu'à présent essentiellement porté sur les prix

Les données prévisionnelles figurant dans les annexes aux PLFSS suggèrent que jusqu'à présent, les mesures de maîtrise de la dépense (insuffisamment évaluées en exécution) ont été en moyenne de près de 4 milliards d'euros par an, dont 2,5 milliards d'euros de mesures portant sur les prix.

Mesures prévisionnelles de maîtrise de l'Ondam indiquées
par les documents annexés aux PLFSS (2015-2021)

NB : Ce tableau ne comprend pas la maîtrise de la masse salariale des établissements de santé.

Source : Mecss, d'après le HCFiPS (2021)

Il n'est pas évident que la régulation puisse porter majoritairement sur les prix pendant plusieurs décennies. En fait, pour agir efficacement sur la dépense, il faut vraisemblablement davantage agir sur les volumes, en ciblant les inefficiences.

3. Chiffrer les inefficiences des dépenses de santé pour mieux les réduire

Il n'existe pas, dans le cas de la France, de chiffrage des inefficiences des dépenses de santé (ce qu'on peut appeler, au sens large, les « gaspillages »).

Les rapporteures se sont efforcées d'ébaucher un tel chiffrage, en s'appuyant sur les données disponibles (très lacunaires) et parfois de simples hypothèses.

Le graphique ci-après suggère que les inefficiences correspondraient à environ un quart des dépenses de santé, ce qui est conforme avec les estimations usuelles obtenues pour d'autres pays (habituellement entre 20 % et 30 %).

L'OCDE préconise à ses États membres de ramener la part des dépenses de santé inefficientes, estimée de manière conventionnelle à 20 %, à 10 %.

Les inefficiences dans le domaine de la santé : ébauche de chiffrage

(% des dépenses de santé)

Source : États-Unis, Speer et al. (2020) ; France : Mecss

Les rapporteures préconisent de réaliser un chiffrage approfondi des inefficiences, et de promouvoir la réflexion publique sur les enjeux de long terme et les préoccupations d'efficience.

Point d'accord n° 8 : Publier et médiatiser, au moins tous les cinq ans, un rapport établi par une ou plusieurs entités indépendantes (comme le COR et les trois Hauts Conseils) comprenant :

- des projections de long terme (cinquante ans) pour les recettes, les dépenses et le solde de chaque branche de la sécurité sociale et de la sécurité sociale considérée dans son ensemble ;

- une estimation financière détaillée des inefficiences du système de santé ;

- des pistes pour le retour ou le maintien à l'équilibre.

Point d'accord n° 9 : Dans le domaine de la santé, rendre disponibles aux chercheurs, après anonymisation, avec une « granularité » descendant au niveau des établissements de santé et des professionnels de santé, les principaux indicateurs relatifs à la surconsommation, à l'efficience clinique, à l'efficience administrative, aux prix, à la prévention et à la fraude.

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