C. FACE AUX ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES ET TECHNOLOGIQUES, RENFORCER LA DÉFENSE DE LA SOUVERAINETÉ AUDIOVISUELLE ET NUMÉRIQUE
1. Une souveraineté audiovisuelle relativement assurée
Dans le domaine de la communication audiovisuelle, la question de la souveraineté revêt une importance particulière depuis l'avènement d'internet et le développement d'offres étrangères adressées au public français.
En premier lieu, l'action de l'Arcom à l'égard des réseaux hertziens (TNT, FM et DAB +) garantit l'existence d'une offre nationale, diverse, conforme aux objectifs définis par la loi, et mobilisable en cas de nécessité : diffusion des campagnes électorales officielles, diffusion des messages sanitaires (alerte canicule par exemple) ou de sécurité (alerte enlèvement, vigilance orage, par exemple), dans l'intérêt du public.
Comme le relève l'Arcom, « les offres délinéarisées et des plateformes internationales viennent concurrencer directement les acteurs nationaux, sans être soumis aux mêmes exigences et aux mêmes règles que ces derniers »110(*). L'exercice de la souveraineté implique ainsi, d'une part, de préserver l'attractivité des réseaux hertziens (récente décision de ne pas relancer un appel à candidature, travaux pour la valorisation des services d'intérêt général) et, d'autre part, de limiter les asymétries réglementaires qui pèsent sur les acteurs nationaux (en rapprochant les obligations des différents acteurs en matière de financement de la création et de règlementation de la publicité).
En second lieu, la souveraineté audiovisuelle s'exerce également à travers la préservation et le développement de la production et de la création cinématographiques et audiovisuelles françaises et européennes.
L'Arcom s'assure ainsi que non seulement les acteurs nationaux mais aussi ceux qui sont établis à l'étranger et éditent des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande qui ciblent le public français contribuent au financement de la création française et européenne et participent de la sorte au maintien d'un tissu national de sociétés de production.
Sur internet, les missions de l'Arcom sur les éditeurs de contenus sont circonscrites à ceux qui relèvent de la communication audiovisuelle. Ainsi, elle est compétente pour faire appliquer leurs obligations aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) établis en France.
En revanche, ses compétences ne portent pas sur les éditeurs de sites internet (services de communication au public en ligne) ni sur les utilisateurs qui publient des contenus sur des sites tels que les plateformes en ligne (à l'exception des sites ou comptes d'utilisateurs qui sont des SMAD).
À ce propos, le rapporteur souligne que les nombreuses auditions semblent témoigner d'une « bureaucratie » peut-être excessive, notamment s'agissant du contrôle du respect des obligations en matière de soutien à la création, dont l'allègement ou la simplification pourrait permettre une optimisation du travail des agents ou le redéploiement vers des missions particulièrement importantes. Il convient à cet égard de préciser que ces fortes exigences administratives sont davantage le fruit du cadre législatif et réglementaire très exigeant que d'un défaut d'organisation de l'Arcom.
2. Une souveraineté numérique partagée au niveau européen
Dans le domaine de la communication numérique, le rôle de l'Arcom en matière de souveraineté s'exerce principalement à travers la mise en oeuvre du règlement sur les services numériques.
Depuis mai 2024, en application du RSN, l'Arcom est compétente pour faire appliquer, par les fournisseurs de services intermédiaires (FSI), les obligations de moyens qui sont attachées au régime de responsabilité limitée qui est le leur au titre du droit européen. Il s'agit d'obligations de moyens et de diligence, telles que la mise en place d'un formulaire de signalement des contenus illicites facile d'accès et d'utilisation, la mise à disposition du public et des autorités d'un point de contact, ou encore la coopération avec les autorités judiciaires et administratives et les signaleurs de confiance. Cette compétence s'exerce de façon directe à l'égard des acteurs établis en France, et ce pour leur activité dans l'ensemble de l'Union.
En revanche, l'Arcom n'est pas compétente sur les FSI qui proposent leurs services en France mais sont établis dans un autre État membre. Toutefois, le RSN prévoit des procédures de coopération qui permettent à l'Arcom de saisir le coordinateur des services numériques compétent pour lui demander d'agir, et ce sous deux mois. En outre, l'Arcom contribue à la régulation des très grandes plateformes en ligne et très grands moteurs de recherche au sein du Comité européen des services numériques, composé des 27 coordinateurs nationaux et de la Commission européenne, qui le préside.
Enfin, pour l'application du RSN par tous les services accessibles en France quel que soit leur lieu d'établissement, la définition des contenus illicites devant être retirés en cas de signalement, relève de la compétence nationale.
3. Dans ce contexte, l'Arcom entend veiller à limiter les asymétries réglementaires bénéficiant aux plateformes de vidéo à la demande et à préserver l'attractivité des réseaux audiovisuels hertziens
En premier lieu, l'Arcom s'attache à contribuer à la construction d'une réglementation européenne susceptible de préserver les acteurs nationaux et de limiter les asymétries réglementaires qu'ils subissent.
Ainsi, l'Autorité s'est employée à mettre en place le dispositif facultatif, prévu par la directive Services de médias audiovisuels (SMA)111(*), relatif aux services d'intérêt général, destiné à assurer une visibilité appropriée aux services audiovisuels publics ainsi qu'à ceux présentant un intérêt particulier pour le public, selon des critères définis par le régulateur.
De même, l'Arcom apporte son concours aux réflexions en cours s'agissant de la révision éventuelle de la directive SMA. Si sa révision n'est pas actée, la directive elle-même (en son article 33) prévoit que « au plus tard le 19 décembre 2026, la Commission soumet au Parlement européen et au Conseil une évaluation ex post de l'impact de la présente directive et de sa valeur ajoutée, accompagnée, le cas échéant, de propositions en vue de sa révision ».
L'Autorité contribue activement à ces réflexions, selon trois principes :
- « une volonté largement partagée au sein de la communauté des régulateurs de préserver les acquis d'un cadre qui a fait ses preuves »112(*), tout particulièrement en ce qu'il a permis l'émergence et le financement d'un écosystème foisonnant et diversifié de la production et de la diffusion audiovisuelle européenne tout en étant respectueux des spécificités culturelles et linguistiques des différents pays (le principe de subsidiarité) ;
- « une conscience aiguë des défis concurrentiels et de soutenabilité économique auxquels est confronté cet écosystème »113(*), avec en particulier la montée en puissance d'acteurs de différentes natures qui concurrencent les services de télévision et de vidéo à la demande ou les désintermédient (influenceurs, plateformes de partage de vidéos), tout en n'étant pas soumis aux mêmes règles et contraintes ;
- « une vigilance toute particulière pour le rôle central et irremplaçable que jouent les groupes audiovisuels nationaux pour l'écosystème de la création et de la production, mais aussi pour l'information du public »114(*), d'où la nécessité de réduire les asymétries, notamment en matière publicitaire, mais aussi s'agissant de la protection des publics.
L'Arcom, aux côtés de ses homologues, « entend préparer le cadre de régulation à un avenir où les enjeux de distribution et de capacité pour les offres des groupes audiovisuels nationaux, publics comme privés, à être distribuées, visibles pour le public, et accessibles dans des conditions équitables, seront de plus en plus prégnants »115(*). En particulier, selon l'Autorité, le régime des services d'intérêt général, dont la directive SMA de 2018 pose les bases, « doit (...) être significativement renforcé et élargi pour être plus opérant et donner une assise dans la durée à ces offres fondamentales pour l'écosystème de la création et le pluralisme des médias »116(*).
En second lieu, au niveau national, l'Arcom indique veiller à la préservation et à l'attractivité des réseaux hertziens (TNT, FM, DAB +) :
- d'une part, dans une approche technique : l'Autorité procède régulièrement à la correction de problème de réception signalés localement, la qualité du service étant un élément déterminant de l'adhésion du public aux réseaux hertziens ; elle procède également à un grand nombre de modifications techniques, à la demande des éditeurs (radio ou télévision) à chaque fois qu'est envisagé un changement de diffuseur technique (pour optimiser les coûts de diffusion) ;
- d'autre part, dans une approche économique : en particulier, l'Arcom est engagée dans la poursuite volontariste du déploiement du DAB+ sur les territoires avec une attention particulière à la planification locale, dans l'intérêt du public et des opérateurs, s'agissant des opportunités relatives à la publicité locale. En matière de télévision, l'Autorité a récemment renoncé à relancer un appel à candidature pour des fréquences rendues disponibles notamment pour ne pas aggraver les difficultés économiques auxquelles peuvent être confrontés les acteurs de la télévision gratuite.
Recommandation n° 8. Positionner davantage l'Arcom comme accompagnateur et conseil des acteurs régulés, notamment au regard des enjeux associés à leur niveau d'activité et d'emplois (Arcom).
* 110 Réponses de l'Arcom au questionnaire complémentaire du rapporteur.
* 111 Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.
* 112 Réponses de l'Arcom au questionnaire complémentaire du rapporteur.
* 113 Ibid.
* 114 Ibid.
* 115 Ibid.
* 116 Ibid.