Réponse de maîtres Stéphane Babonneau et Antoine Camus

Maître Stéphane Babonneau. - Mes premiers mots seront pour la femme à qui nous devons, Antoine Camus et moi, notre présence aujourd'hui parmi vous. Cette femme, c'est notre cliente, Gisèle Pelicot. L'un des enseignements que je retiens d'elle, qui fait écho au vécu de la procédure judiciaire qui a conduit à la condamnation définitive de ses 51 agresseurs, c'est qu'à chaque fois que les droits des femmes ne progressent pas, ils reculent immédiatement. Il n'existe pas de stade à partir duquel nous pouvons nous dire que l'effort est suffisant et qu'il n'y a plus qu'à attendre que les inégalités systémiques entre les hommes et les femmes, qui, malheureusement, affectent notre société, se résorbent d'elles-mêmes.

Notre pays a donné naissance à des femmes admirées, courageuses, parmi lesquelles Gisèle Pelicot, sans l'avoir demandé le moins du monde, a été amenée à prendre sa place. Ces femmes se sont illustrées parce qu'elles ont toutes pris des décisions qui n'étaient pas les meilleures pour elles, mais qui étaient les meilleures pour les autres, en pensant à eux. C'est le cas de Gisèle Pelicot.

Notre pays a donné naissance à Gisèle Pelicot, mais aussi à Dominique Pelicot. Si l'on voulait penser que ce dernier n'est qu'un accident statistique, on se souviendrait immédiatement des 50 hommes de tous horizons qui ont comparu à ses côtés. Ils nous révèlent la profondeur du phénomène auquel notre société doit faire face.

Beaucoup est fait pour éradiquer ces violences. Votre engagement, Madame la présidente, celui de votre institution, Monsieur le président, sont là pour le montrer. Aujourd'hui est un jour de victoire en raison du vote qui s'est tenu. Mais si beaucoup a été fait, ce n'est pas assez. En ces temps où tout doit être chiffré, évalué, rappelons que les violences faites aux femmes ont un coût qui se mesure en générations, un coût humain et financier.

Le prix que nous recevons aujourd'hui représente un véritable honneur, mais surtout il renouvelle un élan, pour que la devise qui figure au fronton de nos écoles et de nos mairies ait le même sens pour les femmes que pour les hommes.

Maître Antoine Camus. - Il n'est jamais facile de passer après Stéphane Babonneau, il prend toute la place. Je ferai au plus court : ce prix n'est pas seulement un honneur ; il est une vraie joie. Il vient me rappeler, à mi-parcours de ma vie professionnelle, que chaque dossier cache des vies humaines et que le droit n'est jamais aussi vivant que lorsqu'il se souvient de sa raison d'être. Merci de me rappeler pourquoi j'ai choisi ce métier, il y a bientôt vingt ans, celui de défendre la dignité, la liberté, les droits humains. Ceux-ci ne sont pas genrés. Ils nous précèdent autant qu'ils nous dépassent, mais il faut les défendre sans relâche parce qu'ils sont sans cesse mis à l'épreuve. Je reçois ce prix comme un encouragement à renouveler ce pas de côté que je me suis autorisé dans un quotidien jusqu'à présent dédié au monde des affaires.

Derrière les avocats que nous sommes, toute une équipe a travaillé et espéré. Morgane, Adrien, Daniel, Adriana, ce prix est aussi le vôtre.

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