Réponse de
Didier Roux, président de la fondation
La main à la
pâte
Nous célébrons les droits de la femme : le premier est l'égalité. Or, le constat, dans les sciences, est alarmant. L'écart se creuse dès l'école primaire entre les filles et les garçons. Le rapport de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) de février 2025 est sans appel. En maternelle, les filles obtiennent des résultats égaux, voire meilleurs que les garçons en mathématiques. Pourtant, à partir du milieu du CP, la tendance s'inverse. Pourquoi ? Les stéréotypes de genre, les biais inconscients, jouent un rôle majeur. Les enseignants pourraient changer la donne. Plus de 90 % des enseignants de maternelle et plus de 80 % de ceux d'élémentaire sont des femmes, or, beaucoup d'entre elles ayant une appréhension pour les études scientifiques peuvent involontairement la transmettre. Leur role model est crucial.
Ce prix honore un travail qui, depuis 30 ans, brise les barrières. Il y a 30 ans, Georges Charpak, Yves Quéré et Pierre Léna, avec le soutien de l'Académie des sciences, lançaient l'initiative de La main à la pâte, suivie de la fondation du même nom, comptant comme membres fondateurs l'Académie des sciences et les deux Écoles normales supérieures de Paris et de Lyon. Depuis, nous oeuvrons à promouvoir les sciences à l'école primaire et au collège, en formant les enseignants dans nos réseaux, avec l'appui des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que des organismes de recherche.
En nous appuyant sur la démarche scientifique, nous formons par des méthodes actives. Nos centres pilotes, nos collèges pilotes, nos maisons pour la science situées en milieu universitaire nous assurent un ancrage territorial fort.
Des étudiants scientifiques en master et en thèse, notamment des doctorantes, interviennent dans les classes primaires, particulièrement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Nous touchions 6 000 élèves par an en 1996 ; nous en touchons 800 000 désormais.
L'enseignement des sciences dès la maternelle est un levier d'égalité. Il faut rendre les sciences accessibles en proposant des activités concrètes à tous les enfants, et déconstruire les stéréotypes en encourageant la curiosité et l'expérimentation. Brisons l'idée selon laquelle les sciences seraient réservées aux garçons.
Ce prix est particulièrement important pour nous. À l'inégalité entre les garçons et les filles s'ajoutent les inégalités sociales et familiales. Or, nous avons la conviction que l'accès aux sciences représente avant tout un combat contre toutes ces inégalités.