B. UN DISPOSITIF NON EXEMPT DE TOUTE CRITIQUE
En dépit des efforts accomplis et des résultats obtenus, le dispositif de traitement du surendettement connaît certains dysfonctionnements ainsi que des lacunes auxquels il paraît urgent de remédier.
1. Des disparités de fonctionnement : l'inégalité des situations
Bien que le dispositif fonctionne de façon globalement satisfaisante, des problèmes subsistent, liés pour l'essentiel à son caractère décentralisé. Ils concernent d'une part la démarche adoptée par les commissions de surendettement et, d'autre part, l'interprétation par le juge de l'exécution des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.
a) Les méthodes des commissions de surendettement
En dépit d'un effort d'harmonisation des
méthodes, l'attitude observée par les différentes
commissions révèle parfois des divergences d'appréciation.
En outre, l'arsenal des instruments mis à leur disposition par la loi
pour l'élaboration des plans reste sous-utilisé.
Les commissions de surendettement doivent tout d'abord arbitrer entre la
nécessité de traiter les dossiers dans des délais
raisonnables, de veiller à faire face à l'afflux des demandes et
de mener à bien la concertation pour aboutir à
l'établissement de plans viables. La voie est donc étroite et,
pour éviter de verser dans les travers d'une logique purement
productiviste, il convient de mesurer l'efficacité du système en
fonction non seulement du taux de conclusion de plans amiables mais
également en fonction du taux de réussite de ces plans dans leur
mise en oeuvre.
En ce qui concerne le contenu des plans, les organisations
représentatives des consommateurs ont souligné que l'une des
difficultés essentielles résidait dans la définition de ce
qui est couramment appelé "
le reste à
vivre
", c'est-à-dire ce qui, au-delà des remboursements
prévus, permet au débiteur d'assumer les charges de la vie
courante.
Deux approches différentes ont été retenues par les
secrétariats, combinant chacune le système des frais réels
et celui du forfait : dans un cas, le forfait couvre les dépenses
d'alimentation, d'entretien et diverses charges courantes
(électricité, téléphone, assurances ...), dans
l'autre, il ne couvre que les deux premières catégories de
dépenses. Des différences appréciables ont en outre
été observées dans les montants accordés,
même si la dispersion autour de la moyenne demeure assez faible.
La démarche consistant à fixer au niveau national un objectif
unique serait cependant inappropriée. Si une convergence doit être
assurée afin d'assurer un traitement plus équitable des
débiteurs, le cadre régional paraît plus pertinent. En tout
état de cause, la démarche doit conserver toute sa souplesse pour
adapter précisément l'évaluation à chaque situation
individuelle. Cette dernière préoccupation est d'ailleurs prise
en compte dans la circulaire du ministère de l'économie et des
finances du 28 septembre 1995 qui réserve aux commissions de
surendettement le soin d'"
apprécier librement le montant des
revenus devant être laissés à la disposition des
surendettés en fonction du niveau du coût de la vie dans
l'environnement géographique du demandeur et de sa situation personnelle
et familiale
".
Concernant, de façon générale,
les méthodes de
travail
des commissions de surendettement,
un effort d'harmonisation
est mis en oeuvre. La Direction du réseau de la Banque de France, en
collaboration avec la Direction des services juridiques, joue un rôle de
coordination par la diffusion de notes d'information destinées à
guider l'action des secrétariats et par les aides ponctuelles fournies
pour résoudre certaines difficultés. Par ailleurs, un groupe de
liaison entre le réseau et les succursales a été
créé en 1995. Cette instance de réflexion constitue un
relais chargé de fédérer les questions pratiques et
juridiques qui se posent aux secrétariats pour en extraire des solutions
susceptibles d'être généralisées. Enfin, un logiciel
dénommé " SUREN ", destiné à harmoniser
les procédés de traitement des dossiers, devrait prochainement
être mis à la disposition des secrétariats des commissions.
En dehors des disparités de fonctionnement encore perceptibles,
il
est reproché aux commissions de ne pas utiliser de façon optimale
la panoplie des instruments mis à leur disposition pour
l'élaboration des plans
.
Ainsi, selon l'Institut national de la consommation, seulement 10 % des
dossiers bénéficient d'une remise de dettes, d'ailleurs souvent
modeste, le montant moyen de cette remise s'élevant à 7.500 F. La
réduction du taux d'intérêt moyen entre la situation
initiale et le dispositif du plan est de quatre points environ, passant de 13 %
à 9 %
8(
*
)
.
L'aménagement figurant le plus fréquemment dans les plans est
l'allongement de la durée du crédit à la consommation
(67 % des cas) alors que celle de la durée du crédit
immobilier est plus rare (23 % des cas), ce qui s'explique en partie par le
fait que cette durée est déjà considérable. De
même, les réductions de taux de crédits à la
consommation sont plus fréquentes (23 %) que celles des taux de
crédit immobilier (16 %).
Les ventes de biens sont assez rares : environ 5 % de ventes d'immeubles et 4 %
de ventes de véhicules
9(
*
)
. Les
commissions veillent en effet
à préserver la conservation du logement principal ainsi que celle
du véhicule, en particulier lorsqu'il est utilisé par la personne
surendettée pour se rendre sur son lieu de travail.
Enfin, selon une estimation récente de la Banque de France,
la
pratique des moratoires a tendance à se développer
: la
proportion de plans comportant des reports de dettes est environ d'un quart en
phase amiable et de plus de la moitié en phase de recommandation. Ces
moratoires sont généralement de courte durée du fait de la
réticence des créanciers à accepter un allongement de
cette durée : 60 % ont ainsi une durée inférieure ou
égale à un an.