2. Des mesures nouvelles financées par des redéploiements
a) Les aides-éducateurs
Le
ministre de l'éducation nationale a décidé, dès
l'automne 1997, de faire du système éducatif le principal acteur
et bénéficiaire du dispositif prévu par la loi n°
97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités
pour l'emploi des jeunes, dans le cadre du programme " Nouveaux services -
nouveaux emplois ".
Ces " emplois-jeunes " ont été recrutés de
manière massive dans l'éducation nationale, sous le nom
d'aides-éducateurs, sur un contrat de travail de droit privé de
cinq ans.
Après avoir atteint les 20.000 dès la fin de l'année 1997,
le nombre d'aides-éducateurs a poursuivi sa croissance et a
approché 30.000 à la fin du premier trimestre 1998. Au total,
environ 33.000 jeunes ont été recrutés pour l'année
scolaire 1997-1998. A terme, l'objectif du ministère est de disposer de
près de 60.000 emplois-jeunes.
Ainsi, en l'espace de deux années scolaires seulement,
l'éducation nationale a vu ses effectifs croître de manière
considérable, sans véritable réflexion sur le devenir des
aides-éducateurs : non seulement la formation qui leur avait
été promise semble revêtir un contenu incertain et est
longue à se mettre en place, mais leur finalité même ne
manque pas de susciter des interrogations.
Il est en effet légitime de se demander si le recrutement d'autant de
personnels nouveaux poursuivait un véritable objectif pédagogique
ou bien plutôt un autre objectif, qui ne s'afficherait pas, mais qui
serait, pour le gouvernement, de pouvoir présenter un bilan flatteur en
matière de lutte contre le chômage. Ainsi, les emplois-jeunes ne
viseraient pas à satisfaire des besoins nouveaux mais la tentation
ancienne de promouvoir une politique de l'emploi factice par la création
d'emplois publics ou, plutôt, d'un succédané d'emplois
publics.
Le coût de cette politique est peut-être à l'origine de la
décision du ministre de mettre un terme au recrutement de nouveaux aides
éducateurs.
Pour financer les emplois-jeunes en 1997, le budget de l'enseignement scolaire
a été abondé, par arrêté de
répartition, de 600 millions de francs en provenance du budget du
ministère de l'emploi et de la solidarité.
Les dépenses relatives au dispositif des emplois-jeunes sont
imputées :
- sur le chapitre 36-71 " Établissements scolaires et de formation.
Dépenses pédagogiques et subventions de fonctionnement ", en
ce qui concerne les rémunérations et la formation des
aides-éducateurs affectés dans des établissements
publics ;
- sur le chapitre 43-02 " Établissements d'enseignement
privés : contribution de l'Etat au fonctionnement et
subventions " en ce qui concerne les aides-éducateurs
affectés dans les établissements privés sous contrat.
Au titre de l'année 1998, le coût des emplois-jeunes
recrutés par l'éducation nationale s'est élevé
à 4,4 milliards de francs, dont 80 % de la rémunération,
soit 3,6 milliards, ont été apportés par
arrêté de répartition du budget du ministère de
l'emploi et de la solidarité.
Les 20 % des salaires et de la formation des aides-éducateurs restant
à la charge du ministère de l'éducation nationale, soit
731 millions de francs, ont été financés de la
façon suivante :
- 250 millions de francs de crédits restés disponibles en 1997
dans les établissements publics locaux d'enseignement au titre du
dispositif emplois-jeunes et reportés à la gestion 1998 ;
- 258 millions de francs d'économies réalisées sur les
heures supplémentaires ;
- 223 millions de francs de crédits redéployés à
partir d'autres chapitres du budget de l'enseignement scolaire.
La loi de finances pour 1999, dans sa version initiale, prévoyait
1,07 milliard de francs de mesures nouvelles afin de couvrir les 20 % des
salaires et charges des 60.000 emplois-jeunes qui seront, au total,
recrutés, dont 1,063 milliard de francs sont inscrits sur les
chapitres du budget de l'enseignement scolaire : 984,49 millions de francs
destinés au financement de 56.600 aides-éducateurs dans les
établissements publics, et 78,6 millions pour financer 3.000
aides-éducateurs dans l'enseignement privé.
Le financement des emplois-jeunes dans l'enseignement scolaire en 1999 a
été gagé, en partie, par une économie
réalisée sur les crédits alloués à la
rémunération des heures supplémentaires-année
(HSA), à hauteur de 774 millions de francs.
Il convient toutefois de préciser que, dans le cadre du " plan
Allègre " pour les lycées, il a été
décidé de recruter 5.000 aides-éducateurs
supplémentaires, ce qui porte leur nombre total à 65.000. Il faut
encore voir dans cette décision le recours, irréfléchi en
termes financiers, à la logique quantitative.
Le coût total des seuls emplois-jeunes de l'éducation nationale
s'élève donc à 5,5 milliards de francs par an, dont 1,1
milliard pour le budget de l'enseignement scolaire. Le ministère de
l'éducation nationale s'est ainsi créé une charge
budgétaire nouvelle considérable qui, sur une période de
cinq ans, peut être estimée à plus de 5,5 milliards de
francs.
b) L'intégration accélérée des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles
Le corps
des professeurs des écoles a été créé en
1990 dans le cadre plus général du plan Jospin de revalorisation
de la fonction enseignante. Dès lors, les perspectives de
carrière des instituteurs ont été profondément
modifiées, leur corps étant désormais en voie
d'extinction. Les instituteurs ont accès au nouveau corps des
professeurs des écoles par la voie de listes d'aptitude ou de premiers
concours internes qui leur sont réservés : ils sont alors
rémunérés sur l'échelle indiciaire des professeurs
certifiés.
Le rythme annuel de cette intégration avait été
initialement fixé à 12.000 : 7.000 au titre du plan Jospin
et 5.000 au titre du protocole Durafour, l'achèvement du processus
étant prévu pour 2015. Le rythme a ensuite
régulièrement augmenté : 14.619 en 1995, 14.641 en
1996, 14.850 en 1997 et 1998. L'intégration devait alors être
terminée en 2011.
Le coût budgétaire de cette
intégration, dont les modalités sont de plus en plus
avantageuses, s'est élevé à un peu plus de 3 milliards de
francs.
Cependant, face aux difficultés posées par la coexistence de deux
corps pour exercer le même métier, le ministre, soumis à de
fortes pressions syndicales, a décidé d'accélérer
le rythme de l'intégration des instituteurs dans le corps des
professeurs des écoles et, ce faisant, de solliciter une fois encore le
budget.
A partir de 1999, 20.735 emplois d'instituteurs seront transformés
chaque année. L'intégration devrait alors s'achever en 2007 et
non plus en 2011. La loi de finances initiale pour 1999 prévoit des
crédits à hauteur de 170,8 millions de francs au titre de la
poursuite du plan d'intégration des instituteurs. Mais
l'accélération du plan d'intégration décidée
en 1998 conduit à inscrire 67 millions de francs supplémentaires.
En outre, à partir de 1998, aucun instituteur ayant un minimum de 37,5
années d'ancienneté ne partira à la retraite sans
être intégré, et il sera procédé à
l'assimilation des retraités actuels quand l'intégration sera
terminée.
Comme d'habitude à l'éducation nationale, les finances
publiques ont été mises à contribution pour apaiser des
tensions sociales même si l'équité peut être
invoquée sur cette question : la logique quantitative est
préférée à la conduite de réformes
pédagogiques qualitatives.
Le plus grave est sans doute que le ministère se
décrédibilise en remettant en cause des décisions qu'il
avait lui-même initiées.
Tel est le cas pour le plan
d'intégration qui, moyennant des crédits supplémentaires,
s'achèvera en 2007 au lieu de la date initialement prévue,
c'est-à-dire 2015.
Il serait possible de citer d'autres cas analogues, comme celui de
l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement (ISSR)
du personnel enseignant, versée aux remplaçants amenés
à utiliser leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de
travail.
Le budget de l'enseignement scolaire pour 1999
prévoyait, au titre de la révision des services votés, une
réduction des crédits du chapitre 31-94 de 53,91 millions de
francs. Cette mesure, dont l'entrée en vigueur devait intervenir au
1
er
septembre 1999, visait à réaliser une
économie au titre de l'ISSR. Les modalités de calcul du montant
de cette indemnité prenaient en effet en compte les sept jours de la
semaine. L'économie envisagée consistait à exclure le
dimanche de ces modalités de calcul, afin de ne rémunérer
que les heures de remplacement effectivement réalisées. Le
ministère, face à l'hostilité des syndicats, a finalement
décidé de revenir sur cette économie, pourtant
inspirée par le bon sens.