3. Des aménagements indispensables à négocier avec les enseignants
Compte tenu de l'imbroglio statutaire et des rigidités qui en résultent, la commission d'enquête estime que l'aménagement de l'obligation de service des enseignants constituerait une nécessité, et qu'une réflexion devrait être engagée sur une globalisation annuelle de ce service et une nouvelle organisation au niveau hebdomadaire.
a) Les aberrations nées d'une définition hebdomadaire du temps de service
Comme il
a été vu, il est très difficile, s'agissant des
enseignants -et notamment des enseignants du second degré-
d'évaluer avec précision leur durée globale de travail.
Selon les disciplines et le niveau des classes, le temps de préparation
et de correction peut être très variable.
La durée hebdomadaire de travail des professeurs de lycées peut
aller de 41 heures jusqu'à 47 heures pour les disciplines
littéraires. Il est difficile, en revanche, de prétendre que les
professeurs d'éducation physique ont autant de temps de
préparation et de correction qu'un professeur de français en
seconde ou en première ! Or, leurs obligations de service ne
varient que de deux heures.
Sans vouloir remettre en cause la durée de travail des personnels
enseignants, il paraît indispensable d'introduire un peu de souplesse
dans la mise en oeuvre de l'obligation de service d'enseignement. En
dépit des déclarations du directeur général de
l'administration et de la fonction publique devant la commission
d'enquête sur ce point particulier, il apparaît que l'application
qui est faite des statuts bloque, en fait, toute évolution.
La définition hebdomadaire du service d'enseignement aboutit, en effet,
à des aberrations.
L'exemple du professeur en BTS est à ce titre éclairant : il
est payé une heure un quart pour une heure de cours. S'il a vingt heures
de cours à dispenser, il n'en devra en réalité que quinze
et les cinq heures effectuées en plus lui seront payées en heures
supplémentaires sur l'ensemble de l'année.
Or, les élèves de BTS partent en stage, dans le cadre de
l'alternance, au bout de trois mois ; pendant ce temps, le professeur
touchera le traitement correspondant à son service d'enseignement y
compris les cinq heures supplémentaires. Lorsque les examens se passent
en février, les professeurs conservent pendant toute l'année les
heures supplémentaires de leur service prévues lors de la
rentrée.
b) Une annualisation du service vouée pour l'instant à l'échec
Jusqu'à présent, toutes les tentatives
engagées
pour introduire une annualisation des obligations de service sont
restées vaines.
S'agissant des
professeurs de lycée professionnel
,
l'article 31 du décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992
prévoit la possibilité de déterminer le service des PLP du
deuxième grade sur une base annuelle en multipliant le nombre de
semaines de l'année scolaire par leur service hebdomadaire. Le service
se répartit sur cette base et sur la durée de l'année
scolaire. Cette disposition, déjà prévue dans le statut
initial du corps en 1985, tire la conséquence du développement
des formations par alternance comportant des périodes de stage en milieu
professionnel.
Le même article 31 prévoit également le décompte
dans l'emploi du temps des PLP 2, sous forme d'équivalent d'heures
d'enseignement, des heures consacrées à des activités
autres que d'enseignement (suivi des élèves en entreprise...), le
coefficient étant égal au rapport entre le maximum du service
hebdomadaire d'enseignement et la durée du service hebdomadaire des
fonctionnaires.
Votre commission constate avec regret que ces dispositions n'ont jamais
été mises en application.
S'agissant des
titulaires remplaçants
qui peuvent être
affectés à des remplacements de courte ou de moyenne durée
d'enseignants qui, tout en demeurant titulaires de leur poste, en sont
momentanément absents, un régime d'obligations de service unique
et traduit en un volume de 560 heures annuelles en présence des
élèves a été introduit par la note de service du
22 juin 1982 relative à la préparation de la
rentré scolaire de 1983.
Les intéressés pouvaient être appelés à
effectuer des services d'enseignement hebdomadaire d'une durée
supérieure à celle de leurs obligations statutaires et
correspondant au service effectué par le ou les enseignants
remplacés. Les heures effectuées au-delà de la limite de
560 heures ouvraient droit au versement d'heures supplémentaires.
Ces dispositions ont été annulées par l'arrêt du
22 mai 1991 du Conseil d'Etat.
Toutes les tentatives menées au niveau des rectorats pour introduire, en
concertation avec les organisations syndicales, une certaine souplesse dans le
décompte du service horaire ont pour l'instant été vaines.
De l'avis de certains recteurs pourtant, on obtiendrait une souplesse
considérable si le service d'enseignement était globalisé
dans une fourchette de 15 à 21 heures, avec une modulation possible sur
trois ou cinq heures.
c) Vers un indispensable aménagement de l'obligation de service des enseignants
La
réforme annoncée par le ministre, dite " Un lycée
pour le XXIe siècle " propose notamment une aide
individualisée aux élèves de seconde et un encadrement des
travaux personnels en classe de première et de terminale ; dans
cette perspective, l'obligation de service des enseignants serait
augmentée d'une heure, comporterait moins d'heures de cours
magistraux et permettrait de dégager des heures qui seraient
consacrées à l'aide aux élèves par modules ou
petits groupes.
Dans le droit fil des observations de la commission des affaires culturelles,
qui, à plusieurs reprises, a attiré l'attention du ministre sur
la nécessité d'assouplir l'obligation de service des enseignants,
la commission d'enquête considère que la redéfinition de ce
service, c'est-à-dire le partage entre un enseignement traditionnel et
une aide individualisée aux élèves, notamment ceux en
difficultés, et qui se trouvent ou non dans des zones prioritaires,
constitue à n'en pas douter la mesure prioritaire et la plus urgente de
la réforme du lycée.
Une telle mesure, qui s'inscrit d'ailleurs dans le cadre du principe de
discrimination positive, permettrait, en outre, à coût
budgétaire constant, c'est-à-dire sans recourir à des
variables d'ajustement et à des personnels non titulaires, de
réduire l'échec scolaire.
La commission sait l'opposition des syndicats à un tel
aménagement, qui devrait aller au-delà des propositions trop
timides du ministre, mais elle considère que cette réforme
s'inscrit, outre ses objectifs pédagogiques, dans une politique
d'optimisation de la dépense publique, d'une meilleure gestion des
personnels titulaires de l'éducation nationale et serait surtout
bénéfique aux élèves.