CHAPITRE VI :

L'ILLUSION DE L'EXCÉDENT DES RÉGIMES SOCIAUX

Comme pour les prélèvements obligatoires, le gouvernement affiche de bonnes intentions pour demain en matière de finances sociales. Lorsque demain devient aujourd'hui, les bonnes intentions restent pour demain .

Lors du débat d'orientation budgétaire pour 1999, votre commission avait estimé qu'en matière de déficits sociaux, le pire était presque toujours sûr. Les faits semblent, hélas, lui avoir donné raison.

Dans le rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, le gouvernement insiste sur la nécessité de coordonner la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale 33( * ) . On ne sait ce que recouvre cette autre bonne intention, mais les deux textes sont d'ores et déjà coordonnés.

Dans le domaine social comme dans le domaine budgétaire, en effet, le gouvernement s'appuie sur toujours plus de prélèvements pour financer toujours plus de dépenses.

I. D'UN DÉFICIT À L'AUTRE

Le gouvernement avait à l'automne 1997 annoncé son objectif de réduire le déficit du régime général de la Sécurité sociale pour 1998 à 12 milliards de francs et d'atteindre l'équilibre en 1999. Au lieu de cela, le déficit pour 1998 devrait approcher les 17 milliards de francs, et 1999 voir apparaître un déficit de plus de 5 milliards de francs, malgré une progression inégalée des recettes.

A. LA PERSISTANCE À HAUT NIVEAU DU DÉFICIT DE 1998

La réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale le 30 mai 1999 a établi que le déficit pour 1998 serait supérieur aux prévisions, principalement en raison de la hausse des dépenses d'assurance-maladie et des erreurs de prévisions de recettes.

Le solde déficitaire du régime général de Sécurité sociale devrait ainsi atteindre 17 milliards de francs pour 1998, soit 3,7 milliards de francs de plus que prévu. Ce déficit provient en quasi totalité de celui de l'assurance-maladie qui devrait atteindre 16,2 milliards de francs soit 7,7 milliards de francs de plus que les prévisions . A l'inverse, la branche vieillesse connaîtra un excédent de 5,4 milliards de francs contre un léger déficit attendu 34( * ) .

L'écart s'explique pour partie par des erreurs de prévisions des recettes. Non seulement celles-ci ont été inférieures au niveau prévu, mais leur répartition s'est révélée bien différente des attentes puisque la branche vieillesse a connu une hausse inattendue des siennes alors que la branche maladie voyait ses produits en retrait par rapport aux prévisions.

Il n'en reste pas moins que les recettes du régime général ont augmenté en 1998 de plus de 4,4 % et que, malgré cela, le déficit a persisté. Les dépenses ont en effet, dans le même temps, augmenté de 2,9% soit quatre fois plus que l'inflation et 0,3 point de plus qu'en 1997. Il est regrettable que la bonne tenue du contexte macro-économique en 1998 n'ait pas permis d'utiliser les recettes supplémentaires pour réduire davantage le déficit. Si les dépenses avaient maintenu leur rythme d'évolution de 1997, le déficit aurait été conforme aux prévisions. Les écarts ne viennent donc pas seulement d'une erreur de prévision des recettes mais aussi d'une augmentation trop forte des dépenses imputable pour l'essentiel à celles de l'assurance-maladie.

Variation de fonds de roulement du régime général

(en milliards de francs)

 

1998

1999

 

Prévision LFSS 1999

Prévision CCSS 1999

Ecart

Prévision LFSS 1999

Prévision CCSS 1999

Ecart

Maladie

- 8,5

- 16,2

- 7,7

+ 0,3

- 12,3

- 12

Accidents de travail

+ 1,7

+ 1,6

- 0,1

+ 1,9

+ 1,2

- 0,7

Vieillesse

- 5,5

- 0,2

+ 5,3

- 5,9

+ 3,6

+ 0,7

Famille

- 0,9

- 2,2

- 1,3

+ 4,0

+ 2,3

- 1,7

Total des branches

- 13,3

- 17

- 3,7

0,3

- 5,2

- 5,5

B. L'AMÉLIORATION TROMPEUSE DU DÉFICIT DE 1999

Le solde pour 1999 sera dégradé par rapport aux prévisions, en majeure partie en raison de la révision à la baisse des hypothèses macro-économiques. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, votre commission de finances avait pourtant éveillé l'attention sur la fragilité de ces hypothèses , qu'il s'agisse de la croissance économique, de l'inflation et de l'évolution de la masse salariale, chacun de ces indicateurs affichant des niveaux inférieurs à ceux initialement prévus.

Les écarts de prévision des hypothèses macro-économiques

(en %)

 

Prévision LFSS pour 1999

Prévision CCSS 1999

Taux de croissance

+ 2,7

+ 2,2/2,5

Inflation (dont tabac)

+ 1,3

+ 0,5

Masse salariale

+ 4,3

+ 3,4

S'agissant des dépenses, les prévisions s'appuient sur un taux de progression des dépenses maladie de 2,6 % par rapport aux dépenses effectives de 1998, alors que le premier trimestre de 1999 montre déjà une hausse de 3,8 %.

Le déficit prévu pour 1999 cache ainsi des situations très diverses entre les branches, puisque on constate une explosion du déficit de l'assurance-maladie (12,3 milliards de francs de prévu contre un retour à l'équilibre) et à l'inverse l'apparition d'un important excédent de l'assurance-vieillesse (3,6 milliards de francs contre un déficit attendu de 3,9 milliards de francs). Cette situation favorable de l'assurance-vieillesse tient à la poursuite de la hausse des recettes, supérieures de 6,6 milliards de francs par rapport aux prévisions, soit plus de 85 % de l'écart constaté.

Il convient néanmoins de constater que les dépenses du régime général pour 1999 devraient augmenter de 3,2 % soit un point de plus que le taux de croissance, 0,5 point de plus que la consommation des ménages et 6,5 fois plus que l'inflation ! Comme pour 1998, cette augmentation des dépenses viendra essentiellement de l'assurance-maladie.

Le régime général devrait donc à nouveau connaître un déficit malgré la bonne tenue de ses recettes. Cette persistance d'un solde négatif provient ainsi en quasi totalité de la dérive de l'assurance-maladie qui compromet à elle seule les prévisions d'excédents futurs de la Sécurité sociale.

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