II. À LA RECHERCHE DE L'EXCÉDENT DES RÉGIMES SOCIAUX

A. L'ASSURANCE-MALADIE À LA DÉRIVE

Le déficit de la Sécurité sociale est avant tout un déficit de l'assurance maladie qui vient lui-même avant tout d'une dérive des dépenses. L'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) est passé de + 1,7 % pour 1997 à + 2,6 % pour 1999 et approchera en réalité + 3,8 % !

La forte progression du déficit en 1998 par rapport aux prévisions a pour origine des recettes inférieures aux prévisions et un dépassement de l'ONDAM en 1998, avec ses répercussions sur celui pour 1999. En effet, " l'effet-base " jouant à plein, toute prévision de progression des dépenses est réduite à un objectif impossible à atteindre en raison de l'explosion des dépenses de référence. Pour assurer le respect de l'ONDAM déterminé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (+ 2,6 %), il faudrait ainsi que les dépenses d'assurance-maladie n'augmentent effectivement que 1,1 % en 1999 puisque celles de 1998 ont connu une hausse imprévue de plus de 8 milliards de francs.

La dérive des dépenses atteint cependant au premier trimestre de 1999 un rythme de + 3,8 % par rapport au premier trimestre de 1998. Tous les postes de soins de ville sont concernés par cette hausse. Comme le constate l'avant-propos du rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale de mai 1999 : " il paraît probable que nous sommes face à une reprise de fond de la dépense de santé, comme il s'en est souvent produit dans le passé, une fois dissipés les effets de plans de remise sous contrôle de ces dépenses ". Lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, votre commission avait déjà lancé cet avertissement.

Or les mécanismes de régulation prévus par loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ont tous disparu. Ils constituaient une clause de sauvegarde applicable aux dépenses générées par les médecins, que le Conseil constitutionnel a annulée. Il en résulte que la régulation des soins de ville est quasiment impossible à mettre en oeuvre.

Au total, le cumul de " l'effet-base " et de la disparition de tout mécanisme de régulation a pour conséquence que l'on peut fortement douter du respect même de la prévision d'un déficit de l'assurance-maladie à 12,2 milliards de francs pour 1999. La commission des comptes a prévu que le dépassement de l'ONDAM pour 1999 se limiterait à l'effet report de 1998. Ceci constitue une hypothèse fortement douteuse au regard de l'évolution des dépenses d'assurance-maladie depuis le début de l'année. Cette dérive persistante constitue aujourd'hui le véritable point noir des finances sociales.

B. L'ILLUSION DE L'EXCÉDENT

La Sécurité sociale devait être selon le gouvernement en excédent à partir de 1999 et ces excédents abonder, notamment, le fonds de réserve pour les retraites créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 35( * ) .

Dans son rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques, le gouvernement maintient pour 1999 une prévision d'apparition d'une capacité de financement des régimes sociaux s'élevant à 0,15 % du PIB, hypothèse inchangée depuis le débat d'orientation budgétaire pour 1999, malgré les mauvais résultats de l'assurance-maladie. Cette hypothèse se justifie ainsi selon lui : " les recettes du régime général devraient bénéficier des plus-values de recettes réalisées en 1998. Par ailleurs, le gain lié au basculement des cotisations maladie sur la CSG se trouve amplifié en 1999 par la montée en régime de l'élargissement de la CSG " .

Cependant, ces explications ne prennent en compte ni la révision à la baisse des plus-values de recettes pour 1998, ni la forte progression des dépenses d'assurance-maladie pour 1999. L'éventualité d'excédents des autres régimes sociaux obligatoires, régimes de base n'appartenant pas à la Sécurité sociale, assurance chômage, ne saurait laisser de côté l'urgence d'une maîtrise profonde et réelle des dépenses de l'assurance-maladie.

En effet, comment justifier que, comme le prévoit pourtant le principe de séparation des branches, les excédents de la branche famille ne reviennent pas à la politique familiale, que ceux de la branche vieillesse ne servent pas à préparer l'avenir des retraites, que ceux de l'Unedic ne servent pas à une réduction des cotisations chômage, mais que tous ces excédents soient utilisés au comblement de la dérive de l'assurance-maladie ?

De quel excédent s'agira-t-il ? Bien plus que le résultat d'un effort de maîtrise des dépenses sociales, il n'apparaîtrait que grâce à la politique traditionnelle de progression des prélèvements pour faire face à la poursuite de la hausse des dépenses actuelles et futures.

Toutes les mesures de redressement de la Sécurité sociale s'appuient sur une progression des recettes ou bien un transfert de la charge sur les générations futures. En effet, seule l'évolution à la hausse des recettes a permis la diminution des déficits puisque les dépenses continuaient à augmenter. Une telle politique ne vaut qu'en période d'activité favorable mais laisse augurer le pire pour l'avenir puisqu'elle n'engage pas de maîtrise des dépenses et s'appuie uniquement sur des bénéficies conjoncturels.

Le financement des déficits cumulés de la Sécurité sociale en 1998 et 1999, qui s'élèveront à près de 23 milliards de francs si les hypothèses du gouvernement se réalisaient, ne pourra alors se faire que par une structure de défaisance. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) verra donc son encours de dette augmenter, faisant ainsi peser la charge sur les générations futures.

Par ailleurs, le Gouvernement avait indiqué dans ses projections triennales de finances publiques pour 2000-2002 qu'il faudrait limiter l'augmentation de la dépenses de l'assurance maladie à 1 % par an. Le rythme pour 1999 est cependant de plus du double et tend à s'accélérer. De plus, quand les dépenses du budget de l'Etat augmentent de 1,5 % en 1999, celles du régime général de Sécurité sociale augmenteront de 3,2 % au moins ! Quand en 2000 les dépenses budgétaires devraient évoluer comme l'inflation ; les dépenses sociales, elles, suivront un rythme six fois supérieur !

Il paraît donc douteux que les années à venir voient apparaître, comme le prévoit pourtant le gouvernement, un excédent des régimes sociaux fondé sur une réelle maîtrise des dépenses qui seule, permet de préserver l'avenir.

Le coût de la seconde loi sur les 35 heures soit 40 milliards de francs serait supporté pour les 4/5 par la Sécurite sociale et l'UNEDIC

La loi du 13 juin 1998 a prévu deux types d'aides financières pour les entreprises réduisant la durée du travail à 35 heures.

Elle a tout d'abord mis en place un abattement de cotisations sociales pour les entreprises qui négocieront avant l'échéance légale, soit avant le 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et le 1 er janvier 2002 pour les autres. Le coût brut de cette première aide est estimé à 7 milliards de francs pour 1999 et a déjà été mis pour moitié à la charge des régimes de sécurité sociale au titre " du recyclage des économies " qu'ils feront 36( * ) .

Après un bilan d'application de cette " première loi " il est prévu pour l'automne 1999 une " seconde loi " qui viendra notamment fixer les modalités de versement de l'aide structurelle à compter du 1 er janvier 2000 ou du 1 er janvier 2002. Celle-ci correspondra à une réduction annuelle de cotisations sociales patronales de 4.000 à 5.000 francs, soit un coût estimé à près de 40 milliards de francs en année pleine .

Dans le rapport déposé pour le Débat d'orientation budgétaire, le gouvernement estime, sans pour autant fournir d'éléments d'appréciation ou de chiffrage, que l'importance des retours pour les finances publiques permettra de financer intégralement le coût des 35 heures ! La clé implicite de répartition est la suivante : 50% des retours bénéficieraient à l'UNEDIC et 30% aux régimes sociaux. Le reliquat soit 20% bénéficierait à l'Etat sous la forme d'une augmentation induite des recettes fiscales.

Cela signifie que l'Etat n'entend participer au financement de cette " seconde loi " qu'à hauteur de 20% et qu'il escompte par ailleurs s'autofinancer grâce à un surcroît de recettes fiscales du même montant.

Nonobstant les dispositions de la loi Veil du 25 juillet 1994 qui dispose que tout allégement de charges sociales décidé par l'Etat doit être intégralement compensé par celui-ci, il veut également mettre à contribution les partenaires sociaux, et notamment l'UNEDIC, sans que ceux-ci aient pu se prononcer sur le fond du dispositif.

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