CONCLUSION
Au terme
de ce tour d'horizon, qui ne peut être exhaustif vu l'ampleur et la
complexité du sujet, la délégation pour l'Union
européenne tient à souligner en particulier les quatre points
suivants.
1) L'Union européenne se trouve placée devant une
alternative incontournable : l'option nucléaire ou l'effet de
serre.
Ce constat ne doit pas être pris comme une critique des énergies
renouvelables. Celles-ci peuvent en effet, dans une certaine mesure, être
présentées comme une alternative au nucléaire. Il se fonde
simplement sur
une juste appréciation du potentiel des
différentes sources d'énergie, ainsi que des besoins
énergétiques futurs de l'Europe
.
Il est surprenant que l'alternative entre nucléaire et effet de serre
soit restée jusqu'à présent absente des débats
communautaires sur les choix énergétiques et fiscaux de l'Union.
Il est de la responsabilité de la France, premier pays européen
producteur d'électricité nucléaire, de prendre une
position sans équivoque en portant ce débat devant l'opinion
publique. Il est aussi temps de demander aux Etats membres qui ne veulent plus
du nucléaire pour eux-mêmes et le dénoncent chez les
autres, mais continuent d'importer de l'électricité d'origine
nucléaire, de clarifier leur attitude.
Néanmoins, il faut avoir conscience que cette alternative ne pourra
être vraiment prise en compte que lorsque des solutions pour le stockage
définitif des déchets nucléaires ultimes auront
été politiquement décidées dans chacun des Etats
membres.
2) L'Union européenne doit veiller à ne pas perdre les
compétences acquises en matière d'énergie nucléaire
par ses différents Etats membres, qui l'ont portée à la
pointe de la technologie.
Cette recommandation reste pertinente, que l'on envisage de développer
la filière électronucléaire en Europe ou de renouveler
simplement le parc existant des centrales. Elle demeurerait même
justifiée dans le cas où l'on déciderait d'abandonner
progressivement le nucléaire. En effet, les connaissances scientifiques
et les procédés techniques sont indispensables pour assurer
correctement " l'aval du cycle ", c'est-à-dire le
démantèlement des installations nucléaires et la gestion
des déchets radioactifs.
L'Union européenne ne doit donc pas relâcher davantage son effort
de recherche nucléaire, ni réduire encore les activités
proprement nucléaires du Centre commun de recherche. Les partisans,
comme les adversaires du nucléaire, doivent pouvoir tomber d'accord sur
cet objectif de bon sens.
La France a également une responsabilité particulière en
la matière. Elle est de loin l'Etat membre qui consacre le plus de
crédits à la recherche nucléaire. De plus, certaines
déclarations gouvernementales montrent qu'elle continue de miser, pour
l'avenir, sur la filière électronucléaire.
Sur ce dernier point, la délégation estime qu'il serait temps que
le Gouvernement se décide enfin à déclencher le
" compte à rebours " des études et des autorisations
nécessaires pour le lancement en temps voulu d'un prototype comme l'EPR,
destiné à remplacer la génération actuelle des
centrales nucléaires françaises. On doit tenir compte du fait que
des Etats-continents comme la Chine ou l'Inde ne pourront se passer du
nucléaire et auront besoin de la recherche, de la technique, du
matériel et de la coopération de la France et de l'Europe.
3) L'Union européenne doit maintenir sa contribution à
l'amélioration de la sûreté des centrales nucléaires
à l'Est du continent.
Un nouveau " Tchernobyl " mettrait en danger la santé de
nombreux citoyens européens, et porterait un coup fatal à la
légitimité de l'ensemble de la filière
électronucléaire dans l'opinion publique. L'Union doit en
conséquence rechercher plus d'efficacité dans l'utilisation des
crédits importants qu'elle consacre à la sûreté
nucléaire dans les pays d'Europe centrale et orientale. Les
défaillances de la Commission européenne sur cet aspect de la
gestion des programmes PHARE et TACIS sont avérées.
En ce domaine il faut s'appuyer davantage sur l'expertise des autorités
de sûreté nucléaire des Etats membres, et faire confiance
à la grande compétence des ingénieurs de l'Est. L'Union
européenne ne doit pas dicter la marche à suivre aux pays
d'Europe centrale et orientale auxquels elle prétend offrir son
assistance, mais les traiter en égaux.
La délégation ne nie pas le bien-fondé de la promesse que
l'Union européenne a obtenue, de la part de trois pays candidats
à l'adhésion, de fermer certains réacteurs
nucléaires jugés particulièrement dangereux. Il faut
cependant garder à l'esprit que le degré de dangerosité
des réacteurs incriminés fait l'objet de divergences
d'appréciation chez les spécialistes, alors que la pression
exercée par l'Union a un coût politique et économique lourd
et que la portée exacte des engagements de fermeture obtenus reste
incertaine.
4) Le traité Euratom est-il encore adapté à la
situation actuelle et aux perspectives de l'énergie nucléaire
dans l'Union européenne ?
Le traité CECA doit arriver à échéance en 2001,
pour se fondre dans le traité CE. Inévitablement, la
question sera également posée pour le traité Euratom. En
théorie, il serait certes plus satisfaisant d'adapter les dispositions
de fond et de forme du traité Euratom à la réalité
de l'énergie nucléaire dans l'Europe d'aujourd'hui. Mais il est
clair que l'absence de consensus à l'intérieur même des
Etats membres et dans les instances européennes ne permet pas de faire
cet
aggiornamento
dans la sérénité.
C'est pourquoi, en pratique,
la délégation estime qu'il ne
serait ni judicieux ni prudent que la France consente à ouvrir la
" boîte de pandore " que serait une révision globale du
traité Euratom
.
Même si le traité Euratom apparaît aujourd'hui comme un
cadre juridique non adapté et largement périmé, il n'a pas
empêché la France de développer de façon autonome un
vaste programme électronucléaire, qui contribue à sa
compétitivité économique et à son
indépendance énergétique.
La délégation n'est pas opposée pour autant à toute
réforme du traité Euratom. Celle-ci paraît possible par
touches ponctuelles, dès lors que les choix nucléaires de la
France ne se trouvent pas
ipso facto
remis en cause. Et il convient de
rappeler que les intérêts nationaux de la France ne vont pas, en
la matière, à l'encontre des intérêts de l'Union
européenne, mais coïncident plutôt avec eux.
Dans le cadre des propositions qu'elle a adoptées en décembre
dernier
(56(
*
)),
la
délégation pour l'Union européenne s'est
déjà clairement prononcée, sur proposition de votre
rapporteur, contre toute extension de la majorité qualifiée au
domaine de la politique énergétique
. Au terme du
présent rapport, elle ne peut que confirmer cette position car, en
l'état actuel du débat européen sur le nucléaire,
seul le maintien de la règle actuelle de l'unanimité des voix au
sein du Conseil semble garantir un strict respect des choix de la France dans
ce domaine, en application du principe de subsidiarité.