Déplacements et auditions des rapporteurs
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Déplacement sur place |
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12 avril 2000 |
FMF
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18 avril 2000 |
MSA du
Mans
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Groupama
du Mans
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19 avril 2000 |
CANAM
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25 avril 2000 |
CPAM de
Paris
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16 mai 2000 |
CPAM
d'Amiens
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Auditions devant les rapporteurs |
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11 avril 2000 |
M. Bernard Delas, directeur général et Mme Flicoteaux, directeur assurance agricole et particuliers de GROUPAMA |
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M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS |
18 avril 2000 |
Mme Jeannette Gros, présidente et M. Daniel Lenoir, directeur général de la MSA |
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M. Gilles Marchandon, délégué général à la FNIM |
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M. André Renaudin, délégué général adjoint de la FFSA |
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25 avril 2000 |
Docteur Richard Bouton, président de MG France |
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M. Reignault, président de la Confédération nationale des syndicats dentaires |
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M. Alain Bach, directeur et M. Henry-Pierre, président-délégué de l'Union des opticiens - France (UDO) |
2 mai 2000 |
M. Raoul Briet, directeur, M. Philippe Georges, sous-directeur, M. Dominique Libault, sous-directeur de la Direction de la sécurité sociale au Ministère de l'emploi et de la solidarité et M. Philippe Georges, directeur du Fonds de financement de la CMU |
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M. Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux |
9 mai 2000 |
M. Jean-Louis Bancel, directeur général de la FNMF |
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M. Jean-Claude Auger, directeur général du centre d'aide sociale de la ville de Paris, accompagné de Mme Dominique Martin, sous-directeur du service des interventions sociales |
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M. Jean Gras, président de la FMF et Professeur Bernard Mignot |
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M. Eric Verdier, responsable de publication de l'UJCD - Union dentaire |
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M. Hubert Wannepain, secrétaire général de la CSMF |
I. LES DEMANDES DE COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE COMPLÉMENTAIRE : UNE MONTÉE EN CHARGE RÉGULIÈRE MAIS LENTE DANS LES ORGANISMES DE BASE, UNE GRANDE DÉCEPTION DANS LES ORGANISMES MUTUALISTES ET CHEZ LES ASSUREURS
A
l'initiative du Gouvernement, le débat sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle s'était
organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes
n'était véritablement démontré :
6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.
Ni l'estimation d'un coût annuel de 1.500 francs, très
contesté par les organismes de protection complémentaire, ni
celle du nombre potentiel de bénéficiaires, n'avaient en effet
été véritablement argumentées par le Gouvernement.
S'il est encore trop tôt pour évoquer sérieusement un bilan
financier de la couverture complémentaire CMU, les chiffres fournis par
les caisses comme par les organismes de protection complémentaire,
semblent bien en deçà des estimations gouvernementales en ce qui
concerne le nombre de bénéficiaires de la CMU.
L'entrée en vigueur de la loi instituant une couverture maladie
universelle s'est d'abord traduite, au 1
er
janvier 2000, par le
basculement dans le régime CMU des 3,1 millions de personnes
bénéficiaires de l'aide médicale des départements.
Ce basculement, prévu par les articles 28 et 29 de la loi, s'est
déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les
départements et les caisses. Dans un département dans lequel se
sont rendus les rapporteurs de votre Commission, le conseil
général a même constitué, aux fins du basculement,
un fichier informatisé des bénéficiaires de l'aide
médicale qui n'avait jamais été réalisé
jusque-là !
En ce qui concerne les nouvelles demandes de CMU complémentaire,
c'est-à-dire les demandes présentées par des personnes
estimant disposer de ressources d'un montant inférieur au plafond CMU
mais ne bénéficiant pas de l'aide médicale, les chiffres
fournis par les caisses et les organismes complémentaires montrent que
la montée en charge est très lente, et qu'elle n'a
concerné, presque exclusivement, que les organismes de base.
A la fin du mois d'avril, on était ainsi très loin des 3 millions
de personnes bénéficiaires du nouveau dispositif.
A. L'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE MALADIE COMPLÉMENTAIRE DES FRANÇAIS PROMISE PAR LA CMU NE CONCERNE PAS ENCORE, LOIN S'EN FAUT, LES 3 MILLIONS DE PERSONNES ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT
6
millions de bénéficiaires potentiels moins 3 millions
d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale = 3 millions de
nouveaux bénéficiaires : tel était l'objectif
annoncé par le Gouvernement lors des débats sur le projet de loi
instituant la CMU.
Les chiffres fournis par les caisses et les organismes complémentaires
montrent que l'on en est encore très loin.
1. Les dossiers de demande d'attribution de la CMU dans les organismes de base
Au 21
avril 2000, les CPAM avaient reçu 437.055 dossiers de demandes de CMU,
et accordé le bénéfice de cette couverture à
308.761 demandeurs, 75.508 dossiers étant en instance.
Le nombre de dossiers déposés croît d'environ 100.000 par
mois : il était ainsi de 227.624 au 25 février, 336.680 au
24 mars et de 437.055 le 21 avril dernier.
Le stock de demandes en instance reste à peu près constant :
de 72.156 au 25 février, il est passé à 75.508 au mois
d'avril, traduisant ainsi une accélération du traitement des
dossiers.
Le taux de refus est lui aussi constant, et s'établit autour de
15 %.
Nombre
de dossiers remplis,
en cumulé depuis début janvier 2000 (en
métropole),
dans les CPAM au 21 avril 2000
|
au 25.02 |
au 24.03 |
au 21.04 |
Total déposés |
227.624 |
336.680 |
437.055 |
Refus |
22.070 |
37.542 |
52.786 |
Instances |
72.156 |
75.083 |
75.508 |
Accords |
133.398 |
225.056 |
308.761 |
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Ratio instances/total |
32 % |
22 % |
17 % |
Ratio refus/accords + refus |
14 % |
14 % |
15 % |
Deux
observations conviennent d'être formulées concernant ces
chiffres :
- ils ne traduisent que la situation en métropole, à l'exclusion
des DOM ;
- ils ne fournissent pas le nombre de bénéficiaires de la CMU,
mais seulement celui des dossiers. Si l'on suppose que, grossièrement,
chaque dossier CMU concerne un foyer de deux personnes, on aurait donc, au
21 avril,
environ 600.000 personnes couvertes par la CMU
.
A ces chiffres, il convient d'ajouter ceux qui concernent les demandes
instruites par l'assurance maladie des indépendants et par la
mutualité sociale agricole, même si leur apport ne bouleverse pas
cette estimation de 600.000 personnes couvertes.
L'assurance maladie des indépendants a d'abord reçu, au
1
er
janvier 2000, 73.508 anciens bénéficiaires de
l'aide médicale. Le nombre de nouveaux bénéficiaires (et
non de dossiers) de la CMU enregistré depuis le début de
l'année est assez faible : il s'établissait ainsi à
10.692
à la fin du mois de mars 2000.
Ce nombre de bénéficiaires est à peu près
équivalent dans le régime agricole qui avait accepté,
à la fin du mois de mars,
7.840
dossiers de demandes de CMU (hors
ex-bénéficiaires de l'aide médicale).
Récapitulatif : à peu près 600.000 personnes bénéficiaires
Nombre de dossiers acceptés |
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. Régime général (chiffres fin avril) |
308.761 |
. MSA (chiffres fin mars) |
7.840 |
Total |
316.601 |
- Nombre de bénéficiaires |
|
AMPI (chiffres fin mars) |
10.692 |
Il n'y a
donc pas eu, dans les premiers mois d'entrée en vigueur de la CMU, de
"
ruée
" vers ce nouveau dispositif, malgré
l'ampleur des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs
publics comme par les organismes de protection sociale, de base ou
complémentaire.
Plusieurs explications possibles peuvent être (prudemment)
avancées :
- les hypothèses de départ (soit 3 millions de personnes non
bénéficiaires de l'aide médicale et aux ressources
inférieures à 3.500 francs par mois) étaient
surestimées ;
- compte tenu de la variabilité de certains revenus -notamment chez
les indépendants, mais aussi pour certains salariés- dans la
tranche considérée, des personnes hésitent peut-être
à faire valoir des droits à la CMU qu'elles savent être
instables d'une année sur l'autre. Elles préfèrent donc
garder leur adhésion mutualiste ou leur contrat complémentaire
actuel ;
- certains personnes âgées, peu informées, craignent
peut-être que la CMU puisse faire l'objet d'une
récupération sur succession ;
- dans le régime agricole, certains retraités dont les
ressources sont aujourd'hui inférieures au plafond savent que, compte
tenu de la revalorisation de leur retraite, ils seront prochainement exclus de
la CMU. Ils craignent ainsi qu'en renonçant aujourd'hui à leur
couverture complémentaire, ils s'exposent à devoir, plus tard, se
soumettre à un examen médical pour retrouver une couverture
complémentaire, dont les tarifs pourraient être plus
élevés que ceux qui s'appliquent aujourd'hui à leur
contrat ;
- enfin, pour certains bénéficiaires potentiels de la CMU
déjà adhérents d'une mutuelle ou titulaires d'un contrat
d'assurance, le panier de soins couvert par leur contrat actuel est plus
avantageux que celui de la CMU en matière dentaire et d'optique. Ils
hésitent peut-être à renoncer à ce contrat, ce qui
les obligerait à adhérer, en plus de la CMU, à l'un des
contrats "
surcomplémentaires
CMU
" que certains
organismes mutualistes et assureurs proposent déjà...
2. Les demandes de gestion de la CMU par les organismes complémentaires
Si le
nombre de nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés
dans les organismes de base peut-être considéré comme
faible, celui des bénéficiaires ainsi enregistrés ayant
fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire l'est encore
plus...
A la fin du premier trimestre 2000, la surprise était ainsi très
grande dans les
523 organismes de protection complémentaire
participant à la CMU, et toutes les estimations effectuées avant
l'entrée en vigueur du dispositif avaient dû être
révisées à la baisse.
Ainsi, la Fédération française des sociétés
d'assurance, dont presque tous les membres -à l'exception de la Caisse
nationale de prévoyance (CNP), qui intervient, en maladie,
essentiellement en réassurance et de quelques sociétés
étrangères- ont décidé de participer au dispositif
indiquant qu'elle assurait la gestion de
7.000 bénéficiaires de la CMU...
A lui seul, GROUPAMA, qui est adhérent de la Fédération
française des sociétés d'assurance (FFSA), gérait
1.000 bénéficiaires.
Chez les organismes mutualistes, la Mutualité française
revendiquait
80 à 100.000 personnes
et la
Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles environ
un millier
.
En fait, toutes les prévisions réalisées avant
l'entrée en vigueur de la CMU par les organismes complémentaires
ont été revues à la baisse.
Ainsi, selon les représentants de la fédération nationale
interprofessionnelle et mutuelles (FNIM), la MAAF-Assurance santé, qui
assure 300.000 chefs de famille et s'était engagée dans la CMU
dans un esprit très dynamique, estimait à 6.000 le nombre de
bénéficiaires de la CMU qui la choisiraient comme gestionnaire de
leur complémentaire. Elle n'en compte en réalité que 600
ou 700.
Il en est de même au sein des régimes de base. Ainsi, la CANAM,
qui assure la couverture maladie de base de 3,1 millions de personnes,
estimait à 500 ou 600.000 le nombre de bénéficiaires
potentiels de la CMU parmi ses ressortissants : les chiffres réels
sont, là aussi, près de dix fois inférieurs, la CANAM
ayant accordé le bénéfice de la CMU complémentaire
à un peu plus de 80.000 personnes, dont 10.000 seulement ne
bénéficiaient pas de l'aide médicale avant le
1
er
janvier 2000.
3. Les profils de bénéficiaires : l'exemple du régime AMPI
Catégories de bénéficiaires
(sur un
total, au 29 février 2000, de 78.370 bénéficiaires)
Type d'admission
Taille du foyer CMU
Structure par âge
Pyramide des âges
âge moyen 36 ans (AMPI 47 ans)
B. POUR LES 3 MILLIONS D'ANCIENS BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE MÉDICALE, LA PROMESSE D'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE COMPLÉMENTAIRE EST PRÉCAIRE ET RÉVOCABLE
Le
"
basculement
" dans le régime CMU, pour les
3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide
médicale, n'a pas toujours été synonyme
d'amélioration de la couverture médicale.
Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique, qui sont les plus
"
sensibles
" en ce qui concerne l'accès aux soins des
personnes peu favorisées, certains départements offraient, au
titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à
celle que procure la CMU.
Ainsi, la CMU couvre des dépenses à hauteur de
2.600 francs tous les deux ans
par bénéficiaire pour
les prothèses dentaires, et de
1.600 francs tous les deux ans
pour les prothèses auditives.
Ces chiffres sont à rapprocher des
2.500 francs annuels
offerts
par la Carte Paris santé, et des
5.000 francs annuels
attribués pour la prise en charge des prothèses auditives.
En outre, "
l'amélioration
" de la couverture
complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU va
s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement
révocable.
Aux termes de la loi, en effet, les bénéficiaires de l'aide
médicale ont été automatiquement basculés dans le
régime CMU, sans que le niveau de leurs ressources soit encore
contrôlé.
La loi prévoit ainsi, dans son article 28, que
" les personnes
titulaires de l'aide médicale à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi bénéficient de plein droit des
dispositions de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale
(c'est-à-dire de la CMU) jusqu'à expiration de la période
d'admission à l'aide médicale et, en tout état de cause,
jusqu'au 31 mars 2000 ".
Le contrôle des ressources devait être réalisé par
les caisses au 30 juin 2000. Tous les responsables des caisses nationales
rencontrés par vos rapporteurs sont formels : ils ne parviendront
pas à effectuer cette tâche d'ici la fin du mois de juin, et
plusieurs demeurent circonspects quant à la possibilité d'y
parvenir d'ici la fin du mois d'octobre.
Si la montée en charge de la CMU se poursuit à son rythme
d'environ 100.000 dossiers par mois et dans un contexte où le retard de
traitement des feuilles de soins par les CPAM concerne déjà
11,7 millions de feuilles (contre 11,4 millions à la fin du
mois de mars), soit six jours de traitement, on voit en effet assez mal comment
le contrôle des ressources des 3,1 millions de
bénéficiaires de l'aide médicale pourrait être
réalisé dans un délai raisonnable.
Ce contrôle des ressources va occasionner de mauvaises surprises aux
personnes qui avaient été admises à l'aide médicale
dans la vingtaine de départements dont les barèmes étaient
plus favorables -voire beaucoup plus favorables- que celui de la CMU.
Elles perdront en effet le bénéfice de l'aide médicale, et
l'institution de la CMU se traduira, pour ces personnes, par un recul de leurs
droits. Ainsi, à Paris, le plafond de ressources pour la carte Paris
santé s'établissait à 4.004 francs par mois, voire
même à 4.205 francs pour les personnes âgées ou
handicapées qui bénéficiaient d'une allocation de garantie
de ressources servie par la ville.
Cette allocation complète en effet leurs ressources jusqu'à
4.205 francs par mois pour une personne seule et 7.360 francs pour un
couple, auxquels s'ajoute une prise en compte de leur loyer réel
jusqu'à un montant de 1.500 francs.
Au total, la carte Paris santé bénéficiait à
140.000 personnes, dont 20.000 personnes âgées ou
handicapées bénéficiaires de l'Allocation ville de Paris.
Il est aujourd'hui impossible de connaître le nombre de personnes qui
perdront leur droit à une couverture maladie complémentaire -et,
dans certains cas aussi, de base- gratuite, même si plusieurs
interlocuteurs de vos rapporteurs ont avancé le chiffre de
100.000
.
Nul doute cependant que ces situations seront mal vécues : il est
rare, dans notre pays, que des réformes de la protection sociale se
traduisent par une régression des droits... surtout lorsque ces
réformes ont une ambition affichée de plus grande
générosité.
Au guichet des caisses, il sera d'autant plus difficile à expliquer les
décisions de rejet que ces ex-bénéficiaires de l'aide
médicale auront, pendant près d'un an, bel et bien
bénéficié de la CMU dont ils seront, non pas
écartés, mais radiés...
L'ensemble des interlocuteurs de vos rapporteurs interrogés sur ce point
a confirmé que l'institution d'une allocation personnalisée
à la santé dégressive avec le revenu, prônée
par le Sénat lors de la discussion du projet de loi, eût
été grandement préférable au "
tout ou
rien
" que le Gouvernement et sa majorité parlementaire se sont
obstinés à retenir, sans d'ailleurs avancer d'autre importante
explication à ce choix que l'opposition présumée de
certaines associations impliquées dans l'aide aux personnes
défavorisées à un scénario véritablement
partenarial impliquant les organismes de protection sociale
complémentaire.