QUATRIÈME PARTIE
-
LA MISE EN PLACE DE LA
COUVERTURE MALADIE
UNIVERSELLE
Votre
Commission avait estimé, à l'occasion de la discussion du projet
de loi instituant une couverture maladie universelle, qu'une réforme de
grande ampleur était nécessaire.
En effet, environ 150.000 personnes demeuraient dépourvues d'une
couverture maladie de base, essentiellement d'ailleurs parce qu'elles
étaient trop marginalisées pour faire valoir leurs droits, et un
nombre important de Français ne bénéficiaient pas d'une
couverture maladie complémentaire. Or, une couverture
complémentaire maladie est, de fait, devenue indispensable, la
sécurité sociale remboursant de moins en moins bien les
dépenses de santé.
Telle qu'instituée par la loi du 27 juillet 1999, la couverture maladie
universelle comporte deux volets, un volet
" couverture de
base "
et un volet
" couverture
complémentaire "
.
En ce qui concerne la couverture de base, la loi prévoit
désormais que toute personne résidant de façon stable et
régulière en France est obligatoirement affiliée au
régime général d'assurance maladie si elle n'a pas droit,
à un autre titre, à des prestations maladie. Cette affiliation
est immédiate, continue, et elle est gratuite en dessous d'un certain
seuil de revenus.
Le Sénat a approuvé cette réforme, soulignant toutefois
que la question essentielle, pour les 150.000 personnes dépourvues de
couverture de base, était moins celle du droit que celle de
l'accès au droit.
Le second volet de la loi, consacré à la couverture
complémentaire, concernerait, selon le Gouvernement, 6 millions de
personnes.
Il prévoit d'accorder gratuitement une couverture maladie
complémentaire à 100% avec tiers payant à toutes les
personnes dont les revenus sont inférieurs à un plafond de
ressources.
Si l'instruction des dossiers de demande appartient aux caisses primaires, les
bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) peuvent
ensuite en confier la gestion, soit à leur caisse primaire, soit aux
mutuelles, aux assurances ou institutions de prévoyance qui ont
accepté de participer au dispositif.
Le Sénat a estimé, lors des débats parlementaires, qu'il
aurait été possible de promouvoir un projet aussi
généreux que celui que proposait le Gouvernement, sans s'exposer
à tous les effets pervers qu'il comportait.
Ainsi, il a considéré que l'application de la réforme
gouvernementale se traduirait par un effet de seuil massif.
Depuis son entrée en vigueur, en effet, selon qu'un assuré social
gagne 100 francs de plus ou 100 francs de moins par mois, selon qu'il est
au-dessus ou en dessous du seuil :
- soit il doit payer l'intégralité de ses cotisations
à la sécurité sociale plus les cotisations ou les primes
correspondant à sa couverture complémentaire, et obtient ainsi
une couverture maladie qui n'est jamais totalement à 100% ;
- soit il bénéficie, sans aucune cotisation, à titre
totalement gratuit, d'une couverture de base et d'une couverture
complémentaire à 100% pour tous les soins, avec tiers payant.
Le Sénat avait estimé que les conséquences de cet effet de
seuil seraient très graves :
- non seulement parce qu'il ferait hésiter à accepter, dans une
famille ne comprenant qu'un actif, un travail à temps partiel ou
même un retour à l'activité pour un chômeur,
- mais parce que des personnes qui ne sont pas riches et qui ne peuvent
pas travailler seraient exclues de la CMU : il en est ainsi des personnes
âgées bénéficiaires du minimum vieillesse ou des
personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation
handicapé adulte. Le montant de leur allocation se situe en effet juste
au-dessus du plafond de ressources.
Le Sénat avait en outre estimé que la CMU serait très
déresponsabilisante, car elle ne permettrait pas aux personnes
défavorisées d'entrer dans un dispositif de droit commun, les
plaçant au contraire dans une situation d'assistance, avec une
" sécurité sociale bis "
totalement gratuite.
En conséquence, le Sénat avait profondément amendé
le projet de loi gouvernemental en instituant une
" allocation
personnalisée à la santé "
, construite sur le
modèle de l'allocation logement, ayant vocation à aider les
personnes défavorisées à adhérer à une
mutuelle ou à souscrire un contrat assurance complémentaire dans
des conditions de droit commun. Cette allocation, solvabilisant
intégralement ses bénéficiaires au niveau du RMI, aurait
été dégressive avec les revenus jusqu'au niveau du SMIC.
Le Sénat avait enfin affirmé qu'il aurait fallu,
parallèlement à la réforme, améliorer le
fonctionnement de la sécurité sociale afin qu'elle rembourse
mieux les dépenses de santé. La réforme gouvernementale ne
s'est pas du tout attaquée à ce problème, qui demeure
pourtant essentiel.
Près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU,
votre commission a souhaité en examiner les conditions d'application.
Ses travaux ont montré que :
- la montée en charge de la CMU, régulière, est
cependant très lente, et laisse à l'écart les organismes
complémentaires qui ne gèrent aujourd'hui la couverture
complémentaire que d'une très faible minorité de
bénéficiaires ;
- les mesures réglementaires d'application de la loi ont
considérablement accru la complexité du dispositif
législatif, complexité à l'origine de beaucoup de perte de
temps pour les gestionnaires -d'où le grand
" encombrement "
constaté dans les caisses primaires-
et de beaucoup d'incompréhensions ;
- enfin, les mesures réglementaires comme les conditions
d'application de la loi s'éloignent encore plus que ne l'avait fait la
loi elle-même d'un scénario
" partenarial "
entre
les organismes de base et les organismes complémentaires, mais aussi
avec les professionnels de santé.