II. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DES CAF)

Réunie le 1 er mars 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord entendu une communication des rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale ( mission de contrôle sur les difficultés de fonctionnement rencontrées par les caisses d'allocations familiales ).

M. Jacques Machet, rapporteur, a rappelé que MM. Charles Descours, Alain Vasselle et lui-même avaient engagé, au début de l'année, plusieurs missions de contrôle, " sur pièces et sur place ", dans les organismes de protection sociale, en se fondant sur les prérogatives particulières et permanentes accordées par la loi aux rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a précisé que l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 disposait, en effet, que les rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité sociale avaient le pouvoir de suivre et de contrôler, " sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit. "

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que les rapporteurs avaient été amenés à privilégier, cette année, trois thèmes de contrôle : les difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion des exonérations de cotisations sociales et, enfin, l'application de la couverture maladie universelle (CMU).

Il a indiqué qu'il n'évoquerait ce jour que la mission consacrée aux caisses d'allocations familiales, M. Charles Descours devant présenter, le 21 mars prochain, l'état d'avancement du contrôle sur les exonérations de cotisations sociales. Après avoir précisé que cette mission sur les caisses d'allocations familiales n'était pas encore achevée, il a expliqué que les rapporteurs avaient cependant jugé utile de tenir informée la commission de l'avancement de leurs travaux, en lui présentant un compte rendu de leurs déplacements sur pièces et sur place.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que, dans le souci de préserver la nécessaire vision d'ensemble qui devait prévaloir dans cette procédure de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, les conclusions définitives de leurs travaux sur les caisses d'allocations familiales pourraient être présentées à la commission courant mai, parallèlement à la présentation des conclusions des rapporteurs sur les missions consacrées aux exonérations de cotisations sociales et à l'application de la CMU.

Il a expliqué que Charles Descours, Alain Vasselle et lui-même avaient été frappés par les nombreux articles de presse consacrés, l'été dernier, aux difficultés rencontrées par certaines caisses d'allocations familiales, particulièrement en région parisienne. Ces difficultés prenaient la forme de files d'attente interminables aux guichets, de retards considérables dans les réponses aux courriers et le traitement des dossiers. Certains articles évoquaient même des caisses " au bord de la rupture de paiement ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), interrogée lors de son audition par la commission, le 13 octobre 1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, avait alors déclaré que ces difficultés étaient en voie de règlement. Pourtant, moins de deux mois plus tard, le 6 décembre, elle demandait au Gouvernement, au nom du conseil d'administration de la CNAF, un accroissement des moyens humains, dont dispose la branche famille, sous la forme de 1.100 emplois supplémentaires. Cette demande intervenait ainsi quelques jours après l'adoption en lecture définitive, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué que, dans ces conditions, ses collègues rapporteurs et lui-même avaient jugé nécessaire de mieux mesurer l'étendue et les conséquences des difficultés de fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales. L'objet de cette mission de contrôle était de dresser un diagnostic et de formuler des propositions.

Il a indiqué que, désireux de se rendre compte de la réalité de la situation " sur le terrain ", les rapporteurs étaient allés tout d'abord à la CNAF le 26 janvier dernier. Ils avaient pu y rencontrer Mme Nicole Prud'homme, présidente, qui représente la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) au conseil d'administration, et M. Diépois, vice-président, représentant le mouvement des entreprises de France (MEDEF), puis M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance, et, enfin, Mme Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de direction. Cette visite à la CNAF avait été précédée de l'envoi d'un questionnaire particulièrement exhaustif : les réponses écrites qui avaient été transmises avaient permis de compléter utilement l'information des rapporteurs.

M. Jacques Machet, rapporteur, a précisé que les rapporteurs s'étaient ensuite rendus dans trois caisses d'allocations familiales : à Evry, dans l'Essonne, à Chartres, dans l'Eure-et-Loir et, enfin, à Melun, en Seine-et-Marne. Le choix de ces trois caisses avait été dicté par le souci de concentrer l'investigation sur les caisses de la région parisienne, qui connaissaient les plus grandes difficultés, tout en visitant parallèlement une caisse voisine -celle de Chartres- qui semblait épargnée par ces difficultés. Le choix de ces trois caisses avait permis aux rapporteurs une vision contrastée de la situation des différentes caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué qu'Evry et Melun figuraient ainsi parmi les caisses les plus importantes du territoire, avec chacune 170.000 allocataires, et incarnaient de manière assez exemplaire la situation des caisses dites " en difficulté ". Chartres abritait, pour sa part, une caisse " moyenne " gérant 58.000 allocataires sans véritables difficultés. Dans ces trois caisses, les rapporteurs avaient rencontré les présidents et vice-présidents des conseils d'administration, les équipes de direction et les représentants des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils avaient également visité les locaux consacrés à l'accueil du public, ce qui avait souvent permis aux rapporteurs de dialoguer quelques instants avec les personnels des guichets, qui étaient en contact permanent avec les allocataires.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que la délégation avait reçu partout le meilleur accueil et que tous ses interlocuteurs s'étaient félicités de la démarche entreprise par la commission. Il a ajouté que certains présidents ou directeurs de caisses, informés de ces travaux, avaient spontanément pris contact avec les rapporteurs afin d'être auditionnés et qu'ils seraient par conséquent prochainement reçus au Sénat.

M. Jacques Machet, rapporteur, a examiné tout d'abord les symptômes et les raisons de ces difficultés avant d'esquisser quelques propositions. Il a souligné que, si les difficultés semblaient avoir commencé à se manifester dès 1998, elles s'étaient cependant brutalement aggravées au cours de l'été 1999, date à laquelle elles avaient été largement évoquées par les médias.

Il a tenu à préciser que, seule, une minorité de caisses était effectivement concernée par ce phénomène : sur un réseau national de 125 caisses, 25 connaissaient aujourd'hui des difficultés et ne respectaient pas les objectifs définis par la convention d'objectifs et de gestion. Il a fait cependant observer que ces caisses étaient aussi celles qui géraient le plus grand nombre d'allocataires, les 8 caisses de la région parisienne étant par exemple chargées de la gestion de 25 % des allocataires.

M. Jacques Machet, rapporteur, a expliqué que les difficultés s'étaient traduites concrètement par des retards dans le traitement des dossiers et des réponses aux courriers, par une forte augmentation des temps d'attente au guichet et par une dégradation de l'accueil téléphonique. Il a souligné que ces trois aspects étaient en fait partie prenante d'une même réalité de cercle vicieux : lorsque les délais de traitement des dossiers augmentaient, les allocataires, inquiets de l'absence de réponse de la caisse, se rendaient aux guichets. Pour répondre à cette affluence nouvelle, on affectait à l'accueil des personnels habituellement chargés de l'instruction et de la liquidation des dossiers ou de l'accueil téléphonique, ce qui se traduisait in fine par des retards accrus dans la gestion des dossiers.

M. Jacques Machet, rapporteur, a relevé que certaines caisses avaient ainsi connu des retards moyens dans le traitement des dossiers atteignant parfois quatre mois, ce qui signifiait en pratique que certains dossiers avaient été traités avec parfois six mois de retard, si ce n'était davantage. Les caisses avaient en effet été contraintes à des arbitrages et avaient choisi de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales " classiques ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a constaté que la situation semblait s'améliorer lentement ; à Evry, par exemple, le retard moyen dans le traitement des dossiers restait encore de deux mois. Il a relevé que, parallèlement à ces retards dans le traitement des dossiers, les temps d'attente au guichet avaient augmenté fortement : certaines caisses avaient ainsi connu, à certaines périodes, des temps d'attente moyens de près de trois heures ! Aujourd'hui, le temps d'attente moyen semblait être retombé à une heure environ dans la plupart des caisses de la région parisienne, ce qui restait néanmoins considérable. A Evry, où l'on considérait que la capacité maximale d'accueil quotidien était de 400 personnes, 900 à 1.000 personnes s'étaient parfois présentées certains jours, 250 personnes attendaient ainsi simultanément dans une salle qui comptait environ une soixantaine de places assises.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que de telles conditions d'accueil avaient créé de fortes tensions avec les allocataires et au sein même du personnel des caisses concernées. Elément assez symptomatique de cette dégradation, les caisses d'Evry et de Melun avaient chacune embauché un vigile qui, présent à l'accueil, assurait la sécurité des personnels et maintenait l'ordre.

Il a constaté que l'accueil téléphonique avait été partout sacrifié. Certaines caisses -à Evry par exemple- n'avaient pas hésité à fermer cet accueil et ne répondaient plus au téléphone. Cette situation à l'accueil téléphonique avait naturellement un retentissement sur l'accueil au guichet : faute d'obtenir une réponse au téléphone, les allocataires étaient contraints de se rendre à leur caisse.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que face à ces difficultés, la CNAF avait mis en place plusieurs plans d'action successifs consistant essentiellement à affecter des personnels supplémentaires dans les caisses concernées. Elle avait donné parallèlement pour instruction aux caisses de privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des prestations familiales, renonçant ainsi à assurer la mission première de la branche famille.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que les difficultés rencontrées provenaient, pour l'essentiel, de la conjugaison d'un élément conjoncturel -la mise en place d'un nouveau système informatique Cristal dans les caisses de la région parisienne- et d'éléments structurels.

Il a expliqué que la région parisienne avait été la plus touchée par les difficultés, car le système informatique Cristal avait été conçu à partir du système qui était auparavant en usage dans les caisses de province. La région parisienne disposait, quant à elle, d'un système informatique distinct, dont la logique était très éloignée de Cristal. Outre des difficultés techniques inévitables, il avait fallu que les personnels se forment et s'approprient ce nouvel outil : cela s'était soldé par une diminution, que l'on pouvait espérer temporaire, de la productivité. Lorsque les caisses avaient déjà des retards importants dans le traitement des dossiers et des courriers, le passage à Cristal s'était inévitablement traduit par des retards accrus. La mise en place de Cristal n'était d'ailleurs pas achevée puisque les caisses étaient encore contraintes de continuer à travailler simultanément sur l'ancien système.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que ce problème d'adaptation à un nouvel outil informatique se résoudrait progressivement et a jugé que Cristal devrait ainsi être pleinement opérationnel dans l'ensemble des caisses de la région parisienne avant la fin de la présente année.

Il a constaté que restaient néanmoins des problèmes plus préoccupants car fondamentalement structurels ; il a observé que Cristal n'avait été en quelque sorte que le révélateur de difficultés plus profondes liées à l'évolution des missions de la branche famille, à la précarisation des publics qu'elle prend en charge, au malaise des personnels et à la complexité croissante de la législation et de la réglementation.

M. Jacques Machet, rapporteur, a souligné que la branche famille, en prenant à sa charge la gestion du RMI, en 1989, avait vu ses missions profondément évoluer. Initialement chargée de l'aide aux familles, elle s'était rapidement trouvée au coeur de la lutte contre l'exclusion. Cette nouvelle mission s'était traduite par une augmentation de la charge de travail et, surtout, par un changement de nature du travail effectué. Les caisses étaient donc confrontées à une population de plus en plus précarisée et fragilisée, parfois aussi plus agressive. Comme l'avait souligné la semaine précédente Mme Nicole Prud'homme devant la commission, aujourd'hui, 40 % des allocataires des CAF n'étaient pas chargés de famille, ce chiffre pouvant atteindre 52 ou 53 % dans certaines caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a relevé que
l'amélioration de la situation économique renforçait le sentiment de précarité chez les personnes les plus fragiles, qui éprouvaient paradoxalement le besoin d'être encore davantage rassurées.

Il a rappelé que la branche famille avait pris à sa charge la gestion du RMI et de la plupart des minima sociaux sans que lui soient parallèlement accordés des moyens supplémentaires. Les moyens humains dont elle disposait avaient même progressivement diminué. Les efforts accomplis par la branche famille en termes de productivité depuis 10 ans étaient ainsi considérables : le coût de gestion était revenu de 3,4 % des prestations versées à 2,7 % aujourd'hui. Parallèlement, le nombre des bénéficiaires du RMI passait de 300.000 personnes à plus d'un million.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que la branche famille avait globalement su faire face à cette nouvelle responsabilité que constituait la gestion des minima sociaux, au prix cependant d'une dégradation du service et de l'absorption de l'ensemble de ses gains de productivité. En Eure-et-Loir, par exemple, la montée en charge du RMI avait obligé la caisse à réduire la fréquence de ses permanences dans les chefs-lieux de canton et des visites à domicile.

M. Jacques Machet, rapporteur, a indiqué que, lors de leurs entretiens avec les représentants du personnel, les rapporteurs avaient pu constater une certaine démotivation et une grande frustration de la part des personnels des caisses. Ces personnels étaient généralement compétents, dévoués et très attachés à la mission de leur institution. Ils avaient aujourd'hui le sentiment de ne pas pouvoir offrir aux allocataires le service qui devrait leur être rendu, ce qui suscitait, chez eux, une grande insatisfaction. Comme l'avait indiqué un représentant du personnel : " on nous demande de gérer des règles de plus en plus complexes avec des publics de plus en plus fragiles ".

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que, dans ce contexte, la négociation difficile sur les modalités de la réduction du temps de travail, qui était applicable au personnel des caisses depuis le 1 er février, contribuait à accroître fortement les tensions sociales.

Il a souligné que la complexité du droit géré par les caisses d'allocations familiales était indéniable. De fait, comme l'avait souligné la semaine précédente Mme Nicole Prud'homme devant la commission, les CAF géraient 25 prestations légales qui représentaient 15.000 règles de droit. Il a ajouté que les CAF prenaient en compte 250 faits générateurs de droit, qu'elles utilisaient 270 modèles de pièces justificatives et en traitaient 70 millions par an. Les comparaisons qu'il était possible de faire dans le temps concernant ces indicateurs montraient que la complexité s'était fortement accrue.

M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé que la complexité de ce droit était fortement aggravée par son instabilité. Il a rappelé, par exemple, comment le Gouvernement avait décidé à l'automne 1997 de mettre sous condition de ressources les allocations familiales pour revenir finalement, quelques mois plus tard, sur cette décision.

Il a expliqué en outre que, depuis la création de l'aide personnalisée au logement (APL) en 1977, il y avait eu environ 150 textes qui en avaient modifié le régime initial et sur les dernières années, plus de 100 modifications de règles étaient intervenues par an. Cette complexité avait atteint son paroxysme pour la gestion des allocations logement : la circulaire explicitant les modalités d'attribution de ces prestations ne comptait pas moins de 83 pages !

M. Jacques Machet, rapporteur, a jugé que la branche famille était de surcroît victime de la conjugaison de règles très complexes et de changements permanents dans les situations familiales et professionnelles des allocataires. Ainsi, en moyenne, un tiers du fichier des allocataires était modifié chaque mois.

Il a constaté que la complexité des règles gérées par les caisses d'allocations familiales découlait souvent du souci d'être le plus équitable possible et du goût de nos concitoyens pour des règles totalement objectives définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas particulier et ménageant les droits acquis. La complexité procédait également d'une volonté politique de ciblage social et financier, de la multiplicité des objectifs poursuivis et d'un faible intérêt du " fabricant de règles " pour leur gestion par les CAF et leur compréhension par l'allocataire.

M. Jacques Machet, rapporteur, a observé que l'évolution récente de la branche famille avait vu la montée en charge de trois types de prestations très complexes : celles qui ont recours à des barèmes extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement, les prestations différentielles que sont les minima sociaux, celles qui supposent des relations avec de multiples partenaires : en moyenne, les CAF étaient ainsi en relation avec 60 partenaires susceptibles d'intervenir dans la gestion du système des prestations.

Il a ajouté que les CAF géraient des prestations qui dépendaient d'ordres juridiques différents (les prestations familiales inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL inscrite dans le code de la construction et de l'habitat, le RMI) ce qui conduisait à des règles distinctes en matière de contentieux, de récupération d'indus.

Il a jugé que les effets de cette complexité étaient redoutables : incompréhension des allocataires et des personnels, absence de lisibilité des choix politiques, ciblage social souvent inefficace, ciblage financier rarement atteint, coût de gestion accru.

Pour éviter que la branche famille ne soit confrontée à l'avenir à de nouvelles difficultés, M. Jacques Machet, rapporteur, a estimé qu'il convenait d'engager rapidement une démarche de simplification du droit régissant les prestations versées par les caisses d'allocations familiales. Il a indiqué qu'un gros travail avait été accompli depuis une quinzaine d'années par la branche famille sur la simplification des prestations : cette démarche était pourtant restée lettre morte faute d'un réel soutien du ministère de l'emploi et de la solidarité. La direction de la sécurité sociale considérait ainsi que la complexité était un faux problème, en partie réglé par l'informatisation et faisait observer, en outre, que la simplification avait un coût.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré par conséquent que cette entreprise de simplification n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique.

Evoquant la question des moyens dont disposait la branche famille, M. Jacques Machet, rapporteur, a rappelé que la CNAF, arguant des difficultés que rencontraient les CAF, avait demandé au Gouvernement, en décembre dernier, 1.100 postes supplémentaires. Mme Martine Aubry avait alors diligenté une mission de l'IGAS, chargée d'évaluer le bien-fondé de cette demande.

Il a relevé que, sans attendre les résultats de cette mission, le Gouvernement venait pourtant de donner son accord à la création de 900 postes, dont une partie était présentée comme un acompte sur les créations d'emplois qui résulteraient de la réduction du temps de travail. Avant d'être pleinement opérationnels, ces personnels devraient être formés pendant une période de 10 mois.

Dans la mesure où les conclusions de la mission de l'IGAS n'étaient pas encore disponibles, M. Jacques Machet, rapporteur, s'est refusé à se prononcer sur le bien-fondé de la demande de la CNAF. Il s'est demandé néanmoins si l'octroi de postes supplémentaires ne constituait pas une solution de facilité, qui permettait notamment de faire l'économie d'éventuels efforts de réorganisation interne et d'une simplification du droit.

Il a estimé que le passage aux 35 heures ne pouvait se faire à moyens constants. Il a expliqué que la CNAF proposait donc qu'on lui donne des moyens supplémentaires immédiatement, moyens qui seraient récupérés dans quatre ou cinq ans au moment des départs massifs à la retraite des personnels des caisses.

M. Jacques Machet, rapporteur, a considéré qu'il convenait de profiter de la négociation sur les 35 heures pour revoir les modalités de l'organisation du travail dans les caisses d'allocations familiales et améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager. Des efforts importants devraient ainsi être engagés qui permettraient une simplification des procédures internes et une meilleure gestion des ressources et des moyens disponibles. Certaines caisses, Evry et Melun par exemple, venaient d'ailleurs d'engager une démarche en ce sens.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que la qualité des analyses formulées et le caractère concret des observations recueillies justifiaient pleinement la démarche de contrôle sur pièces et sur place entreprise par la commission. Il a estimé que la présentation, par les trois rapporteurs, des conclusions définitives de leurs travaux, au mois de mai prochain, ferait certainement apparaître des difficultés communes dans les différentes branches de la sécurité sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a précisé que ces missions de contrôle sur pièces et sur place étaient avant tout des missions destinées à informer la commission, sans arrière-pensée politique. Evoquant la nécessaire démarche de simplification du droit, il a regretté que certaines directions du ministère de l'emploi et de la solidarité ne partagent pas cette conviction. Considérant que le droit des prestations versées par les CAF était désormais devenu " le royaume du père Ubu ", il a cité l'exemple du régime d'attribution des allocations logement qui distinguait entre les étudiants boursiers et non boursiers, ce qui se traduisait in fine par une différence de 50 francs par mois pour les intéressés et par une complexité considérable dans la gestion de ces prestations par les CAF.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné qu'en l'absence de simplification du droit, les difficultés ne seraient pas réglées par des créations d'emplois. Il a considéré que la convention d'objectifs et de gestion qui régissait aujourd'hui la branche famille devrait être révisée car elle n'était, à l'évidence, pas respectée. Il a fait observer que si seules 25 caisses sur 125 rencontraient effectivement des difficultés, ces caisses étaient aussi les plus importantes du réseau et assuraient la gestion d'au moins 50 % des allocataires.

Evoquant les problèmes d'accueil téléphonique, il a cité l'exemple de la caisse des allocations familiales de l'Isère qui fonctionnait correctement et où, pourtant, l'accueil téléphonique s'avérait très déficient. Il a considéré enfin que l'on n'avait pas encore véritablement tiré toutes les conséquences du changement opéré dans les missions de la branche famille.

Après avoir précisé que l'introduction de vigiles dans certaines caisses visait à lutter contre l'instauration d'un début de marché noir pour l'attribution des tickets de file d'attente, M. Alain Vasselle, rapporteur, a mis l'accent sur l'importance d'une simplification du droit et a estimé que les allocataires étaient aujourd'hui les premières victimes des difficultés rencontrées par les caisses. Il a relevé que ces difficultés avaient conduit certaines caisses à diminuer leur présence territoriale, leur offre de services et l'information apportée aux allocataires, ce qui provoquait inévitablement une augmentation de la fréquentation aux guichets. Il a constaté que les caisses avaient également réduit leurs missions de contrôle et se trouvaient, par conséquent, confrontées à un nombre croissant de contentieux.

Evoquant les gains de productivité importants effectués par les caisses d'allocations familiales depuis une dizaine d'années, il a exprimé son scepticisme face aux possibilités de récupérer, dans quatre ou cinq ans, les postes qui seraient aujourd'hui créés en application de la réduction du temps de travail.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité que la commission puisse présenter, à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale, un amendement limitant, tant en termes de délai que de montant, les possibilités de récupération des indus par les caisses d'allocations familiales.

M. Claude Huriet s'est félicité de la démarche entreprise par la commission et a souhaité que le rapport qui serait rédigé à l'issue de cette mission puisse être communiqué aux membres du conseil de surveillance de la CNAF. Après s'être affirmé convaincu de la nécessité de privilégier la simplification du droit, il a relevé que l'analyse formulée par les rapporteurs mettait l'accent sur les gains de productivité accomplis par les caisses et s'est interrogé, dans ces conditions, sur la possibilité réelle de résorber les difficultés actuelles sans embauches supplémentaires.

M. Jean Chérioux a constaté que les dysfonctionnements informatiques avaient des conséquences souvent dramatiques pour les allocataires et s'est étonné du fort taux d'erreur qui caractérisait les décisions prises par les caisses.

Après avoir salué la qualité de l'analyse des trois rapporteurs, Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que si toutes les CAF connaissaient actuellement des difficultés, les problèmes aigus évoqués par M. Jacques Machet dans son intervention n'étaient pas représentatifs de la situation dans l'ensemble des CAF. Elle a souscrit à l'idée de la simplification du droit tout en considérant que la complexité des règles se voyait en partie résolue par l'utilisation de l'informatique et une formation adaptée du personnel. Elle a constaté que la complexité des lois et des règlements était un phénomène maintenant ancien. Elle a suggéré, à ce propos, que la commission auditionne M. Jean-Michel Belorgey sur les réflexions du groupe de travail qu'il a animé dans le cadre des travaux du Commissariat général du plan, sur l'articulation entre les minima sociaux, les revenus d'activité et la précarité.

M. Charles Descours, rapporteur, a cité l'exemple de l'outil informatique Racine, utilisé par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), et qui semblait mieux fonctionner aujourd'hui, après des débuts pourtant difficiles.

M. Philippe Nogrix a jugé que, face à une situation exceptionnelle, il convenait de donner à la branche famille des moyens humains supplémentaires immédiats pour surmonter les difficultés et rattraper le retard accumulé.

Mme Nelly Olin a estimé que la première urgence consistait effectivement à résorber les retards. Elle a souligné les fortes tensions que suscitait, sur le terrain, la situation actuelle. Elle a souhaité que les rapporteurs puissent entendre les responsables de la CAF du Val-d'Oise.

M. Michel Esneu a fait observer que les difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales conduisaient ces dernières à se désengager de certaines missions, notamment dans les centres communaux d'action sociale (CCAS), et à transférer ainsi certaines charges vers les collectivités locales. Il a considéré que les créations d'emplois étaient indissociables des efforts de simplification qui devaient être menés parallèlement.

M. François Autain a estimé que la complexité croissante du droit était une évolution profonde de nos sociétés et que l'outil informatique permettait d'assurer une gestion satisfaisante de cette complexité. Il a considéré que la loi relative à la réduction du temps de travail constituait un atout pour les organismes de sécurité sociale et permettrait vraisemblablement, par une réorganisation du travail, de résoudre les difficultés aujourd'hui rencontrées.

Après avoir souligné la compétence et le professionnalisme des personnels des caisses, M. Alain Gournac a considéré que la simplification était une priorité. Il a estimé que les personnels des caisses n'avaient pas été suffisamment formés au nouvel outil informatique Cristal, dont les effets positifs sur la productivité ne se feraient sentir que dans trois ou quatre ans. S'étonnant du nombre élevé de dossiers ou de pièces égarés par les caisses, il a regretté que l'accueil téléphonique soit souvent déficient et que les caisses semblent se désinvestir de plus en plus de l'action menée sur le terrain.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé qu'il fallait dix mois pour former les personnels avant que ceux-ci ne soient opérationnels et que les créations de postes accordées par le Gouvernement n'auraient pas un effet immédiat sur la résorption des retards.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que certaines caisses, telle celle de Chartres, avaient anticipé sur les difficultés nées du passage au système Cristal. Il a jugé qu'il convenait, dans l'immédiat, de renforcer provisoirement les effectifs dans les caisses où cela était véritablement nécessaire.

M. Martial Taugourdeau a relevé que la caisse de Chartres, malgré son caractère apparemment exemplaire, rencontrait certaines difficultés. Il a également constaté les nombreux problèmes que suscitait la gestion des fonds de solidarité pour le logement (FSL).

M. Philippe Nogrix a constaté que les caisses s'étaient organisées pour faire face à Cristal, en abandonnant leurs missions sur le terrain. Il a considéré que la réduction du temps de travail n'allait certainement pas améliorer la situation.

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