VI. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le
mercredi 24 mai 2000
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a
entendu la
communication des rapporteurs
des
lois de financement de
la sécurité sociale
sur les conclusions de leurs missions de
contrôle.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la commission
avait déjà entendu deux rapports d'étape consacrés
respectivement aux difficultés de fonctionnement des caisses
d'allocations familiales (CAF), et à la gestion des exonérations
de cotisations sociales. Il a indiqué que les rapporteurs
présenteraient, au cours de la présente réunion, les
résultats de la mission sur la mise en place de la couverture maladie
universelle (CMU) avant de compléter, en tant que de besoin, leurs
conclusions sur les deux missions précédentes et de formuler
leurs observations sur l'exécution de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
a tout d'abord
évoqué la mission de contrôle consacrée à la
mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). Il a indiqué
que la
montée en charge de la CMU
était régulière, mais lente, dans les organismes de base,
et qu'une grande déception se faisait jour dans les organismes
mutualistes et chez les assureurs.
Il a rappelé que le débat sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle s'était
organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes
n'était véritablement démontré :
6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que, s'il
était encore trop tôt pour évoquer sérieusement un
bilan financier de la CMU, les chiffres fournis par les caisses comme par les
organismes de protection complémentaire semblaient bien en
deçà des estimations gouvernementales s'agissant du nombre de
bénéficiaires de la CMU. L'entrée en vigueur de la loi
instituant une couverture maladie universelle s'était d'abord traduite,
au 1
er
janvier 2000, par le basculement dans le régime
CMU des 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide
médicale des départements. Ce basculement s'était
déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les
départements et les caisses.
S'agissant des nouvelles demandes de CMU complémentaire,
M. Charles Descours, rapporteur,
a relevé que les chiffres
fournis par les caisses et les organismes de protection complémentaire
montraient que la montée en charge était très lente, et
qu'elle n'avait concerné, presque exclusivement, que les organismes de
base.
Il a fait observer qu'à la fin du mois d'avril, on était ainsi
très loin des 3 millions de personnes qui devaient
bénéficier du nouveau dispositif : au 21 avril 2000, les
caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) avaient accordé le
bénéfice de cette couverture à 308.761 demandeurs et
75.508 dossiers étant en instance. Ces chiffres, que ne venaient pas
modifier sensiblement ceux qui provenaient de l'assurance maladie des
indépendants et du régime agricole, montraient -si l'on
considère qu'un dossier concerne en moyenne 2 personnes- que l'on
comptait aujourd'hui environ 600.000 bénéficiaires de la CMU.
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé qu'il n'y avait donc pas
eu, dans les premiers mois de l'entrée en vigueur de la CMU, de
" ruée " vers ce nouveau dispositif, malgré l'ampleur
des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs publics comme
par les organismes de protection sociale, de base ou complémentaire.
Il a souligné que, si le nombre de nouveaux bénéficiaires
de la CMU enregistrés dans les organismes de base pouvait être
considéré comme faible, celui des bénéficiaires
ayant fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire
l'était encore plus... Ainsi, la Fédération
française des sociétés d'assurance indiquait qu'elle
assurait la gestion de 7.000 bénéficiaires de la CMU... Chez
les organismes mutualistes, la Mutualité française revendiquait
80 à 100.000 personnes et la Fédération nationale
interprofessionnelle des mutuelles environ un millier.
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que toutes les
prévisions réalisées avant l'entrée en vigueur de
la CMU par les organismes complémentaires avaient dû être
revues à la baisse.
Il a également souligné que le " basculement " dans le
régime CMU pour les 3,1 millions de personnes
bénéficiaires de l'aide médicale n'avait pas toujours
été synonyme d'amélioration de leur couverture
médicale. Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique,
les plus " sensibles " en ce qui concerne l'accès aux soins
des personnes peu favorisées, certains départements offraient, au
titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à
celle que procurait la CMU.
Il a fait observer que " l'amélioration " de la couverture
complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU allait
s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement
révocable. Aux termes de la loi, en effet, les
bénéficiaires de l'aide médicale avaient été
automatiquement basculés dans le régime CMU, sans que le niveau
de leurs ressources soit encore contrôlé.
Rappelant que le contrôle des ressources devait être
réalisé par les caisses avant le 30 juin 2000,
M. Charles
Descours, rapporteur,
a expliqué que tous les responsables des
caisses nationales rencontrés par les rapporteurs avaient
considéré qu'ils ne parviendraient pas à effectuer cette
tâche d'ici la fin du mois de juin, et plusieurs demeuraient circonspects
quant à la possibilité d'y parvenir d'ici la fin du mois
d'octobre.
Il a fait valoir que ce contrôle des ressources allait occasionner de
mauvaises surprises aux personnes qui avaient été admises
à l'aide médicale dans la vingtaine de départements dont
les barèmes étaient plus favorables -voire beaucoup plus
favorables- que celui de la CMU. Ces personnes perdraient, en effet, le
bénéfice de l'aide médicale, et l'institution de la CMU se
traduirait, pour elles, par un recul de leurs droits.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que les
mesures réglementaires d'application de la loi avaient inutilement
aggravé la complexité du dispositif, occasionnant ainsi erreurs,
perte de temps et incompréhensions.
Il a expliqué que ce n'était pas un, mais deux nouveaux
métiers, dont les agents des caisses de sécurité sociale
avaient dû faire l'apprentissage pour mettre en oeuvre la CMU : en
effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ",
ni les ressources prises en compte n'étaient identiques pour la CMU de
base et la CMU complémentaire. La très grande complexité
des règles avec lesquelles devaient, au quotidien, " jongler "
les agents des caisses et qui n'avaient pas toujours de fondement logique
était source de beaucoup
de perte de temps
et d'erreurs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que
l'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls
salariés, empêchait toute automatisation des procédures de
contrôle des ressources, toute référence aux
déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration
avec les services des administrations fiscales et sociales, toute
réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources
effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance
maladie. Elle obligeait les agents des caisses à un long travail manuel
de reconstitution des ressources, qui serait malheureusement à
recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les
mêmes méthodes.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ajouté que les formulaires
étaient impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et
parfois erronés ou incomplets et qu'il avait l'intention de publier,
dans son rapport écrit, un certain nombre de lettres et documents
récoltés à l'occasion de la mission de contrôle qui
en témoignaient.
Outre ces dysfonctionnements, il a également tenu à rappeler que
la mise en oeuvre de la CMU avait contribué à d'importants
retards dans le traitement des feuilles de soins. Devant affronter,
malgré le faible nombre de " nouveaux "
bénéficiaires de la CMU, une augmentation de la
fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les
demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter
les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la
CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées
supérieures au plafond, les agents des caisses avaient accompli un
travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que 10 millions de
feuilles de soins étaient toutefois en souffrance fin janvier dans les
CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de
janvier. Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli en
moyenne, chaque semaine, 105.737 personnes venant demander des renseignements
ou déposer des dossiers. Les retards importants dans le traitement des
dossiers qui avaient résulté de cet accroissement significatif
d'activité avaient nécessité des mesures urgentes. Ainsi,
la CPAM de Paris avait décidé de fermer ses guichets et de ne
plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4,
11 et 18 mai. De même, de nouveaux personnels avaient dû être
recrutés : 1.400 embauches en octobre, puis 600 emplois
supplémentaires en février -dont 500 emplois-jeunes- et 2.000
mois de CDD.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que les conditions
d'application de la CMU avaient également aggravé son
caractère " non partenarial ". Il a rappelé que le
Sénat avait dénoncé, lors de la discussion du projet de
loi, le caractère très insuffisamment partenarial du projet
gouvernemental, tant en ce qui concernait la définition du panier de
soins qu'au regard des modalités pratiques d'exercice du droit à
la CMU.
Il a jugé que cette critique se révélait plus que
confirmée dans la mise en oeuvre de la loi : non seulement le
contenu du panier de soins avait été insuffisamment
négocié, mais, dans sa mise en oeuvre, la CMU s'était
éloignée encore un peu plus d'un scénario partenarial.
Evoquant le contenu du " panier de soins ",
M. Charles Descours,
rapporteur,
a estimé que les conditions de préparation des
textes réglementaires n'avaient permis aucun accord véritable,
compromettant ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des
professionnels à la réforme : alors que la loi était
promulguée depuis la fin du mois de juillet, les négociations
n'avaient pu débuter qu'à la fin du mois d'octobre.
Il a jugé que le caractère non négocié des
dispositions réglementaires concernant le panier de soins se lisait
également dans la définition des actes pris en charge au titre de
la CMU. Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par les
rapporteurs, la liste des actes remboursables comportait des actes qui ne sont
plus pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les
" couronnes ajustées " ou
" façonnées ", ou les " dents à
tube "...
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que, si la
majorité des professionnels concernés par les tarifs
ministériels avait une clientèle variée et ne subirait pas
de préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU,
il n'en était pas de même de tous ceux qui exerçaient dans
des quartiers, villes ou villages défavorisés et dont une
proportion importante de la clientèle bénéficierait des
" tarifs CMU ", des " prothèses CMU " et des
" lunettes CMU ", vendues bien évidemment avec des taux de
marge très faible. Il en serait évidemment de même pour
beaucoup de centres de santé.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que le
caractère " non partenarial " de la mise en oeuvre de la CMU
résultait aussi des nombreuses " mauvaises manières "
faites aux organismes de protection complémentaire.
Il a rappelé que les 3,1 millions d'ex-bénéficiaires
de l'aide médicale, qui avaient été
" basculés " automatiquement, au 1
er
janvier
2000, dans le régime CMU, n'avaient, à aucun moment, eu le choix
de l'organisme gestionnaire de leur protection complémentaire. Il a
ajouté que des mutuelles, qui l'auraient pourtant souhaité,
avaient beaucoup tardé à être inscrites sur les listes
préfectorales, et que le ministère leur avait longtemps
refusé de disposer des imprimés administratifs de demande de CMU.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ajouté que
l'absence de
procédure nationale de tiers payant coordonné dégradait
considérablement les conditions d'un véritable partenariat entre
organismes de base et organismes complémentaires. A ce jour en effet
-soit près de six mois après l'entrée en vigueur de la
CMU-, les deux arrêtés devant définir les modalités
pratiques des deux procédures de tiers payant n'étaient toujours
pas publiés. Certains responsables de caisses d'assurance maladie
rencontrés par les rapporteurs en tiraient de bonne foi argument pour
indiquer aux bénéficiaires de la CMU qu'ils n'avaient, pour
l'instant, pas intérêt à confier la gestion de leur
couverture complémentaire à une mutuelle ou une assurance...
M. Charles Descours, rapporteur,
a conclu qu'il résultait de
l'ensemble de ces éléments beaucoup d'incertitudes et de
tracasseries inutiles pour les bénéficiaires -en moindre nombre
que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi
pour les professionnels de santé libéraux, pour les
établissements de santé et pour les centres de santé. Il
en résultait aussi, pour les organismes de protection
complémentaire, une déception à la mesure de leur
degré d'implication dans la réussite de cette réforme.
M. Charles Descours, rapporteur,
a formulé le souhait que les
observations résultant de ce travail de contrôle soient prises en
compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.
M. Jean Delaneau, président
, a observé que les critiques
adressées par le rapporteur aux conditions de mise en oeuvre de la CMU
étaient dans le prolongement logique de celles qui avaient
été formulées par le Sénat lors de la discussion du
projet de loi instituant une couverture maladie universelle
.
M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour l'assurance vieillesse,
a
évoqué la situation des bénéficiaires de
l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse qui,
à ce titre, étaient éligibles à l'aide
médicale dans de nombreux départements, comme celui de l'Oise. Il
a rappelé que ces personnes bénéficiaient automatiquement
de la CMU au cours des premiers mois de cette année, mais qu'elles en
seraient exclues dès que serait effectué le contrôle des
ressources prévu par la loi. Il a critiqué l'invitation faite aux
départements par la ministre de l'emploi et de la solidarité
à prendre le relais, sans compensation financière, rappelant que
les départements qui avaient été les plus
" généreux " en matière d'aide médicale
avaient déjà été pénalisés une
première fois en devant contribuer plus que les autres au financement de
la CMU
.
M. François Autain
, constatant que le rapporteur avait
principalement évoqué les réactions des professionnels de
santé, des agents des caisses de sécurité sociale et des
organismes de protection complémentaire, a rappelé que la CMU
avait été mise en place pour améliorer la couverture
médicale de ses bénéficiaires, et a indiqué qu'il
souhaiterait connaître leur appréciation sur le dispositif mis en
place.
M. Jean Chérioux
a rappelé que le panier de soins
remboursables au titre de la CMU était beaucoup moins favorable que
celui qui avait été garanti aux titulaires de la carte Paris
Santé. Il a considéré que, si les décrets
d'application étaient complexes, la loi l'était parfois aussi. Il
a interrogé le rapporteur sur les possibilités d'échanges
d'informations entre les caisses d'allocations familiales et les caisses
primaires d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction des dossiers de
demande de CMU.
M. Claude Huriet
a demandé au rapporteur s'il avait eu des
contacts avec les associations impliquées dans la lutte contre
l'exclusion, où en était la procédure engagée au
niveau européen par la Fédération nationale
interprofessionnelle des mutuelles à l'encontre de la CMU, et si les
retards constatés dans le traitement des feuilles de soins par les
caisses primaires étaient susceptibles d'avoir eu une influence sur les
comptes de l'assurance maladie.
M. Alain Gournac
a considéré que, telle qu'elle avait
été instituée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU
constituait une véritable " usine à gaz ". Il s'est
insurgé contre la complexité des formulaires de demande de CMU
que devaient remplir des personnes en difficulté. Il a estimé
qu'il était de la responsabilité des parlementaires d'alerter le
Gouvernement sur les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre
des lois.
M. Michel Esneu
a fait siens les propos de M. Jean Chérioux et a
indiqué que les conseils généraux étaient
actuellement très préoccupés de la situation des
ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui seraient
prochainement radiés de la CMU parce que leurs ressources
dépassaient le plafond qui avait été fixé par
décret. Il a estimé que l'immigration clandestine était de
moins en moins bien maîtrisée et que ce phénomène
aurait sans nul doute des conséquences sur le nombre de demandeurs de la
CMU.
M. Louis Souvet
s'est interrogé sur l'amélioration de
la couverture médicale en France du fait de l'institution de la CMU et
sur le degré de satisfaction de ses bénéficiaires. Il a
demandé au rapporteur pourquoi les 3,1 millions
d'ex-bénéficaires de l'aide médicale n'avaient pas
été consultés sur le choix d'un organisme de protection
complémentaire, et si la situation des locataires était
différente de celle des propriétaires au regard du droit à
la CMU
.
M. Jean-Louis Lorrain
a indiqué qu'il aurait été bon
d'auditionner l'Association des départements de France. Il a
évoqué l'immigration clandestine et la situation en Guyane, et a
estimé qu'il serait judicieux que le Parlement se dote d'un Observatoire
permanent de la protection sociale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé qu'il était un
peu tôt, compte tenu de la lente montée en charge de la CMU, pour
enquêter sérieusement sur le degré de satisfaction des
bénéficiaires, et qu'il conviendrait, dans les prochains mois, de
rencontrer tant les associations que l'Association des départements de
France pour évoquer cette question. Il a toutefois estimé que les
prochaines radiations d'ex-bénéficiaires de l'aide
médicale susciteraient beaucoup d'incompréhensions. Il a
rappelé que l'automatisation des échanges d'informations avec les
caisses d'allocations familiales était difficile compte tenu de la
règle des " douze mois glissants ". Il a indiqué que le
retard de traitement des feuilles de soins correspondait à six jours de
stock, et que le recours de la Fédération interprofessionnelle
des mutuelles n'avait pas encore été jugé. Il a
affirmé que la question de l'immigration avait été
évoquée à l'initiative des responsables de la Caisse
primaire d'assurance maladie de Paris à l'occasion de la visite d'un
centre dans le 20
e
arrondissement. Il a indiqué que les
avantages liés au logement étaient pris en compte pour les
occupants à titre gratuit ou pour les propriétaires de leur
appartement. Il a rappelé que ce n'est qu'après
l'opération de contrôle de leurs ressources que les
ex-bénéficiaires de l'aide médicale se verraient proposer
de confier la gestion de leur couverture complémentaire à une
mutuelle ou une société d'assurances.
M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour la famille,
a rappelé qu'il
avait déjà présenté, le 1
er
mars
2000, un bilan d'étape de la mission de contrôle consacrée
aux difficultés des caisses d'allocations familiales. Il a
indiqué que les rapporteurs avaient, depuis cette date,
auditionné la présidente et le directeur de la CAF de Grenoble et
obtenu communication du rapport définitif de l'Inspection
générale des affaires sociales. Il a souligné que les
conclusions auxquelles étaient parvenus les rapporteurs au terme de
cette mission de contrôle s'inscrivaient dans la droite ligne des
analyses formulées le 1
er
mars dernier.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a fait valoir que les caisses
d'allocations familiales avaient rencontré de sérieuses
difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces
difficultés, qui avaient touché particulièrement la
région parisienne, avaient conduit à une nette dégradation
du service rendu au public et traduisaient, plus généralement,
une incapacité de la branche famille à respecter les engagements
de qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que les plans d'action
successifs engagés par la Caisse nationale des allocations familiales
(CNAF) et les CAF avaient porté leurs fruits et que la situation
s'était nettement améliorée au cours des derniers mois.
Les caisses de la région parisienne avaient notamment réussi
à diminuer leur stock de dossiers en retard et avaient
amélioré les délais d'attente à l'accueil.
Soulignant que cette amélioration restait toutefois fragile,
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé qu'il conviendrait
donc d'attendre l'été prochain -et les tensions que
générait habituellement cette période de l'année-
pour mesurer si les difficultés étaient définitivement
résorbées.
Il a considéré que les origines de ces dysfonctionnements
étaient multiples : les difficultés tenaient à la
conjonction d'un facteur conjoncturel que l'on pouvait espérer
transitoire -la mise en place d'un nouveau système informatique en
Ile-de-France-, et d'un élément structurel plus
préoccupant : l'application d'un droit excessivement complexe
à des publics de plus en plus fragilisés.
Il a constaté que la branche famille était aujourd'hui au coeur
de la lutte contre l'exclusion et que les missions qu'elle exerçait,
à titre gratuit, pour le compte de l'Etat (gestion du revenu minimum
d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH))
s'avéraient particulièrement lourdes et s'effectuaient souvent au
détriment de la mission première de la branche, qui était
d'aider et de soutenir les familles.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé que la décision du
Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF
apparaissait comme un choix éminemment politique, qui résultait
plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de
renforcer les moyens dont disposait la branche : une part -non
définie- de ces emplois constituait en effet un acompte sur les
créations d'emplois nécessaires pour compenser la
réduction du temps de travail.
Il a fait observer qu'en demandant la création de 1.100 emplois, la
branche famille avait, à l'évidence, choisi une solution de
facilité qui lui permettait de faire l'économie d'une
réflexion sur ses modes de fonctionnement et de rassembler ses
personnels autour d'une idée simple et toujours porteuse. La
création de ces nouveaux emplois constituait également une
solution de facilité pour le Gouvernement qui pouvait ainsi donner
satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le
bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité
toute latitude sur les créations nettes d'emplois.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a considéré que la
création de ces nouveaux emplois pouvait certes apporter une
bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il
a estimé qu'il était cependant douteux que cette solution de
facilité permette de faire l'économie d'une simplification du
droit et de réels efforts de réorganisation interne.
Il a estimé que cette entreprise de simplification du droit
n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet
politique et il a formulé le souhait que la prochaine conférence
de la famille, qui devait se réunir le 15 juin 2000, soit l'occasion,
pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions fortes et effectives en
ce domaine.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que la
négociation sur l'application de la réduction du temps de travail
dans la branche famille fournissait une occasion unique de repenser les
modalités de l'organisation du travail dans les CAF, d'introduire
davantage de souplesse et de flexibilité, et d'améliorer ainsi
l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager.
Il a fait valoir que la branche famille semblait avoir pris conscience de cette
nécessité, puisqu'elle avait présenté, en mars
2000, un plan d'action dont l'un des axes visait précisément
à " agir sur l'organisation, les processus et la relation de
service ". Il a souhaité que ce plan d'action ambitieux ne reste
pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui avaient
été ainsi ouverts soient menés à bien.
M. Louis Souvet
a souligné la charge que représentait pour
les CAF la gestion, pour le compte de l'Etat, d'un certain nombre de
prestations, dont le revenu minimum d'insertion.
M. Philippe Nogrix
a fait observer que les difficultés que
rencontraient certaines caisses d'allocations familiales avaient conduit ces
organismes à affecter au traitement des dossiers des personnels
habituellement en charge de l'action sociale.
En réponse aux intervenants,
M. Jacques Machet, rapporteur,
a
jugé que l'Etat devrait rembourser à la branche famille le
coût de gestion des prestations que celle-ci versait pour son compte. Il
a indiqué que les rapporteurs avaient pu effectivement constater, lors
de leurs déplacements sur le terrain, le phénomène
évoqué par M. Philippe Nogrix.
Evoquant la mission sur les exonérations de cotisations de
sécurité sociale,
M. Charles Descours, rapporteur,
a
rappelé les principales observations qu'il avait formulées le 21
mars dernier. Il a souligné la complexité des dispositifs
d'exonération (36 mécanismes différents, 150 textes
d'application) et la lourdeur de leur gestion tant pour les Unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales (URSSAF) que pour les entreprises ; il a conclu à une
nécessaire simplification.
Soulignant que les trois missions de contrôle, dont les résultats
avaient été présentés à la commission,
s'inscrivaient dans un contexte, celui de l'application des lois de financement
de la sécurité sociale,
M. Charles Descours, rapporteur,
a
indiqué le souhait des rapporteurs de formuler, dans ce cadre, trois
observations.
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est fait tout d'abord l'écho
de la réunion de la commission des comptes de la sécurité
sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier et au cours de laquelle le
Gouvernement a présenté les comptes du régime
général pour 1999 et les nouvelles prévisions pour 2000.
Se réjouissant que les comptes sociaux soient revenus à
l'équilibre, il a toutefois souligné que ce résultat
était atteint au prix d'un alourdissement massif, au cours des
dernières années, des prélèvements sociaux,
amplifié aujourd'hui par une conjoncture exceptionnellement favorable.
Il a observé, en revanche, que le Gouvernement entérinait d'ores
et déjà un nouveau dépassement de l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie (ONDAM) venant après les graves
dérives observées en 1998-1999, de sorte que le Parlement assiste
à l'affectation de recettes supplémentaires à des
dépenses supplémentaires.
Il a constaté que la branche famille du régime
général était largement à l'origine de
l'excédent prévisionnel global affiché par le
régime général tandis que la branche maladie restait
déficitaire.
Au total, il a considéré qu'en dépit des apparences, les
résultats obtenus en 1999-2000 n'étaient pas satisfaisants, car
tout retournement, voire tout ralentissement de conjoncture, ferait basculer
les comptes sociaux à nouveau dans le déficit en l'absence d'une
véritable réflexion sur l'efficacité des dépenses.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ensuite déploré
l'absence de collectif social.
Il a rappelé que le Président de la République, en
promulguant la loi relative aux trente-cinq heures le 13 janvier 2000,
amputée de la taxation des heures supplémentaires annulée
par le Conseil constitutionnel, avait souligné que le respect des
prérogatives du Parlement devait conduire le Gouvernement à
présenter un projet de loi de financement rectificative modifiant la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de tenir
compte de la disparition de 7 milliards de francs de recettes.
Il a souligné que le ministère de l'emploi et de la
solidarité avait réagi par un communiqué passablement
polémique et inutilement discourtois, considérant que les lois de
financement ne comportant pas d'article d'équilibre, le Gouvernement
n'allait pas réunir le Parlement " à la première
grippe ".
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé que cette conception des
lois de financement de la sécurité sociale apparaissait
très réductrice : en premier lieu, il était incongru
d'assimiler une décision du Conseil constitutionnel à une
" première grippe " ; en second lieu, il était
inexact d'évacuer toute notion d'équilibre des lois de
financement puisque la Constitution les définissait ainsi :
" les lois de financement déterminent les conditions
générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale ".
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que, fort de cette
interprétation a minima de la réforme constitutionnelle de 1996,
le Gouvernement avait entrepris -il n'y a que le premier pas qui coûte-
de modifier de son propre chef les objectifs de dépenses votés
par le Parlement. Certes, ces objectifs de dépenses pouvaient ne pas
être atteints en raison de la conjoncture, du comportement des
assurés ou des prescripteurs, voire des épidémies de
grippe. Quand bien même l'objectif de dépenses serait
dépassé, les remboursements par l'assurance maladie par exemple
n'en cesseraient pas pour autant. Mais, dans le cas présent, il
s'agissait de décisions du Gouvernement annonçant en mars dernier
" une nouvelle étape hospitalière " et modifiant, ce
faisant, l'objectif de dépenses de la branche maladie de près de
2 milliards de francs et l'ONDAM de plus de 1 milliard de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré, par
conséquent, que seule une loi de financement rectificative était
à même de modifier, de façon volontariste, les objectifs
figurant dans une loi de financement initiale : seul le Parlement pouvait
revenir sur ce qu'il avait voté.
Il a jugé grave la démarche du Gouvernement car il ne subsistait
plus rien de la loi de financement si, à la fois, son équilibre
pouvait être bouleversé et si les objectifs de dépenses
pouvaient être modifiés par voie réglementaire.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ensuite évoqué les
inquiétudes des rapporteurs quant à l'avenir de la branche
famille.
Il a rappelé que, lors de la Conférence de la famille du 7
juillet 1999, le Premier ministre avait annoncé la pérennisation
de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et le
transfert progressif de sa prise en charge du budget de l'Etat vers la branche
famille. Parallèlement, l'Etat devait reprendre à sa charge le
financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et
leur famille (FASTIF). La loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 avait ainsi inscrit dans les dépenses de la branche
famille une partie de la majoration de l'ARS à hauteur de
2,5 milliards de francs. L'Etat s'engageait pour sa part à financer
le solde, soit 4,5 milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que cette somme aurait
dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de finances pour
2000. Il a constaté qu'il n'en avait rien été et qu'il
n'avait pas davantage été fait mention de la somme -près
de 1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la
branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément
à l'annonce du Premier ministre.
Il a souligné que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, interrogée par la commission sur ce point, avait
indiqué que le financement de ces deux mesures figurerait dans le
collectif budgétaire de 2000.
M. Charles Descours, rapporteur,
a fait observer que le projet de loi de
finances rectificative, qui venait d'être adopté par
l'Assemblée nationale, restait cependant totalement silencieux sur ces
deux points.
Il en a conclu qu'il n'y avait dès lors que deux
hypothèses : ou ce collectif budgétaire n'était pas
sincère, puisqu'il n'intégrait pas deux dépenses pourtant
certaines, ou il traduisait le renoncement aux engagements pris par le Premier
ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à
l'équilibre financier de la branche famille.
Dans le premier cas, outre l'insincérité budgétaire, le
Gouvernement faisait supporter une charge de trésorerie
considérable à la branche famille, puisque celle-ci versait l'ARS
aux familles au mois de septembre 2000 et qu'elle ne serait remboursée
par l'Etat que début 2001, après la promulgation du collectif de
fin d'année.
M. Charles Descours, rapporteur,
a expliqué que, dans le second
cas, la non-inscription des dépenses liées à la majoration
de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps pouvait être le
signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les engagements pris et les
mesures annoncées par le Premier ministre. Si le Gouvernement revenait
sur ses engagements, la branche famille verrait, dès 2000, ses
dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards de francs par an.
Elle ne bénéficierait même plus de la très modeste
compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du FASTIF par le budget
de l'Etat.
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé que la
débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait ainsi
déchargé sur la branche famille d'une dépense annuelle et
récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait jusqu'alors et
qu'il avait lui-même créée. Une telle décision ne
ferait qu'accroître les charges de la branche famille : elle
n'apporterait rien de plus aux familles pour qui l'ARS était
déjà, de facto, pérennisée au niveau de
1.600 francs depuis 1997.
M. François Autain
a souhaité connaître l'impact sur
les comptes de la branche maladie de la " nouvelle étape
hospitalière " annoncée par le Gouvernement.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé que cette
" nouvelle étape " était financée environ pour
moitié par le budget de l'Etat et pour l'autre moitié par
l'assurance maladie. Si le Gouvernement avait bien inscrit les crédits
nécessaires dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000,
actuellement en instance d'examen au Sénat, il avait modifié, de
son propre chef, les objectifs de dépenses de la loi de financement pour
ce qui concerne les dépenses à la charge de l'assurance maladie.
M. Jean Delaneau
,
président
, a constaté que ces
dernières dépenses manquaient, en quelque sorte, de base
légale.
La commission a
approuvé les conclusions des rapporteurs
et
a
décidé de les présenter sous la forme d'un rapport
d'information.