M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes des précurseurs ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Comme quoi il ne faut jamais désespérer ! (Nouveaux sourires.)
Dans le cadre de la discussion du PLFSS pour 2009, la commission des affaires sociales fera de nouvelles propositions la semaine prochaine, je pense notamment à l’extension du forfait social de 2 % à l’ensemble des assiettes exemptées ou bien au ciblage des allégements généraux de charges sociales sur les entreprises de moins de cinquante salariés. Nous estimons en effet que le moment est venu d’ouvrir un débat sur les allégements de charges, qui avoisinent 25 milliards d’euros pour les seuls allégements dits Fillon. Quel est leur impact véritable en termes d’emplois ?
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Où se trouve la limite entre utilité réelle et effet d’aubaine ?
Prenons l’exemple, au hasard, de la grande distribution. Ne profite-t-elle pas de l’effet d’aubaine des allégements de charges ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. N’est-ce pas dans la grande distribution que l’on trouve le plus d’emplois à temps partiel ?
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et des salaires en dessous du SMIC !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. N’est-ce pas dans la grande distribution qu’il y a le plus de travailleurs pauvres ?
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. C’est d’ailleurs ce type de situation qui nous a conduits à adopter le texte sur le RSA.
Toutes ces questions méritent d’être posées, …
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. … notamment celle de savoir si le coût de ces allégements est justifié.
Pour tirer des enseignements, je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes, dans lequel figure une série d’analyses extrêmement intéressantes sur le sujet. Il conviendrait d’aller plus loin.
La commission des affaires sociales se réjouit des règles de bonne gouvernance et d’encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales prévues aux articles 9 à 11 du projet de loi de programmation. Nous regrettons seulement qu’elles ne s’appliquent pas dès à présent et que leur mise en œuvre soit reportée, sans doute, à l’année prochaine.
Par exemple, dans le PLFSS pour 2009, le Gouvernement nous demande de mettre en place un dispositif de prise en charge des frais de transport exonéré de toutes charges sociales et bien entendu sans aucune compensation pour la sécurité sociale. Est-ce bien cohérent ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. En réalité, l’article 10 de la loi de programmation, qui prévoit une compensation, n’est pas respecté.
M. Guy Fischer. Voilà!
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. J’espère que vous nous expliquerez comment vous faites dans votre réponse aux orateurs, monsieur le ministre, et je m’engage alors à retirer cette dernière remarque ! (Sourires.)
Il faut donc que ces nouvelles règles soient réellement appliquées et qu’elles s’imposent à tous, aux différents ministres comme aux parlementaires.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des affaires sociales émet un avis favorable sur le projet de loi et vous invite à l’adopter, sous réserve que le Gouvernement prenne plusieurs engagements.
Tout d’abord, nous aimerions qu’il s’engage à mieux étayer les projections relatives aux finances sociales dans la prochaine loi de programmation.
Ensuite, nous souhaiterions qu’il s’engage à réfléchir à l’utilité de fixer un objectif de progression des dépenses de vieillesse, compte tenu tout à la fois du montant élevé de ces dépenses, du fait que le déficit de cette branche dépasse maintenant celui de la branche maladie et de la nécessité, plus encore dans ce domaine que dans d’autres, de respecter le nouvel objectif constitutionnel d’équilibre des comptes des administrations publiques.
Enfin, nous voudrions qu’il s’engage à déposer un nouveau projet de loi de programmation si les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le présent texte est construit devaient être sensiblement corrigées. J’ai compris que ce serait le cas dès cet après-midi, et je ne peux que vous en remercier, madame, monsieur les ministres.
À tous, merci de contribuer à un meilleur équilibre des comptes sociaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Organisation des débats
Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes aux porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux orateurs.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à cinq minutes réparties de façon égale entre l’auteur de la question et le Gouvernement.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer quatre questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC et RDSE et une question aux sénateurs non-inscrits.
Je rappelle que nous devons suspendre la séance à onze heures cinquante-cinq pour la cérémonie traditionnelle d’hommage aux sénateurs et fonctionnaires du Sénat morts pour la France.
Dans ces conditions, monsieur le président de la commission des finances, pensez-vous que nous pourrons reprendre notre débat vers douze heures quinze ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. À titre personnel, madame la présidente, je n’y vois pas d’inconvénient. Cela étant, plusieurs d’entre nous ont des obligations qui les contraindront à quitter l’hémicycle vers douze heures trente. Je me tourne donc vers nos collègues : pouvons-nous utilement reprendre nos travaux pour un quart d’heure ?
M. Guy Fischer. Ce ne serait pas logique !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Personnellement, j’en doute aussi.
De surcroît, la commission des finances doit se réunir à quatorze heures quarante-cinq pour examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer. Sans doute nos travaux iront-ils promptement, car il s’agit d’une série d’amendements un peu mécaniques, consécutifs à la révision des hypothèses macroéconomiques, et je sais gré aux ministres de faire ainsi du Sénat le lieu de la sincérité. Mais, dans un souci de cohérence, il serait plus sage de ne reprendre nos travaux qu’à quinze heures ou quinze heures quinze.
Mme la présidente. Afin de permettre à la commission des finances de mener à bien ses travaux, nous reprendrons donc la séance à quinze heures quinze. (Assentiment.)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion commune, la parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond, je tenais à me réjouir de l’initiative qui a permis de joindre la discussion générale du projet de loi de programmation des finances publiques au débat sur les prélèvements obligatoires. Pour avoir une vue plus cohérente de la stratégie des finances publiques, il faut en effet prendre en compte non seulement l’évolution de la dette publique et des dépenses publiques, mais aussi celle des prélèvements obligatoires.
Concernant la programmation des finances publiques, je me félicite également, au nom du groupe UMP, qu’elle fasse l’objet, pour la première fois, d’un débat parlementaire. Chaque année, dans le cadre du programme de stabilité, le Gouvernement communique à la Commission européenne une prévision pluriannuelle relative aux finances publiques. Mais, jusqu’à présent, cette programmation ne faisait pas l’objet d’un débat devant la représentation nationale. Par le biais de ce projet de loi, nous pouvons désormais peser sur les orientations budgétaires des prochaines années.
Ce texte va permettre une meilleure visibilité de la stratégie du Gouvernement s’agissant des finances publiques et contribuer ainsi à une plus grande transparence de son action. Cette avancée est la première application de la réforme constitutionnelle de juillet 2008, qui a instauré des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.
L’examen de ce texte novateur intervient néanmoins dans un contexte économique et financier très dégradé. À cet égard, nous ne pouvons que saluer la volonté de transparence et de réalisme du Gouvernement, qui a revu à la baisse les hypothèses de croissance.
Cette transparence ne doit pas être un prétexte pour renoncer à une maîtrise durable des dépenses.
Dans ce domaine, le Gouvernement fait preuve d’une détermination et d’un volontarisme que notre groupe salue. Il affiche des objectifs ambitieux, comme celui de diviser par deux le taux de croissance en volume de la dépense publique.
Ces objectifs ne pourront être atteints que grâce à une véritable maîtrise des dépenses de l’État. C’est le sens de la révision générale des politiques publiques dont je souhaiterais connaître l’état d’avancement et les perspectives en termes d’économies budgétaires.
Mais, comme le souligne très bien notre rapporteur général, M. Philippe Marini, les deux tiers de l’effort de réduction de la croissance des dépenses publiques seraient portés par la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Notre collègue Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, a très bien souligné les enjeux en matière de finances sociales : partir d’une base assainie, maîtriser la dépense et sécuriser les recettes.
En matière de finances locales, le Gouvernement souhaite pérenniser l’indexation des concours de l’État sur l’inflation et même plus encore cette année, puisque, je tiens à le souligner, comme l’a fait Philippe Marini, elle est un demi-point au-dessus de l’inflation révisée.
Par ailleurs, le Gouvernement estime que le taux de croissance en volume des dépenses des collectivités territoriales sera ramené à 1,25 % en moyenne de 2009 à 2012, ce que la commission des finances juge peu réaliste. Je pense en particulier à la situation des départements confrontés à une forte progression « naturelle » des dépenses sociales, notamment de l’allocation personnalisée d’autonomie.
Notre groupe souhaiterait à ce stade faire deux observations.
Première observation, si nous comprenons très bien que les collectivités territoriales doivent, tout comme l’État, qui le fait notamment à travers la RGPP, participer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, nous ne l’acceptons qu’à la condition que l’État mette fin aux transferts de charge larvés et qu’il clarifie ses relations avec les collectivités locales.
Nous soutenons également la volonté du Président de la République de clarifier les compétences et les structures des différents échelons de collectivité. Notre groupe entend participer activement à ce grand chantier.
Seconde observation, nous tenons à insister sur la nécessité de ne pas pénaliser l’investissement et la péréquation.
Si un effort doit être consenti en matière de dépense locale, il doit porter avant tout sur le fonctionnement. À cet égard, nous saluons la décision du Gouvernement de ne pas engager une réforme précipitée des critères d’attribution du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA, même si celui-ci est désormais inclus dans la norme d’évolution des concours de l’État.
Nous approuvons le choix qui est fait de privilégier d’abord les investissements des collectivités locales, au travers du FCTVA, puis la péréquation, au travers de la DGF, la dotation globale de fonctionnement. Ce choix nous apparaît d’autant plus nécessaire aujourd’hui, au moment où la conjoncture économique se dégrade. Nous ne devons pas oublier que les dépenses des collectivités locales représentent près des trois-quarts du total de l’investissement public.
Au total, nous retenons essentiellement de cette programmation la volonté du Gouvernement de maîtriser durablement les dépenses publiques, qu’il s’agisse de crédits budgétaires ou de dépenses fiscales. Là réside pour nous l’élément structurel principal qui permettra un retour progressif vers l’équilibre des finances publiques, quels que soient les aléas conjoncturels.
C’est dans cet esprit de responsabilité, malgré les incertitudes pesant sur la croissance et les comptes publics à court terme, que le groupe UMP du Sénat aborde l’examen de ce projet de loi de programmation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, face aux difficultés de l’économie mondiale, les seules politiques possibles sont celles de la vérité et de l’action : la vérité pour gagner la confiance des Français ; l’action, car, face aux difficultés, l’État doit incarner la responsabilité et la régulation.
Conséquence d’un excès de crédit, d’endettement et de complexité, mais aussi d’un excès de cupidité et de volatilité – vous l’avez fort bien dit, madame le ministre –, une spirale irrationnelle de la défiance est venue contrecarrer la politique originelle du Président de la République. Celui-ci a déployé toute sa réactivité et son énergie pour relancer le flux du financement de l’économie afin de restaurer la confiance.
À l’évidence, les réformes structurelles doivent se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire, pour mettre un terme aux excès du passé et faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance, des entreprises et des Français.
La loi de programmation pluriannuelle et le projet de loi de finances pour 2009 développent deux idées simples : maîtriser la dépense publique, comme la commission des finances du Sénat vous y incite depuis plusieurs années, et tendre à l’équilibre pour protéger nos recettes.
Pour maîtriser les dépenses, tout d’abord, le projet de loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l’inflation chaque année jusqu’en 2012 ; les crédits affectés aux diverses missions sont prévus pour 2009, 2010 et 2011. Cette idée figurait déjà dans le rapport présenté par notre collègue Alain Lambert.
Une telle politique permet de maîtriser la dépense publique. Il est en effet plus aisé d’engager des réformes tendant à dépenser mieux en dépensant moins, avec une visibilité sur trois ans. Les gestionnaires sont ainsi incités à rechercher des économies ou à redéployer les crédits. Mes chers collègues, trop longtemps la dépense publique est demeurée une fracture idéologique. Cette conception est dépassée, la crise en ayant révélé les limites. Nos voisins nous incitent à de saines comparaisons.
Il est cependant vrai qu’on ne peut rationaliser à l’extrême : la France n’est pas seulement une entreprise. La dépense publique est aussi un levier indispensable pour réduire les inégalités, et nous ne pouvons l’ignorer.
Avec une inflation à 2 %, les dépenses sont limitées en volume à 7 milliards d’euros. L’accroissement des charges de pensions représentera 2,4 milliards ; la charge de la dette augmentera, quant à elle, de près de 3 milliards d’euros ; le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne progressera de 500 millions d’euros, et les concours de l’État aux collectivités locales augmenteront exactement au même rythme que l’ensemble du budget, soit de 2 % sur 55 milliards d’euros ; ajoutons 300 millions d’euros pour l’augmentation des dépenses de personnel. Le total obtenu consomme la totalité de cette marge de manœuvre de 7 milliards d’euros.
Nous devons donc nous appuyer sur la révision générale des politiques publiques. Grâce à cette méthode de recherche systématique d’efficacité des dépenses, nous n’allons pas remplacer près d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, soit une baisse des effectifs de plus de 30 000 emplois. Rappelons que, depuis les débuts de la décentralisation en 1982, 500 000 postes ont été créés par nos collectivités locales sans que l’État engage symétriquement une diminution de ses effectifs correspondants.
Au-delà des dépenses de l’État, il nous faut maîtriser l’ensemble des dépenses publiques : c’est le seul gisement d’économie à exploiter sans modération. En 2007, la dépense publique a atteint 52,4 % du PIB. En volume, la progression moyenne de cette dépense sur une longue période a été un peu supérieure à 2 % par an. J’y reviendrai.
Les dépenses de l’État représentent 300 milliards d’euros ; les dépenses de protection sociale atteignent 450 milliards d’euros ; les dépenses des collectivités locales se montent à plus de 200 milliards d’euros, d’où un certain nombre d’évolutions proposées dans le projet de loi de programmation. Ainsi, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie progresserait de 3,3 % pour la période de 2009 à 2012, et les dotations aux collectivités augmenteraient de 0,5 % de plus que la progression estimée de l’inflation, soit 2 %.
Par conséquent, il nous faut d’ici à 2012 dépenser 10 milliards d’euros de moins. C’est pourquoi, afin de nous rapprocher le plus possible de l’équilibre budgétaire en 2012, le Gouvernement doit s’engager à mettre en œuvre un ajustement structurel des finances publiques de 0,5 % du produit intérieur brut par an, et ce dès 2008.
Mes chers collègues, seul un rétablissement de nos finances publiques nous évitera de continuer à vivre à la charge de nos enfants et de nos petits-enfants et de leur transférer une charge budgétaire de plus en plus lourde, ainsi que vous l’avez souligné, madame le ministre.
Si les recettes ne sont pas au rendez-vous, il y aura une progression du déficit ; mais il est inconcevable, pour préserver notre compétitivité, que nous compensions ces moins-values de recettes par une augmentation des impôts. Le Gouvernement a donc choisi de poser comme cadre de travail la stabilité des taux de prélèvements obligatoires. Ce principe est inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques qui nous est soumis. Je m’en félicite.
Il importe de mettre notre système fiscal au service de la croissance. Mais ce n’est pas parce que la politique fiscale est orientée vers la baisse des prélèvements que l’on doit s’interdire de mener à bien certains projets par des financements spécifiques, contributions à la justice sociale, et, disant cela, je pense notamment au RSA. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la nécessité de cette souplesse.
Avec anticipation, nous avons mis en place dès juillet 2007 des dispositifs grâce auxquels nous pouvons mieux affronter la crise. Au-delà de la dépense publique, les réformes structurelles doivent se poursuivre pour se concentrer sur le secteur financier, en particulier sur le secteur bancaire.
Il importe, je le répète, de mettre un terme aux excès du passé et de faire en sorte que les circuits financiers redeviennent des instruments au service de la croissance et des entreprises. L’argent des banques doit-il servir à produire de l’argent ou doit-il œuvrer au développement des entreprises ? Mes chers collègues, la bourse doit redevenir vertueuse ! L’argent investi doit être mis au service du seul développement des entreprises et de l’emploi. Je propose, pour ce faire, de créer une taxe inversement proportionnelle à la durée de l’investissement afin de privilégier le long terme et de briser les tentations d’aller et retour spéculatives et déstabilisatrices.
La mise en œuvre du revenu de solidarité active, la promotion de l’intéressement et de la participation, ainsi que la conditionnalité des allégements de charges reflètent une politique soucieuse de favoriser le retour à l’emploi et une redistribution plus équilibrée des richesses. Ce sont des éléments de stabilisation économique et de justice sociale.
La loi de programmation pluriannuelle apporte des innovations profondes. Si baisses d’impôts il y a, elles doivent être absolument compensées pour le même montant afin de revenir à l’équilibre. La dépense fiscale doit être une variable d’ajustement.
Le débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution prend, cette année, une dimension évidemment particulière, tout d’abord parce que la conjoncture aura une incidence forte sur les comptes de l’État, ensuite parce que ce débat intervient dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et la revue générale des prélèvements obligatoires.
Nous devons souligner, dans l’évolution de ce taux, la combinaison de moins en moins lisible des financements sociaux et fiscaux. Sur près de 7 % de hausse des taux de prélèvements obligatoires depuis la fin des années soixante-dix, 6,2 % proviennent des administrations de la sécurité sociale. Nous assistons donc à une forte socialisation des besoins de nos concitoyens.
L’évolution de notre fiscalité impose, au-delà du débat sur les prélèvements obligatoires, un principe directeur de toute réforme fiscale. Celui-ci doit résider dans la combinaison d’une assiette d’imposition large, et pourquoi pas universelle, et de taux bas. Suivons en cela la pensée de Raymond Barre : nous devons absolument moderniser nos prélèvements obligatoires.
Deux constats s’imposent.
Le premier concerne la fiscalité locale. Chacun convient qu’elle est totalement archaïque. Néanmoins, la substitution de dotations à des impôts locaux n’est pas satisfaisante ; elle équivaut à nationaliser la fiscalité locale, et donc à déresponsabiliser les élus locaux.
Le second constat concerne le financement de la protection sociale. Celui-ci repose essentiellement sur le travail. Nous avons concédé aux grandes entreprises des allégements de charges : trop sans doute, car il n’y a pas d’effet durable sur l’emploi, comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport récent, et comme l’a rappelé Alain Vasselle. Il faudra concentrer les exonérations de charges sur les petites et moyennes entreprises.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le Président de la République a annoncé sa volonté d’exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux et de trouver une ressource de substitution pour les collectivités locales, cohérente avec une réflexion à mener sur les compétences des niveaux d’administration territoriale.
Cette modification inquiète les élus locaux, lesquels s’interrogent : comment vont-ils amortir le financement de leurs infrastructures ? Il faudra créer un impôt moderne en s’inspirant de ce qui se fait dans les pays à fiscalité plus performante, sans doute avec une assiette plus large. Ce débat aura lieu dans le cadre de la commission chargée d’examiner l’évolution des institutions locales.
On parle d’une nécessaire réorganisation de la finance mondiale ; il doit en être de même du système fiscal français. Les impôts sont des outils qui doivent être économiquement efficaces et socialement justes. Répétons-le, les taux sont aujourd’hui trop élevés, l’assiette souvent trop étroite et les niches beaucoup trop nombreuses. Un déplafonnement anormal, notamment, permet à des contribuables ayant pourtant des revenus très importants de ne pas acquitter le moindre impôt.
Si, dans une démocratie éprise de justice, l’impôt ne doit pas être confiscatoire ou spoliateur, à l’inverse, nul ne doit pouvoir s’exonérer de l’impôt dès lors qu’il perçoit des revenus. Il s’agit là d’un préalable à l’évolution de nos prélèvements obligatoires.
Nous l’avons compris, seule la maîtrise de la dépense publique permettra d’abord le retour à l’équilibre de nos finances publiques, puis, par la suite, la baisse des prélèvements obligatoires afin de restaurer notre compétitivité et de rendre la France plus attractive. Comparons notre situation avec celle de nos voisins de la zone euro : la part de la dépense publique dans notre PIB est supérieure de 6,2 % à la moyenne de la zone euro ; 117,3 milliards d’euros sont ainsi dépensés en plus, somme qui couvrirait largement notre déficit et permettrait d’investir dans les infrastructures, les salaires et le social.
La loi de programmation propose une reconduction de la dépense au niveau de l’inflation chaque année jusqu’en 2012. Pourquoi, comme je l’ai souvent proposé, ne pas s’en tenir, à l’exception des retraites, à une reconduction des crédits en euros courants ?
La crise financière ne doit d’ailleurs pas nous détourner de notre objectif d’équilibre. Madame le ministre, vous l’avez dit, « l’équilibre des finances publiques, ce sont des marges politiques retrouvées ». Et si vous le permettez, j’ajouterai : Yes we can ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Rappel au règlement
Mme Nicole Bricq. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29, alinéa 1, du règlement du Sénat.
Je tiens en effet à protester, au nom du groupe socialiste, contre l’organisation du débat. Alors que ce dernier, extrêmement important, prend place dans un contexte délicat, comme l’ont rappelé longuement les ministres, le rapporteur général et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, un temps de parole limité, de surcroît identique pour tous, a été accordé aux groupes. Cela me semble préjudiciable à l’organisation de nos travaux.
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Discussion commune (suite)
Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 34 nouveau de la Constitution nous enjoint de débattre désormais de la programmation des finances publiques jusqu’en 2012. Et nous débattons en même temps – d’où l’importance de mon rappel au règlement ! – d’un sujet extrêmement important, les prélèvements obligatoires.
Je voudrais vous remercier, madame, monsieur les ministres, d’avoir choisi, pratique inhabituelle et qui mérite d’être soulignée, le Sénat plutôt que la presse pour annoncer une révision des prévisions qui, il faut bien le dire, ne résistaient pas aux faits. Or, comme un Premier ministre a eu l’occasion de le dire dans le passé, les faits sont têtus !
Autant vous le dire, malgré cette révision, nous ne croyons pas davantage à l’hypothèse retenue par le Gouvernement d’un retour à l’équilibre en 2012. Rien ne nous convainc vraiment, en effet : ni le scénario de la prévision de croissance qui, même réécrit, devra encore être revu d’ici à la fin de l’année, ni le niveau du déficit, ni le niveau de la dette, pourtant actualisé. Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu la vulnérabilité de vos prévisions.
Monsieur le rapporteur général, je vous ai, comme à l’habitude, bien écouté : ce qui peut être reproché au Gouvernement, c’est de se fonder, dans cette prévision encore, sur un scénario unique. Il serait plus intéressant de faire plusieurs hypothèses,…
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Déposez des amendements !
Mme Nicole Bricq. …qui permettraient une révision en cours de route. Mais tel n’est pas le cas, puisque vous ne privilégiez qu’une hypothèse.
C’est vrai aussi pour les prélèvements obligatoires puisque vous avez renoncé à l’engagement pris pendant la campagne électorale par le futur Président de la République de les baisser de quatre points. Vous dites que vous allez les stabiliser, confirmant ainsi – je le souligne au passage – les doutes que nous avions émis l’année dernière.
Ce qui nous inquiète, ce sont les réponses que vous allez fournir à deux questions qui nous paraissent essentielles. Tout d’abord, première question, comment allez-vous atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ? Au détriment de qui et au détriment de quoi en regard des choix lourds que vous avez effectués en 2007 ?
Ensuite, seconde question – elle est à mes yeux essentielle d’un point de vue macro-économique –, comment aborderons-nous la sortie de crise en regard d’une compétitivité déjà peu assurée avant le déclenchement de celle-ci et à l’aune de finances publiques déjà très anciennement dégradées?