PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
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Loi de finances pour 2009
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Débat sur les recettes des collectivités territoriales
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les recettes des collectivités territoriales.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les recettes des collectivités territoriales et sur les articles qui s’y rapportent dans le projet de loi de finances est déjà une habitude assez ancienne.
Ce qui est ainsi devenu une coutume sénatoriale permet de formuler un certain nombre de remarques, venant se placer en facteur commun des différents articles relatifs à ces recettes.
À la vérité, madame le ministre, nous avons un peu anticipé, au cours de nos dernières séances, sur les finances des collectivités territoriales en traitant de l’article 9, qui, sans faire formellement partie de ce bloc, en relève fiscalement et économiquement. Il s’agissait en effet de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, dans son volet concernant les déchets, élément qui conditionne lui-même la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. Nous avons pu parvenir, dans ce domaine, en présence d’Éric Woerth, puis de Christine Lagarde, à un dispositif consensuel auquel l’ensemble des groupes de notre Haute Assemblée a été en mesure de participer.
Je rappellerai tout d’abord que les collectivités territoriales, dans une période de difficultés, de rareté de l’argent public, de crise financière, doivent prendre leur juste part de l’effort consenti par tous, notamment par l’État. Il ne serait pas concevable que, dans cette situation difficile, les gestionnaires des différents budgets publics, aux différents niveaux, ne soient pas associés au respect de normes, de disciplines qui doivent s’appliquer à tous.
Cela conduit notre commission à souscrire à la définition de l’enveloppe globale des concours de l’État, qui sont compris dans la norme d’évolution de 2 %. Cela nous conduit également, fût-ce sans plaisir, à accepter l’inclusion du fonds de compensation de la TVA dans ladite enveloppe, étant entendu que ce fonds est totalement préservé, c'est-à-dire que chaque collectivité ayant réalisé des investissements obtiendra le juste retour arithmétique de ses investissements sous forme de remboursements de la TVA, avec le décalage habituel.
Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, ici ou là, le fait d’inclure le FCTVA dans l’enveloppe dite « normée » ne change rien au calcul des droits de chaque collectivité ayant réalisé un investissement à de tels remboursements.
Il n’en reste pas moins que cette contrainte pèse sensiblement sur les variables d’ajustement. Ce poids est, d’année en année, de plus en plus lourd parce que les variables d’ajustement forment une enveloppe décroissante et que le même taux de diminution s’appliquant à une enveloppe qui, en valeur absolue, décroît d’année en année, l’exercice est de plus en plus cruel.
Cette situation est aggravée, pour 2009, par l’inclusion du fonds de compensation de la TVA dans l’enveloppe normée. Puisque le fonds de compensation continue à évoluer à son rythme, c’est-à-dire beaucoup plus vite que la norme de 2 %, il est clair que la répercussion s’opère sur nos fameuses variables d’ajustement.
Par conséquent, de la même manière que l’an dernier, la commission des finances a souhaité rendre cet effort plus supportable. En effet, il ne faut pas oublier, mes chers collègues, que cet effort s’impose à tous, notamment aux différents niveaux de collectivités territoriales. Qu’il s’agisse de collectivités rurales ou urbaines, de communes, d’intercommunalités, de départements ou de régions, la baisse des variables d’ajustement se fait sentir sur tous les budgets locaux.
Nous avons formulé des propositions sous forme d’un amendement global, dont nous sommes prêts à débattre avec le Gouvernement. Nous savons que certains éléments sont susceptibles de retenir son intérêt, d’autres un peu moins ; mais l’essentiel, pour nous, c’est le volume global.
Nous voudrions que, d’une manière ou d’une autre, à partir de gages qu’il va nous falloir trouver ensemble, une petite centaine de millions d’euros soit ajoutée au total des variables d’ajustement entre la loi de finances initiale et le prochain collectif budgétaire.
Ainsi, vous le voyez, madame le ministre, monsieur le ministre, la commission des finances du Sénat est tout à fait ouverte au dialogue sur ce sujet.
Nous souhaitons aussi qu’une attention particulière soit portée aux transferts de charges au détriment des budgets locaux. Je ne parle pas là spécifiquement des transferts de charges résultant d’une décision explicite, voire d’une norme affichée comme telle. Je parle aussi des transferts insidieux, qui chargent la barque à un point que les élus locaux considèrent comme insupportable.
Permettez-moi de vous donner un exemple, parmi beaucoup d’autres, de cette situation qui est vécue par de nombreuses communes dans bien des départements.
Il s’agit de l’ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, dont vous n’êtes responsables ni l’un ni l’autre, puisque vous n’étiez pas membre du Gouvernement à ce moment-là, monsieur le ministre, et qu’en ce qui vous concerne, madame la ministre, le département ministériel dont vous aviez la charge n’avait pas directement trait aux budgets locaux.
Cette ordonnance a créé, au sein du code du patrimoine, une série d’articles tirant les conséquences du principe selon lequel le propriétaire a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient.
Jusqu’à présent, une petite commune, par exemple de moins de 1 000 habitants, qui a un ou plusieurs monuments historiques, se contentait d’inscrire dans son modeste budget sa seule participation de 25 %. Aujourd'hui, sans qu’on en ait eu vraiment conscience lorsque la décision a été prise, les dispositions de l’ordonnance l’obligent à y inscrire la totalité de l’enveloppe.
Au final, cette commune, dont la surface financière est forcément très réduite, doit monter l’opération, attendre la subvention de l’État, c'est-à-dire du ministère de la culture, le cas échéant, celle du département, et assumer le risque complet de l’opération, alors qu’elle n’y contribuera en fin de compte que pour 25 % au maximum.
Je pourrais vous donner de nombreux exemples de telles situations.
Si je parle de transfert insidieux, c’est que, à la vérité, le Parlement n’a jamais voté sur ce point. Il y a bien eu une loi d’habilitation, mais ce fut donc à peine une loi !
J’ajoute que l’entrée en vigueur de cette ordonnance a été fixée à une date très tardive : le 1er janvier 2008.
Peut-être le président Hyest a-t-il l’exemple d’une situation de cette nature dans son département… (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, opine.)
M. François Marc. Il y en a partout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quoi qu'il en soit, cette situation est l’exemple même de ce qu’il ne faudrait pas faire, aussi bien quant à la procédure législative retenue que quant au résultat, c'est-à-dire un transfert insidieux de charge, qui induit en outre une impossibilité de réaliser des opérations pourtant nécessaires.
D’où, très logiquement, un réel mécontentement chez les élus locaux. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que, dans les assemblées générales des associations départementales de maires, de tels sujets finissent par ressortir et viennent assombrir le climat général.
Il conviendra de trouver une solution adéquate à ce problème. Le temps qui m’est imparti ne m’a permis que de citer ce cas-là de transfert insidieux, mais il en est d’autres.
Pour revenir à des considérations économiques, je voudrais rappeler que plus des trois quarts de l’investissement public national sont le fait des collectivités territoriales, lesquelles jouent par ailleurs, dans une période où la cohésion sociale peut être mise à mal ou menacée, un rôle important d’amortisseur social.
De ce point de vue, nous ne pouvons que nous féliciter de plusieurs initiatives que le Gouvernement a prises.
D’une part, il faut se réjouir des dispositions qui ont été adoptées très promptement, sous l’empire de la nécessité, mais, à mon sens, dans les meilleures conditions possibles, pour assurer le sauvetage de Dexia.
Vous le savez, mes chers collègues, l’État est entré au capital du groupe, à hauteur de 1 milliard d’euros, prélevés sur des recettes de privatisations. L’apport du pôle public français s’élève à 3 milliards d’euros, soit 26,3 % du capital de Dexia. Le principal dirigeant exécutif du groupe est une personnalité française, ayant la confiance des autorités de notre pays.
D’autre part, la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie du 16 octobre 2008 a autorisé Mme la ministre de l’économie à accorder, à titre onéreux, la garantie de l’État aux financements levés jusqu’au 31 octobre 2009 par les sociétés du groupe Dexia. Il s’agit donc d’une garantie spécifique, destinée à couvrir les opérations interbancaires de l’entité de tête du groupe Dexia et de ses principales filiales. Conformément à l’accord international passé avec la Belgique et le Luxembourg, l’État s’est engagé à garantir les besoins de financement du groupe Dexia à hauteur de 55 milliards d’euros.
Je me permets d’évoquer ce sauvetage de Dexia, qui était une nécessité économique et financière, car il a permis d’adresser un signal fort aux collectivités territoriales. La Caisse des dépôts et consignations a été alertée : elle doit veiller à toutes les situations où une collectivité aurait de la peine à accéder aux marchés financiers ou tout simplement à obtenir la souscription d’un emprunt. Un recensement est en cours pour connaître les conditions contractuelles du passif existant dans les comptes des différentes collectivités territoriales et, en particulier, les risques issus de produits parfois trop complexes.
Mes chers collègues, la discussion des articles concernant les collectivités territoriales va nous permettre de revenir sur l’ensemble de ces questions, mais je voudrais conclure en évoquant les deux chantiers les plus importants.
Le premier est relatif à l’architecture de nos structures territoriales. Tous les élus locaux y sont évidemment très attentifs, en particulier ceux qui siègent dans cet hémicycle. Il convient de préserver ce qu’il y a de bon et de souple dans les structures actuelles, ainsi que la pluralité des approches et des financements, tout en simplifiant l’architecture et en augmentant la légitimité démocratique des organes élus de nos collectivités.
Ces enjeux sont tout à fait fondamentaux, mais recèlent de nombreuses contradictions. Nous devrons travailler avec une grande ouverture d’esprit sur ce sujet. Beaucoup d’entre nous, habitués aux intercommunalités, sont lassés des structures intermédiaires et de leurs complexités excessives, même si nous savons bien qu’il n’est pas possible de mener à bien une opération digne de ce nom sans mobiliser des concours financiers croisés de tous les budgets susceptibles de participer à une œuvre commune.
Pour ces raisons, et pour bien d’autres encore, nous allons débattre avec ouverture d’esprit, mais non sans quelques inquiétudes.
Qu’il s’agisse de la démocratisation des conseils intercommunaux, du lien à établir entre élection au niveau départemental et élection au niveau régional, ces enjeux stratégiques devront absolument être abordés dans les prochains mois.
À ce premier chantier s’ajoute celui qui est relatif aux financements. Parmi ces derniers, la taxe professionnelle est un souci majeur, présent dans l’esprit de tous les gestionnaires locaux, qui sont attachés à leurs moyens d’action que sont l’autonomie fiscale, la capacité de maîtriser le développement de leur collectivité et le vote des taux des impôts.
Comment concilier tout cela avec la modernisation des assiettes et la préoccupation, voire l’obsession de la préservation de la compétitivité des entreprises, qui doivent demeurer pour nous deux impératifs ? Là encore, nous sommes pris dans un lacis de contradictions dont il faudra bien sortir.
Les travaux qui seront conduits auront le mérite de nous permettre d’y voir plus clair et, je l’espère, de trouver des solutions, qui, lorsque viendra la sortie de crise, placeront nos collectivités territoriales dans une dynamique de développement ou, au moins, dans des conditions propices à la satisfaction des besoins de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur les collectivités territoriales est toujours, pour le Sénat, un moment particulièrement fort de l’examen du projet de loi de finances. C’est aussi une particularité de notre assemblée, traduisant l’une de ses missions constitutionnelles.
Ce débat nous donne l’occasion d’avoir une vision plus globale des moyens de l’État en faveur des collectivités territoriales, alors que, il faut bien le reconnaître, leur dispersion en première et en seconde partie de la loi de finances ne nous permet pas toujours de les apprécier à leur juste valeur.
L’effort financier total de l’État en direction des collectivités territoriales représente, je le rappelle, 96 milliards d’euros en 2009, et il inclut les dotations et prélèvements sur recettes, les dégrèvements, la fiscalité transférée et les subventions en provenance de divers ministères.
Or ces diverses contributions sont éclatées entre plusieurs missions budgétaires, parmi lesquelles figure la mission que j’ai l’honneur de rapporter au nom de la commission des finances, « Relations avec les collectivités territoriales », laquelle ne représente que 2,4 milliards d’euros.
La majeure partie de l’effort financier de l’État aux collectivités territoriales – soit plus de 56 milliards d’euros –, où la DGF occupe la première place, est en réalité constituée de prélèvements sur recettes, qui ne sont pas des crédits et ne font donc pas l’objet de débat au titre des missions budgétaires.
On constate le même éclatement au niveau des articles du projet de loi de finances entre la première partie, dans laquelle nous traitons de l’évolution de la DGF, des variables d’ajustement et des compensations d’exonérations, et la seconde partie où sont abordés des thèmes essentiels comme la péréquation, les compensations de transferts de charges et surtout la répartition de la dotation forfaitaire de la DGF des communes à l’intérieur d’une enveloppe fermée.
Dans la perspective d’une plus grande clarté dans le débat, on pourrait aussi s’interroger sur le choix de rattachement à l’une ou l’autre de certaines missions budgétaires.
Je prendrai simplement l’exemple de la nouvelle dotation « titres sécurisés », pour laquelle les crédits figurent dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » alors que l’article qui la crée est rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Vous conviendrez, madame le ministre, qu’il est parfois difficile de s’y retrouver !
Fort heureusement, la coordination entre les rapporteurs spéciaux a permis de parvenir à une position commune : la nécessité de réévaluer le remboursement de l’État aux communes qui délivreront les passeports biométriques. En effet, comme l’a indiqué M. le rapporteur général, il faut éviter de nouveaux transferts de charges trop partiellement compensés. Un amendement en ce sens a été déposé au nom de la commission des finances.
Ce débat sur les collectivités territoriales est aussi indispensable en ce qu’il complète utilement le document budgétaire relatif à l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, dont le contenu a été nettement amélioré par rapport aux années antérieures. Ce « jaune » budgétaire constitue en réalité le socle de notre débat.
Qu’est-ce qui caractérise pour 2009 les relations entre l’État et les collectivités territoriales déterminées par le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2009-2012 ?
En premier lieu, les collectivités territoriales doivent s’inscrire dans l’effort de redressement des finances publiques. L’évolution de l’ensemble des concours de l’État aux collectivités territoriales doit désormais suivre le même rythme que celui des dépenses de l’État, c’est-à-dire l’inflation.
Or cette nouvelle règle représente une contrainte extrêmement forte pour les collectivités territoriales dans la mesure où le fonds de compensation de la TVA est désormais intégré dans l’enveloppe normée de leurs dotations budgétaires accordées par l’État.
En effet, sur un montant supplémentaire de concours de l’État aux collectivités territoriales de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2008, le FCTVA à lui seul en « absorbe » 663 millions.
En second lieu, au sein de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement bénéficie d’un traitement particulier dans la mesure où elle est assurée d’un taux de progression égal à celui de l’enveloppe normée, défini en référence à l’inflation prévisionnelle.
Pour 2009, la DGF se verra appliquer de manière exceptionnelle un taux de progression dérogatoire de 2 %. Cette progression, qui représente une hausse de crédits de 800 millions d’euros, est de nature à préserver la péréquation.
Toutefois, les augmentations cumulées de la DGF et du FCTVA étant supérieures à celle de l’enveloppe normée, la différence devra être compensée par une diminution à due concurrence de l’ensemble des variables d’ajustement, comme l’a souligné le rapporteur général. Cette diminution, qui était initialement de 22,81 % dans le projet de loi de finances pour 2009, a été ramenée à 17,7 % après le vote de l’Assemblée nationale.
Pour apprécier l’évolution réelle de la DGF, il faut aussi tenir compte des effets des résultats du recensement, qui devraient atteindre 300 millions d’euros, dont 140 millions d’euros au titre de la DGF communale. Les conséquences financières du recensement auront des répercussions sur chacune des composantes de la DGF, sans qu’il soit possible dès à présent d’en mesurer précisément l’ampleur.
Rares sont donc les collectivités qui bénéficieront d’une progression réelle de 2 % de leur dotation ! Nous allons plutôt vers une stabilisation, une compression, voire un léger repli, selon les cas, des montants de DGF.
Dans le contexte de tension budgétaire que nous connaissons, je voudrais profiter de ce débat pour évoquer l’évolution de la péréquation.
La révision constitutionnelle de 2003 a consacré la péréquation au rang d’objectif constitutionnel : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales. » Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment les dispositifs en vigueur répondent-ils à cette volonté inscrite dans notre Constitution ?
La réforme de la DGF, en 2004, a permis d’augmenter les masses financières consacrées à la péréquation, et je tiens à souligner cet effort important. Concrètement, alors que la masse de la DGF à répartir augmentait de 9 % entre 2004 et 2008, l’ensemble des dotations de péréquation progressait dans le même temps de 39 %. Mais, a contrario, sur la même période, la dotation forfaitaire des communes, par exemple, n’a enregistré qu’une hausse de 2,6 %. Quant au poids de la solidarité au sein de la DGF, il a faiblement progressé, passant de 12 % à 16 %.
Nous constatons donc une contradiction : la progression des dotations de péréquation se fait au détriment des dotations forfaitaires, qui sont pourtant essentielles pour beaucoup de collectivités, notamment pour les plus petites d’entre elles. En conséquence, malgré les efforts importants consacrés par l’État à l’évolution des dotations de péréquation, l’écart de richesse se creuse entre les collectivités, à l’exception des régions. Cette affirmation est confortée par le rapport des professeurs Guy Gilbert et Alain Guengant, qui a été présenté le mois dernier au Comité des finances locales.
Si la performance péréquatrice des dotations aux régions a progressé de 7 % entre 2001 et 2006, celle des départements a chuté de 2,9 % et celle des communes de 2,3 % sur la même période.
Pour ce qui concerne les communes, l’exemple de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, est assez symptomatique de la difficulté de mettre en place une véritable péréquation. Celle-ci profite en effet aux trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants. Cette année, elle progressera de 70 millions d’euros.
Le Gouvernement propose un dispositif de transition à la suite des concertations qui ont été menées avec les associations d’élus. Ce dispositif permet d’assurer le maintien de cette dotation à toutes les communes éligibles et de concentrer les efforts sur les 150 communes les plus défavorisées. Néanmoins, une réforme s’avère bien nécessaire, avec l’application de nouveaux critères pour identifier les communes les plus fragiles et concentrer le soutien de l’État sur celles-ci.
Cette remarque vaut aussi pour la dotation de solidarité rurale, la DSR, dont la fraction « péréquation » profite aujourd’hui à 34 400 communes.
Quant aux règles de répartition de la dotation nationale de péréquation, les effets de seuil des critères d’attribution ont conduit le législateur à faire bénéficier de cette dotation 1 800 communes supplémentaires en 2008.
S’agissant des départements, la loi de finances de 2005 les a classés en deux catégories afin de permettre la répartition de la dotation de péréquation entre les départements urbains et les départements ruraux. Ainsi, en 2007, trente-trois départements de métropole ont bénéficié de la DPU. Mais force est de constater que sa répartition est peu discriminante et qu’elle ne profite pas suffisamment aux départements les plus en difficulté, même si, sur ce point, une étape vers plus de sélectivité est prévue dans l’article 67 du projet de loi de finances.
Pour ce qui est de la dotation de fonctionnement minimum des départements ruraux, trente-neuf nouveaux départements en bénéficient depuis 2005. Ils s’ajoutent ainsi aux vingt-quatre départements « historiques » éligibles à la DFM. Cet élargissement a permis de supprimer de nombreux effets de seuil, qui pénalisaient plusieurs départements. Mais il a également eu pour effet de geler la dotation des départements éligibles initialement, alors que certains d’entre eux, comme le Cantal, par exemple, sont particulièrement fragilisés.
Les régions, quant à elles, voient leurs dotations de péréquation progresser plus vite que leur DGF, de 14,7 % entre 2007 et 2008. Cependant, là encore, les effets de seuil et certains critères de sélection peuvent être très discriminants. En effet, la référence aux plafonds de potentiel fiscal moyen par habitant peut être fatale à certaines régions, notamment à celles dont les bases plafonnées de taxe professionnelle sont importantes, surtout lorsqu’elles se situent au-dessus de la moyenne nationale. C’est le cas de l’Auvergne, qui a perdu l’éligibilité à la dotation de péréquation alors que son PIB est l’un des plus faibles de France.
Le calcul de la richesse de certaines régions s’effectue donc sur des bases qui peuvent se révéler virtuelles. C’est la raison pour laquelle plusieurs sénateurs auvergnats, de toutes sensibilités, ont déposé un amendement identique visant à rétablir cette dotation aux régions les plus fragiles.
J’en viens maintenant au rôle péréquateur de l’intercommunalité.
Dans un contexte budgétaire tendu et en raison de la prise en compte des effets du recensement dans la DGF de 2008, la dotation d’intercommunalité progressera faiblement pour assurer le maintien des dotations de péréquation communales.
Cette évolution, qui sera au plus égale à l’inflation selon l’article 67 de la loi de finances, se traduira par « un manque à gagner » certain pour la DGF des intercommunalités. Or, il faut le souligner, les dotations d’intercommunalité exercent elles-mêmes un rôle puissamment péréquateur en faveur des communes, rôle renforcé non seulement par une mutualisation des ressources fiscales et des charges de services, mais aussi par des politiques de solidarité communautaires.
Enfin, je veux souligner que le pouvoir fiscal des intercommunalités sera également affaibli par le nouveau mécanisme de plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, qui représente plus de 90 % de leurs recettes fiscales. Aussi, même si cette année personne ne peut échapper à l’effort collectif de redressement des finances de notre pays, nous devrons être attentifs à l’avenir au maintien des ressources de nos intercommunalités.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’État a réalisé ces dernières années un effort remarquable en faveur de la péréquation dans toutes les réformes successives des dotations aux collectivités. Ce n’est donc pas uniquement un manque de moyens qui empêche de réduire l’écart de richesse entre elles ; c’est plutôt la règle du jeu qui mérite d’être revisitée.
En cette période où les moyens de l’État se font plus rares, la recherche d’une meilleure efficacité des dotations de péréquation s’avère nécessaire. Car, nous le savons bien, l’incidence des restrictions budgétaires actuelles est plus forte pour les collectivités les plus fragiles.
Aussi l’État adresserait-il un signe positif en faveur de la solidarité territoriale en rouvrant le chantier de la péréquation. Je forme en tout cas le vœu que cet ouvrage soit remis sur le métier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première année, le budget de l’État s’inscrit dans un cadre pluriannuel qui prévoit le retour à l’équilibre des comptes pour 2012. Les collectivités territoriales sont pleinement associées à la réalisation de cet objectif. Désormais, la progression de l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités locales sera strictement limitée à l’inflation prévisionnelle hors tabac.
Notre pays subit à l’heure actuelle les conséquences d’une crise économique globale. La réduction des dépenses publiques apparaît donc plus que jamais comme une priorité nationale.
Les évolutions en cours suscitent des inquiétudes chez les élus locaux. En effet, les collectivités territoriales, auxquelles de nombreuses compétences ont été transférées au cours des quatre dernières années et qui réalisent près des trois quarts de l’investissement public de notre pays, sont directement touchées par la crise, financière d’abord, économique ensuite.
Les nombreuses réformes annoncées par le Gouvernement pour 2009 – réorganisation territoriale, intercommunalité, fiscalité locale – devront donc plus que jamais être engagées dans une totale transparence, et dans le respect des prérogatives de chacun.
Pour ma part, je me félicite des progrès réalisés au cours des derniers mois en vue de mieux prendre en compte les intérêts et les préoccupations des collectivités. Mais avant d’aborder ce point plus en détail, je tiens à revenir rapidement sur les contraintes nouvelles qui pèsent sur les concours financiers de l’État aux collectivités.
Le principe d’un encadrement de la progression de ces concours financiers n’est pas nouveau : depuis 1996, en effet, les principaux concours alloués aux collectivités et à leurs groupements sont rassemblés au sein d’une « enveloppe normée », dont la progression est contrainte par une indexation fixée à l’avance.
Je rappelle que, entre 2001 et 2007, cette enveloppe a évolué en fonction d’un indice qui prenait en compte l’inflation prévisionnelle augmentée d’un tiers du taux de croissance de notre économie. Cette règle d’évolution, très favorable aux collectivités, avait permis de renforcer les moyens affectés à la péréquation.
Ce mécanisme est toutefois apparu incompatible avec l’objectif de stabilisation des dépenses en volume que s’impose l’État depuis 2003. Le rapport Pébereau de décembre 2005 a d’ailleurs souligné la nécessité d’associer les collectivités territoriales à l’objectif de réduction des déficits publics.
C’est pourquoi la loi de finances de 2008 a instauré un contrat de stabilité visant à faire progresser l’enveloppe normée au rythme de la seule inflation. Toutefois, au sein de cette enveloppe, la DGF continuait à progresser selon un indice composé de l’inflation augmentée de la moitié du taux de croissance du PIB et un certain nombre de concours financiers restaient en dehors de l’enveloppe, notamment le FCTVA. J’y reviendrai.
Le projet de loi de finances pour 2009 prolonge et systématise cette évolution : premièrement, à l’exception des subventions accordées par les ministères, la totalité des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, y compris le FCTVA, sont intégrés à l’enveloppe normée ; deuxièmement, cette dernière continue de progresser au seul rythme de l’inflation prévisionnelle ; enfin, au sein de l’enveloppe normée, la progression de la DGF est, elle aussi, limitée à la seule inflation prévisionnelle.
Il s’agit là d’une évolution essentielle pour les finances des collectivités locales. Toutefois, je relève que le projet de loi de finances prévoit un certain nombre d’aménagements techniques destinés à dégager des marges de manœuvre en faveur de la péréquation.
En outre, le projet de réforme de la DSU initialement conçu a suscité beaucoup d’inquiétudes parmi les élus locaux. À cet égard, je me félicite que le ministère de l’intérieur ait finalement accepté d’étaler cette réforme sur plusieurs années. Une réforme de la DSU est probablement souhaitable, mais elle ne doit pas se faire dans la précipitation.
Par ailleurs, je salue la création de deux dotations, l’une, la dotation de développement urbain, la DDU, consacrée à cent villes particulièrement défavorisées et l’autre affectée aux communes touchées par les restructurations du ministère de la défense. En ces temps de crise, il s’agit d’un effort appréciable pour soutenir les collectivités qui rencontrent le plus de difficultés.
En revanche, l’inclusion du FCTVA au sein de l’enveloppe normée me pose problème et je suis sensible aux arguments des élus locaux qui soutiennent que le FCTVA constitue un remboursement et non une dotation de l’État aux collectivités.
Comme je l’ai déjà rappelé, les collectivités territoriales réalisent près des trois quarts de l’investissement public. Dans le contexte économique actuel, cette capacité mérite d’être préservée. J’espère donc que cette question pourra être débattue à l’occasion des réformes annoncées par le Gouvernement pour l’année 2009.
La progression des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales est désormais fortement contrainte, mais, en contrepartie, des progrès ont été réalisés afin de mieux prendre en compte les intérêts et les positions des collectivités.
Je veux tout d’abord parler de la conférence nationale des exécutifs, qui constitue depuis l’année dernière une enceinte de dialogue au plus haut niveau entre l’État et les exécutifs des collectivités territoriales. Son rôle doit être affirmé.
Je veux ensuite et surtout parler de la mise en place de la commission consultative d’évaluation des normes. La création de cette nouvelle instance reflète l’évolution, ces dernières années, du débat sur les relations financières entre l’État et les collectivités locales.
Ce débat s’est d’abord concentré sur la question de la compensation des charges résultant des transferts de compétences aux collectivités. Les dépenses des collectivités ont en effet fortement progressé dans la période récente : de 36 % entre 2002 et 2007. Toutefois, les travaux de la commission consultative d’évaluation des charges ont montré que l’État avait scrupuleusement respecté ses engagements en matière de compensation des transferts de compétences. En outre, le rapport de la Cour des comptes de juin 2008 a montré que ces transferts n’étaient qu’en partie responsables de l’augmentation dynamique des dépenses locales.
L’attention s’est alors portée sur la question de l’impact des normes – sanitaires, sécuritaires ou environnementales, par exemple – sur les finances des collectivités. L’étude de cette question au sein du groupe de travail présidé par notre collègue Alain Lambert, en particulier, a conduit à la création récente de la commission consultative d’évaluation des normes, qui sera notamment appelée à se prononcer sur les projets de normes imposés, à l’échelon national ou communautaire, aux collectivités.
Le rôle de cette commission ne pourra être que renforcé par l’entrée en vigueur, le 1er mars prochain, des dispositions de la Constitution prévoyant une meilleure évaluation de l’impact des textes législatifs.
Pour ma part, je salue la création de cette commission, qui permettra de mieux prendre en compte les contraintes et les besoins des collectivités. Il s’agit d’une étape importante dans le renforcement de l’autonomie des collectivités territoriales.
En tout état de cause, cette autonomie passe nécessairement par une réforme d’ensemble de la fiscalité locale. Je le dis chaque année ! (Sourires.)
Chacun s’accorde à reconnaître la complexité excessive de notre fiscalité locale, dont les bases ne sont pas adaptées aux enjeux de notre économie, si bien qu’au gré des réformes ponctuelles successives, l’État est devenu le premier contribuable local. Ce constat, nous le faisons depuis des années, sans qu’un accord ait encore pu être trouvé sur les modalités d’une réforme globale.
À l’heure où l’État est contraint de limiter la progression de ses dépenses, et notamment celle des concours financiers qu’il attribue aux collectivités, la question d’une réforme d’ensemble de la fiscalité locale revêt plus que jamais un caractère d’urgence.
Il me semble donc essentiel que cette question figure en tête des projets de réforme relatifs à l’organisation territoriale de notre pays et à la démocratie locale, cette sorte de monstre du loch Ness dont on parle toujours, mais qu’on ne voit jamais. Peut-être celui-là va-t-il enfin se montrer ! (Sourires.)
Acceptons-en l’augure ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)