Mme Nicole Bricq. Nous n’avons pas trop confiance dans le Gouvernement s’agissant de la position qu’il adoptera sur l’amendement n° I-57. Cet amendement n° I-58 est donc, en quelque sorte, un amendement de repli dans la mesure où il vise à indexer la DGF sur l’inflation réellement constatée.
Nous voulons en effet poser la question de la fiabilité des prévisions proposées par le Gouvernement pour les indices macroéconomiques contenus dans le projet de loi de finances, et notamment l’inflation.
Les prévisions du Gouvernement, en raison des révisions qu’il a opérées, sont fondées sur l’hypothèse d’un baril de pétrole à 70 dollars et d’un taux de change à 1,33 dollar. Mais on peut légitimement se demander, compte tenu du cours erratique de l’un et de l’autre, ce qu’il en sera réellement en 2009.
Les prévisions sont ce qu’elles sont, mais vous leur accordez, nous semble-t-il, une importance disproportionnée puisque l’évolution de la DGF dépend du niveau de l’inflation.
En 2008, vous aviez estimé l’inflation à 1,6 %. Or, dans la note d’information de l’INSEE du mois d’octobre 2008, l’inflation hors tabac sur un an serait de 2,7 %, soit une différence de 1,1 %, ce qui représente pour les collectivités locales un manque à gagner de 440 millions d’euros.
Depuis plusieurs années maintenant, les collectivités territoriales ont l’habitude de constater l’évolution des prix qu’elles subissent, en référence à l’indice intitulé « panier du maire » ou indice des prix des dépenses communales. Cet indice est censé refléter de manière plus exhaustive la réalité de la hausse des coûts, en fonction de dépenses réelles des collectivités territoriales.
Ainsi, au 1er trimestre 2008, l’évolution de cet indice sur les quatre derniers trimestres était de 3,4 %, alors que, sur cette même période, l’inflation était de 1,9 %, soit une différence de 1,5 point. La tendance dynamique de cet indice est due, notamment, à la hausse des indices de coût dans le secteur du BTP, à une accélération du prix des charges de personnel, des produits et des services et des produits alimentaires.
Les différences entre ces multiples indicateurs provoquent d’éternels débats. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, que la dotation globale de fonctionnement de l’année n+1 soit calculée par application à la DGF de l’année n du taux réellement constaté d’évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, de la même année n.
Au regard des contraintes de plus en plus importantes et du risque d’étranglement financier auxquels les collectivités territoriales doivent faire face, nous ne pourrons, nous semble-t-il, échapper au débat sur la sincérité de ces indices et sur l’opportunité de leur sélection.
Cette question a été abordée par le Comité des finances locales, qui s’est également interrogé sur l’opportunité de conserver un tel décalage entre les différents indices retenus pour le calcul de la DGF.
Pour conclure, il me faut rétablir une vérité à laquelle les collectivités tiennent fortement : si l’enveloppe des dotations, telle que définie pour 2009, augmente effectivement de 2 %, l’évolution de l’enveloppe normée, selon le périmètre défini en 2008, est bien inférieure à 1 % ; elle pourrait même se situer entre 0,7 et 0,8% selon l’AMF.
M. le président. L'amendement n° I-126, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Compléter le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales par les mots :
augmenté de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume de l'année en cours, sous réserve que celui-ci soit positif
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État de la prise en compte de la moitié du taux d'évolution du produit intérieur brut en volume pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Comme je l’indiquais tout à l’heure, la France doit engager des réformes en profondeur et notamment assainir ses finances. C’est ce que fait le Gouvernement, et c’est tout à fait satisfaisant. Mais cette rigueur se télescope aujourd'hui avec une crise mondiale qui va avoir un impact très sérieux sur l’économie réelle. Un plan de relance va être engagé ; les collectivités locales seront alors des partenaires incontournables et le Gouvernement devra travailler avec elles en toute confiance et dans la plus grande transparence.
C'est la raison pour laquelle il faut laisser aux collectivités des capacités financières d’investissement. Ces dernières représentent, je le rappelle, près de 75 % des investissements publics civils de la nation et engendrent, chaque année, une activité économique permettant le maintien de 850 000 emplois de la sphère privée, répartis à parts égales dans la construction, les services et l'industrie.
Cet amendement vise, conjointement au maintien de l'évolution d'autres prélèvements sur recette de l'article 12 et à une moindre baisse des variables d'ajustement de l'article 15, à neutraliser l'impact de l'intégration du Fonds de compensation de la TVA dans l'enveloppe – je ne dirai pas « normée », puisqu’il semble que tel n’est plus le cas – des transferts des recettes de l'État aux collectivités, soit 66 millions d’euros.
M. le président. L'amendement n° I-249, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales :
« II. - Par dérogation au I, la dotation globale de fonctionnement pour 2009 est égale au montant de la dotation globale de fonctionnement de 2008 diminué du montant de la dotation globale de fonctionnement calculée en 2008 au profit de la collectivité de Saint-Barthélemy en application de l'article L. 6264-3, puis majoré de 2 %. »
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement permet d’appliquer à l’évolution des concours de l’État un taux de progression de 2 %, et non de 1,5 %, ce dernier taux étant celui sur lequel a été construit le projet de loi de finances. Initialement, un taux d’inflation de 2 % avait été prévu ; finalement, il est inférieur, mais nous avons décidé d’en rester à 2%.
L’écart est de plus de 275 millions d’euros, dont 200 millions d’euros seront consacrés à la DGF, ce qui est significatif.
M. le président. L'amendement n° I-59, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter le II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa ainsi rédigé :
« En 2009, il est procédé au plus tard le 31 juillet à une régularisation sur la dotation globale de fonctionnement de cet exercice, du montant des dotations afférentes aux deux exercices précédents, calculée sur la base du taux d'évolution de la moyenne annuelle du prix de la consommation des ménages, hors tabac, relatif à ces deux exercices, tels qu'ils sont connus à cette date. »
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes pour l'État résultant de la prolongation du mécanisme de régularisation de la dotation globale de fonctionnement est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Le Comité des finances locales s’est saisi de la question de la régularisation de la DGF pour 2009, qui est l’objet de cet amendement. Toutes tendances politiques confondues, celui-ci a souhaité que l’on adopte des dispositions moins défavorables aux collectivités. Notre amendement vise à donner corps à cette revendication.
L’article 10 du projet de loi de finances initial prévoyait que la régularisation négative de la DGF afférente à l’exercice 2007, d’un montant négatif de 67 millions d’euros, ne s’imputerait pas sur le montant de la DGF ouvert au titre de l’année 2009. Nous aurions pu saluer un nouveau cadeau du Gouvernement à l’adresse des collectivités – on nous en annonce beaucoup en ce moment, mais on tarde à les constater ! – si, derrière cette manœuvre, ne se cachait pas un mauvais tour pour les collectivités.
Comme cela est expliqué dans l’exposé des motifs, le Gouvernement envisageait de supprimer le dispositif de régularisation au titre de 2008 et des années suivantes dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Gilles Carrez, a préféré soulager le Gouvernement de cette réforme, et a fait adopter la suppression du dispositif dans l’article 10 que nous examinons actuellement.
Si l’on regarde de plus près le dispositif de régularisation, son impact cumulé sur la période des dix dernières années est très minime. Sa suppression n’aurait donc dans la durée que de faibles conséquences.
Néanmoins, nous ne pourrions souscrire entièrement à cette proposition qu’à une double condition : premièrement, cette suppression ne doit pas intervenir au moment le plus désavantageux pour les collectivités territoriales ; deuxièmement, l’indice sur lequel est basée l’évolution de la DGF, à savoir le taux d’inflation, doit être reconnu et admis par tous comme incontestable.
Notre précédent amendement, que Nicole Bricq vient de présenter, tendait à résoudre ce second problème. À l’inverse, le premier problème, celui du moment choisi pour supprimer une telle mesure, reste entier à nos yeux et engendre une injustice flagrante pour les collectivités territoriales. En effet, cette suppression intervient au moment même où les collectivités pourraient bénéficier d’une régularisation positive, de plus de 500 millions d’euros, au regard du taux élevé de l’inflation en 2008, qui devrait être de 2,9 %, contre 1,6 % prévu en loi de finances initiale.
C’est précisément au moment où le gain net pour les collectivités territoriales aurait donc été d’environ 440 millions d’euros que le Gouvernement choisit de changer les règles du jeu et de supprimer le mécanisme de régularisation. Cela lui permet de se dégager d’une obligation financière qu’il prétend, en l’état actuel, ne pas pouvoir remplir.
Notre amendement tend à s’opposer à ce que le Gouvernement, qui est juge et partie dans cette affaire, puisse à sa guise changer les règles au détriment des collectivités territoriales. Nous proposons donc que la régularisation au titre des années 2007 et 2008 ait bien lieu, comme par le passé, afin de rendre aux collectivités ce à quoi elles ont légitimement droit. Nous nous appuyons, mes chers collègues, sur la préconisation de l’ensemble des tendances politiques siégeant au Comité des finances locales.
L’adoption de cet amendement permettrait d’assurer aux collectivités une manne financière tout à fait indispensable aujourd'hui pour consolider leur effort d’investissement.
M. le président. L'amendement n° I-245, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement de 2009, le taux mentionné au I du présent article est majoré de 0,5 %. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... La perte de recettes résultant pour l'État de la majoration du taux de progression de la dotation globale de fonctionnement est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission avait déposé, à titre conservatoire, un amendement strictement identique à celui du Gouvernement, que M. le ministre vient de présenter. Ledit amendement peut donc être retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-245 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes ici au cœur d’une question importante pour l’équilibre des finances publiques. Le Gouvernement propose que le taux d’évolution de l’ensemble des concours aux collectivités territoriales reste fixé à 2 % : c’est une disposition clé de cette loi de finances ; la commission estime donc qu’il n’est ni possible ni souhaitable d’y porter atteinte.
Par ailleurs, permettez-moi de souligner qu’il est assez paradoxal de solliciter une indexation, même partielle, sur la croissance dans une période où nous pouvons légitimement nous attendre à voir la production reculer au cours de l’année prochaine.
Mme Nicole Bricq. C’est pour les années 2007 et 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est d’autant plus curieux que vous reprenez des formules d’indexation de périodes passées en leur appliquant, en quelque sorte, un effet de cliquet à la baisse, c'est-à-dire en ne prenant pas en compte les éventuelles variations négatives du PIB.
En des temps plus fastes, nous avions souhaité que les concours versés aux collectivités territoriales soient corrélés à la croissance. Nous avions eu des débats sur la fraction du taux de croissance qu’il fallait affecter à l’évolution de l’enveloppe normée : il s’agissait de faire bénéficier les collectivités d’une évolution favorable de l’économie.
En vertu du même principe, il serait raisonnable de penser que l’évolution des concours de l’État puisse être affectée d’un coefficient négatif en cas de croissance négative.
Il semble que la disposition la plus précautionneuse, celle qui, dans une période de grand trouble des marchés et de l’économie, préserve le mieux les budgets locaux, c’est la garantie d’un taux d’augmentation de 2 %, car celui-ci ne sera affecté d’aucune incertitude.
Mme Nicole Bricq. Il faut que l’État verse ce qu’il doit aux collectivités !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne peut pas, chère collègue, considérer que les collectivités territoriales doivent être « sanctuarisées » quand l’économie va mal. Ce raisonnement n’est pas acceptable ! Je fais appel à votre sens des responsabilités.
On ne peut pas se soustraire à l’évolution générale. Soit on affirme le principe d’une association directe des collectivités territoriales à la conjoncture en sollicitant une quote-part du taux de croissance quand l’économie va bien, mais on doit alors admettre, par symétrie, une minoration lorsque le produit intérieur brut va moins bien. Soit on adopte une règle forfaitaire. En proposant 2 %, soit un demi-point au-dessus du taux d’inflation prévisionnelle, le Gouvernement adopte une attitude raisonnable.
En ce qui concerne la régularisation de la DGF – sujet qui est souvent évoqué par les élus locaux –, je veux persuader les auteurs de l’amendement, notamment Mme Bricq, que ce mécanisme peut fluctuer en fonction de l’inflation réelle et selon les périodes et la qualité de la prévision économique. Sur le long terme, nous pourrions le démontrer si nous en avions le temps, les régularisations négatives et positives finissent par s’annuler.
La complexité du dispositif et ses lacunes sont telles que le Comité des finances locales a été conduit, à plusieurs reprises, à s’interroger sur le maintien de la régularisation. Dès le 5 juillet 2006, il proposait même d’y mettre fin. Dans une délibération du 1er juillet 2008, ce comité observe que les régularisations de la DGF résultent essentiellement de la régularisation de l’inflation prévisionnelle utilisée en loi de finances pour calculer la DGF de l’année et s’interroge, à ce titre, sur l’opportunité de mettre fin au décalage existant entre les indices utilisés pour le calcul de la DGF, inflation prévisionnelle de l’année et taux d’évolution du PIB de la pénultième année.
Je l’ai rappelé dans mon rapport écrit, que vous avez pu consulter, mes chers collègues, si l’on avait transposé à la séquence 2008-2009 les règles antérieures, le bouclage du budget de l’État serait devenu encore plus difficile, voire impossible. Il aurait fallu prélever des sommes supplémentaires significatives sur les crédits des missions et des programmes de l’État, alors que les arbitrages, je le suppose, monsieur le ministre, ont déjà été compliqués.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite que le Sénat adopte l’amendement n° I-249 et appelle au retrait des autres amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. J’ajouterai peu de choses à ce qu’a dit excellemment M. le rapporteur général.
Pour reprendre son expression, nous sommes au cœur de la construction du projet de loi de finances : d’un côté, il y a les dépenses de l’État qui progressent compte tenu des charges, de l’intérêt de la dette et des pensions et, de l’autre, il y a celles qui n’augmentent pas en euro courant, comme les dépenses d’intervention et la masse salariale. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, l’État accomplit les efforts nécessaires et assume ses responsabilités.
L’État, c’est nous ! Il n’y a pas, d’un côté, l’État et, de l’autre, les collectivités locales : il y a les pouvoirs publics qui conduisent des politiques publiques. Comme le dit M. le rapporteur général, prendre sur les recettes de l’État, c’est toucher à l’éducation nationale, à la défense, à la culture, domaines auxquels vous êtes légitimement attachés.
Les arbitrages budgétaires au sein du Gouvernement et le débat sur le projet de loi de finances aujourd’hui au Parlement sont évidemment extrêmement difficiles, puisque la dépense est terriblement contrainte. Crise ou pas, il faut maîtriser la dépense publique : nous nous engageons à le faire sur trois ans.
Sans chercher à embellir la vérité, nous avons voulu préserver les collectivités territoriales en indexant les dotations sur l’inflation. Souvenez-vous du débat que nous avions eu l’année dernière : nous avions dit que nous prendrions en compte la moitié du PIB majorée de l’inflation et que nous prendrions une année pour que chacun puisse bien intégrer cette idée.
L’enveloppe normée a tellement évolué ces dernières années qu’elle est devenue un leurre. Nous avons donc clarifié la situation en présentant une enveloppe globale des dotations de l’État consacrées aux collectivités. La norme d’évolution est le taux d’inflation, auquel nous ajoutons 0,5 % cette année.
L’amendement du Gouvernement est donc fondateur et vise à préserver l’avenir des collectivités.
Gérer une collectivité locale n’est pas facile. Je sais que l’on est tenté de dépenser plus, parce que l’on veut offrir plus de services de proximité. Mais le panier du maire est comme celui du ministre du budget : il contient des dépenses publiques avec le même type d’évolution.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est un panier percé !
M. Éric Woerth, ministre. Il n’y a pas, d’un côté, l’État, qui bénéficierait par je ne sais quel miracle de faibles augmentations, et, de l’autre, les collectivités qui subiraient les hausses et qui verraient leurs dépenses progresser. Le panier est aussi lourd à porter, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales. Du reste, nous exerçons souvent des responsabilités à la fois nationales et locales. Nous sommes donc confrontés aux mêmes réalités.
Nous aimerions tous voir les choses progresser. Mais les collectivités sont des structures publiques, et elles n’échappent pas aux contraintes qui s’imposent aux structures publiques dans le monde entier en raison de la crise. Toutefois, nous essayons de faire en sorte que les répercussions de cette crise soient les moins fortes possibles et de préserver nos concitoyens sur le plan tant national que local.
Tel est le sens de l’amendement du Gouvernement, mais tel est également le sens de la construction générale du projet de loi de finances. L’intégration du FCTVA relève de la même logique.
Il faut que les collectivités puissent jouer leur rôle, dans l’éventualité d’un plan de relance. C’est la raison pour laquelle la dotation progresse de 2 %. Les collectivités représentent en effet une part importante de l’investissement public et j’imagine qu’elles auront à cœur de continuer à investir dans un cadre plus restreint et plus maîtrisé de leurs finances publiques.
Si la France engage un plan de relance, en coordination, je l’espère, avec nos amis européens, c’est l’État qui paiera in fine.
Mme Nicole Bricq. Pas avec ce budget !
M. Éric Woerth, ministre. Les bénéficiaires en seront alors les Français dans leur ensemble, mais aussi les collectivités locales. Un processus de relance du secteur du bâtiment, par exemple, permettra aux collectivités locales de percevoir des droits de mutation.
Toute initiative, quelle qu’elle soit, a pour objet de favoriser la croissance, par conséquent d’augmenter les recettes de l’État, donc d’accroître les ressources des collectivités territoriales. Vous le voyez, tout est imbriqué ! C’est pourquoi je demande solennellement au Sénat de soutenir le Gouvernement dans cette affaire. Nous agissons avec sincérité et en ayant le sens des responsabilités. J’espère que vous partagez ce sentiment.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce soir, le ton est grave.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Face à cet appel à la responsabilité, je voudrais m’associer aux propos du ministre et à ceux du rapporteur général.
Nous ne pouvons pas constater le déficit probable de l’État, qui ne fait qu’éloigner un peu plus l’horizon qui nous permettrait d’équilibrer les recettes et les dépenses, et laisser dériver les fonds mis à la disposition des collectivités territoriales.
La formule qui nous est proposée correspond en grande partie aux propositions de plusieurs d’entre nous, à savoir une indexation sur l’inflation à laquelle s’ajoute la moitié d’une croissance prévisionnelle de 1 %, ce qui est bien plus optimiste que les prévisions révisées il y a quelques jours par le Gouvernement. Je plaide donc pour que nous nous en tenions à la formule qu’il propose.
Monsieur le ministre, nous sommes peut-être à la veille d’un plan de relance. Je me permets de dire une nouvelle fois qu’un déficit de 57 milliards d’euros est en soi un plan de relance. (Sourires.) Ayons donc le sens de la mesure !
S’il devait y avoir un plan de relance, j’ai compris que les collectivités territoriales seraient les premiers opérateurs auxquels l’État ferait confiance en leur transférant sans doute les ressources nécessaires pour stimuler une économie en difficulté.
Je souhaite donc que le Sénat adopte l’amendement n°I–249 que nous présente le Gouvernement.
Pour la clarté du débat, monsieur le président, je demande le vote par priorité de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le débat qui vient de se dérouler comporte des éléments de satisfaction pour l’opposition. En effet, le Gouvernement nous parle à présent d’un plan de relance, alors que voilà six ans que l’on entend prôner ici une logique économique totalement inverse : le laisser-faire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous aviez prévu la crise ?
M. François Marc. Combien de fois avons-nous entendu qu’il fallait laisser l’économie s’organiser, ne pas imposer trop de contraintes, favoriser la politique de l’offre et réduire la fiscalité ?
Il est heureux, monsieur le ministre, qu’une conversion s’opère. Cette nouvelle philosophie politique qui semble s’amorcer, totalement à l’opposé de la précédente, est un élément de satisfaction.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous prenez vos désirs pour des réalités !
M. François Marc. La très mauvaise conjoncture qui s’annonce légitime ce changement de cap. Demain, semble-t-il, on va nous annoncer des chiffres catastrophiques pour le chômage dans notre pays. Il est donc urgent d’agir.
Dès lors qu’il est question de relance, ne perdons pas de vue que 75 % de l’investissement public dans notre pays sont réalisés par les collectivités locales. On doit donc tout mettre en œuvre pour que celles-ci puissent accomplir un effort d’investissement important, en préservant leur autonomie fiscale et leur autonomie de gestion et en prenant en compte leurs besoins par des transferts nécessaires.
Je ne reviens pas sur la question de la régularisation, puisque notre amendement sera visiblement ignoré du fait de la priorité annoncée. Je veux néanmoins vous interroger, monsieur le ministre, puisque vous voulez absolument faire passer cet amendement en priorité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est la commission qui a demandé la priorité !
M. François Marc. Vous nous dites – et vous êtes venu l’annoncer au Sénat il y a deux semaines – que le Gouvernement a révisé sa prévision en ce qui concerne l’inflation : il avait anticipé une inflation de 2 %, et ce taux est ramené à 1,5 % ; dès lors, étant donné que la hausse des dotations s’élève à 2 %, un cadeau est fait aux collectivités. Le raisonnement est simple ! Le problème, c’est que le lendemain de cette déclaration Luc Chatel indiquait que l’inflation serait comprise entre 2 et 2,5 %.
Alors, nous aimerions comprendre, monsieur le ministre : qui a raison ? Tout cela ne serait-il pas un simple effet d’habillage visant à nous faire croire que les collectivités vont recevoir des cadeaux ? Au fond, c’est véritablement une question de confiance qui est posée à l’égard de tout ce que vous nous racontez en ce moment.
Nous ne pouvons absolument pas nous rallier à l’amendement que vous nous soumettez, car il est en contradiction totale avec ce que sera réellement l’inflation demain.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’ai entendu M. le ministre et M. le rapporteur général parler de « dépenses contraintes ». Mais qui a décidé d’auto-liquider le bouclier fiscal, si ce n’est la majorité sénatoriale ? Et qui a imposé, dans le même temps, les indemnités pour les accidentés du travail ? C’est toujours la majorité sénatoriale !
Nous avons fait des propositions de recettes et elles ont été rejetées. Il est possible de faire autrement !
M. le président de la commission des finances déclare que le déficit s’élève à 50 milliards d’euros…
M. Philippe Marini, rapporteur général. À 57 milliards ! Ce n’est pas grand-chose, 7 milliards d’euros…