M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les monuments classés ou inscrits appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales sont inaliénables. Ils ne peuvent faire l'objet ni d'une procédure de déclassement, ni d'un bail emphytéotique administratif au sens de l'article L. 2341-1. »
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement vise à garantir l’inaliénabilité des monuments nationaux inscrits ou classés. Ce principe, s’il figure dans le code concernant les collections publiques des musées, ne vaut pas pour le patrimoine monumental de l’État. Là réside notre souci principal.
Nous avions déjà évoqué ce problème lors de l’examen de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, qui permettait la vente sans condition de ces biens par les collectivités comme par l’État à des opérateurs privés ne poursuivant pas des missions d’intérêt général, lesquelles doivent présider à toute action patrimoniale sur les monuments inscrits et classés.
Notre crainte s’ancre dans le contexte de désengagement général et croissant de l’État, justifié par la réduction des déficits publics. Elle se confirme plus précisément quand le ministre du budget affirme, comme il l’a fait le 9 juin 2010, poursuivre des opérations de cessions de grande ampleur.
Il existe un risque que la procédure de déclassement des monuments historiques soit utilisée pour favoriser une exploitation commerciale privée, dans la lignée du rapport Jouyet-Lévy, qui parle davantage d’économie que de culture.
L’exemple du logis Saint-Pierre au Mont-Saint-Michel est significatif : classé monument historique en 1938, il n’était pas occupé directement par le Centre des monuments nationaux et faisait l’objet d’un bail commercial. France Domaine a alors demandé son déclassement au motif qu’il n’était pas affecté à l’usage direct du public ni à l’exercice d’un service public, permettant alors sa cession pure et simple.
La polémique autour de l’hôtel de la Marine montre la nécessité qu’un bien d’une telle importance devienne inaliénable. Les montages juridiques permettant un bail emphytéotique administratif ne résoudront pas la question. Car, consentant les droits réels du propriétaire à celui qui valorise et entretient le monument, il permet de faire tout usage de ce lieu pendant 99 ans.
Le maintien d’une responsabilité publique s’exerçant de l’entretien jusqu’à la valorisation du monument doit être réaffirmé avec vigueur, sans quoi c’est un délitement progressif du patrimoine de l’État et des collectivités qui va s’instaurer au profit du privé.
Nous refusons le principe de la vente que l’on tente de nous imposer comme un mode de gestion valable, même soumise à des obligations, et nous rejetons celui d’un bail emphytéotique qui aura tôt fait de permettre la transformation d’un lieu chargé d’histoire en hôtel de luxe, en centre commercial ou autre restaurant.
Sur cet amendement particulièrement significatif, je demande donc un scrutin public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Le classement au titre des monuments historiques ne doit pas entraîner un régime spécifique de domanialité publique, l’État devant pouvoir garder la possibilité de déclasser du domaine public un bien qui lui appartient.
Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. À l’occasion de l’examen de ce premier amendement, j’aimerais exposer la position générale du Gouvernement, ce qui permettra ensuite d’accélérer la discussion des amendements tendant à rendre impossible le déclassement du domaine public des biens protégés pour empêcher leur cession ou à renforcer les procédures préalables à la conclusion de baux emphytéotiques.
Je comprends le souci général des auteurs de ces amendements d’éviter que les politiques de rationalisation de la gestion domaniale de l’État ou des collectivités territoriales ne conduise çà et là à des décisions de cession inappropriées de monuments historiques, générant polémiques et incompréhensions.
Toutefois, le dispositif tel qu’il est prévu dans la proposition de loi adoptée par la commission de la culture me paraît à cet égard équilibré et suffisant pour remplir l’objectif que nous partageons d’assurer la conservation et la transmission aux générations futures d’un patrimoine monumental en bon état, intelligemment utilisé et mis en valeur pour un usage culturel ou non.
La proposition de loi donne au Haut conseil du patrimoine, je l’ai déjà dit dans mon propos précédent, un rôle clé pour que le sort de chaque monument soit apprécié, avant toute autre considération, selon sa valeur patrimoniale nationale. La première sélection se fait à partir de la question suivante : tel ou tel monument peut-il être sorti du patrimoine de l’État sans qu’il soit porté atteinte à sa place symbolique au sein de cet ensemble et sans que cela nuise à la cohérence patrimoniale du domaine de l’État ?
Si c’est le cas, si le Haut conseil estime que le monument en question peut sans inconvénient être soustrait au domaine de l’État, il est réputé « transférable », à titre gratuit s’il peut avoir une utilisation culturelle par la collectivité repreneuse, ou proposé pour un transfert onéreux dans le cas contraire. Pour éviter tout malentendu, la commission a amendé l’article 1er du texte afin de préciser qu’alors même que le Haut conseil ne s’en serait pas encore saisi de sa propre initiative, tout projet de cession d’un monument de l’État lui serait soumis pour procéder préalablement à cette évaluation.
En second lieu, le Haut conseil est une instance paritaire, composée de représentants de l’État, certes, mais aussi d’experts et de représentants des collectivités territoriales que sont les parlementaires et les autres élus. Il aura toute indépendance pour formuler ses avis, tout comme la commission Rémond en son temps.
Je m’engage en outre à ce que les avis du Haut conseil fassent l’objet d’une publicité. Cette disposition, qui n’est pas du niveau législatif, trouvera sa place dans le décret qui traitera des modalités de fonctionnement de cette instance nouvelle.
Enfin, je compte bien sur le fait que les demandes de déclassements de monuments historiques acquis gratuitement par les collectivités territoriales en application de cette loi et devant être soumises à un avis conforme du Haut conseil seront peu fréquentes. En effet, de telles demandes supposeraient que le monument a été transféré sur la foi d’un projet culturel mal évalué et s’avérant non viable, ou que la collectivité a radicalement changé de politique culturelle. Il faudrait, en ce cas, examiner les circonstances du déclassement, afin que la mise en œuvre de cette loi, fondée sur un principe généreux et partenarial, ne débouche pas sur de pures et simples opérations commerciales privant nos concitoyens d’un équipement culturel tandis qu’interviendrait la privatisation d’un monument historique.
La situation de l’État, lorsqu’il envisage de céder des monuments dont il n’a plus l’usage, n’est pas exactement la même.
Compte tenu de la saisine préalable, au cas par cas, du Haut conseil, en vue d’examiner la possibilité de soustraire ce monument du patrimoine national, en vue d’un transfert gratuit d’abord, puis, en second lieu, en vue d’une cession à titre onéreux, la décision de cession sera déjà très encadrée par les compétences du Haut conseil et la publicité de ses avis. Il m’apparaît donc inutile, dans ces conditions, de le saisir à nouveau pour l’acte administratif de déclassement. Cela risquerait en effet de l’encombrer inutilement sans apporter de nouveaux éléments sur la situation des monuments concernés.
Enfin, il me semble qu’il faut rester mesuré s’agissant des baux emphytéotiques. Le bail emphytéotique est une solution intéressante pour assurer la mise en valeur de certains espaces des monuments, ou leur réutilisation à un usage nouveau. Cette solution peut également être une véritable solution alternative à un projet de cession. Il faut, bien sûr l’encadrer, et le ministère de la culture est consulté au titre de ses missions générales sur la conservation des monuments historiques, sur l’état du monument, son histoire et ses éléments d’authenticité, afin de constituer le cahier des charges du bail. Un bail emphytéotique, même constitutif de droits réels, peut être dénoncé, notamment en cas de manquement aux prescriptions relatives à la conservation du monument, et je m’engage à y veiller.
II faut faire confiance aux dispositions et à la logique de la loi de 1913, dont nous allons bientôt fêter le centenaire. Celle-ci vise précisément à garantir que, quel que soit le propriétaire, le monument soit conservé et utilisé dans des conditions respectueuses de ses qualités architecturales, artistiques et historiques. Alourdir à l’excès les conditions de gestion des biens des monuments historiques risque de générer, de la part des propriétaires ou des gestionnaires de biens, une réticence aux mesures de protection. Cela n’est vraiment pas souhaitable.
Je ne suis donc pas favorable à ce que l’équilibre général de la proposition de loi, qui me paraît, je le répète, satisfaisant et respectueux des prérogatives de chacun, soit modifié sur ces points.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. Cet amendement pose un problème. En effet, si nous votions pour, tout s’arrêterait. Ce ne serait plus la peine de discuter. La loi serait vidée de sa substance, cher ami Ralite.
En fait, nous avons voulu défendre la même idée, mais en limitant notre proposition. Nous avons en effet déposé un amendement qui vise à affirmer que sont inaliénables de fait les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, les abbayes-mères, les palais nationaux et les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation. Pour cela nous demandons qu’ils ne puissent pas figurer sur la liste des bâtiments transférables.
Nous préférerions en rester à cette proposition d’inaliénabilité.
M. le président. Monsieur Ralite, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jack Ralite. Oui.
M. le président. Vous embarrassez par conséquent M. Dauge. (Sourires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 140 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 222 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 112 |
Pour l’adoption | 24 |
Contre | 198 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine est complété par deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 611-2-1. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine placé auprès du ministre chargé des monuments historiques qui établit la liste des monuments classés ou inscrits transférables au sens de l’article 4 de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État, notamment sur la base des critères retenus pour établir la liste annexée au décret n° 2005-836 du 20 juillet pris pour l’application de l’article 97 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Il se prononce sur le caractère transférable des monuments qu’il a décidé d’analyser ou dont l’examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques, et avant toute cession par l’État de l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits. Les membres du Haut conseil du patrimoine sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à 30 ans qui concerne l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits.
« En outre, le Haut conseil du patrimoine :
« a) se prononce sur l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales de monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l’État ;
« b) identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux susceptibles d’avoir une utilisation culturelle et formule, pour chacun d’eux, des prescriptions dans le respect de celles de la Commission nationale des monuments historiques ;
« c) se prononce sur l’opportunité du déclassement du domaine public, en vue d’une revente, des monuments ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales. »
« Art. L. 611-2-2. – Le Haut conseil du patrimoine est constitué à parité de parlementaires, notamment de membres des commissions chargées de la culture du Parlement, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des administrations concernées par la gestion du domaine de l’État et des monuments historiques ainsi que de personnalités qualifiées choisies par le ministre chargé des monuments historiques pour leurs connaissances en histoire, en architecture et en histoire de l’art. Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil du patrimoine. »
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La liste établie par le Haut conseil du patrimoine ne comporte ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères, ni les palais nationaux, ni les monuments d'intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Comme je l’ai dit à l’instant, nous avons tenu à encadrer le rôle du Haut conseil en indiquant que la liste des monuments transférables ne pourrait comporter ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères, ni les palais nationaux, ni les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement empiète sur la mission du Haut conseil du patrimoine, chargé de définir les critères devant permettre de déterminer les monuments qui devraient rester propriété de l’État. En outre, le cas des cathédrales est déjà réglé par la loi.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Haut conseil sera composé, comme l’était la commission Rémond, de façon paritaire et indépendante. Le texte qui vous est proposé renvoie déjà aux critères qui ont permis d’établir la liste des monuments transférables au titre de la loi de 2004.
Indiquer ainsi par avance les catégories de monuments non transférables crée un a contrario que ne souhaitent pas, je pense, les auteurs de l’amendement, et qui peut gêner, ultérieurement, les travaux du Haut conseil.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Monsieur Dauge, l’amendement est-il maintenu ?
M. Yves Dauge. Oui.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais répondre à Mme le rapporteur et M. le ministre.
Je ne comprends pas en quoi le fait de retirer les monuments que l’on vient d’énumérer du champ des monuments transférables empiéterait sur les prérogatives du Haut conseil.
En réalité, une telle mesure répond à une préoccupation évoquée par Jack Ralite tout à l’heure. En effet, l’adoption de cet amendement permettrait de protéger certains bâtiments et monuments. Si une telle mesure avait été prise plus tôt, nous ne serions pas confrontés actuellement à certaines situations, telles que celle de l’hôtel de la Marine.
En conséquence, je souhaite que nos collègues votent pour cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer les mots :
qu'il a décidé d'analyser ou dont l'examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques, et
La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à élargir la mission de contrôle du Haut conseil du patrimoine sur les projets de transfert de monuments.
Nous souhaitons que cette mission porte sur tout projet de cession de l’État et non sur les seuls projets dont l’État voudra bien le saisir ou dont il souhaitera lui-même se saisir.
Un tel élargissement de ses missions donnera au Haut conseil une vision globale des questions relevant de sa compétence, lui permettra de juger de façon plus objective de tous les cas et le placera en meilleure situation pour résister aux éventuelles pressions.
Un contrôle systématique sur tous les biens vendus par l’État semble d’autant plus opportun qu’en aval de la procédure de transfert seraient désormais possibles, malgré le caractère inaliénable du patrimoine national, des déclassements pour revente – y compris à une personne privée – par la collectivité bénéficiaire, sans aucun contrôle si le bien a été transféré à titre payant à la collectivité et avec le contrôle préalable, autrement dit l’avis conforme, du Haut conseil du patrimoine pour les déclassements de monuments historiques cédés gratuitement par l’État à une collectivité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption limiterait l’analyse du Haut conseil du patrimoine aux monuments dont la vente est envisagée.
Doit-on attendre que l’État envisage de céder l’Arc de Triomphe ou le domaine national de Saint-Cloud pour que le Haut conseil puisse se prononcer sur leur cas ? C’est précisément l’objectif contraire qui est visé par le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. La précision que cet amendement vise à supprimer a pour objet de garantir l’indépendance du Haut conseil en instaurant un double mode de saisine pour l’examen des monuments : l’autosaisine ou la saisine par le ministre de la culture, sans parler de la saisine obligatoire en cas de projet de vente.
Elle vise également à lui permettre d’organiser ces travaux ponctuellement, selon les besoins liés aux restructurations administratives par exemple, ou de façon plus méthodique, au long cours, pour l’établissement de la liste qui résultera de l’examen de l’ensemble du patrimoine monumental et qui prendra sans doute plusieurs années.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
sont informés de
par les mots :
doivent également se prononcer sur
2° Supprimer les mots :
d'une durée supérieure ou égale à 30 ans
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. L’article 1er prévoit que le Haut conseil du patrimoine se prononce sur le caractère transférable des monuments avant toute cession par l’État de l’un de ces monuments. En revanche, concernant les baux emphytéotiques, le Haut conseil serait seulement « informé », et ce uniquement pour les baux de plus de trente ans.
Étant donné l’ampleur des droits qu’ouvre un bail emphytéotique, il n’est pas justifié de l’exclure du champ de contrôle du Haut conseil, qui doit être au service du patrimoine.
L’exemple de l’hôtel de la Marine, d’abord proposé à la vente pure et simple, puis à la conclusion d’un bail emphytéotique, montre que, en déplaçant le problème d’un point de vue juridique, on ne change en rien les fondements de ce scandale.
Le bail emphytéotique administratif ne remet en cause aucun des acteurs ni des projets proposés pour l’hôtel de la Marine ! Ce bail ne vient pas contrarier les perspectives de profits de grands groupes privés financiers, méprisant le caractère symbolique de ce lieu de mémoire national. Il ne permet pas de résoudre la question centrale : peut-on faire n’importe quel usage et affecter comme bon semble un monument inscrit ou classé ?
Parce qu’il est évident que la réponse est non, il faut soumettre tous ces baux au contrôle du Haut conseil du patrimoine. Il doit pouvoir s’y opposer, a fortiori si, comme l’a indiqué Mme Férat en commission, ils sont amenés à être nombreux.
Ils doivent donc être encadrés avec précision. À défaut, on créerait une alternative à l’aliénation qui, tout en ayant quasiment les mêmes effets, échapperait à la loi.
C’est tout le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Cartron, M. Dauge, Mme Lepage, M. Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer les mots :
sont informés
par les mots :
se prononcent
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de nous présenter M. Renar. Nous proposons, quant à nous, de remplacer les mots « sont informés » par les mots « se prononcent ».
L’exemple de l’hôtel de la Marine, qui est assez scandaleux, constitue la meilleure illustration de nos craintes. Un bail emphytéotique doit ainsi être conclu au profit d’opérateurs privés, d'ailleurs pilotés par l’ancien ministre de la culture, M. Donnedieu de Vabres.
Mme le rapporteur s’est elle-même émue de cette situation, puisque la commission a souhaité indiquer dans le texte que les membres du Haut conseil sont informés de tout projet de bail emphytéotique.
Nous pensons qu’une information a posteriori ne suffit pas. C’est pourquoi nous préférons que le Haut conseil se prononce sur tout projet, donc nécessairement a priori. Je ne reprendrai pas les arguments développés par M. Renar, mais j’y souscris pleinement.
La qualité et le nombre de ceux qui se sont émus de la situation – le dernier en date étant M. Balladur, ancien Premier ministre – témoignent pour nous : c’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Férat, rapporteur. Les amendements nos 2 et 12 visent à rendre systématique l’intervention du Haut conseil du patrimoine sur les projets de baux emphytéotiques. Or ceux-ci peuvent concerner des parties limitées d’un monument historique ou d’un domaine classé sans que cela ait d’impact sur le patrimoine de l’État.
Il ne serait pas opportun d’alourdir de façon excessive la charge de travail du Haut conseil. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à ces deux amendements.
L'amendement n° 38 que je vous présenterai dans quelques instants me semble constituer une alternative plus souple.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de Mme le rapporteur sur ces deux amendements : défavorable.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je constate que Mme le rapporteur et M. le ministre sont sur un rail, parallèle au nôtre, et que nous ne pourrons jamais nous rejoindre…
En effet, madame le rapporteur, vous ne répondez pas à la question de fond. Vous nous dites qu’il ne faut pas alourdir excessivement la charge de travail du Haut conseil et que des garanties sont prises. Mais quelles garanties peuvent donner le recueil d’un simple avis ou la communication d’une simple information ? Nous voulons aller beaucoup plus loin en demandant au Haut conseil de se prononcer sur les projets.
En réalité, en ne faisant pas écho à nos préoccupations – ce que je peux comprendre –, vous ne répondez pas aux souhaits des Français qui ne veulent pas voir se répéter des situations comme celle qui vient d’être évoquée.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme Férat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
; ils peuvent décider de rendre un avis lorsqu'un tiers au moins d'entre eux le demande
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement devrait être de nature à vous rassurer, mon cher collègue.
L'information du Haut conseil du patrimoine sur les projets de baux d'une durée supérieure à trente ans est systématique. Cet amendement prévoit qu'une minorité qualifiée de ses membres puisse demander l'autosaisine.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui répond à la préoccupation exprimée par les auteurs des deux amendements précédents sans en présenter les inconvénients.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Ralite et Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, M. Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Haut conseil du patrimoine est guidé dans ces décisions par le principe d'inaliénabilité des monuments inscrits ou classés. La cession et le bail emphytéotique ne sont consentis qu'à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l'État comme des collectivités territoriales.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Comme la mer sur les galets, nous défendons ici un amendement de repli.
Nous proposons l’inscription dans la loi du principe d’inaliénabilité des monuments inscrits ou classés, ainsi que l’exclusion de la procédure du bail emphytéotique administratif sur ces derniers.
À défaut, notre amendement prévoit que l’action du Haut conseil du patrimoine soit au moins guidée par ces mêmes principes.
Si la vente et le bail emphytéotiques sont permis, il faut a minima que le Haut conseil les encadre et les contrôle, tout en poursuivant l’impératif d’intérêt général. La cession et le bail doivent rester des modes de gestion dérogatoires du patrimoine national et la norme doit relever de la gestion de l’État ou, à défaut, des collectivités locales.
En aucun cas, le mode de gestion courant du patrimoine ne doit devenir celui de la délégation de service public, du partenariat public-privé, et encore moins de la cession pure et simple à des groupes privés.
Afin que cette loi ne permette pas les conditions de la dissolution de la responsabilité publique patrimoniale, nous proposons ainsi de rappeler les fondements qui motivent les décisions du Haut conseil. Il y va de l’avenir de nos monuments !