M. Richard Tuheiava. Il s’agit d’un amendement de repli. Dans cette proposition, la division des îles du Vent en trois sections, comme le prévoit le texte de la commission, serait maintenue, mais le découpage serait modifié afin qu’il soit équilibré du point de vue des populations.
La première section des îles du Vent comprendrait les communes d’Arue, Mahina, Papeete et Pirae, pour une population de 64 451 habitants.
La deuxième section des îles du Vent comprendrait les communes de Hitiaa O Te Ra, Moorea-Maiao et Papara sur Tahiti, ainsi que Taiarapu-Est, Taiarapu-Ouest et Teva I Uta, avec une population d’importance quasi similaire.
Enfin, la troisième section des îles du Vent comprendrait la commune redoutée, si j’ose dire, de Faa’a, mais également celles de Paea et Punaauia, pour une population de 67 264 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Lorsque la commission des lois a adopté la circonscription unique, elle a repris, comme je l’ai dit tout à l’heure, le découpage en sections prévu par le Gouvernement, parce qu’elle ne disposait pas d’éléments qui puissent la conduire à agir autrement. Le découpage du Gouvernement lui semblant pertinent, elle l’a retenu.
Au demeurant, elle était restée ouverte à toute autre proposition en lançant en quelque sorte un appel aux élus polynésiens, indiquant qu’elle modifierait éventuellement sa position en présence d’un projet de découpage faisant l’objet d’un consensus – je dis bien « consensus » et non pas « accord » – entre eux.
Les différents amendements déposés prouvent que ce consensus n’est pas réuni. Chacune des formules proposées est intéressante et pertinente, qu’il s’agisse de celle de Gaston Flosse ou de celles de Richard Tuheiava, mais aucune d’entre elles ne permet d’affirmer qu’elle serait meilleure que celle retenue par le Gouvernement. Je ne vois donc pas de raison de privilégier l’une de ces solutions, sauf si le Gouvernement venait à changer d’opinion. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il est certain que, lorsqu’on aborde ce texte, il est tentant de reprendre toute l’histoire de la Polynésie française. Néanmoins, je ne me prêterai pas à cet exercice, car nous pourrions y passer des jours.
Pour ma part, je voudrais simplement montrer, à l’occasion de ces débats, et pour qu’ils gardent toute leur sérénité, que la position du Gouvernement se fonde sur sa volonté d’assurer la stabilité politique de la Polynésie française. Au vu de la situation actuelle, en effet, nous avons aujourd'hui une obligation de résultat.
M. Frimat a conclu tout à l'heure son intervention en soulignant le bien-fondé de la circonscription unique. Chacun l’aura noté, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement visant à rétablir la solution des cinq circonscriptions qu’il avait prévue dans son projet de loi initial. Je considère en effet que l’unité de la Polynésie française est un point fondamental.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Et je n’oublie pas que le conseiller d’État Jacques Barthélémy avait suggéré d’instituer une circonscription unique.
Il reste que la Polynésie française couvre un territoire immense, de la taille de l’Europe, et que la question de la représentativité des élus y est essentielle. Or, de ce point de vue, la circonscription unique peut poser un problème, car, dans un tel cadre, il n’est pas exclu qu’un parti politique puisse présenter des candidats dont aucun ne serait issu des archipels éloignés. C’est d’ailleurs cette préoccupation qui vous a amenés, en commission, à exiger que les candidats se présentant dans une section soient inscrits sur les listes électorales d’une des communes de ladite section.
En tout cas, il y a là, vous le savez, une faiblesse juridique que l’on ne saurait sous-estimer, et c'est ce qui m’avait conduite à proposer un découpage en cinq circonscriptions. Nous avons évidemment pris en considération le poids démographique des différentes communes, mais en donnant un poids électoral légèrement plus important aux archipels isolés, afin de tenir compte de leur situation particulière, puisque ceux-ci représentent un peu plus de 20 % des sièges pour 17 % des électeurs. Cela se justifie par le souci d’assurer une bonne représentativité des élus au sein de l’assemblée de Polynésie française, où qu’ils soient élus.
Le découpage en cinq circonscriptions, madame Gourault, visait aussi à garantir le pluralisme. Il n’est pas certain, en effet, que les petits partis politiques aient les moyens de présenter des candidats et de faire campagne sur un territoire vaste comme l’Europe.
En résumé, notre préoccupation, ici, doit être de favoriser le pluralisme tout en garantissant la stabilité politique.
Si je suis très ouverte sur la question de la circonscription unique, je considère que le poids démographique n’est pas suffisamment pris en compte dans le découpage en six sections, et je pense qu’l convient de s’en tenir au découpage en huit sections retenu par la commission, assorti de l’exigence que j’ai rappelée.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Gaston Flosse, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
M. Gaston Flosse. M. le rapporteur connaît-il un seul découpage électoral ayant fait l’unanimité ? Il n’en existe aucun !
Il faut reconnaître que la circonscription unique recueille l’assentiment de presque tous les mouvements politiques. D’ailleurs, M. Tuheiava, qui n’est pas du même bord politique que nous, y adhère aussi, mais présente un autre découpage, avec un nombre de sections différent. Toutefois, la majorité des représentants des mouvements politiques que vous avez rencontrés, monsieur le rapporteur, approuvaient le découpage en neuf sections : c’est donc cette voie qu’il faut suivre. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
Par ailleurs, jamais des personnes issues des îles du Vent n’iraient se hasarder à se présenter dans les archipels éloignés, où seuls les représentants du terroir, implantés depuis des décennies, ont une chance de se faire élire ! Il n’y a guère que dans les îles du Vent que, par exemple, un habitant du Centre, pour reprendre mon découpage, pourrait avoir une chance de se faire élire dans la circonscription de l’Est, dans celle de l’Ouest ou dans celle du Sud, voire dans la circonscription des îles Sous-le-Vent. Ce fut le cas de M. Tong Sang qui, aux dernières élections à l’assemblée de la Polynésie française, se présenta aux îles du Vent alors qu’il était maire de Bora-Bora, commune des îles Sous-le-Vent. Une telle situation n’est envisageable qu’au sein de ces deux archipels.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article 105 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 105. – I. – Les représentants à l’assemblée de la Polynésie française sont élus au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de huit sections.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation dans chaque section.
« Sont éligibles dans une section, tous les électeurs d’une commune de la section et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes d’une commune de la section ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l’année de l’élection.
« II. – Au premier tour de scrutin, dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription. Ces sièges sont répartis dans chaque section conformément au tableau ci-après :
Première section des îles-du-Vent |
4 |
Deuxième section des îles-du-Vent |
4 |
Troisième section des îles-du-Vent |
4 |
Section des îles Sous-le-Vent |
3 |
Section des îles Tuamotu de l’Ouest |
1 |
Section des îles Gambier et des îles Tuamotu de l’Est |
1 |
Section des îles Marquises |
1 |
Section des îles Australes |
1 |
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section.
« III. – Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour le deuxième dimanche qui suit le premier tour. Seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % des électeurs inscrits. Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, la liste ayant obtenu après celle-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second tour. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second tour.
« La composition de ces listes peut être modifiée pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d’autres listes, sous réserve que celles-ci ne se présentent pas au second tour et qu’elles aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés. En cas de modification de la composition d’une liste, l’intitulé de la liste et l’ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés.
« Les candidats ayant figuré sur une même liste au premier tour ne peuvent figurer au second tour que sur une même liste. Le choix de la liste sur laquelle ils sont candidats au second tour est notifié aux services du haut-commissaire par le candidat placé en tête de la liste sur laquelle ils figuraient au premier tour.
« Dix-neuf sièges sont attribués à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de voix à ce second tour dans la circonscription. Ces sièges sont répartis entre chaque section conformément au tableau ci-dessus. En cas d’égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la plus élevée.
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne, entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour sur l’ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège dans une section, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 19, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 105 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 105 – I. – Les représentants à l’assemblée de la Polynésie française sont élus au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de six sections.
« II. – Il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre de sièges à pourvoir arrondi à l’entier supérieur ainsi réparti :
« 1° Dans la section des îles du Vent : neuf sièges ;
« 2° Dans la section des îles Sous-le-Vent : deux sièges ;
« 3° Dans les autres sections : un siège.
« Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés dans la section.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages dans la section. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
« III. - Les sièges sont répartis entre sections, dans l’ordre décroissant et au prorata des voix obtenues par chacune des listes dans chaque section. En cas d’égalité des suffrages, la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la plus élevée est placée en tête dans l’ordre de répartition des sièges.
« IV. – Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation de chaque liste dans chaque section. »
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Madame la présidente, les amendements nos 19, 20 et 21 sont des amendements de coordination et n’ont plus d’objet compte tenu des votes qui viennent d’intervenir.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 105 de la même loi organique est ainsi rédigé :
« Art. 105 – I. – Les représentants à l’assemblée de la Polynésie française sont élus au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste est constituée de huit sections.
« II. – Il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre de sièges à pourvoir arrondi à l’entier supérieur ainsi réparti :
« 1° Dans les sections des îles du Vent : trois sièges ;
« 2° Dans la section des îles Sous-le-Vent : deux sièges ;
« 3° Dans les autres sections, un siège.
« Les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne, entre les listes qui ont obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés dans la section.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages dans la section. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus.
« III. - Les sièges sont répartis entre sections, dans l’ordre décroissant et au prorata des voix obtenues par chacune des listes dans chaque section. En cas d’égalité des suffrages, la liste dont les candidats ont la moyenne d’âge la plus élevée est placée en tête dans l’ordre de répartition des sièges.
« IV. – Les sièges sont attribués aux candidats dans l’ordre de présentation de chaque liste dans chaque section. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise et Gillot, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer le mot :
huit
par le mot :
six
II. - Alinéa 6, tableau, lignes 1 à 3
Remplacer ces lignes par une ligne ainsi rédigée :
Section des îles-du-Vent |
12 |
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 4, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Je le répète, monsieur le rapporteur, jamais je n’ai vu un habitant des îles du Vent ou des îles Sous-le-Vent se hasarder à se présenter aux îles Tuamotu de l’Ouest, aux îles Gambier et aux îles Tuamotu de l’Est, aux îles Marquises ou aux îles Australes ! C’est M. Teina Maraeura, maire de Rangiroa, qui est le représentant des îles Tuamotu de l’Ouest à l’assemblée de la Polynésie française depuis des dizaines d’années, tout comme c’est M. Riveta, maire de Rurutu, qui y représente les îles Australes. Il n’y a jamais eu de « parachutage » dans les archipels éloignés !
C'est la raison pour laquelle je demande la suppression de cet alinéa 4.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cointat, rapporteur. Il s’agit d’un élément important du dispositif, pour des raisons peut-être plus symboliques que pratiques, comme vient de le dire fort justement notre collègue Gaston Flosse, dans la mesure où un candidat qui ne serait pas connu récolterait peu de voix, alors même que la répartition des sièges est opérée en fonction des voix obtenues dans la section.
Il importe toutefois de garantir aux archipels éloignés qu’ils ne seront pas moins bien représentés avec la circonscription unique.
Certes, le problème juridique soulevé par Mme la ministre ne nous a pas échappé : le Conseil constitutionnel validera-t-il cette disposition ?
S'agissant d’une loi organique, le Conseil constitutionnel sera obligatoirement saisi et devra se prononcer. Nous serons donc informés, sur ce point comme sur plusieurs autres. L’article 74 de la Constitution nous offre-t-il plus de souplesse en ce domaine que l’article 73 ? Qu’en est-il des dispositions spécifiques qui ont été prises concernant les élections législatives en Polynésie française, le premier tour se déroulant quinze jours avant le second tour, contrairement à ce qui se passe ailleurs, afin de tenir compte de l’immensité de ce territoire, qui, cela a été dit, couvre une superficie aussi vaste que l’Europe ?
Pour cette même raison, n’est-il pas nécessaire, afin d’assurer une juste représentation, de prévoir pour les candidats une condition, non pas de résidence, mais d’inscription sur les listes électorales d’une commune de la section, ce qui n’est pas tout à fait la même chose ? Pour ma part, je pense que oui.
Si le Conseil constitutionnel considère que nous nous sommes trompés, il invalidera l’alinéa 4 de l’article 2, ce qui reviendra à donner raison à Gaston Flosse. Si le Conseil constitutionnel ne s’y oppose pas, nous serons parvenus à une meilleure représentation des archipels éloignés, qui auront la garantie d’être représentés pour eux-mêmes. Il ne sera plus possible d’y « parachuter » qui que ce soit. Or il pourrait y avoir des tentations en ce sens, surtout, comme l’a dit Mme la ministre, dans les archipels où l’on sait que l’on récoltera peu de voix.
Il est donc nécessaire de recueillir l’avis du Conseil constitutionnel sur ce point. C’est fondamental au regard du droit des archipels éloignés à une vraie représentation et de l’engagement que nous avons pris de le leur garantir. La commission a, par conséquent, émis un avis défavorable sur l'amendement n° 4.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Je ne comprends pas votre amendement, monsieur Flosse. Si vous défendez la circonscription unique, si vous voulez le pluralisme et une bonne représentativité des élus, il faut maintenir cette disposition. Évidemment, le Gouvernement, lui, n’avait pas fait le choix de la circonscription unique, même si celle-ci lui paraît aller dans le sens de l’unité de la Polynésie française, parce qu’il considère qu’il y a là, au regard de la représentativité, une fragilité juridique.
Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, qui aggrave cette fragilité. Dans le cas d’une circonscription unique, il faut au moins garantir que les candidats seront inscrits sur les listes électorales de la section correspondante.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux jusqu’à dix-sept heures, car des installations techniques sont nécessaires pour assurer l’enregistrement télévisé des questions cribles thématiques consacrées à la politique audiovisuelle extérieure.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions cribles thématiques
politique audiovisuelle extérieure
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la politique audiovisuelle extérieure.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être formulée soit par l’auteur de la question soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddeï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs chronométriques ont été mis à la vue de tous.
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la société holding AEF devait permettre à l’audiovisuel extérieur de la France de rivaliser avec les incontournables BBC World et CNN et de porter haut ce fameux « regard français sur le monde ».
Il serait plus juste, aujourd’hui, de parler de « regard consterné du monde » sur notre audiovisuel extérieur, devant le spectacle offert par le P-DG d’AEF et sa directrice générale déléguée.
Tout en espérant que cette regrettable affaire sera bientôt derrière nous, j’évoquerai plus particulièrement la situation à RFI, Radio France Internationale.
Fleuron de notre audiovisuel extérieur, cette radio est depuis des mois, sous prétexte de modernité et de nouvelles synergies, l’objet d’une véritable entreprise de démolition.
Les faits sont là : un premier plan social en 2009, avec 206 suppressions de postes, pour un coût de 41,3 millions d’euros ; un second en préparation, estimé à 27,5 millions d’euros ; la suppression de six rédactions en langues étrangères ; la diminution programmée des productions en anglais ; et aujourd’hui, un déménagement dans des locaux mitoyens de ceux de France 24, générateur de coûts très importants – on parle de 24,5 millions d’euros –, du fait, notamment, de gros travaux de restructuration et d’un loyer au mètre carré supérieur à celui qui est versé à Radio France et qui, de plus, reviendra à un fonds de pension étranger.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, le point d’orgue de ce démantèlement sera-t-il la fusion des rédactions de RFI et France 24, alors même que ce projet ne comporte ni gain social, ni gain économique, ni même gain stratégique ?
Par ailleurs, AEF est aujourd’hui sous le coup d’un double examen, de la part de l’inspection générale des finances et d’une mission d’information de l’Assemblée nationale, laquelle a clairement souhaité qu’aucune décision « irréversible » ne soit prise avant la remise de son rapport.
Monsieur le ministre, en attendant les relevés de conclusions, ne pouvez-vous, enfin, exercer votre pouvoir de tutelle et suspendre la « descente aux enfers » de RFI ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous évoquez une « descente aux enfers » quand il n’est question que d’une réorganisation de RFI.
En 2009, cette radio connaissait une situation financière véritablement critique, reflétant une crise existentielle profonde et une totale inadéquation aux messages qu’elle se devait de véhiculer et aux publics auxquels elle était censée s’adresser. En d’autres termes, elle avait perdu le cap.
La réorganisation décidée avait pour but de permettre à la société de retrouver l’équilibre budgétaire et de s’adapter aux évolutions géopolitiques et technologiques de son environnement.
Les départs prévus dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi de RFI sont effectifs et ont permis de préserver les autres postes. Parallèlement, le plan global de modernisation de la radio se poursuit.
Un premier groupe de personnels est donc d'ores et déjà parti : 275 personnes ont d’ailleurs demandé à quitter l’entreprise alors que 206 suppressions de postes seulement étaient programmées.
Mme Claudine Lepage. Ça, on le sait !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il est maintenant question d’une deuxième tranche. Tout cela se fait dans une concertation à la fois complète et permanente.
Mme Catherine Tasca. Non !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mais si, madame !
RFI ne pouvait plus continuer à fonctionner ainsi.
J’ajoute que, parallèlement, 35 emplois ont été créés.
M. le président. Monsieur le ministre, il vous faut conclure.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je rappelle que le maintien de rédactions dans un certain nombre de pays, dont la Pologne, n’avait plus de sens, d’autant que tout le territoire africain était encore à reconquérir.
Par conséquent, madame Lepage, je ne pense pas du tout que la réforme actuelle de RFI nuise à l’avenir de cette radio, bien au contraire.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour la réplique.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, votre réponse n’est pas de nature à apaiser mes craintes.
Vous parlez de réforme ; moi, j’ai parlé de fusion. Si la fusion des rédactions n’est pas actée, vous conviendrez qu’il existe un faisceau d’indices concordants : un déménagement, une procédure de plan social largement entamée au niveau des instances représentatives du personnel, déjà réunies à deux reprises.
La question essentielle est bien celle-ci : à qui profiterait une telle fusion ? Certainement pas aux employés puisque les effectifs devraient diminuer de 327 personnes en quelques mois. Pas davantage à l’État, à qui les plans sociaux et le déménagement coûteraient 90 millions d’euros. Reste l’intérêt stratégique : mais radio et télévision sont deux supports différents, induisant bien deux métiers distincts.
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Claudine Lepage. Je ne suis pas une spécialiste, mais il me semble qu’on ne fait pas de la télé comme on fait de la radio : une fusion ne profiterait donc même pas aux auditeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Il n’a échappé à personne qu’un différend profond oppose sur la place publique le P-DG de la holding AEF, M. Alain de Pouzilhac, et la directrice générale déléguée, Mme Christine Ockrent.
Il est temps aujourd’hui de mettre fin à ce contentieux et de rétablir rapidement un climat de confiance qui permette à notre audiovisuel extérieur d’avancer au lieu de devenir un sujet récurrent dans la presse nationale et internationale.
De retour de Scandinavie, d’Asie et d’Australie, je suis frappé par la dureté de la concurrence dans le ciel médiatique, concurrence que nous avons, en France, tendance à sous-estimer.
Dans la guerre de tranchées qui divise AEF, il est capital que les salariés de la holding puissent retrouver au plus vite la sérénité et la créativité indispensables pour relever les défis d’importance auxquels notre pays doit faire face.
Il est essentiel, monsieur le ministre, de s’atteler dès à présent à la reconfiguration du statut de l’audiovisuel extérieur au sein de l’État et de revoir en conséquence les règles qui régissent la tutelle exercée par la puissance publique.
Le moment de la crise, finalement, est opportun. Le fonctionnement actuel d’AEF suscite bien des interrogations et beaucoup de suspicion ; il est, de toute évidence, très dommageable au regard de la mission de service public que devrait remplir la holding. Le contrat d’objectifs et de moyens, en négociation depuis plusieurs années avec l’État, n’est toujours pas signé, ce qui est pour le moins révélateur.
Après l’échec, très coûteux, du partenariat public-privé avec TF1, allons-nous engager de nouveaux fonds publics pour sortir d’une crise qui, cette fois-ci, a franchi un nouveau cap avec la saisine, annoncée par l’un des protagonistes, du tribunal de commerce ?