M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir posé cette question. Il faut bien reconnaître que le tableau que vous venez de dresser comporte une grande part de vérité.

D’un côté, j’affirme fortement que cette réforme, à maints égards très positive, était nécessaire ; de l’autre, je déplore, tout comme vous, cette « guerre des chefs » – une expression qui pourrait prêter à rire en d’autres circonstances ! – et l’opacité du fonctionnement général d’AEF, qui explique pourquoi j’ai demandé à l’inspection des finances de me remettre un rapport : il s’agit d’y voir clair et de définir plus solidement le contrat d’objectifs et de moyens.

Je ne reviendrai pas sur vos considérations concernant le transfert de l’audiovisuel extérieur de la France sous la tutelle du ministère de la culture et de la communication. Contrairement à vous, je considère qu’il s’agit d’une très bonne décision et que mon administration est tout à fait compétente pour suivre ce dossier de près.

Nous attendons les rapports de l’inspection des finances et de la mission parlementaire pour donner à la réforme les prolongements bénéfiques que l’on peut en espérer.

Il est question, non pas de fusionner RFI et France 24,...

M. Guy Fischer. C’est pourtant ce qui se dit !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. ... mais de réunir les opérateurs au sein d’un seul groupe mutualisé dans lequel tous les personnels travailleraient ensemble et partageraient les mêmes locaux, et où les journalistes, qui se connaissent et exercent leur métier sur le terrain avec un professionnalisme exceptionnel, échangeraient leurs informations.

Vous l’avez dit très justement, madame Tasca, les journalistes de RFI jouent un rôle essentiel, en Afrique notamment. Je tiens à leur rendre hommage, tout comme à ceux de France 24, qui ont également joué un grand rôle lors de la révolution rabe.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour la réplique.

Mme Catherine Tasca. Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre, même si elles ne me rassurent pas tout à fait.

Si nous ne voulons pas connaître à nouveau les errements précédents, lourdement préjudiciables à la politique extérieure de la France, nous ne devons pas regarder le passé, mais nous tourner vers l’avenir.

Je conteste certaines de vos analyses.

Tout d’abord, je n’approuve absolument pas le bilan très négatif établi par les deux dirigeants de RFI.

Ensuite, vous dites souhaiter une autonomie de la holding. Je considère, pour ma part, que celle-ci doit s’inscrire beaucoup plus nettement au sein de la politique extérieure de la France.

Enfin, s’agissant de TV5, vous avez évoqué des perspectives de mutualisation. Je me permets de rappeler qu’il s’agit d’une organisation multilatérale et que la mutualisation n’est donc pas forcément une voie souhaitable pour cette chaîne.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Catherine Tasca. Nous attendons que l’État reprenne très fermement ce dossier en main et résolve, notamment, les problèmes du management, du projet et de la stratégie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, alors que je vous alertais au sujet de RFI en 2009, vous me répondiez, confiant dans le montage de vos prédécesseurs : « Un plan global de modernisation a été présenté au comité d’entreprise. » Depuis, il n’y a même plus de contrat d’objectifs et de moyens !

Les ressources de RFI ont été siphonnées au bénéfice de France 24, et aussi du train de vie professionnel du président et de la directrice de la holding, lesquels sont en conflit ; cette dernière ne vient d’ailleurs plus travailler...

Au-delà des symptômes de la pire ambiance possible, jusqu’à des accusations d’espionnage et de piratage, France 24 accumule les échecs.

L’autoritarisme y coexiste avec le manque de professionnalisation et d’encadrement. Ainsi, de nombreux jeunes journalistes inexpérimentés se retrouvent polyvalents et sont envoyés au « front ». Beaucoup de correspondants n’interviennent que par téléphone… Vive la télévision !

Les erreurs dans le lancement des sujets et les fautes d’orthographe dans les bandeaux font les délices... du zapping d’Al Jazeera.

On recycle des images et plus de 40 % de sujets déjà diffusés sur France 2 ou France 3. On dépense encore 2 millions d’euros par an pour acheter des images à TF1, qui s’était déjà enrichi de 1 981 500 euros en revendant sa part du capital de France 24.

Malmenés, sans perspectives, les salariés éprouvent une grande fatigue morale et physique : cadences accélérées, précarité, départs, tentatives de suicides... Ceux de la version arabophone peuvent travailler de nuit et enchaîner, dès le matin, la journée suivante...

Le budget est entamé par l’installation du nouveau siège, les embauches-départs à l’amiable, avec primes substantielles, les plans sociaux, les dédommagements après action aux prud’hommes, et ce au détriment de la présence sur le terrain et de bureaux à l’étranger.

Monsieur le ministre, comment allez-vous restaurer la confiance après ce gâchis d’argent public et de talents de journalistes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la mesure où je partage certaines de vos analyses, vous en conviendrez, la tâche n’est pas très facile pour moi cet après-midi !

Premièrement, madame Blandin, je déplore, moi aussi, la « crise des chefs », révélatrice d’un certain nombre d’approximations dans la conduite d’une réforme qui était nécessaire.

Deuxièmement, une fois mise en œuvre, cette réforme a permis de renforcer le capital et la professionnalisation remarquable des personnels de RFI, comme elle a permis l’installation et le développement de France 24.

Il convient donc, d’une part, de surmonter la crise, réelle, que nous traversons actuellement et, d’autre part, de reprendre le chemin de la réforme en appliquant bien celle-ci.

Troisièmement, c’est précisément, je l’ai dit, pour avoir enfin une bonne visibilité que j’ai demandé qu’un contrôle soit effectué par l’inspection générale des finances, et je me réjouis que la mise en œuvre de la réforme fasse de surcroît l’objet d’une mission d’information parlementaire.

La réforme, madame Blandin, va donc non seulement se poursuivre, mais elle va se poursuivre dans la clarté et avec les appuis financiers que notre audiovisuel extérieur mérite de recevoir de l’État.

Je disposerai des résultats des travaux actuellement menés d’ici à la fin du mois de juin, mais, d’ores et déjà, j’ai arrêté plusieurs principes que je tiens à mettre en œuvre dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens. Je peux vous assurer que je m’occuperai de ce dossier avec la plus grande attention, comme je l’ai d’ailleurs fait jusqu’à présent. Malheureusement, la crise de direction entre les deux chefs rendait la situation extrêmement difficile à gouverner, même pour l’autorité de tutelle.

Mme Catherine Tasca. Qui les avait nommés ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour la réplique.

Mme Marie-Christine Blandin. Je veux d’abord insister sur le fait que la trésorerie de RFI avait été fragilisée par des avances, qui n’ont pas été remboursées, à Doualiya et à Euranet.

Ensuite, je vous remercie, monsieur le ministre, de l’appréciation que vous portez sur les salariés de RFI, qui vous en seront reconnaissants.

Une ministre a pu se tromper par le passé, le Parlement également. Cela peut arriver à tout le monde ! L’important est de ne pas persévérer dans l’erreur et, de ce point de vue, j’estime que le départ de la directrice ne suffira pas. Pour ma part, je veux que l’on évalue à nouveau la pertinence du retour de RFI dans Radio France : c’est un scénario qu’il ne faut pas balayer.

Par ailleurs, il faut sortir de la guerre des clans à France 24, en finir avec les caprices… La diffusion à la même seconde du même message dans toutes les langues ne tombe pas nécessairement sous le sens !

Enfin, rien ne se fera sans le respect des journalistes non plus que sans l’indispensable dialogue social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être venu répondre aux questions des sénateurs.

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles sur la politique audiovisuelle extérieure.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

5

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française
Article 2

Fonctionnement des institutions de la Polynésie française

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française
Article 3

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Je rappelle que dix amendements avaient été appelés en discussion commune. Quatre d’entre eux ont d’ores et déjà été examinés : les trois premiers – les amendements nos 19, 20 et 21 – ont été considérés comme n’ayant plus objet, tandis que le quatrième – l’amendement n° 4 – a été rejeté. Dans ces conditions, les six amendements restants seront examinés dans le cadre de deux discussions communes successives.

J’appelle donc maintenant trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 22, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 5 et 6

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II. – Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription un nombre de sièges égal au quart du nombre de sièges à pourvoir arrondi à l’entier supérieur ainsi réparti :

« 1° Dans les sections des Îles du Vent : trois sièges ;

« 2° Dans la section des îles Sous-le-Vent : deux sièges ;

« 3° Dans les autres sections, un siège.

II. - Alinéa 11, première phrase

Remplacer le mot :

dix-neuf

par le mot :

quinze

III. - Alinéa 11, deuxième phrase

Remplacer les mots :

conformément au tableau ci-dessus

par les mots :

conformément au II

La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. Cet amendement prévoit qu’une prime majoritaire égale à un quart des sièges, c'est-à-dire quinze sièges, sera attribuée à la liste arrivée en tête dans l’ensemble de la collectivité et sera ensuite ventilée entre les différentes sections.

J’estime en effet qu’une prime de quinze sièges est suffisante pour que se dégage une majorité absolue au sein de l’assemblée de la Polynésie française.

Nous nous inspirons là du mode de scrutin des élections régionales, selon lequel la liste arrivée en tête au premier tour obtient le quart des sièges à pourvoir, et non le tiers.

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Flosse, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer le mot :

dix-neuf

par le mot :

quinze

II. - Alinéa 6, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

Section des Îles-du-Vent du Centre

2

Section des Îles-du-Vent de l’Ouest

3

Section des Îles-du-Vent de l’Est

2

Section des Îles-du-Vent du Sud

2

Section des Îles Sous-le-Vent 

2

Section des Îles Tuamotu de l'Ouest 

1

Section des Îles Gambier et Tuamotu de l'Est 

1

Section des Îles Marquises 

1

Section des Îles Australes

1

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Remplacer le mot :

dix-neuf

par le mot :

quinze

II. – Alinéa 6, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

Première section des îles-du-Vent

3

Deuxième section des îles-du-Vent

3

Troisième section des îles-du-Vent

3

Section des îles Sous-le-Vent

2

Section des îles Tuamotu de l’Ouest

1

Section des îles Gambier et des îles Tuamotu de l’Est

1

Section des îles Marquises

1

Section des îles Australes

1

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La prime majoritaire est l’un des éléments de la stabilité politique de la future assemblée de la Polynésie française. Elle doit répondre à deux objectifs : premièrement, garantir l’existence d’une majorité authentique pour ceux qui seront appelés à gérer les affaires de la collectivité ; deuxièmement, assurer la représentation pluraliste des courants de pensée présents dans la vie politique locale.

Le choix de la commission des lois, fondé sur la mise en place d’une circonscription unique, nous paraît pertinent au regard du premier objectif. La circonscription unique limite en effet les risques de « nomadisme » électoral et l’émergence de forces d’appoint qui, leur poids n’étant dû qu’à une victoire aux élections dans tel ou tel archipel éloigné, pourraient proposer joindre leurs voix à celles du plus offrant et, partant, favoriser les combinaisons politiques qui ont tant nui à l’équilibre institutionnel local.

Le choix d’une circonscription unique participe également de l’affirmation de la réalité polynésienne dans sa diversité, et c’est là un point essentiel.

Toutefois, nous souhaitons que la prime accordée au vainqueur ne prive pas les autres forces politiques de toute représentation. Outre que la diversité des sections électorales conduira probablement à des ajustements complexes de représentation, il convient d’éviter qu’un parti ou une coalition minoritaire dans une des sections ne soit favorisé par une attribution initiale des élus trop généreuse.

Si notre amendement était adopté, une liste arrivée en tête avec 40 % des voix disposerait d’au moins trente et un sièges à l’assemblée territoriale, ce qui lui permettrait d’exercer les responsabilités les plus importantes, tandis qu’un résultat inférieur pourrait fort bien l’amener à composer avec d’autres forces, ce qui serait du reste logique dans ce cas.

La prime d’un tiers prévue dans le texte initial aurait un défaut, à savoir qu’une liste arrivée en tête avec 35 % des voix obtiendrait une prime de dix-sept élus s’ajoutant à au moins treize élus au premier partage. Cela signifie qu’un tiers environ du corps électoral pourrait décider pour les deux autres tiers.

Il convient de parvenir à un équilibre plus juste dans la représentation de chacune des forces politiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Afin que la question de la prime majoritaire soit mieux comprise, il faut reprendre la genèse du dossier.

Quand le Gouvernement a proposé une prime de 33 %, il se fondait sur un système comportant cinq circonscriptions. De fait, compte tenu du poids d’archipels éloignés dans certaines de ces circonscriptions, une prime d’un tiers était nécessaire pour que puisse exister une relative stabilité.

Il est vrai que, dès lors que l’on opte pour un système de circonscription unique, une prime de 25 % pourrait être suffisante. Toutefois, il faut prendre garde à la cohérence de l’ensemble. N’oubliez pas que, si nous avons retenu le principe de la circonscription unique avec sections, nous avons également décidé de ramener les conditions d’adoption d’une motion de défiance de l’obtention des trois cinquièmes des voix à celle de la majorité absolue. Or, en l’absence d’une prime de 33 %, la possibilité d’adopter une motion de défiance dans ces conditions est dangereuse.

Je m’adresse à nos collègues du groupe CRC-SPG : une majorité de trente et un sièges sur cinquante-sept est fragile puisqu’il n’est besoin que de « débaucher » deux personnes pour la renverser. On se retrouverait presque dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, ce qui n’est guère satisfaisant.

Si l’on optait pour une prime de 25 % au lieu de 33 %, il faudrait en revenir à l’exigence d’une majorité des trois cinquièmes pour l’adoption d’une motion de défiance. Cela arrivera peut-être, du reste, puisque le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, mais la logique du texte de la commission des lois impose de s’en tenir à une prime de 33 %.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Je voudrais compléter les propos de M. le rapporteur en rappelant l’objet de ce texte. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c’est parce qu’il existe un problème d’instabilité en Polynésie française.

L’ensemble du texte repose sur deux choix très forts faits par le Gouvernement. Il s’agit de garantir la stabilité grâce, d’une part, à une prime majoritaire, dont il ne faut donc pas affaiblir l’efficacité, et, d’autre part, à l’élévation du seuil d’adoption d’une motion de défiance, outil qui, pendant des années, a été détourné de son objet.

Il serait vain d’accomplir une énième réforme électorale à l’issue de laquelle la majorité se jouerait à deux sièges ; l’histoire montre qu’une majorité d’au moins trois ou quatre sièges sont nécessaires pour garantir une certaine stabilité politique en Polynésie française. Même si cela ne nous paraît pas idéal du point de vue de la représentativité politique, il faut privilégier cette stabilité, car il y a une demande forte de la population polynésienne pour que l’on apporte des réponses à ses problèmes et que leur collectivité ne demeure pas engluée dans un système de changements de majorité motivés uniquement par des intérêts personnels.

Nous devons garder à l’esprit cette nécessité de conforter la prime majoritaire, qui est au cœur de la réforme, et le Gouvernement est défavorable à tout ce qui pourrait l’affaiblir.

Mme la présidente. Monsieur Tuheiava, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?

M. Richard Tuheiava. Je remercie M. le rapporteur de nous avoir rappelé la logique des travaux de la commission des lois, et je retire mon amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 22 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 23, présenté par MM. Tuheiava, Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8, deuxième phrase

Remplacer les mots :

10 % des électeurs inscrits

par les mots :

12,5 % du total des suffrages exprimés

La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. Cet amendement vise à favoriser le pluralisme dans la représentation.

À titre d’exemple, pour les élections des conseillers municipaux et des conseillers régionaux, le seuil d’accessibilité au second tour est fixé à 10 % des suffrages exprimés, et pour l’élection des conseillers à l’assemblée de Corse, ce seuil est de 7 % des suffrages exprimés.

Nous estimons que le seuil de 12,5 % des suffrages exprimés que nous proposons pour les élections à l’assemblée de la Polynésie française pourrait faciliter l’accès des petits partis au second tour. Cela pourrait certes aller à l’encontre de l’objectif de stabilité, mais l’objectif de pluralisme justifie que nous prenions ce risque.

Mme la présidente. Les amendements nos 7 et 11 sont identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par Mme Gourault.

L'amendement n° 11 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8, deuxième phrase

Remplacer les mots :

électeurs inscrits

par les mots :

suffrages exprimés

L’amendement n° 7 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 11.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement se justifie d’abord pour des raisons de principe. Nous sommes attachés à ce que la future assemblée de la Polynésie française soit le plus possible représentative de la diversité des sensibilités politiques présentes sur son territoire. Dès lors, tout ce qui peut contribuer à restreindre le pluralisme doit, à notre sens, être écarté.

Par ailleurs, les modes de scrutin qui existent en métropole, par exemple pour les élections régionales ou municipales, peuvent également être instaurés en Polynésie française.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Cointat, rapporteur. L’amendement n° 11 constitue un recul par rapport à la situation actuelle, dans laquelle le seuil d’accessibilité au second tour est fixé à 12,5 % des suffrages exprimés.

Le premier texte du Gouvernement prévoyait que ce seuil serait de 12,5 % des électeurs inscrits, mais, à la suite de l’avis de l’assemblée de la Polynésie française, il a été abaissé à 10 % des électeurs inscrits. Prévoir 10 % des suffrages exprimés constituerait donc une régression, en contradiction avec la volonté que nous avons manifestée. C'est pourquoi, même si je comprends la démarche qui a présidé à l’élaboration de l’amendement n° 11, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

En revanche, nous ne nous sommes pas prononcés en commission, à part ce matin, sur la question que soulève l’amendement n° 23 : nous avons simplement retenu le seuil de 10 % des électeurs inscrits figurant dans le texte du Gouvernement. Mais je dois reconnaître que ce n’est pas le seuil de 12,5 % des suffrages exprimés qui a créé des problèmes d’instabilité en Polynésie française. C'est pourquoi je préfère m’en remettre à l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. S'agissant de l’amendement n° 11, je partage la position de M. le rapporteur et émets donc un avis défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement n° 23, il est vrai que l’on peut s’interroger sur la possibilité de maintenir un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés. Toutefois, il faut tenir compte du taux de participation, qui est aujourd'hui relativement fort en Polynésie française. C’est ce taux qui explique qu’on arrive à peu près au même résultat avec un seuil de 10 % des électeurs inscrits et avec un seuil de 12,5 % des suffrages exprimés. Il est donc préférable, si l’on veut assurer une certaine stabilité, de prévoir une garantie en calculant le seuil par rapport aux électeurs inscrits.

C'est la raison pour laquelle nous avons accepté d’abaisser le seuil de 12,5 % à 10 % des électeurs inscrits. En effet, si l’objectif est certes de permettre le pluralisme, nous devons veiller à ce que le pluralisme n’engendre pas en fin de compte de l’instabilité politique. Il faut donc à la fois rechercher une bonne représentation des forces politiques présentes en Polynésie française et, en même temps, faire en sorte que puissent se dégager des majorités de travail. C’est l’objet de la réforme.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote sur l’amendement n° 23.

Mme Jacqueline Gourault. Je suis arrivée trop tard dans l’hémicycle pour présenter mon amendement n° 7, mais j’avais de toute façon l’intention de le retirer au profit de l’amendement n° 23, qui permet de favoriser à la fois la stabilité et le pluralisme, objectifs que je soutiens, ainsi que je m’en suis expliquée dans la discussion générale.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Madame la ministre, selon vous, en Polynésie française, il n’y aurait pas de différence entre 10 % des électeurs inscrits et 12,5 % des suffrages exprimés. Si cela revient à peu près au même, si cela n’affecte en rien des principes fondamentaux, pourquoi ne pas faire plaisir au Parlement en acceptant ce dernier seuil ? (Sourires.)

Pour la population polynésienne, le fait qu’on retienne un seuil de 10 % des électeurs inscrits sera perçu comme une marque de défiance. Or vous voulez établir la confiance.

Aux termes de la législation actuelle, seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des suffrages exprimés. Cependant, comme Christian Cointat l’a fort justement indiqué, ce n’est pas cela qui est à l’origine des perturbations que nous savons.

Selon les échos qui nous sont parvenus, aux yeux de certains acteurs polynésiens – Jacqueline Gourault a évoqué ce point –, le pourcentage de 12,5 % des suffrages exprimés constitue un frein. Si tel était réellement le cas, je pourrais comprendre la position du Gouvernement, madame la ministre. Mais vous soutenez que, quel que soit le pourcentage retenu, la situation sera la même. Rendez-vous compte : vous êtes en train de rater une occasion extraordinaire de faire plaisir à un certain nombre de personnes, indépendamment de tout débat sur le fond. (Sourires.) Alors, je ne vous dis pas « encore un petit instant, monsieur le bourreau », mais « encore un petit effort, madame la ministre » ! Remettez-vous en donc à la sagesse du Sénat ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur Frimat, les deux solutions auraient certes le même résultat, mais seulement dans le contexte particulier qui est aujourd'hui, sur le plan de la sociologie électorale, celui de la Polynésie française, c'est-à-dire celui d’un très fort taux de participation, situé entre 75 % et 80 %.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Demain, ce taux ne sera pas nécessairement aussi élevé et, si l’option des 12,5 % des suffrages exprimés est retenue, il pourra en résulter un risque d’éparpillement des voix et donc d’impossibilité de constituer des majorités.

J’aimerais vous faire plaisir et m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, monsieur Frimat, mais je préfère maintenir l’avis défavorable du Gouvernement, afin que, dans quelques années, il ne nous soit pas reproché d’avoir procédé à une énième réforme sans effets positifs sur la stabilité politique.

M. Bernard Frimat. Il y a tout de même la prime majoritaire !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.

M. Richard Tuheiava. Je comprends l’argument que vous venez d’exposer, madame la ministre. Mais, comme vous le savez, sur le terrain, le plus grand défi auquel nous serons confrontés lors des prochaines élections territoriales fixées à 2013, sauf élections anticipées, est non pas tant l’application des règles que le taux de participation. Je ne suis pas sûr que le risque encouru soit celui de l’éparpillement des voix que vous avez évoqué. Cet argument n’est pas recevable.

D’après ce que nous savons, il ne semble pas que la participation sera massive lors des prochaines élections territoriales.