M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 296 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Henri de Raincourt. Avec 166 pour et 176 contre, on se rapproche !
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Collombat, Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, d'une motion n°105 rectifié.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (Procédure accélérée) (n° 723, 2012–2013).
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la motion.
M. Jacky Le Menn. Il la retire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. « La femme de César ne saurait être soupçonnable. » (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Ainsi le futur maître de Rome justifiait-il, voilà bien longtemps, à la fois la répudiation de sa seconde épouse et – ce que l’on oublie généralement – l’absolution de son séducteur.
M. Pierre-Yves Collombat. « Les uns prétendent que César parla comme il pensait ; », commente Plutarque, « d’autres croient qu’il cherchait à plaire au peuple, qui voulait sauver l’accusé […] afin, d’un côté, de ne pas s’attirer, par sa condamnation, le ressentiment du peuple et, de l’autre, pour ne pas se déshonorer aux yeux des bons citoyens par une absolution formelle. »
Sous la République consulaire qui est la nôtre, que le titulaire du pouvoir suprême commette une erreur de casting trop voyante dans le choix de l’un de ses ministres et c’est l’ensemble des élus nationaux, une bonne partie des élus locaux et des acteurs de la vie publique qui sont sommés, comme la femme de César,…
Mme Françoise Cartron. Encore ?...
Mme Anne Emery-Dumas. Propos sexiste !
M. Pierre-Yves Collombat. … de rendre des comptes, non pas seulement de ce qu’ils font, mais aussi de la manière dont les autres le perçoivent.
Pour que leur vertu ne faiblisse pas, les voici placés sous la surveillance des électeurs, des réseaux de formatage de l’opinion en charge du pilori symbolique.
Sauver les apparences en détournant l’attention des coupables fonctionnels sans effleurer ce qui fâche fait partie de l’arsenal de gouvernement, particulièrement par temps de crise.
La crise durant, s’approfondissant même, faute de remèdes adaptés, cette accélération de l’histoire n’a rien d’étonnant. D’affaire Cahuzac en affaire Woerth, quelques dizaines de mois seulement séparent le présent projet de loi de la loi organique du 14 avril 2011, elle aussi d’inspiration élyséenne.
Bénéfices secondaires en 2011 : donner l’impression de rattraper un retard supposé sur nos voisins dans la défense de l’ordre moral en rebaptisant « conflit d’intérêts » ce qui ressemblait trop à un peu reluisant trafic d’influence.
Bénéfice secondaire aujourd’hui : renforcer un peu plus le contrôle judiciaire, bureaucratique et d’opinion sur les élus nationaux et locaux.
Et pourtant, dans la chronique des scandales politiques de ces trente dernières années, on peine à trouver la trace de parlementaires, en tout cas en tant que tels. On y trouve essentiellement des membres de l’exécutif ou des personnes lui étant liées par toute la gamme des liens, de la connivence de classe inconsciente au calcul froid, en passant par les liens familiaux, de camaraderie ou d’amitié.
Tout simplement parce que, notre système concentrant l’essentiel du pouvoir politique à l’Élysée et dans ses satellites, les nécessités de sa conquête et de sa perpétuation rendent peu regardant sur les moyens.
Tout simplement parce que c’est là que tout ce qui compte se décide, choix généraux comme décisions de portée individuelle et pratique. Pas au Parlement !
Comment empêcher alors, lorsque tout se joue là, qu’il en aille différemment ? Comment éviter que l’élection présidentielle, perçue de moins en moins comme un acte politique et de plus en plus comme une cérémonie magique de conjuration et de résurrection, ne débouche sur la désillusion et la rancœur ?
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. « Réduction de la fracture sociale », « Travailler plus pour gagner plus », « Le changement, c’est maintenant » : même si elles jouent leur rôle dans la présidentielle, cette élection se fait non pas sur des promesses précises, mais sur l’espoir que l’on a réussi à faire naître.
« Le changement, c’est maintenant », c’est, traduit l’électeur, « le changement pour moi », non pas la ixième réforme structurelle de ceci ou de cela, non pas la réforme pour rassurer Bruxelles, Berlin, le CAC 40 ou les marchés, que sais-je.
La désillusion naît du décalage de plus en plus grand entre la politique et la communication qui en tient lieu.
M. Philippe Bas. Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. Le problème de la Ve République finissante n’est pas le Parlement, c’est l’exécutif !
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est l’absence de contre-pouvoirs politiques réels qui explique les dérives dont se nourrit le désaveu populaire. Et c’est pourtant le pouvoir législatif que l’on entend affaiblir.
M. Gérard Longuet. Voilà un vrai républicain !
M. Pierre-Yves Collombat. Dans son intervention, Alain Anziani rappelait l’affaire du Mediator. Précisément, cette affaire a été rapidement réglée, et sans qu’il faille changer la loi.
Au Parlement, regardons les choses de près. Même les cavaliers masqués du petit matin ne peuvent aboutir sans l’intervention ou le consentement de l’exécutif.
L’affaire Tapie nous renvoie à un exemple récent. En février 2007, au cours de la campagne présidentielle, alors que nous examinions la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, un amendement nous a soudainement été soumis qui visait à élargir le champ d’utilisation de la procédure d’arbitrage et, bien évidemment, à la sécuriser. On a vu ce qui s’est passé par la suite…
Le bon sens et l’honnêteté voudraient donc qu’avant de désigner, dans l’urgence, les responsables à la vindicte publique et de bricoler à la hâte des remèdes législatifs destinés à faire tomber la fièvre, on prenne le temps du diagnostic, de l’inventaire des moyens de traitement déjà disponibles et de leurs marges d’amélioration, car il y en a.
Le bon sens et l’honnêteté intellectuelle voudraient que l’on s’interroge sur la nature du processus de décision démocratique, sur ce que signifie « intérêt général », plutôt que de se contenter de psalmodier qu’il n’est pas la somme des intérêts particuliers, ce qui ne permet guère d’avancer.
Le bon sens et l’honnêteté intellectuelle voudraient, corrélativement, que l’on définisse en quoi consiste le « conflit d’intérêts » pour un parlementaire, les limites de la notion, ses rapports avec les « manquements au devoir de probité » du code pénal : « prise illégale d’intérêts », « favoritisme », « trafic d’influence ».
Les conditions dans lesquelles ces projets de loi ont pu être examinés par la commission des lois, je n’y insiste pas, mériteraient à elles seules cette demande de retour à la commission, d’autant que celle-ci, comme cela a été rappelé plusieurs fois, a produit, voilà deux ans à peine, un rapport suffisamment fouillé pour servir de point de départ à notre réflexion.
Malheureusement, M. le rapporteur en a retenu surtout les propositions allant dans le sens répressif, en évitant soigneusement d’en épouser la logique et l’essentiel, à savoir l’absence de publicité des déclarations, contrairement à ce qui nous est proposé aujourd’hui. La commission des lois tend même à revenir sur la légère réduction que l’Assemblée nationale a introduite.
Ainsi, intérêts matériels et intérêts moraux, décisions particulières et décisions de portée générale, activités professionnelles, mandats électifs et associatifs, se trouvent-ils mêlés dans le même grand sac des intérêts potentiellement en conflit. C’est de ce grand sac que sont censés sortir le génie et la lumière, et le triomphe de la morale !
Le plan de travail de la commission des lois, si vous acceptez ma proposition de renvoi, est très simple à dresser.
Tout d’abord, il convient d’établir le diagnostic : la vie politique française est-elle réellement si corrompue qu’elle a besoin de la présente ordonnance de coin de table ? Je me contenterai ici de remarquer que le président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, quand nous l’avons interrogé, nous a déclaré qu’en vingt-cinq ans d’examen, sur 25 000 dossiers, seules 14 personnes ont été concernées…
M. Gérard Longuet. Dont 6 parlementaires !
M. Pierre-Yves Collombat. … dont 6 parlementaires, qui ont vu leur dossier transmis au parquet, lequel n’y a pas donné suite, l’enrichissement inexpliqué ne constituant pas un délit.
S’il faut, à n’en pas douter, donner plus de moyens d’investigation à la commission et définir les moyens juridiques qui permettraient de mieux sanctionner l’enrichissement illégal, la mise sous surveillance générale de pratiquement tous les acteurs publics ne me semble pas le remède adapté.
La France, nous dit-on, serait au 24e rang des pays les moins corrompus, selon l’indice de présomption de corruption de Transparency international. Ce classement est certes peu glorieux, mais, outre que la scientificité de la notion de « plutôt corrompu » ne saute pas vraiment aux yeux, il est troublant de constater, en regardant le classement pour 2011, que, parmi les pays mieux notés que nous, figurent 13 paradis fiscaux, dont les 10 meilleurs du monde, selon le magazine Forbes !
M. Philippe Bas. Très intéressant !
M. Pierre-Yves Collombat. L’autre élément du diagnostic doit être l’inventaire de l’arsenal répressif existant, ainsi que l’évaluation de son efficacité par rapport à celui des autres pays démocratiques.
S’agissant de la répression des atteintes à la probité des acteurs publics, en tout cas, notre code pénal et la jurisprudence sont particulièrement répressifs.
La définition de la prise illégale d’intérêts par le code pénal est tellement large que les actes les plus légitimes, comme le fait pour un élu de voter une subvention à un organisme dans lequel il représente sa collectivité ès qualités, hors de tout enrichissement personnel, peuvent être qualifiés de prise illégale d’intérêts. Quant à la Cour de cassation, elle ne fait pas de différence entre intérêt moral et financier, intérêt général et personnel.
Le même constat peut être dressé pour le délit de favoritisme, constitué même en l’absence d’intention d’avantager quelqu’un, dès lors que la procédure de passation des marchés n’a pas été strictement respectée.
Par deux fois, le Sénat a adopté à l’unanimité une modification de la notion de « prise illégale d’intérêts », et une fois s’agissant du délit de favoritisme.
Par crainte des réactions médiatiques, ces textes n’ont jamais été inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate que notre rapporteur s’est abstenu de reprendre cette nouvelle définition de la prise illégale d’intérêts, ce qui était pourtant l’une des préconisations du rapport que nous avons évoqué.
N’apparaît nulle part non plus cette conclusion du rapport : « L’étude des régimes de prévention des conflits d’intérêts et de leur application concrète dans les Parlements occidentaux révèle que le système français est, globalement, plus performant que celui de nombreux États. »
M. Gérard Longuet. Voilà !
M. Pierre-Yves Collombat. Le deuxième ensemble de questions porte sur la notion de « décision » : qu’est-ce qu’une décision ? Comment cela se passe-t-il dans une assemblée démocratique ?
Non seulement le présent projet de loi organique confond décision individuelle, pratique, qui est le fait des exécutifs, et décision de portée générale, définition de règles applicables à tous, mais il renvoie à une conception totalement erronée, à mon sens, de la prise de décision collective au sein d’assemblées démocratiques.
Conception erronée, disais-je, parce que la décision conforme à l’intérêt général n’est pas, comme on voudrait nous le faire croire, le produit d’atomes civiques purgés, comme les eaux usées de nos stations, de tout préjugé par le regard purificateur de l’opinion. Si tel était le cas, ne pourraient participer à la décision démocratique, comme cela a été dit, que ceux qui tiennent leurs connaissances non pas de leur pratique, mais de la lecture des journaux ou de leurs consignes de vote. Tous les autres devraient s’abstenir.
Cette idée est perverse, car la décision démocratique est le produit d’un débat public réglé au sein d’une assemblée représentative, dans l’idéal de tous les intérêts et opinions. Ce qui suppose des parlementaires d’origines diverses, des parlementaires présents et actifs – question à soigneusement éviter ! Ce qui suppose aussi que le débat ne puisse être biaisé et qui pose la question de la désignation des présidents de commission et des rapporteurs. Le groupe de travail avait d’ailleurs conclu – autre conclusion passée à la trappe – que c’est à ce niveau que le risque de conflit d’intérêts existe vraiment au Parlement, non pas parce que les gens qui ont un intérêt délibèrent, mais parce que la manière de poser le débat peut être biaisée par celui qui l’ouvre et le mène.
Le troisième ensemble de questions que la commission devra se poser a trait à l’efficacité des dispositifs de prévention des manquements au devoir de probité publique, tels qu’ils sont proposés dans ce texte.
Pour répondre au désenchantement public, suffira-t-il, mes chers collègues, que, vêtus de probité candide, leur déclaration de patrimoine sur Facebook dans une main et leur déclaration d’activités et d’intérêts sur Twitter dans l’autre, les élus du peuple, les parlementaires, les élus locaux, acceptent stoïquement leur rôle de boucs émissaires, au motif que personne n’est obligé d’être candidat ? Je pense que ce ne sera pas le cas, d’abord, comme on l’a vu, parce que la crise de confiance des citoyens dans leurs institutions et les acteurs politique n’a pas l’origine que l’on prétend, ensuite parce que le remède ne fera qu’aggraver le mal.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. La publication des déclarations non seulement n’empêchera pas les trafiquants de trafiquer – on découvrira seulement à l’occasion d’un scandale qu’ils avaient menti –, mais elle fournira un aliment permanent au harcèlement de ceux qui ne seront pas dans ce cas.
Non seulement la défiance publique continuera à se nourrir des scandales, qui perdureront, comme ils ont perduré après chaque train de mesures de diversion, mais elle trouvera un aliment nouveau dans la contemplation des déclarations.
Les commentaires qui ont suivi la publication du patrimoine des membres du Gouvernement, encombrée de vélos, de voitures revenant du contrôle technique,…
M. Henri de Raincourt. Un kayak !
M. Pierre-Yves Collombat. … d’estimations immobilières, sont édifiants. « Quant au patrimoine de Pierre Moscovici », commente le journal de référence du 17 avril 2013, « à seulement 270 000 euros, il est presque aussi maigre que la croissance du PIB français. » (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Rien n’est dit, tout est dit !
La recherche de la transparence pourrait bien être le meilleur moyen de perpétuer l’obscurité sur les processus de décisions qui importent vraiment, selon le principe pascalien : qui veut faire l’ange fait la bête !
Mes chers collègues, cette proposition de retour en commission vise simplement, en nous invitant à ne point trop faire l’ange, à nous permettre de moins faire la bête ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive (Oh ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.), je ne vais pas me suivre M. Collombat dans ses excès littéraires.
M. Gérard Longuet. Il était excellent !
M. Jean-Pierre Michel. Des affaires, nous en connaissons tous, et je dirai même qu’ici nous portons tous notre croix ! À cet égard, monsieur Mézard, il ne me semble pas que M. Tapie ait été membre du parti socialiste !
J’ai entendu dans cet hémicycle un certain nombre de propos excessifs. Or, lorsque l’on s’exprime dans cette enceinte, on ne parle pas seulement pour soi, on parle au nom de son groupe, au nom de son parti politique et, éventuellement, au nom des ministres du Gouvernement issus de son parti, qui doivent forcément souscrire aux propos que l’on tient.
Monsieur Collombat, nos concitoyens attendent des textes, des mesures,…
M. Gérard Longuet. Avec impatience !
M. Charles Revet. C’est un leurre !
M. Gérard Longuet. Il y a 3 millions de chômeurs !
M. Jean-Pierre Michel. ... et la réflexion que vous demandez à la commission des lois, si jamais ce texte lui est renvoyé, a déjà été menée par le Gouvernement. Le résultat figure d’ailleurs dans l’exposé des motifs. À partir de là, le Gouvernement nous propose un certain nombre d’articles, que l’Assemblée nationale et nous-mêmes avons d’ailleurs modifiés, par exemple sur le patrimoine, mais, surtout, sur les conflits d’intérêts.
Mes chers collègues, faut-il parler, ici, au Sénat, des conflits d’intérêts ? Faut-il s’en tenir à la déontologie du bureau de notre assemblée ? Faut-il citer le nom des parlementaires qui acceptent des voyages à l’étranger en dehors de tout cadre sénatorial, invités par des puissances étrangères ? Que vont-ils y faire, d’ailleurs ?
Il suffirait de les déclarer ; mais à qui ? Ces déclarations sont-elles publiques ? Sait-on ce qui en résulte ? Non ! Mes chers collègues, nous avons besoin de textes, car, nous le savons, la déontologie interne ne suffit pas. C’est pareil dans les autres professions ! On sait très bien que les sanctions disciplinaires infligées par les ordres sont totalement insuffisantes et que la justice doit intervenir dans certains cas. Cette loi est donc nécessaire.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Michel. La commission des lois a travaillé, d’abord sur la base du fameux rapport d’information de la commission des lois adopté en 2011, auquel notre rapporteur n’a cessé de se référer pour accepter certains amendements, notamment de M. Hyest ou de M. Collombat.
D’ailleurs, monsieur Collombat, vous étiez présent ce matin - pas la semaine dernière, cependant - et vous avez pris la parole très souvent.
M. Henri de Raincourt. Il a le droit !
M. Jean-François Husson. Mais nous sommes surveillés ?
M. Jean-Pierre Michel. Vous avez de surcroît rencontré quelques succès avec certains de vos amendements, mais pas avec tous.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Cinq amendements de M. Collombat ont reçu un avis favorable.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est suspect !
M. Jean-Pierre Michel. Bien sûr, il n’est jamais urgent d’agir lorsque l’on n’a rien à se reprocher, lorsque tout va très bien dans le meilleur des mondes, lorsque les hommes politiques, dont nous sommes, sont portés aux nues par leurs concitoyens, lorsque l’on n’est pas suspecté, lorsque l’on n’est pas « la femme de César ».
Il ne faudrait donc rien faire : c’est du moins ce que vous proposez !
M. Philippe Bas. C’est faux !
M. Jean-Pierre Michel. Pour ma part, je pense tout le contraire. À mon sens, il faut agir et le Gouvernement a été bien avisé de le faire rapidement, sur l’initiative du Président de la République, après ce scandale que fut l’affaire Cahuzac,…
M. Philippe Bas. Aucun rapport !
M. Gérard Longuet. Non, aucun !
M. Jean-Pierre Michel. … que nous portons, nous, comme une croix, à l’instar de certains de nos prédécesseurs dans le passé.
Soyons clairs et ne nous rejetons pas la faute les uns sur les autres : nous devons légiférer rapidement et c’est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je m’oppose à cette motion de renvoi à la commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit et bien dit par M. Jean-Pierre Michel.
Je voudrais cependant faire observer à M. Collombat que, s’il avait voulu que la définition du conflit d’intérêts à laquelle il a fait allusion soit prise en compte, il lui était tout à fait loisible de déposer un amendement en ce sens, comme il ne manque d’ailleurs pas de le faire fréquemment, concourant ainsi à enrichir les travaux de la commission.
M. Pierre-Yves Collombat. Je l’ai fait !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mes chers collègues, la commission des lois a déjà consacré douze heures à l’examen de ce texte.
Mme Françoise Férat. Seulement ?
M. Gérard Longuet. Dont six heures pour le président de la commission !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Mais ce n’est pas fini ! Je rappellerai en effet à ceux d’entre nous qui voudraient approuver cette motion, à laquelle je suis opposé, le titre complet du Barbier de Séville, de Beaumarchais : « ou la Précaution inutile ». Je m’explique : la commission des lois doit se réunir dès la suspension de la séance, car il lui reste encore quelque deux cents amendements à examiner. Ceux qui veulent qu’elle se réunisse ont donc d’ores et déjà satisfaction !
Au reste, nous sommes toujours extrêmement heureux de nous retrouver en commission, l’atmosphère y est excellente et les débats sont approfondis. Nous ne ménageons ni notre temps ni notre peine, surtout en ce mois de juillet – tout comme en juin, mai ou avril ! C’est un plaisir sans cesse renouvelé !
De toute façon, la réunion de la commission est prévue. Mes chers collègues, si vous voulez en plus voter cette motion, vous le pouvez, mais cela me semble vraiment inutile ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le président, puisqu’il s’agit d’une procédure interne au Parlement, j’ai pour ligne de conduite de ne pas me prononcer, car la motion tendant au renvoi à la commission ne concerne que l’assemblée à laquelle elle est soumise.
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 105 rectifié, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 297 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, lorsque le Sénat adopte une motion de renvoi en commission sur un texte inscrit par priorité à l’ordre du jour sur décision du Gouvernement, la commission doit présenter ses conclusions au cours de la même séance, sauf accord du Gouvernement.
Je consulte donc le Gouvernement, monsieur le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Monsieur le président, le Gouvernement demande que la commission présente son rapport au cours de la même séance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. J’informe les membres de la commission des lois que celle-ci va se réunir immédiatement.
M. le président. À quelle heure souhaitez-vous que nous reprenions nos travaux en séance publique, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le président, nous pourrions reprendre les travaux en séance publique à vingt-deux heures quinze.