M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Si nous voulons aboutir en 2020 au meilleur mode de scrutin possible, cela requiert un travail considérable. Laissons passer le scrutin de 2014. À ce jour, nous ne sommes pas prêts, mais nous y parviendrons. Je me suis engagée, au nom du Gouvernement, tant devant le Sénat que devant l’Assemblée nationale, à procéder à une révision du mode de scrutin avant 2017, date qui suscitait de l’inquiétude chez certains. Je confirme cet engagement, raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement – mais un retrait positif, si je puis dire.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’entends bien les propos de Mme la ministre et je constate qu’elle va beaucoup plus loin qu’un certain nombre de nos collègues siégeant dans cet hémicycle.
Nous partageons l’idée qu’il n’est plus possible de renforcer les capacités d’action et les pouvoirs des structures intercommunales – des métropoles, communautés urbaines, etc. – sans, en contrepartie, que leurs présidents disposent d’une légitimité. C’est un sujet extrêmement important. Nos concitoyens n’ont plus de repères et se demandent si leur vote leur permet réellement de désigner leurs représentants là où s’exerce le pouvoir. Cela contribue à déstabiliser notre vie démocratique et, contrairement à ce que prétendent certains ici, ce n’est pas en renforçant le niveau communal que l’on comblera ce déficit démocratique.
Le système en place devient totalement aberrant : d’un côté, on renforce les pouvoirs d’action et de planification des intercommunalités – et nous y sommes évidemment favorables, puisque c’est dans ces aires urbaines que sont les vrais lieux de vie –, d’un autre côté, on ne rend pas légitimes ceux qui prennent les décisions. Cela ne fait qu’accroître, à mon avis, la distance entre l’électeur-citoyen et les politiques.
Regrettant profondément la position du Sénat sur cette question, nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme le disait Jean Jaurès, monsieur Dantec, « il faut aller vers l’idéal et comprendre le réel ». C’est une maxime dont, très modestement, j’essaie aussi souvent que possible de m’inspirer.
Je n’ignore rien des débats qui ont eu lieu sur cette question, débats engagés de longue date. Je connais les positions qu’a adoptées, par exemple, l’Association des maires des grandes villes de France, ainsi que les travaux de l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF.
Pour ma part, je considère qu’il y aura forcément des évolutions – je pense en particulier à Lyon. Dès lors qu’une collectivité locale disposera de toutes les compétences d’une communauté urbaine et de toutes les compétences d’un département, on ne pourra faire abstraction du fait que les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel direct.
Mais, si l’on veut vraiment avancer, alors il faut procéder par étapes et après réflexion. Le système du double vote pour la même assemblée a suscité bien des critiques, mais, grâce au Sénat, je le dis très clairement, un pas en avant très important sera franchi l’année prochaine, en 2014.
Je m’explique : nous avons voté une loi aux termes de laquelle, dans toutes les communes de plus de 1 000 habitants de notre pays, le bulletin de vote comportera deux listes, l’une formée par les candidats à l’élection municipale et l’autre formée par les candidats à l’intercommunalité – les seconds étant obligatoirement inscrits sur la première liste. Par conséquent, en mars prochain, tous nos concitoyens électeurs dans les communes de plus de 1 000 habitants mettront dans l’urne un bulletin comportant les noms de leurs futurs représentants à l’intercommunalité.
Tout le monde, ici, sait cela et il n’est pas utile de s’appesantir, mais, pour avoir rencontré des élus et des maires samedi dernier – j’en rencontre encore demain –, je puis vous dire que nombre d’entre eux ignorent tout de ces nouvelles modalités de vote. Faites-en l’expérience, mes chers collègues !
C’est pourquoi, madame Lebranchu, madame Escoffier, à vous qui êtes, avec M. Valls – je m’en suis entretenu avec lui, mais je profite de l’occasion pour lui adresser également ce message – responsables des collectivités locales, des questions de décentralisation et des élections, je répète qu’il est urgentissime d’expliquer aux élus et aux citoyens les termes de la loi qui sera mise en œuvre au mois de mars prochain. C’est très important. Je vous assure que beaucoup en ignorent tout ; certains croient même, par exemple, qu’ils pourront recourir au panachage, pratique désormais interdite par cette même loi. En parler abondamment, ce sera faire un grand pas en avant.
Lors des prochaines élections municipales, pour la première fois, l’enjeu de la communauté sera clairement posé devant les concitoyens. (M. Ronan Dantec s’exclame.) Monsieur Dantec, je sais très bien que vous en êtes convaincu et que vous voulez même aller plus loin. Pour ma part, je me sens solidaire de la démarche engagée par la majorité du Sénat – du moins par ce que je pense être la majorité du Sénat – qui consiste à progresser pas à pas. Parfois, il est préférable d’agir ainsi en conservant sa stabilité plutôt que d’avancer d’un seul coup, sans avoir préalablement étudié de près toutes les modalités, au risque d’éprouver quelques déconvenues.
Nous sommes bien d’accord, le chemin vers l’intercommunalité est long. Depuis vingt ans, nous assistons à une révolution tranquille dans notre pays, qui est maintenant couvert de ces espaces de solidarité que sont les communautés. Il est vrai que nos concitoyens doivent se sentir davantage concernés, et la prochaine élection sera une première occasion non négligeable d’aller dans ce sens. Nous en tirerons toutes les conséquences. Je reste même persuadé que l’on pourra aller plus loin, puisqu’il n’y a nulle raison d’avoir peur de la démocratie dès lors que l’on reste attaché aux communes, nous avons été plusieurs à le dire.
Je l’ai toujours affirmé et je le réaffirme ce soir : l’intercommunalité, les communautés ne sont pas la négation des communes ; elles permettent aux communes d’être plus efficaces et donc, dans un certain nombre de cas, de subsister. Ce qu’elles ne peuvent faire seules, elles le font ensemble, solidairement et efficacement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au cours de l’assemblée générale de l’AdCF, à laquelle étaient représentées d’autres associations d’élus – Mme Gourault était présente –, le Gouvernement a confirmé cette avancée. L’AdCF a d’ailleurs fait réaliser un sondage extrêmement intéressant auprès de nos citoyens pour savoir ce qu’ils pensaient de l’intercommunalité. Grâce à ce travail remarquable, vous apprendrez qu’ils connaissent l’intercommunalité beaucoup mieux qu’on ne le pensait – c’est une bonne nouvelle –, puisqu’ils sont 73 % à savoir qu’ils vivent dans une structure intercommunale. Cette notion ne leur est donc plus inconnue.
Monsieur le président de la commission, en réponse à votre interpellation, je vous informe que le ministre de l’intérieur et moi-même travaillons en ce moment même à un document de communication. Sans doute faudra-t-il également avoir recours à la radio et à la télévision.
Mais, lors de cette assemblée générale de l’AdCF, il nous a été demandé de mener, en plus de cette campagne de communication dite nationale, une communication à l’échelle de chaque département, des « flash » diffusés par la télévision ou la radio n’étant souvent pas suffisants. Vous avez donc satisfaction en matière de communication, monsieur le président de la commission.
Je souligne l’excellente appréciation portée par les citoyens, qui estiment que la commune est « sauvée » par l’intercommunalité, dans la mesure où la mutualisation des moyens et des engagements permet de maintenir les 36 000 communes de France.
M. le président. En conséquence, l’article 35 AA demeure supprimé.
Article 35 A
I. – L’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Le coefficient de mutualisation des services d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est égal au rapport entre :
« 1° La rémunération, toutes charges comprises, de l’ensemble des personnels affectés au sein de services ou parties de service fonctionnels employés par l’établissement public, y compris les fonctionnaires et agents transférés ou mis à sa disposition en application des I à III ;
« 2° La rémunération, toutes charges comprises, de l’ensemble des personnels affectés au sein de services ou parties de service fonctionnels dans toutes les communes membres et au sein de l’établissement public.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent V. »
II. – Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un rapport au Parlement évaluant les conséquences financières de la prise en compte du coefficient de mutualisation des services comme critère de répartition de la dotation globale de fonctionnement perçue par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
M. le président. L'amendement n° 461, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement tend en fait à supprimer la mise en place d’un coefficient de mutualisation.
Lorsque la loi Chevènement a été votée et que l’intercommunalité a connu une progression sensible dans notre pays, l’une des plus grandes surprise éprouvées par certains commentateurs et connaisseurs avisés des questions de politiques locales fut de constater que le processus de création d’emplois territoriaux se poursuivait, à la grande désillusion de tous ceux qui avaient pensé que l’intercommunalité permettrait des économies d’échelle.
Mais, à la réflexion, il est possible que ces idéologues soient en train de gagner la partie et que l’actuel article 35 A du projet de loi participe de cette illusion de la plus grande efficacité d’une dépense publique moindre.
En effet, on nous propose de conditionner l’attribution de certaines dotations aux collectivités territoriales et, dans le cas précis, à certains de leurs groupements par la réalisation d’« économies » et la « rationalisation » de leurs dépenses. Dépensez moins, nous vous donnerons un peu plus… C’est en substance l’idée qui a guidé l’élaboration de l’article 35 A.
Le développement des intercommunalités s’est surtout accompagné de la mise en place de nouveaux services, par nature mutualisés d’ailleurs, à destination de la population, services dont le financement ne pouvait jusqu’alors trouver place dans les budgets de plus en plus contraints de chacune des 36 769 communes de notre beau pays !
Le coût de ces services, si tant est qu’il y en eût un, n’est peut-être pas sans lien avec le bénéfice apporté à l’ensemble de la société.
Ainsi, quand les élus d’une communauté de communes rurale mettent en place un mode de garde des enfants en bas âge ou agissent en convergence pour aménager les rythmes scolaires, ils favorisent autant la socialisation des enfants que l’activité professionnelle des parents, par exemple, avec tout ce que cela apporte à l’économie en général.
La même remarque vaut d’ailleurs, à l’autre bout de l’échelle de la vie, s’agissant de services rendus aux personnes âgées, par exemple la venue au domicile d’une aide-ménagère, la fourniture de repas, d’une assistance dans les actes de la vie, etc. Outre que cela fait reculer le travail non déclaré et dissimulé, c’est une réponse humaine à l’isolement qui est ainsi apportée.
Nous ne sommes pas opposés par principe à la mutualisation des coûts, qui peut correspondre à une bonne manière de gérer les affaires de collectivités associées dans une démarche communautaire. Je pense notamment, au sein de certains EPCI, à la mutualisation de l’achat de carburants, de fournitures de bureau, ou à la mise en commun d’outils, de matériels, d’équipements de travail.
Cependant, il est très clair que ces efforts n’empêcheront pas l’État de persévérer malgré tout, dans le contexte actuel, dans sa politique de réduction du niveau global de ses concours aux collectivités.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article : oui à la mutualisation choisie, efficace et collective, non à la mutualisation sanction !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis est également défavorable.
Comme nous l’avons longuement expliqué en première lecture, il faut favoriser l’aboutissement des démarches de mutualisation, qui ont d’ailleurs franchi de nombreuses étapes cette année. Il convient de poursuivre dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, mon avis sera un peu décalé par rapport au sentiment général…
J’ai beaucoup ri à la lecture du rapport de la Cour des comptes relevant que l’intercommunalité ne faisait pas faire des économies ! On n’a jamais vu des échelles faire des économies…
Cette idée selon laquelle plus c’est gros, moins ça coûte cher ne repose absolument sur rien. L’intérêt de l’intercommunalité est de permettre de faire à plusieurs ce que l’on ne peut pas faire tout seul. Toute l’ambiguïté tient à ce que l’on incite au transfert de compétences qui pourraient très bien être exercées à l’échelon des communes pour un coût bien moindre, notamment dans les plus petites d’entre elles, sans promouvoir ce qui fait tout l’intérêt et la nécessité de l’intercommunalité : remplir des fonctions que les communes, sauf les très grandes, ne peuvent remplir seules. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
Quant à l’idée de contraindre les communes en instaurant un indice de mutualisation… Rappelons ce qui s’est passé avec le coefficient d’intégration fiscale, le CIF : on le sait, il existe des moyens de parvenir à un bon CIF sans rien transférer du tout ! Je n’en dirai pas plus, car le Gouvernement serait capable de nous le faire sauter ! (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)
Tout cela ne repose strictement sur rien. Ce qui importe est d’avoir de bons gestionnaires : ils ne maintiendront pas des services qui font doublon. Certes, il peut arriver, notamment dans certaines grandes communes, que l’on veuille financer ce que j’appellerai des « charges de vanité », mais il ne faut pas dénaturer le sens de l’intercommunalité, qui, je le répète, est indispensable pour exercer un certain nombre de fonctions, mais pas toutes.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. En complément de l’intervention de M. Collombat, je voudrais souligner que l’intercommunalité a une double vocation : faire ensemble ce que l’on n’a pas les moyens de faire tout seul, mais aussi faire à moindre coût collectivement ce que l’on faisait chacun dans son coin. Il ne faudrait pas oublier ce second aspect.
En vérité, la loi de 1999 avait un gros défaut : inciter à créer des intercommunalités en promettant un surcroît de dotation, c’était déjà envoyer un drôle de signal… Je me souviens d’un maire de mon département qui, dans l’éditorial de son journal municipal, justifiait la toute récente création d’une intercommunalité avec une commune voisine par l’obtention d’une dotation supplémentaire de l’État permettant d’instaurer la gratuité des cantines scolaires. J’en suis resté les bras ballants…
Tels sont les travers dans lesquels on est tombé. Certains élus se sont peut-être un peu laissés aller, mais je ne voudrais pas que l’on jette le bébé avec l’eau du bain, en oubliant la double vocation de l’intercommunalité que j’ai rappelée à l’instant. La mutualisation des moyens sera d’autant plus nécessaire à l’avenir que les temps ne s’annoncent guère favorables, en matière de ressources, pour les collectivités locales. J’aimerais que nous en soyons tous bien conscients.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement n’avait pas introduit le coefficient de mutualisation des services, bien qu’il ait pour objectif de revoir un certain nombre d’éléments des dotations globales de fonctionnement dans l’avenir, et sans doute celui-là en particulier.
Tout ce débat est issu de l’idée que vous aviez avancée en 2006, monsieur Dallier,…
M. Philippe Dallier. Exactement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … que M. Mézard a reprise, en la transformant, dans sa proposition de loi enregistrée le 25 septembre 2012 et visant à créer un « coefficient d’intégration fonctionnelle ». Il est indiqué, dans son exposé des motifs, que « le coefficient d’intégration fonctionnelle, une fois défini, doit servir à moduler, à la hausse ou à la baisse, une partie de la DGF ». Dans la mesure où il s’agit d’inciter à la mutualisation dans le cadre intercommunal, il serait logique que cette modulation porte sur la dotation d’intercommunalité. C’est sur ce sujet que nous voulons aussi travailler.
Les sénateurs, à l’exception de ceux du groupe CRC, ont estimé qu’il fallait cesser de recourir à l’intercommunalité si celle-ci n’était pas fondée sur un transfert réel des compétences et reposait seulement sur un « habillage » visant à obtenir davantage de dotations. Ces pratiques, qui ont été constatées partout, ne résultaient pas d’une mauvaise foi des élus, mais elles entraînaient bien évidemment la diminution des dotations des autres collectivités qui, elles, n’avaient pas habillé d’un CIF l’absence de transfert de compétences.
Plutôt que de persévérer dans cette injustice qui affecte la péréquation, mieux vaut retenir l’idée émise par M. Dallier en 2006, reprise par M. Mézard en 2012 et soutenue aujourd’hui par la commission des lois du Sénat, son président et son rapporteur.
Une telle proposition nous semblant juste, nous approuvons la création d’un coefficient de mutualisation des services.
J’ajoute que, pour les personnels, il est très déstabilisant de voir transférer la compétence au titre de laquelle une commune les avait recrutés. Ce n’est pas forcément de bonne politique ! Les transferts de personnel sont difficiles à réaliser, pour des raisons de régime indemnitaire notamment, mais nous sommes tous capables, au niveau des intercommunalités, de trouver de bonnes solutions.
M. le président. Je mets aux voix l'article 35 A.
(L'article 35 A est adopté.)
Article 35 B
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 5214-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
b) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement. » ;
1° bis Au premier alinéa du II du même article L. 5214-16, le mot : « un » est remplacé par le mot : « trois » ;
1° ter (Supprimé)
2° Le I de l’article L. 5216-5 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement. » ;
3° Après le d du 6° du I de l’article L. 5215-20, il est inséré un e ainsi rédigé :
« e) Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement. » ;
3° bis Après le 8° de l’article L. 5215-20-1, il est inséré un 8° bis ainsi rédigé :
« 8° bis Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement ; »
4° Après le 2° de l’article L. 5214-23-1, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement ; ».
II. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 211-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels qu’ils sont définis au deuxième alinéa de l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics territoriaux de bassin prévus à l’article L. 213-12 du présent code sont habilités, sous réserve de la compétence attribuée aux communes par le I bis du présent article, à utiliser les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, s’il existe, et visant : » ;
b) Le I bis est ainsi rédigé :
« I bis. – Les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I. À cet effet, elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I. » ;
2° Après l’article L. 211-7-1, sont insérés des articles L. 211-7-2 et L. 211-7-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 211-7-2. – Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre substitués à leurs communes membres pour l’exercice de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations prévue au I bis de l’article L. 211-7 du présent code peuvent instituer, en vue du financement d’une ou plusieurs des missions mentionnées aux 1° et 5° du I du même article, et dans les conditions prévues par le code général des impôts, la taxe spéciale annuelle pour la gestion de la prévention des risques d’inondation et de submersion.
« Art. L. 211-7-3. – Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre substitués à leurs communes membres pour l’exercice de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations prévue au I bis de l’article L. 211-7 du présent code peuvent instituer, en vue du financement d’une ou plusieurs des missions mentionnées au 2° et 8° du I du même article, et dans les conditions prévues par le code général des impôts, la taxe pour l’entretien des cours d’eau non domaniaux. »
M. le président. La parole est à M. André Vairetto, sur l'article.
M. André Vairetto. L’article 35 B institue une nouvelle compétence obligatoire pour les communes en matière de gestion des milieux aquatiques – comprenant l’entretien des cours d’eau, la protection et la restauration des écosystèmes aquatiques – et de prévention des risques d’inondation.
Ce transfert vers les communes n’est pas anodin. Certes, le constat a été dressé de la nécessité, sur certains territoires, d’une clarification des compétences et des responsabilités dans ce domaine, comme préconisé par la mission commune d’information sur les inondations dans le Var et dans le sud-est de la France. La dilution des responsabilités peut effectivement nuire à l’efficacité dans la prévention des inondations. De même, le Comité national de l’eau appelait de ses vœux une clarification des attributions en matière de gestion de l’eau dans le milieu naturel.
Néanmoins, créer une compétence obligatoire sur des domaines aussi vastes et aux contours aussi flous doit s’accompagner d’une grande prudence. Ce dispositif opère en effet un désengagement de l’État, laissant aux seules collectivités locales la charge considérable de la gestion des risques d’inondation, alors que les enjeux – départementaux, nationaux et internationaux – dépassent très largement le cadre du territoire et que la gestion du domaine public fluvial est souvent altérée par des aménagements hydrauliques d’importance nationale.
Compte tenu de la complexité du domaine concerné, d’un point de vue tant technique que juridique, des dynamiques actuellement engagées sur le terrain, des enjeux en termes de sécurité publique et des échéances associées – je pense à la directive-cadre sur l’eau, par exemple –, il est indispensable de disposer d’un projet clair, lisible et cohérent qui réponde effectivement aux besoins et aux problèmes posés, de ne pas faire table rase de l’existant, en prenant en compte la diversité des configurations et contextes locaux, enfin de ne pas désorganiser brutalement le dispositif mis en place depuis vingt ans dans le cadre de la dynamique créée par la loi sur l’eau de 1992 et la loi Barnier de 1995.
Il convient aussi d’analyser finement la portée des nouveaux dispositifs – notamment leur articulation avec un certain nombre de fondements juridiques ancestraux et fondamentaux –, ainsi que les conséquences de leur mise en œuvre.
Les nouvelles compétences obligatoires ne sont abordées que de manière très générale.
Pour être lisible, le projet de loi se doit d’apporter des réponses aux questions suivantes : quels sont les objectifs et les niveaux d’exigence liés aux nouvelles compétences ? Quels sont les prestations et les résultats attendus et quelles sont les responsabilités associées ? Ces compétences sont-elles assorties d’une obligation de résultat, et si oui laquelle ?
Les compétences obligatoires portent sur des domaines très vastes qui dépassent largement le seul cadre de l’entretien des cours d’eau non domaniaux et de la gestion des ouvrages hydrauliques de protection existants.
Par ailleurs, comment les nouvelles obligations des collectivités s’insèrent-elles dans le corpus juridique préexistant ? Que deviennent, dans le nouveau dispositif, les associations syndicales autorisées de propriétaires ayant pour objet l’entretien des cours d’eau ? Que deviennent les obligations des propriétaires riverains des cours d’eau en matière d’entretien de ceux-ci, dispositions contenues anciennement dans le code rural et aujourd’hui dans le code de l’environnement ? Que deviennent les dispositions de la loi de 1807, qui sont le socle de notre actuel dispositif juridique quant aux obligations des propriétaires en matière de protection contre les risques hydrauliques, qu’il s’agisse de l’érosion ou des inondations ? Comment cette nouvelle compétence et les obligations sous-tendues s’articulent-elles avec les obligations d’autres acteurs, comme les propriétaires particuliers et les gestionnaires d’infrastructures ? En quoi et comment cette compétence obligatoire modifie-t-elle la responsabilité juridique des collectivités territoriales en cas d’inondation ? La modification intervenue dans la rédaction de l’article 35 D, qui limite la responsabilité des gestionnaires de l’ouvrage à l’obligation de respect des règles légales et réglementaires, n’écarte pas cette interrogation.
En définitive, rien ne permet de se convaincre de la cohérence juridique globale du dispositif législatif dans les deux domaines visés, tel qu’il va résulter de l’assemblage hétéroclite de mesures nouvelles et de dispositions plus anciennes.
Il convient de rappeler que les deux domaines de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations sont actuellement en pleine évolution du fait d’exigences réglementaires accrues. Le décret de décembre 2007 impose ainsi aux gestionnaires des ouvrages hydrauliques des obligations extrêmement lourdes qui vont rapidement exiger un décuplement des moyens financiers par rapport à leur niveau actuel.
Il en est de même dans le champ de la restauration des milieux aquatiques, compte tenu des engagements pris par la France au titre de la directive européenne.
De fait, les dépenses publiques afférentes à ces domaines sont appelées à croître dans des proportions considérables.
S’agissant de compétences désormais obligatoires, les collectivités territoriales pourraient ne plus bénéficier d’aucun soutien financier de l’État, et des dispositifs comme les programmes d’action de prévention des inondations, les PAPI, seraient logiquement appelés à disparaître. En effet, au titre des actuels PAPI, l’État refuse par principe de financer les opérations relevant des compétences obligatoires des communes, comme les plans communaux de sauvegarde, les PCS.
Il est également permis de s’interroger sur la pertinence des bases sur lesquelles sont établies les analyses financières. Une étude portant sur le département de la Savoie, effectuée sur la base des ratios retenus, fait apparaître un coût de 125 euros par an et par habitant, soit plus de six fois le plafond de la taxe prévue à cet effet.
Cette approche macroscopique a pour seul but de montrer que la question du financement des travaux de prévention des inondations est bien plus complexe que ce qui est présenté à travers les documents justifiant le projet.
Au total, ce système constitue une avancée dans l’organisation de ces deux compétences, mais soulève de nombreuses interrogations.