compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Hubert Falco,
M. Gérard Le Cam.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conventions internationales
Adoption de quatre projets de loi en procédure d'examen simplifié dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de quatre projets de loi relatifs à des conventions internationales.
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord portant création de la facilité africaine de soutien juridique
Article unique
Est autorisée l'adhésion de la France à l'accord portant création de la Facilité africaine de soutien juridique, signée à Paris le 11 février 2013 et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’adhésion de la France à l’accord portant création de la Facilité africaine de soutien juridique (projet n° 403, texte de la commission n° 630, rapport n° 629).
(Le projet de loi est adopté.)
protocole avec la serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l'application de l'accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier signé le 18 septembre 2007 à Bruxelles (ensemble deux annexes), signé à Paris, le 18 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur l’application de l’accord entre la Communauté européenne et la République de Serbie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (projet n° 702 [2012-2013], texte de la commission n° 626, rapport n° 624).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec la serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces, signé à Paris, le 7 avril 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (projet n° 701 [2012-2013], texte de la commission n° 628, rapport n° 627).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier (ensemble deux annexes), signé à Pristina, le 2 décembre 2009, et de son protocole d'application (ensemble deux annexes), signé à Pristina, le 19 septembre 2011, et dont les textes sont annexés à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier et de son protocole d’application (projet n° 699 [2012-2013], texte de la commission n° 625, rapport n° 624).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
3
Accessibilité pour les personnes handicapées
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (texte de la commission n° 632, rapport n° 631).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voilà aujourd’hui arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi d’habilitation relatif à l’accessibilité, fruit d’un long et vaste travail de concertation nationale avec l’ensemble des parties prenantes à ce dossier.
Cette concertation visait à permettre, entre autres objectifs, la construction et la mise en place des agendas d’accessibilité programmée, les « Ad’AP », un outil proposé au Gouvernement dans le cadre de la mission parlementaire qui m’avait été confiée, laquelle a donné lieu au rapport « Réussir 2015 ».
Voilà désormais presque trois ans que l’accessibilité occupe une place prédominante dans mon travail quotidien. C’est une cause dans laquelle on ne peut que s’investir, tant elle est juste et indispensable pour le présent et l’avenir de notre société dans son ensemble. Et nous parlons là d’accessibilité « universelle », car c’est bien la totalité de nos concitoyens qui est concernée.
Je suis très heureuse de constater que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 17 juin dernier, est parvenue à trouver un accord, lequel n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucun vote d’opposition.
Je voudrais à cette occasion saluer l’implication de nos collègues députés, en particulier du rapporteur Christophe Sirugue, qui ont permis d’enrichir ce texte, préalablement consolidé par le Sénat, ce qui fait honneur au travail des parlementaires des deux chambres.
Vous le savez, ce projet de loi, qui s’inscrit dans la continuité de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, avait pour objectif principal d’élaborer un cadre national pour les Ad’AP, seul instrument de politique publique permettant de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, à quelques mois seulement de l’échéance du 1er janvier 2015, et de poursuivre la dynamique d’accessibilité au-delà de cette date.
Le principe de réalité obligeait à procéder par la voie des ordonnances, ce qui n’est bien sûr jamais satisfaisant pour les parlementaires que nous sommes. Toutefois, à mes collègues qui craignent que le Parlement ne soit privé de débat et réduit à un simple rôle de spectateur, je répondrai que le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a imprimé sa marque sur ce texte. Ce dernier, je vous le rappelle, comporte quatre articles.
L’article 1er habilite le Gouvernement à mettre en place l’Ad’AP, ce nouvel outil de programmation pluriannuelle des travaux de mise en accessibilité pour les établissements recevant du public, les ERP.
L’article 2 habilite le Gouvernement à créer un nouveau dispositif pour les services de transport public de voyageurs, le schéma directeur d’accessibilité – agenda d’accessibilité programmée, ou SDA-Ad’AP, dont les modalités sont identiques à celles de l’agenda prévu pour les ERP.
L’article 3 habilite le Gouvernement à prendre diverses mesures préconisées par la concertation, parmi lesquelles figure l’assouplissement, pour les petites communes, de l’obligation d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, le PAVE ; l’autorisation plus large des chiens guides d’aveugle et des chiens d’assistance des personnes handicapées dans les transports et les lieux publics ; l’élargissement de la composition et des missions des commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées ; la création d’un fonds dédié à l’accompagnement de l’accessibilité universelle.
Enfin, l’article 4 fixe à cinq mois suivant la publication de la loi le délai d’adoption des ordonnances et le délai de dépôt des projets de loi de ratification correspondants.
Conscient de l’immense travail accompli par les membres de la concertation nationale, le Sénat, dans un esprit respectueux et constructif, a tenu à préserver l’équilibre – certes historique, mais fragile – auquel ceux-ci sont parvenus. Aussi les dispositions qu’il a introduites ont-elles eu pour objectif de préciser ou de compléter certains points actés lors de la concertation.
À l’article 1er, il a souhaité renforcer le suivi de l’état d’avancement des travaux de mise en accessibilité, qui, on le sait, a fortement fait défaut lors de l’application de la loi de 2005, en prévoyant une remontée d’informations à destination des six collèges de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’Obiaçu, ainsi que des représentants du Parlement.
À l’article 3 du projet de loi, le Sénat a tenu à préciser les différents seuils démographiques relatifs à l’obligation d’élaboration du PAVE. Ceux-ci visent à prendre en compte les spécificités des petites communes, pour lesquelles l’élaboration de ce plan peut réclamer des efforts excessifs au regard de leurs moyens.
À ce même article, la Haute Assemblée a mentionné l’une des missions des commissions communales pour l’accessibilité aux personnes handicapées, à savoir dresser et publier par voie électronique une liste des ERP accessibles ou en cours d’accessibilité. Cette disposition apporte une réponse concrète aux difficultés statistiques que nous avons maintes et maintes fois constatées.
Enfin, à l’article 4 du projet de loi, notre assemblée a prévu que le Gouvernement présenterait au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre des ordonnances ; ce document permettra de dresser un bilan de l’application de la loi et de vérifier l’efficacité du dispositif adopté.
Pour sa part, l’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin dans la sécurisation du dispositif des Ad’AP. C’est ainsi que, à l’article 1er, elle a rendu ces agendas obligatoires et fixé le délai de leur dépôt à douze mois suivant la publication de l’ordonnance.
L’échec de la loi du 11 février 2005 tenant pour partie à l’absence de rendez-vous d’étape, les députés ont également prévu des formalités de suivi à mi-période pour les Ad’AP dont la durée est au moins égale à trois ans – plus précisément, supérieure à trois ans, selon la rédaction adoptée en séance publique. Cette mesure ne vise que les ERP de grande taille, puisque la plupart des petits établissements recevant du public devraient se voir accorder des agendas d’un ou deux ans, correspondant à des travaux souvent légers.
À cet article, nos collègues députés ont également invité le Gouvernement à clarifier la responsabilité du propriétaire et de l’exploitant d’un ERP dans le dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée.
À l’article 2, l’Assemblée nationale a prévu que les Ad’AP spécifiques aux transports seraient déposés au plus tard dans les douze mois suivant la publication des ordonnances.
À l’article 3, elle a souhaité que les établissements publics de coopération intercommunale puissent se substituer aux petites communes pour l’élaboration du PAVE ; en outre, elle a précisé que la nouvelle composition des commissions communales pour l’accessibilité aux personnes handicapées devrait tenir compte de tous les acteurs concernés par la mise en accessibilité.
À ce même article, l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, a clarifié la rédaction de la disposition portant sur les chiens guides d’aveugles et les chiens d’assistance. Elle a aussi instauré une obligation de formation ou de sensibilisation à la question du handicap pour les personnels en contact avec le public. Enfin, elle a précisé la gouvernance du fonds destiné à recueillir le produit des sanctions financières liées aux Ad’AP, afin de garantir la représentation des acteurs publics et privés, ainsi que celle des associations.
La commission mixte paritaire a conservé tous les apports du Sénat et de l’Assemblée nationale ; elle a simplement procédé à des ajustements rédactionnels, afin d’améliorer la clarté et l’intelligibilité du projet de loi.
Pour conclure, je tiens, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à insister une nouvelle fois sur l’importance de ce projet de loi d’habilitation. Alors que la première étape, celle du débat parlementaire, est sur le point de s’achever, l’essentiel reste à faire : après la publication de l’ordonnance et des premiers décrets d’application viendra le temps de la communication et de la pédagogie, afin que, dès le mois de septembre prochain, le processus soit en ordre de marche.
Madame la secrétaire d’État, je connais votre engagement et votre volonté d’aller à la rencontre des acteurs pour expliquer, rassurer et informer. En vérité, ce travail est tout à fait essentiel. Chaque acteur, à son niveau, doit y collaborer, afin que notre société s’adapte toujours plus à la réalité et réduise les inégalités. L’accessibilité est l’affaire de tous et de chacun d’entre nous !
Mes chers collègues, je souhaite que nous adoptions, à la majorité la plus large possible, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’habilitation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis venue devant vous pour vous confirmer l’engagement du Gouvernement en faveur de l’accessibilité universelle.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoyait un délai de dix ans pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports, de la voirie et des espaces publics. Ayant constaté, avec tous les acteurs du handicap, que seulement 30 % des ERP respectaient leurs obligations quelques mois avant 2015, le Gouvernement a décidé d’agir vite, pour que la loi de 2005 soit appliquée de manière efficace et concrète, dans la concertation.
Le Gouvernement a décidé d’agir sans dédouaner de leurs responsabilités les gestionnaires des établissements recevant du public, mais en fixant un cadre opérationnel de nature à les mobiliser de façon efficace.
C’est avec le souci de la concertation que, dès l’automne 2013, à la suite de la publication de votre rapport d’information, madame Campion, le Gouvernement a réuni les grandes associations du secteur du handicap et les représentants des établissements privés et des collectivités territoriales. Sous votre présidence, madame la rapporteur, ils ont travaillé pendant près de 140 heures pour définir un cadre qui instaure de façon irréversible une dynamique de mise en accessibilité de la société.
Ces discussions ont permis d’aboutir à des avancées normatives au service d’un objectif : faire progresser l’accessibilité de façon concrète. La mesure essentielle est la création des agendas d’accessibilité programmée, qui formaliseront l’engagement des acteurs à réaliser les travaux de mise en accessibilité dans un calendrier précis et resserré.
Les travaux parlementaires relatifs au projet de loi d’habilitation ont permis de renforcer le dispositif en rendant obligatoires ces agendas, que tout le monde appelle désormais les Ad’AP – ce sigle pouvant ne pas être compris des non-spécialistes, il est de notre devoir de continuer à parler d’« agendas d’accessibilité programmée ». Ces derniers ne correspondent ni à un abandon ni même à un recul de l’objectif de mise en accessibilité. De fait, tous ceux qui ne suivront pas la démarche de l’agenda d’accessibilité programmée subiront les sanctions pénales prévues par la loi du 11 février 2005.
Les gestionnaires des établissements recevant du public auront un an pour présenter un projet d’agenda d’accessibilité programmée. La durée de ces agendas prendra en compte la diversité des situations : pour la majorité des établissements recevant du public, elle pourra être d’un an, de deux ans ou de trois ans au maximum.
Cette durée sera donc trois ans au maximum pour la majorité des établissements recevant du public : j’y insiste, mesdames, messieurs les sénateurs, car il y a eu de nombreuses incompréhensions sur le sujet !
Le Gouvernement est en train de préparer les textes de l’ordonnance et des décrets d’application, avec à l’esprit plusieurs objectifs.
Tout d’abord, nous entendons respecter l’équilibre général des mesures issues de la concertation et des travaux parlementaires.
Ensuite, nous sommes décidés à mobiliser des moyens pour permettre la mise en accessibilité réelle et concrète des établissements recevant du public ; à cet égard, je signerai dans deux jours, jeudi prochain, avec le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, les représentants de la Caisse des dépôts et consignations et ceux de Bpifrance une convention prévoyant l’octroi de prêts bonifiés aux collectivités territoriales et aux entreprises.
Par ailleurs, nous recruterons très prochainement mille ambassadeurs de l’accessibilité dans le cadre du service civique ; ils iront partout sur le territoire pour expliquer et informer. C’est un travail important, madame la rapporteur, vous avez eu raison de le souligner.
Enfin, nous allons lancer un grand plan de communication nationale destiné à sensibiliser l’ensemble des gestionnaires d’établissements recevant du public et d’organismes de transport à l’accessibilité et à leur faire connaître le nouveau dispositif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voici le fond de ma pensée : à propos de l’accessibilité, nous n’avons plus le temps de regarder vers le passé ; il nous faut construire rapidement l’avenir, qui passe par les agendas d’accessibilité programmée. En vérité, il y a urgence pour toutes celles et tous ceux qui vivent chaque jour un véritable parcours du combattant pour se déplacer !
En dépit des attentes, que je sais très grandes, certains continuent de s’inquiéter ; je veux leur dire que le Gouvernement est déterminé à faire avancer l’accessibilité universelle. Tels sont ma mission et mon combat.
J’irai partout en France, auprès des collectivités territoriales, des entreprises et des artisans, pour expliquer, rassurer et informer. Je leur dirai que l’accessibilité concerne 12 millions de nos concitoyens, qu’elle est non pas une charge supplémentaire, mais un investissement d’avenir, qu’elle est une question d’égalité, mettant en jeu l’application même de nos principes républicains.
Cette accessibilité, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce au projet de loi d’habilitation et aux textes qui le suivront, nous la réaliserons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’une procédure législative accélérée dont nos concitoyens attendent beaucoup, puisqu’il s’agit de garantir à chacun un droit fondamental en réalisant l’accessibilité pour tous.
Comme nombre de nos collègues et moi-même l’avons souligné lors de la première lecture du texte, au mois d’avril dernier, nous regrettons le recours à une ordonnance, qui ne peut être un moyen habituel de faire la loi. Reste que nous comprenons bien l’urgence qui s’attache à la situation actuelle ; nous devons être pragmatiques et faire en sorte que les travaux soient effectivement réalisés d’ici à trois ans dans la majeure partie des cas, et en tout état de cause dans dix ans au plus tard.
Mme la rapporteur et Mme la secrétaire d’État ont eu raison de le rappeler : atteindre cet objectif est une nécessité si nous voulons vivre dans une société plus égalitaire et si nous voulons que le principe affirmé de l’accessibilité universelle devienne une réalité pour nos concitoyens. Ce projet de loi d’habilitation peut permettre d’y parvenir.
Les deux amendements que le groupe écologiste du Sénat a fait adopter tendent à améliorer de façon très importante le projet de loi ; nous nous réjouissons que les dispositions qui en sont issues aient été maintenues par la commission mixte paritaire.
Celles qui résultent de notre premier amendement faciliteront grandement la vie des personnes en situation temporaire ou permanente de handicap : elles prévoient qu’une liste des établissements recevant du public et des transports accessibles ou en cours d’accessibilité devra être mise à la disposition de tous par les communes et les intercommunalités.
Au travers de notre second amendement, nous avons voulu nous assurer de la vigilance des acteurs de l’accessibilité en mettant en place un comité de suivi de l’application de la loi, capable d’identifier et de surmonter les problèmes qui pourraient apparaître au fur et à mesure que les travaux seront entrepris. Ce suivi est assuré, et nous nous en félicitons.
Nous tenons à remercier Mme la rapporteur de son engagement ; elle a fait preuve d’une grande efficacité pour mettre tous les acteurs autour de la table et pour donner le jour à un projet de loi équilibré.
L’agenda d’accessibilité programmée, mis au point en collaboration avec les associations et les autres acteurs économiques et sociaux impliqués dans la mise en accessibilité, nous semble être la moins mauvaise des solutions, à condition que l’on ne retombe pas dans les écueils de ces dix dernières années. Nous devrons rester très vigilants à cet égard.
Il est nécessaire, pour que les travaux soient réalisés dans les temps et par tous, de ne pas alourdir les procédures et de prévoir des documents simples à remplir ; il s’agit en effet de ne pas étrangler les petites structures et de garantir le respect des délais d’envoi des agendas. Nous espérons que les ordonnances porteront la marque de ce souci de simplification.
La question des contraintes financières et administratives pesant sur les infrastructures soumises à la loi du 11 février 2005, notamment sur les collectivités territoriales et sur les établissements des professionnels de santé, a été abordée dans les débats parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.
Je veux souligner une nouvelle fois que ces contraintes ne peuvent servir de prétexte pour repousser indéfiniment les délais. Les agendas d’accessibilité programmée doivent être l’outil permettant d’étaler les dépenses, pour anticiper les coûts. Au demeurant, la mise en accessibilité ne doit pas être perçue comme une contrainte financière, comme une charge qui empêcherait de financer d’autres investissements ; bien sûr, elle exige des choix et des arbitrages, mais elle profite à tous et représente un investissement qui devrait aller de soi.
Cela dit, à l’approche de la publication des ordonnances, certaines inquiétudes s'expriment, et je voudrais, madame la secrétaire d'État, vous interpeller pour savoir si elles sont fondées.
On en vient ainsi, évidemment, à aborder la question des difficultés financières, qui justifieraient des dérogations concernant le dépôt d’Ad'AP – et des dérogations renouvelables si nécessaire. Il nous semble qu’une telle notion doive être à la fois maniée avec prudence et très clairement définie, de telle sorte que certains travaux ne passent pas systématiquement après d’autres investissements.
Nous voudrions donc savoir s'il est vraiment prévu de faire une différence entre les ERP selon qu’ils reçoivent plus ou moins de 700 personnes et, pour les établissements qui n’excèdent pas ce seuil, d’accepter la dérogation dans l’hypothèse où le préfet ne répond pas. La question se trouve régulièrement posée. Il en résulte une certaine inquiétude et une crainte de retomber dans les vieux travers et de finir par se retrouver encore dans une situation de blocage.
Madame la secrétaire d'État, les ordonnances doivent rassurer nos concitoyens et démontrer la volonté du Gouvernement, celle que vous venez à l’instant d’affirmer avec force à cette tribune. Nous espérons donc que la très prochaine publication des ordonnances traduira bien la volonté du Parlement.
Cette nouvelle loi présente de belles avancées. Les prochaines années seront décisives. Je pense que chacun sera à la fois vigilant et, sans mauvais jeu de mots, constructif. Il n’est pas question de refaire les erreurs du passé, et l’égalité ne doit pas être sans cesse remise à plus tard.
Bien entendu, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du présent texte, qui doit permettre la mise en œuvre la plus diligente possible des dispositions de la loi du 11 février 2005 en matière d’accessibilité.
Je tiens à souligner l’importance de la contribution sénatoriale sur cette question, avec le premier bilan de la loi handicap effectué par nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois en 2012, et, bien évidemment, avec la concertation présidée par Mme Campion, qui a permis de dégager des pistes qui se concrétisent dans le présent projet de loi et dont je veux saluer une nouvelle fois la qualité du travail, même si je regrette, bien entendu, le procédé retenu par le Gouvernement.
La loi de 2005 a représenté une formidable étape pour la cause des personnes handicapées, mais sans doute était-elle trop exigeante, tant sur l’étendue de l’accessibilité que sur le calendrier à tenir.
Je le répète volontiers, si la mise en œuvre de la loi de 1975 a pu être légitimement critiquée, il ne saurait en être de même de la loi de 2005 quand on se compare à nos voisins européens au regard de l’exigence du principe d’accessibilité universelle, sur lequel je reviendrai.
Toutefois, après le constat de l’impossibilité de parvenir à une accessibilité universelle en 2015, il est devenu nécessaire de trouver des solutions répondant aux fortes attentes de nos concitoyens et des associations représentatives des personnes handicapées. Pour cela, nous devons adopter une démarche plus réaliste et plus pragmatique, qui tienne compte des difficultés constatées dès 2012.
Le rapport sénatorial, tout comme un rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, avait pointé la trop grande complexité des règles issues de la loi de 2005 et l’absence d’évaluation des travaux à prévoir. L’échéance de 2015 avait été fixée sans prendre réellement en compte la charge financière et le temps que les travaux représenteraient.
Par ailleurs, ne manquons-nous pas aujourd’hui de réalisme quand on connaît la situation financière de notre pays, qu’il s’agisse des acteurs publics ou des acteurs privés, d'ailleurs ?
Certes, nos débats sur le présent texte ont révélé notre communauté de vues sur la voie à adopter pour poursuivre le chantier de l’accessibilité : ce sont les agendas d’accessibilité programmée, qui décriront les travaux pluriannuels de mise en conformité et leur programmation financière. Cette méthode doit être saluée, et je le fais volontiers.
Le projet de loi a donc le mérite de maintenir les exigences de la loi handicap, ce qui était essentiel pour tous les citoyens concernés par les questions d’accessibilité. Il a également le mérite de proposer un dispositif ayant reçu l’assentiment des divers acteurs de la concertation, tout du moins dans ses lignes générales.
Je formulerai cependant plusieurs regrets. Pour commencer, je ne puis que réitérer mes regrets que le Gouvernement ait décidé de procéder par voie d’ordonnances, dessaisissant ainsi le Parlement.
Bien sûr, madame la secrétaire d'État, je sais qu’il y a urgence. Néanmoins, le rapport de 2012 permettait d’associer davantage la représentation nationale, qui, à nouveau, aurait pu apporter une contribution utile. Nous sommes quotidiennement confrontés à la question de l’accessibilité dans nos communes et départements ; aussi, notre vision concrète et équilibrée n’aurait pas été sans intérêt.
Bien sûr, il devenait urgent de légiférer, avant d’en arriver à la date butoir de 2015. Néanmoins, je regrette infiniment que nous nous trouvions au pied du mur, alors que le rapport sénatorial de 2012 dressait déjà un bilan qui ne laissait aucun doute sur la question du respect du délai fixé.
Le débat parlementaire fait donc les frais du temps qui lui aurait permis de trouver sa place entre juin 2012 et l’échéance de 2015. De nos préconisations, le Gouvernement n’a retenu que sa présentation d’un rapport au Parlement sur la mise en œuvre des ordonnances d’ici à trois ans. J’espère que cette échéance nous permettra – et vous permettra, madame la secrétaire d'État – d’avoir raison…
Très sincèrement, madame la secrétaire d'État, je souhaite que les ordonnances vous permettent de répondre aux exigences affichées. Ayant choisi cette procédure, vous en avez la responsabilité. Toutefois, je crains, encore une fois, un manque de réalisme et une nouvelle désillusion.
Nous recommandions pourtant des ajustements de bon sens, qui tenaient compte des difficultés rencontrées par les collectivités dans la mise en œuvre de la loi handicap.
Le Gouvernement persiste à faire preuve du plus grand optimisme dans les capacités des différents intervenants à mettre en œuvre la réforme de l’accessibilité, mais les collectivités territoriales, déjà soumises à d’importantes contraintes budgétaires, se trouvent aujourd’hui confrontées à l’incertitude de la réforme territoriale qui vient d’être engagée. Cela, vous le savez, et vous conviendrez que les transferts de compétences ainsi envisagés ont un impact – indirect pour certains, mais direct pour d’autres – sur la mise en œuvre du projet de loi.
Quand je parle de souplesse d’un côté et d’exigence de l’autre, je veux faire référence à une position que j’assume et que j’ai délibérément soulevée, dès la première lecture du texte, en parlant de la contrainte qui résulte de notre interprétation exigeante du principe d’accessibilité universelle, principe mis en œuvre de façon beaucoup plus pragmatique dans des pays souvent cités en exemple.
Madame la secrétaire d'État, vous me comprendrez mieux quand j’affirme que l’accessibilité, c’est d’abord le principe et la philosophie de la loi de 2005, qui, comme je l’ai déjà souligné, veut répondre à tous les aspects du handicap, et non exclusivement de la mobilité, souvent mise en avant lorsqu’il est question d’accessibilité.
Oui, c'est vrai, la loi de 1975 n’avait pas été mise en œuvre comme elle aurait dû l’être, ce qui a été la raison majeure de la fermeté de la loi de 2005. La vérité n’est jamais dans les extrêmes, et la loi de 2005 ne pourra prétendre être bonne pour, si j’ose dire, venger celle de 1975.
Or, madame la secrétaire d'État, entre ces deux lois, il en est une dont on parle beaucoup moins, c’est celle de 1989, dont une disposition est connue sous l’appellation d’« amendement Creton ». En permettant à des jeunes de plus de vingt ans de rester dans leurs établissements faute de places dans les établissements adultes, cette disposition voulait, elle aussi, répondre à une situation insupportable et même donnée pour scandaleuse à l’époque, si bien que le dispositif mis en œuvre avait un caractère provisoire.
Vingt-cinq ans après, il y a au moins autant de jeunes relevant de l’amendement Creton qu’en 1989, avec, en revanche, des milliers de jeunes en attente de places, sans parler des handicapés adultes vieillissants qui, à défaut de pouvoir être reçus dans des établissements spécialisés pour personnes âgées, passent leurs journées dans les ESAT, les établissements et services d’aide par le travail.
Madame la secrétaire d'État, si je prends cet exemple très précis, sur lequel vous n’avez pas manqué d’être interpellée récemment, à l’occasion du cinquante-quatrième congrès de l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés –, c'est parce que l’accès au droit le plus fondamental de la dignité humaine se place selon moi à un niveau tout aussi élevé que la réforme de l’accessibilité dont nous débattons aujourd’hui.
Oui, madame la secrétaire d'État, tel est le message que peuvent et doivent faire passer les politiques lorsqu’ils en ont la responsabilité : les droits de la personne handicapée forment un tout, et l’on ne peut se dispenser d’en aborder certains en prétendant qu’on en a servi d’autres avec une grande exigence.
Je forme le vœu que les ordonnances que vous mettrez en œuvre respectent bien ces exigences de pragmatisme, pour que les acteurs en charge du handicap puissent accompagner tous les handicaps, afin que le droit de tous à l’accessibilité revienne d’abord au respect de chacun, et surtout de ceux dont on parle le moins parce que, souvent, ils ne peuvent pas parler.
C'est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, je réitère mon souhait que, au travers des ordonnances que vous prendrez, vous puissiez aboutir – dans trois ans, nous nous retrouverons. Néanmoins, j’ai exprimé, notamment lors de la réunion de la CMP, un certain nombre de réserves, en raison desquelles nous nous abstiendrons.