Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 207, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 34
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° Le titre XXIV du livre IV est abrogé ;
5° Le 1° de l’article 706-73-1 est complété par les mots : « , délit d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État commis en bande organisée, prévu à l’article 323-4-1 du même code et délit d’évasion commis en bande organisée prévu au second alinéa de l’article 434-30 dudit code » ;
6° Au premier alinéa de l’article 706-87-1, la référence : « 706-72, » est supprimée.
III. – Aux articles L. 532-22, L. 552-16 et L. 562-32 du code de l’organisation judiciaire, les mots : « par l’article 706-72 du code de procédure pénale et » sont supprimés et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « sa ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’article 11 a été modifié par la commission des lois afin d’introduire une compétence nationale concurrente du TGI de Paris en matière de cybercriminalité. Le Gouvernement est défavorable à cette proposition. Il considère que l’organisation judiciaire actuelle, reposant notamment sur l’existence de huit juridictions interrégionales spécialisées et sur un office central de lutte contre ce type d’infraction, permet de répondre efficacement aux enjeux actuels.
Il n’est pas souhaitable d’étendre indéfiniment la centralisation des compétences à Paris, alors que des juridictions spécialisées réparties sur l’ensemble du territoire national, disposant des mêmes moyens d’investigation et de magistrats tout aussi expérimentés et spécialisés, répondent parfaitement aux enjeux de la lutte contre ce type de délinquance. Il est donc proposé de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. L'amendement n° 121, présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 14 à 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Je retire cet amendement au profit de celui du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 121 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 207 ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission a repris une disposition que le Sénat avait déjà votée lors de l’examen de la proposition de loi adoptée le 2 février dernier. Cette compétence concurrente nous semble utile et pertinente au regard de la forte technicité de ce contentieux aux enjeux considérables, de la localisation actuelle des services enquêteurs et de l’importance d’une spécialisation accrue pour l’organisation d’une répression efficace.
Je rappelle que le rapport du groupe de travail interministériel chargé d’élaborer une stratégie globale de lutte contre la cybercriminalité, présidé par le procureur général Marc Robert, soulignait le manque d’efficacité de cette lutte en raison d’un déficit de stratégie et de cohérence d’ensemble ainsi que d’un mode de traitement inadapté à un contentieux souvent massif qui exige des regroupements. Or ces derniers seraient facilités s’il existait une centralisation de fait induite par une compétence concurrente.
Par conséquent, la commission maintient sa position et émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Chapitre IV
Dispositions améliorant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Article additionnel avant l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 100, présenté par MM. Rachline et Ravier, n'est pas soutenu.
Article 12
I. – Après l’article 322-3-1 du code pénal, il est inséré un article 322-3-2 ainsi rédigé :
« Art. 322-3-2. – Est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende le fait d’importer, d’exporter, de faire transiter, de transporter, de détenir, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel présentant un intérêt archéologique, artistique, historique ou scientifique en sachant que ce bien a été soustrait d’un territoire qui constituait, au moment de la soustraction, un théâtre d’opérations de groupes armés et sans pouvoir justifier la licéité de l’origine de ce bien.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque l’infraction prévue au présent article est commise avec la circonstance mentionnée au 1° de l’article 322-3. »
II. – L’article 706-73-1 du code de procédure pénale, est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Délits d’importation, d’exportation, de transit, de transport, de détention, de vente, d’acquisition ou d’échange d’un bien culturel prévus à l’article 322-3-2 du code pénal ; ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Je vais tenter de suppléer Françoise Férat. En effet, cet article revêt une très grande importance pour notre collègue, qui est corapporteur, au nom de la commission de la culture, du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont l’article 18 B, plus connu sous le nom d’« amendement Palmyre », prévoit un certain nombre de dispositions pour créer des musées refuges.
Voilà des années que nous assistons, totalement impuissants et démunis, à la destruction et au pillage de trésors culturels qui sont autant de pertes pour l’humanité. Hier, les bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan ; aujourd’hui, les mausolées de Tombouctou ou de Tripoli, le patrimoine de Mossoul et les palais assyriens en Irak, le site de Palmyre et les trésors d’Alep en Syrie. Et, demain, de quoi s’agira-t-il encore ? Le trafic des biens culturels serait aujourd’hui le troisième commerce illicite dans le monde, après les armes et la drogue, avec des conséquences terribles pour le patrimoine.
Mise en place d’une faculté de contrôle douanier à l’importation spécifique, création en France de refuges pour les biens culturels menacés, introduction d’un dispositif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi, mais dont l’origine se révélerait finalement illicite, de demander l’annulation du contrat ou du legs : voilà quelques-unes des dispositions qui devraient venir renforcer notre arsenal juridique dans ce domaine.
Surtout, le texte prévoit d’interdire la circulation des biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a été prise en ce sens et fixe des sanctions en cas de non-respect de cette interdiction.
Mes chers collègues, même si ces deux projets de loi n’ont pas, à l’origine, le même objectif, une même volonté nous anime. Les deux dispositifs sont tout à fait complémentaires et viennent étoffer la liste des outils à notre disposition pour lutter contre les trafics illégaux. L’un et l’autre pourront tour à tour être utilisés selon qu’il existe ou non une résolution de l’ONU.
Mme la présidente. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avec cet article 12, il s’agit en fait d’ajouter au code pénal une disposition superfétatoire, résultat de cet « empilage » continu qui, au fil des textes censés lutter contre le terrorisme, a nui à l’intelligibilité du droit.
La nouvelle incrimination ici créée, qui fait suite directement à l’émotion légitime suscitée par les ravages de la guerre à Mossoul ou à Palmyre, est d’ores et déjà prévue dans notre droit, l’article 12 se contentant de transgresser la limite de pénalisation d’un délit en la faisant tutoyer le quantum réservé a priori aux crimes. Pourquoi ajouter au code pénal une incrimination déjà existante, rendant ceux qui commettent ces actes passibles de la même peine dont sont passibles les auteurs du délit déjà défini ?
Le problème, c’est que l’on pourrait retenir, sur le dossier des personnes concernées par cet article 12, autant la présomption de participation au financement d’une activité terroriste que celle de participation à une activité illégale de vente et trafic de biens culturels. Même avec les « précisions » apportées par les amendements adoptés en commission, nous ne sommes pas en mesure de donner à la « nouvelle » incrimination la moindre plus-value par rapport à ce qui existe déjà. Il ne s’agit que de repousser toujours plus loin les limites du principe de proportionnalité des peines, déjà fort mis à mal par les textes antérieurs, pour valider des dispositions et dispositifs d’exception.
La sagesse recommande de ne pas retenir cet article 12 en l’état et de laisser, par conséquent, s’appliquer en matière de trafic de biens culturels ce qui existe déjà et constitue une protection suffisante à l’encontre des agissements des commettants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le délit de trafic de biens culturels en lien avec un théâtre de conflit armé.
Je suis très partagé sur la pertinence de ce délit supplémentaire, dont les peines ont été alignées par les députés sur les délits déjà définis. La commission a néanmoins essayé de conserver une cohérence au texte en donnant une définition satisfaisante de ce délit. Il n’en demeure pas moins que l’on peut s’interroger sur sa pertinence, en particulier au regard des dispositions votées par le Sénat relatives au renforcement des peines pour le trafic de biens culturels, dans le cadre du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Ces deux textes créent donc deux incriminations très voisines l’une de l’autre.
La commission souhaiterait connaître la position du Gouvernement et, à ce stade, s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable au maintien de cet article, dont il est à l’origine.
De notre point de vue, ces dispositions présentent l’avantage de prévoir un renversement de la charge de la preuve sur la licéité de l’origine du bien, ce qui devrait être de nature à lutter plus efficacement contre ce qu’on appelle le trafic des antiquités du sang, qui alimente le financement du terrorisme comme chacun ne l’ignore plus dorénavant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. L’inversion de la charge de la preuve dans ce type de situation est une décision importante. On le verra lors de l’examen de l’article 16, l’origine des biens ou, le cas échéant, leur origine frauduleuse est parfois compliquée à établir. En l’état, la disposition introduite dans le projet de loi relatif à la liberté de la création complète plutôt bien cet article. C’est pourquoi je considère qu’il vaut mieux ne pas le supprimer.
Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 706-73-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au 3°, les références : « aux articles 324-1 et 324-2 » sont remplacées par la référence : « à l'article 324-1 » ;
2° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Délits de blanchiment prévus à l’article 324-2 du code pénal, à l'exception de ceux mentionnés au 14° de l'article 706-73 ; ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Les techniques spéciales d'enquête applicables à la criminalité organisée ne sont applicables en matière de blanchiment que si celui-ci porte sur une infraction relevant elle-même de la criminalité organisée. Or il existe des réseaux organisés de blanchiment portant sur des infractions de droit commun qui contribuent au financement de la grande criminalité et du terrorisme.
Cet amendement vise à rendre applicable à l'ensemble des délits de blanchiment aggravé la procédure dérogatoire réservée à la criminalité et à la délinquance organisées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 64 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Reichardt, Canevet, Bockel et Gabouty, Mme Billon, M. Roche, Mme Férat, M. Lefèvre et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133-8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 133–8–… – Aucun ordre de paiement ne peut être passé sur le territoire national au moyen d’une carte de paiement prépayée rechargeable dès lors que cette carte n’est pas rattachable à un compte effectif dont le propriétaire est identifiable. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Un amendement identique à celui-ci avait été déposé lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Il vise à interdire sur le territoire tout ordre de paiement au moyen d’une carte de paiement prépayée rechargeable lorsque celle-ci n’est pas rattachable à un compte dont le propriétaire est identifiable. Nous avons évoqué précédemment un problème similaire avec les puces de téléphone, qui peuvent être anonymes.
Lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014, Alain Richard, l’un des deux rapporteurs, nous avait expliqué que les cartes prépayées n’entraient pas en considération dans un dispositif de lutte contre le terrorisme. Dans l’intervalle, il s’est avéré que c’est l’inverse qui s’est produit ! J’avais défendu cet amendement en expliquant que, au moins, le Journal officiel serait mon témoin. C’est pourquoi je défends un amendement identique, étant précisé que les criminels du Bataclan ont utilisé précisément ce type de carte. C’est anecdotique, mais on sait bien qu’aujourd’hui les petits ruisseaux du financement font les grandes rivières.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Comme vient de le rappeler Mme Goulet, un amendement identique à celui-ci a déjà été rejeté par le Sénat lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014,…
M. André Reichardt. C’était une erreur !
M. Michel Mercier, rapporteur. … parce que cette interdiction était susceptible de contrevenir à la directive européenne du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice, transposée dans notre droit par la loi du 28 janvier 2013. C’est la raison pour laquelle je ne peux que demander à Mme Goulet de retirer son amendement, ce qu’elle ne va probablement pas faire (Sourires.) ; dans ce cas, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement comprend l’intention des auteurs de l’amendement, à savoir interdire l’utilisation des cartes prépayées dont le titulaire n’est pas identifiable, et il est évidemment conscient des risques qu’elles représentent en matière de blanchiment. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous souhaitons limiter la valeur maximale de ces cartes, les possibilités de les alimenter ainsi que les remboursements et retraits. C’est l’objet de l’article 13.
D’ores et déjà, un décret est en préparation visant à encadrer strictement la monnaie électronique, dont les cartes prépayées. Il ne sera plus autorisé en France d’émettre et de distribuer des cartes prépayées alimentées en espèces sans que soient effectués les contrôles d’identité, ce qui est votre objectif, madame la sénatrice.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, qui peut être satisfait par un texte réglementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. La proposition de notre collègue doit être mise en regard des dispositions prévues à l’article 13, qui prévoit d’encadrer ce moyen de paiement, comme vous l’avez indiqué, monsieur le garde des sceaux. Sauf que ne peuvent être visés que les moyens de paiement émis en France. Compte tenu de la manière dont ces cartes sont rechargeables, elles peuvent parfaitement être rechargées dans un pays étranger tout en étant utilisables en France ; il suffit de transmettre un numéro de code. Nul besoin qu'elles aient été émises dans notre pays pour pouvoir y être utilisées !
C’est pourquoi l’article 13, à mon sens, est inopérant et n’empêchera pas le recours à ce moyen de paiement s’il est émis par un pays tiers, tout en étant alimenté par une personne résidant en France. La seule solution, si l’on veut vraiment lutter contre ce qu’on considère comme un risque, c’est d’interdire tout paiement sur le territoire national au moyen de ce type de carte.
Je le répète, les dispositions prévues à l’article 13, quoi que l’on imagine, ne nous protégeront pas. N’importe quel organisme émetteur, qu’il soit situé dans un pays de l’Union européenne ou non, pourra très bien diffuser ces cartes, qu’il sera possible par la suite de recharger, en France, au moyen de codes achetés sur internet ou ailleurs. La seule voie possible, c’est l’interdiction pure et simple, à charge pour la France de demander un réexamen de la directive de 2009.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 64 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Si cet amendement n’est pas adopté, ce n’est pas bien grave, mais je ne le retire pas.
Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous entretenir une nouvelle fois du problème des cartes de téléphone anonymes, dont on reparlera à un moment ou à un autre.
Lorsque vous achetez dans un kiosque à journaux une puce pour téléphone, vous disposez d’un mois pour déclarer votre identité. Cela signifie que vous pouvez utiliser cette carte pendant un mois, passer les coups de fil que vous voulez, sans qu’elle soit reliée à une identité. Et tous les IMSI-catchers du monde ne pourront établir aucun lien entre les personnes qui utilisent ce type de carte !
Ces cartes prépayées, contrairement aux comptes-Nickel avec lesquels elles ne sont pas du tout comparables, sont totalement anonymes.
J’ajoute que cette proposition figurait déjà dans le rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale, dont Éric Bocquet était le rapporteur ; elle est donc ciblée depuis longtemps. Nous devons faire face à un circuit de financement du terrorisme commun à celui de la délinquance financière.
J’ai bien noté les dispositions d’encadrement prévues à l’article 13. C’est très bien pour les comptes Nickel, mais je note que le problème posé par les bitcoins n’a toujours pas été réglé. Néanmoins, comme je l’ai dit, je maintiens mon amendement. Tant pis si je suis battue : ce sera encore une fois une victoire de l’optimisme !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
L'amendement n° 61 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, MM. Reichardt, Canevet, Bockel, Gabouty et Médevielle, Mme Billon, M. Roche, Mme Férat, M. Lefèvre et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133-8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 133-8-… – Aucun ordre de paiement pour l’achat d’un billet d’avion ne peut être passé si le paiement est effectué en monnaie métallique ou fiduciaire. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Par cet amendement, je propose qu’aucun ordre de paiement pour l’achat d’un billet d’avion ne puisse être passé si le paiement est effectué en espèces. Cette mesure, j’en suis d’accord, monsieur le garde des sceaux, soulève un certain nombre de problèmes, mais je rappelle que le PNR n’est toujours pas opérationnel.
Nous avons soumis cet amendement au Syndicat national des agents de voyages, qui semblait d’accord pour considérer que le mode de paiement peut figurer sur le billet d’avion et que, si celui-ci est réglé en espèces, l’identité du payeur doit également y figurer. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet d’interdire l’achat d’un billet d’avion en espèces, est contraire à la position du Sénat, qui l’a rejeté lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014.
Une telle disposition ne serait pas sans conséquence sur le tourisme, par exemple. Il semble en outre qu’elle ne réponde pas à un besoin identifié des administrations et entraînerait d’inutiles rigidités. Néanmoins, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a déjà réduit considérablement les possibilités de payer des achats en espèces, en fixant un seuil à 1 000 euros. La France est, en Europe, le pays qui fait le plus d’efforts en la matière. Compte tenu de ce seuil que nous trouvons déjà très bas, une limitation catégorielle ne nous paraît pas nécessaire.
C’est pourquoi l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je n’ai certes pas les mêmes compétences que Mme Goulet en matière financière.
Mme Nathalie Goulet. Ça commence mal…
M. Jacques Mézard. Néanmoins, il faut raison garder.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Jacques Mézard. Tout le monde ne possède pas une carte de paiement ! Si la monnaie a encore un sens, il faut pouvoir l’utiliser, surtout pour des voyages à l’intérieur de notre pays.
À force de développer des idées aussi sottes que grenues – je me permets de le dire sans que ce soit mal pris –, on aboutit à des conséquences qui peuvent être particulièrement gênantes pour nos concitoyens.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a un fondement. L’été dernier, une jeune fille est partie de Nice pour la Turquie. Or quelqu’un avait payé son billet en espèces, ce qui avait attiré l’attention du personnel de la compagnie aérienne.
Cela étant, il est vrai que le fait d’avoir fixé le plafond à 1 000 euros limite les risques. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié est retiré.
L'amendement n° 133 rectifié quater, présenté par Mmes N. Goulet et Gruny, MM. Lefèvre et Reichardt, Mme Billon, MM. Roche, Canevet, Bockel et Gabouty et Mmes Férat et Deromedi, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … Les associations, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 millions d’euros et qui emploient au moins 250 salariés. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement d’appel, qui avait été déposé sous une autre forme lors de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique que nous avions adopté en 2013, vise les associations régies par la loi de 1901 ayant un volant d’affaires élevé et un nombre de salariés important. À l’heure actuelle, ces associations ne sont soumises à aucune déclaration et peuvent tout à fait servir de véhicule à des opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’élargir la liste des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment d’argent aux associations dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 millions d’euros et qui emploient au moins 250 salariés.
Il faut savoir qu’un nombre assez important d’associations emploie 250 salariés, dont celles qui ont trait à l’aide à domicile pour ne citer que ce secteur d’activité.
M. Jacques Mézard. Et les Restos du cœur !
M. Michel Mercier, rapporteur. Il n’est pas certain que ces associations apprécieraient d’être soumises à l’article L. 561-2 du code monétaire et financier.
Cela étant, n’ayant pas les compétences suffisantes, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement sur cette proposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car l’assujettissement aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment que prévoit l’amendement ne se limite pas à une déclaration de soupçon à TRACFIN. Beaucoup d’autres obligations, extrêmement lourdes, pèseraient sur de nombreuses associations ; le Gouvernement n’est d’ailleurs pas en mesure de dire combien d’associations seraient concernées, faute d’un répertoire.
Par ailleurs, dans le cadre de la transposition, qui est en cours, de la quatrième directive « anti-blanchiment » du 20 mai 2015, une réflexion a été engagée pour savoir s’il convient d’élargir la liste des personnes qui seront soumises à ces obligations, liste déjà bien plus large en France que dans de nombreux autres pays européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, madame la présidente.