M. Didier Mandelli. Cet amendement est défendu, de même que le suivant.
Mme la présidente. L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par M. Mandelli, Mme Cayeux et MM. Cambon, Houel, Pellevat, Trillard, de Nicolaÿ, Morisset et Chaize, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le deuxième alinéa du même article est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cet arrêté a pour seul objet de faire la jointure avec la procédure judiciaire. Il n’a pas vocation à se substituer à la peine complémentaire prévue à l’article L. 332-11. »
… – Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est saisi en annulation d’un tel arrêté, le juge administratif se prononce dans un délai de deux mois. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le troisième alinéa de l'article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui fait l'objet d'une interdiction administrative de stade peut, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Il s’agit d’un amendement de repli, et j’en présenterai plusieurs sur ce sujet qui me paraît important en termes de libertés publiques.
Cet amendement, auquel nous tenons beaucoup, vise à accorder aux supporters faisant l’objet d’une procédure d’interdiction administrative de stade le bénéfice d’une décision du tribunal administratif intervenant plus rapidement, en l’occurrence dans un délai de quatre mois.
Il s’agit, d’une part, de prendre en compte le taux élevé d’annulations d’interdiction administrative de stade par les tribunaux administratifs, qui interviennent le plus souvent un an, voire deux ans après la peine.
Ces interdictions administratives, qui sont presque toujours assorties d’une obligation de pointage au commissariat, peuvent être très invalidantes pour les supporters, comme vous l’aviez noté, madame la rapporteur. Il convient donc de s’assurer rapidement de la validité de celles-ci auprès du tribunal.
Il s’agit, d’autre part, d’aligner les recours dont peuvent bénéficier les supporters sur ceux dont bénéficient déjà les personnes visées par l’article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure relatif aux interdictions administratives de sortie du territoire.
Il n’y a pas de raison qu’un supporter ne dispose pas des mêmes droits et du même délai de recours qu’un présumé terroriste.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Kern, Médevielle, Canevet, Cigolotti, Longeot et Tandonnet et Mme Joissains, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le troisième alinéa de l’article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne qui fait l’objet d’une interdiction administrative de stade peut, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision. Le tribunal administratif statue dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. »
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Comme vient de l’indiquer Mireille Jouve, le présent amendement vise à introduire une procédure de recours contre la décision administrative d’interdiction de stade. Cette étape me semble indispensable dans un État de droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Les amendements nos 7, 30 rectifié et 42 rectifié bis tendent à prévoir une phase postérieure à la décision, en vue de permettre à la personne ayant fait l’objet de la mesure de présenter des observations. Ils visent, en second lieu, à imposer aux juridictions administratives de statuer dans les quatre mois suivant la saisine.
Prévoir une phase de présentation d’observations par la personne faisant l’objet d’une interdiction de stade après que cette mesure a été prise ne présente aucun intérêt. En tout état de cause, le code des relations entre le public et l’administration pose un principe général de respect d’une procédure contradictoire préalable à une décision administrative défavorable, les décisions ne pouvant intervenir que lorsque la personne a pu présenter ses observations écrites, voire orales, et en s’étant fait assister, le cas échéant, d’un représentant de son choix. Cette phase préalable présente plus d’intérêt que le dispositif proposé.
Par ailleurs, il n’est pas justifié de prévoir un recours spécifique, enserré dans des délais contraints pour la juridiction administrative, ces délais n’étant de surcroît pas sanctionnés.
L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.
L’amendement n° 49 tend à créer une phase contradictoire préalable au prononcé d’une interdiction administrative de stade.
J’observe, ici aussi, que les articles L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l’administration posent un principe général de respect d’une procédure contradictoire préalable à une décision administrative défavorable, les décisions ne pouvant intervenir, je le répète, que lorsque la personne a pu présenter ses observations écrites, voire orales, et en s’étant fait assister, le cas échéant, d’un représentant de son choix. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ou quand leur mise en œuvre pourrait compromettre l’ordre public.
Il est dangereux de créer des dispositions spécifiques propres à certaines mesures administratives, car, dans ce cas, les procédures auront tendance à diverger.
Par ailleurs, le présent amendement ne prévoit pas le cas de l’urgence ou des circonstances exceptionnelles qui pourraient justifier que cette procédure ne soit pas respectée, ce qui créerait une forte contrainte pour l’administration, tout à fait inédite et disproportionnée au regard des enjeux. Cela fragiliserait fortement les interdictions administratives de stade, qui sont un instrument essentiel pour assurer la sauvegarde de l’ordre public.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 64 rectifié bis a pour objet de définir l’interdiction administrative de stade comme un simple palliatif à une mesure d’interdiction judiciaire de stade et vise également à prévoir qu’en cas de contestation de cette mesure devant le tribunal administratif en référé, la condition d’urgence est réputée remplie.
L’interdiction administrative et l’interdiction judiciaire sont deux mesures bien distinctes : l’interdiction judiciaire est une peine et l’interdiction administrative une mesure d’ordre public. La notion de « jointure » est par ailleurs particulièrement vague.
En outre, il n’est pas justifié d’instaurer des voies de recours spécifiques en matière d’interdiction administrative de stade : je rappelle que ces mesures ne concernent actuellement qu’environ 170 personnes sur tout le territoire. Il n’est donc pas nécessaire de créer un dispositif dérogatoire.
J’émets un avis défavorable.
L’amendement n° 65 rectifié bis, très proche du précédent, en diffère en remplaçant le principe d’une condition d’urgence remplie par l’obligation pour le tribunal administratif de statuer dans un délai de deux mois. Comme exposé précédemment, il n’est pas justifié d’instaurer des procédures administratives spécifiques.
L’avis est également défavorable.
L’amendement n° 31 rectifié a pour objet de prévoir que, en cas de contestation de la mesure d’interdiction administrative de stade devant le tribunal administratif, celui-ci se prononce dans un délai de quatre mois, la personne ayant fait l’objet de la mesure devant saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois.
Il n’est pas justifié d’instaurer des voies de recours spécifiques en matière d’interdiction administrative de stade : je rappelle, encore une fois, que ces mesures ne concernent actuellement qu’environ 170 personnes sur tout le territoire.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Il en est de même, pour les mêmes motifs, en ce qui concerne l’amendement n° 43 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Le Gouvernement reprend intégralement à son compte l’avis de Mme la rapporteur, exception faite de celui qu’elle a émis sur l’amendement n° 49.
Je prendrai le même argument, celui d’une décision administrative, qui est encore plus fort dans la mesure où l’on est dans le cadre des libertés publiques.
Dès lors que vous avez décidé, à l’instar des députés, d’alourdir les sanctions, s’agissant de l’interdiction administrative de stade, il convient de prévoir une contrepartie afin de rétablir l’équilibre du texte en faisant mention des libertés publiques et de ce principe essentiel du droit qu’est celui du contradictoire.
Vous avez argué, madame la rapporteur, que ce principe était déjà posé dans l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, sauf pour les cas d’urgence, lesquels cas d’urgence n’étaient pas prévus dans l’amendement n° 49. Or M. Marie a rédigé cet amendement en l’adaptant au sport, et il se trouve qu’il n’y a pas de match tous les jours.
Le dispositif proposé laisse donc le temps au préfet de prendre ses dispositions en vue de respecter le principe de contradictoire. Je considère, en outre, que les préfets ne seront pas choqués par ce texte, car il correspond aux instructions qu’ils ont reçues du ministre.
Pour établir un bon équilibre du texte et un climat de confiance avec les supporters, le fait que ce texte, qui n’était qu’une instruction, soit inscrit dans la loi lui donne de la force et de la puissance.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements nos 7, 30 rectifié, 42 rectifié bis, 64 rectifié bis, 65 rectifié bis, 31 rectifié, 43 rectifié, et favorable sur l’amendement n° 49.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le Sénat doit prendre ses responsabilités : ou bien nous voulons réellement améliorer la lutte contre le hooliganisme, ou bien nous voulons renforcer les garanties qui existent actuellement.
Je suis partisan, pour ma part, de renforcer la lutte contre le hooliganisme en respectant les garanties républicaines figurant déjà dans la loi.
La loi de 1979 a posé un principe très simple : il doit y avoir une procédure contradictoire préalable, à laquelle on peut déroger en cas d’urgence.
En cas d’urgence, monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas toujours possible de mettre en place une procédure qui va durer une quinzaine de jours. Or l’amendement n° 49 prévoit que la personne susceptible d’être interdite de stade doit être prévenue dix jours à l’avance et avoir le temps, après consultation de son dossier, de préparer une réponse.
Des matchs de football se déroulent, certes pas tous les jours, mais parfois plusieurs fois par semaine. Si nous ne permettons pas qu’une personne qui s’est rendue fautive en provoquant des troubles dans un stade soit interdite de stade pendant quinze jours, nous n’aurons ni rempli notre rôle ni assumé nos responsabilités. Or la possibilité de déroger à la procédure contradictoire en cas d’urgence n’est nullement prévue dans l’amendement n° 49.
C’est dire que, si nous adoptions cet amendement, nous serions certains, au lieu d’améliorer la lutte contre le hooliganisme, de renforcer son inefficacité. C’est pour nous une véritable épreuve de vérité !
Dès lors que la procédure contradictoire existe, qu’elle est définie par la loi et qu’une dérogation est prévue en cas d’urgence, je considère que nous ne pouvons pas adopter un amendement qui ne prévoit pas ces cas d’urgence. C’est une très lourde responsabilité, que je vous invite, mes chers collègues, à ne pas prendre.
M. le secrétaire d’État nous a invités à entrer dans les détails ; je reproche précisément aux auteurs de l’amendement de ne pas le faire !
Nous sommes d’accord sur le fond : la procédure contradictoire doit être appliquée ; elle existe d’ailleurs déjà. Mais nous devons avoir la possibilité d’y déroger lorsqu’un individu s’est mal conduit, afin d’éviter qu’il ne se comporte à nouveau très mal, et en groupe, la semaine suivante ou trois jours après.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote sur l’amendement n° 49.
M. Jean-Jacques Lozach. Je soutiens l’amendement n° 49 et je suis heureux de constater que ma position rejoint celle de M. le secrétaire d’État.
On se situe, avec cet amendement, dans le cadre des interdictions administratives, lesquelles sont du ressort du préfet, et non dans celui des interdictions judiciaires, qui, elles, relèvent du juge. Pour raisonner en termes de gradation, il s’agit donc du premier degré de la gravité du comportement.
Au travers du principe du contradictoire, qui nous paraît tout à fait justifié, nous souhaitons appliquer un principe de précaution. Je dirais même que le débat contradictoire peut contribuer à une politique de prévention face aux actes de violence et d’incivilité. En effet, l’individu qui aura fait l’objet d’une procédure contradictoire aboutissant à la non-inscription sur le fichier des interdits de stade saura qu’il est repéré par l’autorité publique et qu’il a tout intérêt à changer d’attitude au cours des matchs suivants.
N’oublions pas que ce n’est pas rien, pour un jeune de vingt ou vingt-cinq ans passionné de football, d’être privé de l’objet de sa passion pendant six mois ou un an !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mon groupe votera cet amendement pour plusieurs raisons.
Sans entrer dans les polémiques ni revenir sur les débats que nous avons eus à l’occasion de précédents textes, je tiens à rappeler que nous avons toujours défendu le principe d’une procédure contradictoire. Nous sommes favorables à ce principe, car il est nécessaire et indispensable, y compris au respect des droits de chacune et de chacun.
Je constate malheureusement que la majorité sénatoriale nous propose, une fois de plus, comme elle l’a déjà fait précédemment sous l’impulsion initiale du Gouvernement, de rogner, au nom de l’urgence, un peu plus les libertés individuelles fondamentales de chacun. L’urgence est devenue l’argument permettant de réduire davantage ces droits.
Ce texte, je le redis, fait débat et inquiète. Il laisse place aussi, chez les supporters, à une part d’« imaginaire » et d’inquiétude. Si ces craintes ne sont pas justifiées, autant le préciser ; cela rassurera et permettra de jeter les bases d’un dialogue plus constructif pour les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Si M. le président de la commission des lois le permet, je reprendrai à mon compte sa formulation : le Sénat doit prendre ses responsabilités. Il est justement dans sa tradition d’être le garant des libertés publiques.
Peu de décisions d’interdiction de stade sont prises aujourd’hui dans l’urgence, et ce même si le calendrier des compétitions de football est très resserré, ce qui n’est pas le cas dans les autres disciplines sportives. Je rappelle, d’ailleurs, que la proposition de loi concerne l’ensemble des disciplines.
Il n’en reste pas moins qu’il y a des délais entre les compétitions. Il est donc tout à fait possible pour l’administration d’organiser la procédure contradictoire afin que la personne concernée puisse être entendue.
Madame la présidente, afin de rassurer le président de la commission des lois et de répondre à l’interrogation de Mme la rapporteur, je souhaite rectifier mon amendement, pour le rédiger ainsi : « Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police informent la personne concernée de la mesure qu’ils envisagent de prendre à son encontre, sauf en cas d’urgence, des faits en cause et de la base légale de la décision. » Le reste serait sans changement.
Cette rédaction permettrait de cadrer le dispositif, de nous conformer aux attentes de M. le président de la commission des lois et, ainsi, de jouer pleinement notre rôle de garant des libertés publiques.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées :
« Le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police informent la personne concernée de la mesure qu’ils envisagent de prendre à son encontre, sauf en cas d'urgence, des faits en cause et de la base légale de la décision. Ils la mettent en mesure de leur présenter ses observations écrites, et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales, dans un délai de dix jours, par lettre recommandée avec avis de réception. La décision finale ne peut intervenir qu’après réception des observations de la personne dans le délai imparti ou, le cas échéant, à l’expiration de ce délai. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. L’avis défavorable portait non pas uniquement sur le point soulevé par M. Marie, mais principalement sur le fait que cette disposition était redondante. Le principe du contradictoire existe déjà, il est codifié. Pourquoi faire une loi bavarde ?
Je maintiens l’avis défavorable de la commission sur cet amendement rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Dans sa sagesse, le Sénat prend ses responsabilités. Pour sa part, le Gouvernement considère que cet amendement rectifié répond à une volonté d’équilibre et de consensus.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le deuxième alinéa de l’article L. 332-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’arrêté est pris dans un délai de deux mois à compter de la constatation des faits. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement prévoit que l’autorité administrative a deux mois pour prendre une interdiction administrative à compter de la constatation des faits.
D’une part, il s’agit d’une mesure de police administrative d’urgence : elle doit donc être prise rapidement pour être efficace.
Par ailleurs, il s’agit d’éviter, comme on a pu parfois le voir, qu’une mesure d’interdiction administrative de stade n’intervienne cinq ou six mois après les faits reprochés, si le parquet refuse de poursuivre le supporter ou si le tribunal l’a relaxé.
Je le répète, une interdiction administrative de stade est une mesure préventive, utilisée en urgence pour écarter un supporter qui se serait rendu coupable de délits propres aux manifestations sportives. Elle ne doit pas avoir vocation, en tant qu’elle n’offre pas les garanties du contradictoire et d’un procès équitable, à devenir une sanction.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Madame Jouve, je reprends votre argumentaire : l’interdiction administrative a une vocation préventive, et non punitive. Il n’est pas cohérent de proposer un tel délai de deux mois à compter de la constatation des faits au regard des nécessités d’étayer la mesure. Cette disposition serait, à mon sens, excessivement rigide. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je reprends les propos de Mme la rapporteur, en les inversant : c’est parce qu’il s’agit de mesures administratives d’urgence que je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre plusieurs mois avant de les prendre.
Un délai de deux mois après la constatation des faits est raisonnable pour que la sanction soit prise ; elle ne doit pas l’être au-delà.
Fixer un délai, madame la rapporteur, m’apparaît d’une logique implacable, dans un esprit de respect des droits et de libertés publiques.
L’avis du Gouvernement est donc très favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Bertrand, Collin, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 332-16 du code du sport est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Au quatrième alinéa, les mots : « l’un ou à l’autre des arrêtés pris en application des alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « l’arrêté pris en application du deuxième alinéa. »
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Vous allez croire que je suis obsédée par les interdictions administratives de stade (Sourires.), mais, comme l’a dit Mme la rapporteur dans son très bon rapport, cette mesure peut être vraiment invalidante pour les supporters qui en font l’objet. Je pense notamment à l’obligation de pointage au commissariat qui intervient, rappelons-le, tous les week-ends.
Aussi, cet amendement prévoit de supprimer l’obligation de pointage pour les interdictions administratives de stade seulement, mais de la conserver pour les interdictions judiciaires de stade, lorsque le juge peut à la fois apprécier la gravité des faits et la situation familiale ou professionnelle du supporter pour décider de l’opportunité d’assortir l’interdiction de stade d’une obligation de pointage.
Alors qu’un nombre non négligeable d’interdictions administratives de stade sont annulées par le tribunal administratif un ou deux ans après, celles-ci ont tout de même produit leurs effets et porté atteinte à la vie privée et professionnelle des supporters. Il convient donc de supprimer une mesure très attentatoire aux libertés dès lors qu’elle n’est pas prise dans le cadre d’un procès.
Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par MM. Marie, Lozach, D. Bailly, Guillaume, Vincent, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le troisième alinéa de l’article L. 332-16 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Je défendrai exactement la même position que ma collègue Mme Jouve : les obligations de pointage qui accompagnent de manière quasi automatique les décisions d’interdiction de stade soulèvent effectivement de très nombreuses questions.
Il s’agit, tout d’abord, d’un dispositif lourd et contraignant. Mme la rapporteur relève dans son rapport que ces convocations au commissariat peuvent atteindre jusqu’à une soixantaine de matchs en une saison pour les clubs qui sont engagés sur plusieurs fronts, à la fois dans le championnat national, les coupes et les compétitions internationales. Un supporter interdit de stade doit ainsi aller pointer au commissariat 60 fois dans l’année, c’est-à-dire plus d’une fois par semaine !
Les supporters du club de Saint-Étienne nous ont expliqué que, dans cette ville, il n’y avait que deux commissariats : l’un qui se trouve dans l’enceinte du stade et dans lequel ils ne peuvent bien évidemment pas aller, et le commissariat central. Ce commissariat exigeait qu’ils viennent pointer à la mi-temps, c’est-à-dire tous en un quart d’heure ! Imaginez les contraintes que cela peut représenter à la fois sur le plan professionnel, pour des personnes qui travaillent de nuit ou le week-end, et sur le plan familial, sans même parler de la situation de celles et ceux qui souhaiteraient partir en vacances ou se déplacer, et qui se trouveraient contraints de rentrer à toute vitesse pour pointer au commissariat !
En outre, comme nous l’avons déjà signalé, les deux tiers des recours contre les interdictions de stade conduisent à une annulation de l’arrêté contesté. Néanmoins, les obligations de pointage ne sont pas suspendues en cas de recours ; les délais de jugement étant particulièrement longs, même si la personne est non coupable, elle est contrainte d’aller pointer jusqu’à l’expiration de sa sanction.
Enfin, l’article L. 332-16 du code du sport ne prévoit aucun critère permettant d’adapter l’obligation de se présenter, qui est laissée au seul arbitrage du préfet.
Notre amendement a donc pour but d’éviter des obligations disproportionnées au regard du comportement reproché à la personne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Troendlé, rapporteur. Ces deux amendements ont pour objet de supprimer l’obligation de pointage pour les personnes qui font l’objet d’une interdiction administrative de stade. Cette obligation est certes lourde et contraignante, je le reconnais bien volontiers, et j’estime qu’elle devrait être utilisée de manière particulièrement prudente, mais elle n’est pas systématiquement imposée, comme le précise l’article L. 332-16 du code du sport. Elle peut être tout à fait nécessaire dans certains cas pour vérifier que la personne respecte bien la mesure d’interdiction de stade.
L’avis est donc défavorable.